Nous nous retrouvâmes donc à neuf dans la petite auberge : le détective Gallant, Henry Acampora, sa fille Isabella, Slavomir Beran, les frères Dorian et Eden D’Asande, le corps de Bent Larsen, le policier à l’étage, et moi-même.
Le silence se fit soudain pesant.
A mon étonnement, personne n’osa défier le présence de ce détective sorti de nul part. Tout le monde semblait être sur ses gardes.
Gallant se tourna vers moi, tout sourire aux lèvres.
- Monsieur ?...
- Laon. Thomas Laon.
- Êtes-vous anglais, monsieur ?
- Tout à fait. Est-ce mon accent qui m’a trahi ?
- Une intuition, monsieur, voilà tout... Pourrions-nous aller converser dans le jardin un instant, je vous prie, monsieur ?
- Bien entendu.
Je me relevai, rendis la couverture à Isabella qui coula vers moi un regard inquiet, puis suivis Gallant à l’extérieur de l’auberge.
Gallant plongea ses mains dans les poches de son pantalon, la tête levée vers le ciel dégagé, humant l’air à plein poumons.
- Quelle magnifique journée, monsieur, vous ne trouvez pas ?
- Euh... oui, répondis-je, mal à l’aise. Magnifique, bien que funeste.
- Oui, c’est évident... Mais, dîtes-moi, monsieur, pourquoi avoir appuyé ma demande auprès de l’inspecteur ?
- Je suis ici depuis seulement deux semaines, mais Bent Larsen et moi nous sommes liés d’une amitié profonde. Je le respectai énormément en tant qu’homme et en tant qu’artiste. C’est pourquoi je souhaite que la lumière soit faite sur cette affaire, et éloigner tout soupçon.
- Quel genre d’homme était-il, ce monsieur Larsen ?
- Discret et plutôt timide aux premiers abords. Mais il avait un cœur en or et, une fois qu’il s’était ouvert à vous, il était d’une générosité à toute épreuve.
- Il était peintre, c’est cela ?
- Tout à fait. Dîtes-moi, comment avez-vous su, pour sa mort ?
- Je l’ai déjà dis, monsieur, je possède une source fiable. Est-ce que monsieur Larsen parvenait à vivre de sa passion ?
Sentant soudain l’air étouffant, je desserrai ma cravate.
- Non, pas vraiment, dis-je. Il avait du mal à vendre ses toiles. Il était dans une situation très précaire.
- Comment faisait-il pour payer l’auberge ?
- C’est son frère qui lui envoyait une somme rondelette chaque mois. Cela lui permettait de payer non seulement le loyer, mais également ses outils de travail.
- Quelle générosité de sa part.
- Oui, il m’a tout l’air d’être un homme généreux.
- D’où venez-vous, exactement, monsieur Laon ?
- De Londres, dans le quartier de Chelsea. Mais... cessez de me donnez du “monsieur”, je vous prie. Je ne pense pas que vous soyez bien plus âgé que moi.
- Peut-être bien, répliqua Gallant, visiblement amusé. Je vais essayer, mais je ne vous promet rien. Pourquoi être venu jusqu’ici ?
- Pour... me ressourcer. Changer d’air.
- Aussi loin de chez vous ? S’étonna le détective. Vous auriez pu descendre sur Paris, ou bien rester dans le nord. Pourquoi s’ancrer aussi profondément dans la campagne du sud ?
- Je ne sais pas. J’ai vu le nom de cette bourgade sur une carte, et j’ai décidai d’en faire mon prochain voyage.
- Je vois... Que faites-vous, dans la vie ?
- Rien, pour le moment, avouai-je. Mon père possède une grande fortune, et il m’offre suffisamment pour ne pas avoir à penser au travail.
- Tout cela sans attendre de contre-partie ? Il ne vous demande rien en échange ?
- Qu’est-ce que cela a à voir avec l’enquête ? Demandai-je en rougissant.
- Cela a tout à voir avec l’enquête, répondit-il, son sourire s’évanouissant subitement. Répondez-moi, s’il vous plaît.
- Eh bien... Il veut que... que je me trouve une fiancée, voilà tout. Il m’a laissé un an pour y parvenir, sans quoi...
- Il vous coupera les vivres ?
- Oui...
- Très bien. Dîtes-moi, quand avez-vous vu Bent Larsen pour la dernière fois ?
- Je l’ai vu une première fois aux alentours de midi. C’était peu après le déjeuner. Il est sorti, une toile vierge sous le bras, pour peindre un paysage qu’il avait découvert.
- Il vous a dit où, exactement ?
- Non, je l’ignore.
- Comment était-il ? Paraissait-il troublé, inquiet ?
- Non, pas le moins du monde. Il avait l’air aussi concentré que d’habitude, lorsqu’il s’apprête à peindre.
- Quand est-il rentré ?
- Vers 16 heures, il me semble. Je l’ai simplement entraperçu gravir les escaliers, sa large toile toujours sous le bras. Son pas était lourd, mais j’ai supposé qu’il était fatigué. Alors qu’en fait, il...
Ma voix se brisa.
- Bien, reprit Gallant d’une voix conciliante. Que pouvez-vous me dire au sujet des autres occupants de l’auberge ?
- Que souhaitez-vous savoir en particulier ?
- Tout ce qui vous traverse l’esprit.
Je mis quelques secondes pour réfléchir aux détails les plus essentiels que je pourrai lui fournir, tandis que lui me fixait de ses yeux sombres, un sourire illuminant à nouveau son visage.
- Monsieur Acampora est un homme honnête et généreux, commençai-je. Il y a une bohémienne, Hazel Ludena, qui passe toujours en début d’après-midi. Monsieur Acampora lui offre le café sans lui faire payer. Il est aussi très protecteur envers sa fille. Il l’aime beaucoup.
- Sa fille, comment est-elle ?
- Douce et aimante. Elle est toujours aux petits soins de tout le monde. Elle a le cœur sur la main, comme son père.
- A-t-elle un amant, un fiancé ?
- Non, pas que je sache.
- Je vois. Et les autres ? Qu’en est-il d’eux ?
- Il y a Slavomir Beran, un peintre tchèque. Il est assez renfermé et ne parle pas beaucoup. Je sais simplement qu’il ne parvient pas à vendre ses toiles. Larsen avait déjà un peu plus de succès que lui.
- Et les deux jeunes hommes ?
- Les frères D’Asande. Dorian, l’aîné, est une tête brûlée qui court après toutes les filles du village. Eden, son jeune frère, est plus sage, toujours jovial, mais il est aussi très timide. C’en est presque maladif. Les deux sont orphelins. Dorian a trouvé un petit boulot dans un café, juste assez de quoi leur offrir le gîte à l’auberge.
- Hmmm, très intéressant, conclut Gallant d’un air pensif.
- Est-ce que... Enfin, pensez-vous vraiment que le meurtrier se cache sous ce toit ?
Gallant haussa les sourcils, visiblement étonné de ma bêtise.
- Bien évidemment ! Quel bandit irait tirer sur un homme en train de peindre ? Un peintre, ça ne possède pas d’argent. Par pure folie, alors ? Soit, mais ça n’explique pas la présence du pistolet sous le lit. Non, je suis persuadé que monsieur Bent Larsen connaissait son agresseur. Vous savez, dans la grande majorité des affaires criminelles, le coupable fait parti du cercle rapproché de la victime.
- Mais c’est tellement dur d’accepter cette possibilité !
- Oui, je ne peux qu’imaginer l’incompréhension qui vous tiraille. Mais nous devons rester concentrés pour comprendre ce qui est arrivé. Dîtes-moi, avez-vous eu l’occasion de bien observer la mansarde dans laquelle vous avez retrouvé monsieur Larsen ?
- Eh bien, pas vraiment. J'étais sous le choc, vous voyez, alors je n’ai pas vraiment fait attention au reste. Je me souviens juste d’une multitude de tableaux.
- Que diriez-vous d’y retourner avec moi ? Vous pourriez peut-être m’éclaircir sur certains points.
- Je... je ne sais pas si... j’en serai capable.
- Allons, monsieur le dandy, n’ayez crainte ! Suivez-moi, tout se passera bien !
Ce sobriquet me fit rougir de plus belle, et je me décidai à le suivre.
Ton histoire prends de l’ampleur ici! J’aime bien le background du personnage, cette recherche de fiancée (ma petite sœur qui a lu par dessus mon épaule a dit qu’il allait à tous les coups finir avec la fille Acampora😂)
Le duo fonctionne plutôt bien, avec cet inspecteur sûr de lui mais quand même un peu dans la lune et Laon qui rebondissent bien entre eux.
Un petit détail… Je sais que ça peut être tentant d’abuser des points de suspension dans un dialogue… Pour renforcer l’effet d’incertitude… Mais ça peut vite devenir caricatural ou lassant…
Blague à part, perso je dois me retenir de pas en mettre partout sinon j’en ai à chaque coin de phrase. Parfois un point sec peut aussi remplir cette fonction de « on est embêté alors on se donne une contenance » La suspension c’est génial comme outil mais faut passer les bosses😉
On se retrouve (si.c’est toujours OK et que j’apporte a minima un petit quelque chose…) dans le prochain chapitre!
Timothée
Ah ah ça me démange de te dire si ta soeur a raison !😉
J'ai relu vite fait et je comprends ce que tu veux dire pour les points de suspens 😅 Je vais corriger pour en mettre un peu moins, parce qu'en plus j'ai l'impression que ça ralentit inutilement lecture...
Bien sûr qu'on se retrouve au prochain épisode ! Ce moment de stress où j'espère que tu apprécieras autant la suite😆
Je suis contente que la suite te plaise, et que tu te sois attachée au duo ! 😁
une petite erreur : il n'y a pas d'accent circonflexe sur Dites à l'impératif
Sinon, ton dialogue est plutôt bien mené et ton détective assez intrigant avec ses sources.
Merci pour la remarque, je vais corriger ça ! ^^
2 petites coquilles je pense :
-nul part -> nulle part plutôt je crois
- j’ai décidai -> j’ai décidé
Voilà, impatiente de lire la suite !
je pense que : "rendait la couverture à Isabella qui coula vers moi", pourrait se dire : "rendis" au passé simple.
Au prochain chapitre!
Merci pour la coquille, j'ai corrigé ! A bientôt pour la suite ! :-)