L’eau froide prenait Kaeldra à la gorge, semblait rentrer dans ses bronches et engourdir jusqu’à son esprit, de plus en plus loin de la lumière du jour qui disparaissait entre les corps jonchant la surface. Étendant ses mains vers les minces filaments argentés qui parvenaient encore à ses yeux, elle se rendit vaguement compte que le courant l’emportait à la dérive, probablement vers le Nord où elle finirait ses jours dans l’Océan : telle fut sa dernière pensée avant que les ténèbres ne se referment cruellement sur elle. Un choc contre la berge la fit hoqueter, et la jeune fille avala une grande gorgée d’eau sale qui raidit tout ses membres ; alors ses mains se refermèrent faiblement autour des roseaux encore à sa portée sur la terre ferme, ses ongles se plantèrent dans la boue grasse des abords du fleuve. Le dernier souffle de vie que les dieux avaient consenti à lui laisser se révolta. Aveuglée par les bulles noires de ses appels à l’aide, Kaeldra remonta à la surface. Ses genoux se traînaient lamentablement sur la pente submergée qui se trouvait à déjà des centaines de mètres de sa mère. La fatigue, la faim, l’eau insidieuse dans tout son corps firent s’écrouler l’adolescente dans les roseaux à demi arrachés par sa main. Elle se réveilla en convulsions, peut-être des heures plus tard.
La pauvre enfant cracha du fond de sa cage thoracique l’eau malade qui l’avait couverte d’un linceul prématuré, se releva lentement pour comprendre qu’elle était seule. Le convoi passait loin de là, on en entendait à peine le grondement au-dessus des champs délabrés. Aucune âme ne semblait plus accompagner cette miraculée qui ignorait comment revenir à la route pour reprendre sa fuite. Le poids de sa solitude ne lui pesa pas immédiatement, tant elle était sonnée de son séjour au pays des morts, et elle s’éloigna du fleuve d’un pas hébété. Lorsqu’elle eut repris ses esprits, le crépuscule tombait déjà, et après avoir couru de longues heures en pleurant sa mère disparue, son frère qu’elle ne reverrait plus et son père qui l’avait abandonnée, elle se retrouva presque au pied des Vangûls.
La monstruosité des Plateaux de Rinhavjas qui s’élevaient là se dressa devant elle, écrasant de leur puissance et de leur masse tout le reste du monde, cachant la moitié du ciel et de ses étoiles derrière ses colossales ailes de pierre. Kaeldra ne les avait jamais vus, pas même dans les dessins de voyages de la communauté, aussi resta-t-elle bouche-bée devant la majesté des courbes que les montagnes formaient à cet endroit. Il eut été facile de croire que, là, se découpait dans le flan de la roche une cité mythique et millénaire, sa grande porte entourée de colonnes immense ne s’ouvrant aux mortels que sous la lune bénie d’Opostreph ; c’était certes là la demeure des dieux.
Il n’était plus temps de pleurer, alors que le salut attendait là.
Ayant passé la nuit à imaginer et rêver cette cité merveilleuse cachée dans les entrailles des Vangûls, ses mille trésors aux vertus infinies, les statues de bêtes gigantesques et disparues qui ornaient sa façade brune ou les créatures enchanteresses qui la peuplaient, la miraculée s’était trop peu reposée et n’avait plus en tête que l’idée d’atteindre ce monde superbe pour y achever son voyage. Elle marcha longtemps, passant outre la faim et le vent qui s’intensifiait à mesure qu’elle s’approchait des montagnes, pour atteindre enfin les premières pierres sur lesquelles elle se déchira maintes fois les mains. Elle avait d’abord arraché un à un les pans de sa robe pour en protéger ses paumes à vif, et lorsqu’ils furent tous en lambeaux, imbibés de sang et de crasse, elle cassa son grand chapeau rond et plat qui donnait habituellement à Tarissin cet air d’une vallée peuplée de grandes fleurs dorées. La paille finit par tomber aussi en poussière, et l’aventureuse n’eut plus d’autre choix que d’enfoncer les arrêtes coupantes de la roche dans ses doigts tremblants.
Kaeldra se perdait. La nuit, ou peut-être le jour, l’enrobait comme un cocon étouffant de brouillard, bouchait sa vue, la faisait trébucher sur les pierres toujours plus abruptes et toujours plus coupantes. Ses genoux, ses bras étaient blessés de toutes parts, un air salé s’immisçait dans ses plaies, et la faim ne cessait plus d’écraser sa poitrine. Son esprit fuyait dans le désert, confronté à la solitude terrible. Le corps ne tenait presque plus debout, ensanglanté et affaibli, sous le joug du monde vicié tout autour. La roche avait changé, la jeune fille s’éloignait toujours plus des Plateaux et s’enfonçait plus loin dans ces montagnes labyrinthiques. Elle s’était perdue.
Sa lente dérive prit encore toute une journée, pendant laquelle elle ne se nourrit que du bien trop maigre pain qui lui restait encore et d’herbes sèches, traversa une grande partie de cette zone terrible où les pics s’élevaient de la roche tels les crocs acérés des Vangûls dévorant les malheureux voyageurs qui osaient s’y aventurer, et de loin ses yeux s’accrochèrent à la forme indistincte d’une ville, entourée de hautes murailles et dominant les montagnes. C’était peut-être les ruines de Talma, la cité légendaire des pionniers bâtisseurs du premier âge, et trouver refuge dans un tel endroit eut été un honneur indicible pour une serf de la vallée de Tarissin. Plus elle s’en approchait, mieux elle distinguait la silhouette des hauts dômes et des tours crénelées dont on lui avait tant fait les contes, elle se sentait comme touchée par la grâce de Gdalain devant ce spectacle grandiose.
Après une pénible et longue marche dans le désert où poussaient sans relâche les colonnes de grès hérissée par le vent salé, souffle des mirages, Kaeldra se retrouva enfin devant les portes majestueuses de la ville. Fermées comme au temps des conquêtes du grand Est, elles jetaient le sublime de leurs battants de pierre brune qui se reflétait sur toutes les montagnes alentours. La jeune fille fit courir ses doigts meurtris sur les hauts piliers blancs et brillants qui encadraient les portes, arrachés des lointaines carrières des Monts d’Oreth, autour desquels s’alanguissaient en superbes serpents des veines dorées à l’éclat plus pur que les plus jeunes aëlohyss qui perçaient la neige au printemps. Et pendant qu’elle s’extasiait sur la beauté de cette cité qui avait traversé tout le premier âge et le deuxième, bâtie par les colons venus de l’Ouest à la genèse d’Adynehil, à même la roche intransigeante du grand pic, un crépuscule trop sombre tomba sur l’adolescente affamée, qui sentit tout juste son corps tomber lourdement sur les marches de Talma, à travers le monde flou tournant dans ses yeux.
Son réveil fut très violent. Le sommeil se déchirait pour la laisser vomir à ses pieds une nourriture qu’elle ne se souvenait même plus avoir avalée. Jusqu’à l’air autour d’elle tournait en une grande ronde infernale qui lui donnait d’atroces nausées. La clameur des bruits qui n’étaient pas l’assourdissant silence du désert ne lui parvint qu’au bout de quelques minutes, et il lui en fallu bien d’autres encore pour remarquer l’absence des marches pointues plantées dans son dos et du grand mur qui avait achevé sa route.
Se relevant sur ses poings encore douloureux, Kaeldra se croyait folle, ou probablement morte. Elle se trouvait au centre d’une pièce carrée aux murs d’argile beige, comme elle avait pu en voir sur les façades des maisons dans les dessins que sa mère lui avait faits de Mantetula, et excepté la paillasse sur laquelle elle était assise, l’endroit était propre. Le sol avait la consistance du bois épais et doux des forêts d’Adûn, grinçait faiblement sous ses ongles d’un bruit si mat qu’elle doutait qu’on puisse y entendre le moindre pas, émanait l’odeur de son essence pas encore asséchée par le vent, la pluie ou la marche. La jeune fille n’avait tout simplement jamais rien vu de semblable.
La tête recommençait à lui tourner par moments, cependant elle put rester immobile dans sa contemplation un long moment, jusqu’à entendre le vacarme métallique d’une chose qui venait vers elle. Perdue, la miraculée tenta de se relever complètement pour paraître présentable à ce qu’elle imaginait être le maître de ces lieux, mais ne parvint qu’à se hisser quelques ridicules secondes seulement sur ses genoux. Ce fut donc depuis le plus bas possible qu’elle vit entrer dans la pièce une femme impressionnante, revêtue entièrement d’un métal scintillant dont l’aspect fascina la paysanne ; à Tarissin en effet, on n’avait jamais vu de soldat, et donc encore moins d’armures. Ainsi cette femme sembla un ange à la pauvre fille qui se croyait déjà de l’autre côté du monde.
La femme fit une moue de dégoût en entrant dans la pièce, constatant toute la saleté accumulée par la créature qui gisait là. Elle s’assura de son réveil, et lui intima de se relever en lui tendant sa grande main gantée. La fille ne réagit pas, regardant cette interlocutrice singulière de ses yeux ronds. Cette ange lui parlait une langue étrangère, qu’elle mit plusieurs instants à comprendre. Certes, Kaeldra avait appris le rivéen, mais elle n’en avait que quelques rudiments et l’état de léthargie de son cerveau ne lui permettait pas de retrouver ces souvenirs lointains suffisamment vite. Elle s’accrocha de toutes les maigres forces qui lui restaient à la poigne de cette femme colossale et miroitante, et se laissa traîner le long de couloirs et salles auxquels son esprit trop absorbé par l’idée de poser avec succès un pied devant l’autre ne fit pas attention le moins du monde. On la plongea soudainement dans une grande bassine d’eau jusqu’aux épaules, par surprise elle y tomba totalement.
Dans l’eau claire, la crasse déposée sur son corps se détachait lentement sous ses doigts, le sel qui ridait son visage semblait fondre et ses vêtements flottaient calmement, laissant dans leur sillage d’immondes traînée noires. Des mains de la jeune fille émanait un filet de sang séché, il naissait sous les bandages de fortune qui battaient à ses poignets et s’étirait jusqu’à la surface. L’eau ne tarda pas à se ternir et, effrayée par le souvenir du Talliar se refermant au-dessus d’elle , Kaeldra en sortit précipitamment sa tête. Elle se lava rapidement le visage et put enfin respirer correctement, voir correctement ce qui l’entourait.
Elle n’était certainement pas morte, et se crut donc ressuscitée par cette ange qu’elle avait aperçue comme dans un rêve. Se relevant faiblement, les mains crispées sur les rebords de la bassine, elle posa son regard sur la pièce qui ne lui sembla pas bien différente de la précédente, et toujours aussi extraordinaire.
Dans son dos le grincement du métal indiquait que la femme en armure se remettait debout, et marcha lentement jusqu’à se positionner juste en face de son invitée ; lorsqu’elle fut sûre que l’adolescente avait repris ses esprits, elle lui demanda dans le rivéen le plus simple et le plus lent :
« Comment t’appelles-tu ?
— Kaeldra Varald, répondit, hésitante, la pauvre enfant.
— Où vit-tu ?
— La vallée de Tarissin, sous le seigneur Lhagin. Où est-ce qu’on est maintenant ?
— Tu es à Talma, nous t’avons trouvée devant les portes. »
Kaeldra n’écouta pas la suite du discours, ouvrant ses yeux toujours plus grands à l’évocation de ce nom qu’elle avait si souvent fantasmé au pied du Rocher Brun, le nom de cette ville légendaire qu’elle avait vue de ses yeux et foulée de ses pieds désormais. Ainsi la Talma du premier âge n’avait en réalité pas été abandonnée, et avait sauvé sa misérable vie : c’était bien plus qu’elle ou quiconque aurait pu l’espérer ou même l’imaginer, et l’hôtesse devant elle lui parlait bien rivéen plutôt qu’une langue ancienne et étrange comme elle s’y serait attendue.
La jeune fille fut tirée de sa rêverie par un ordre lancé par la femme en direction de la porte, qui retourna ensuite à elle pour la faire sortir de la bassine dont l’eau était à présent croupie et puante.
Son manteau et sa jupe, qui étaient dans un état pitoyable que l’on n’avait même jamais vu aux habits d’un lépreux, lui furent enlevés, alors la Tarissane se retrouva en jupon et chemise mouillés à grelotter de froid pendant les quelques minutes où elle attendait qu’on la revêtisse.
Ce fut une autre fille, tout juste plus jeune qu’elle, qui fit irruption dans la pièce et fit à l’ange un salut honoré en parlant d’une toute petite voix cette fameuse langue inconnue de Talma. Elle se dirigea ensuite vers Kaeldra, l’habilla d’une large robe épaisse en tissus coloré qu’elle ferma sur les flans, comme on fermait les beaux habits des bourgeois, et la maintint serrée par une ceinture à la taille ; la jeune inconnue prit également le soin d’attacher les longs cheveux noirs de cette étrangère qui ruisselaient encore sur le sol.
Kaeldra se sentit affublée à la manière d’un épouvantail, dans ces vêtements trop grands pour sa silhouette famélique, trop beaux pour sa classe misérable et trop éloignés de l’allure habituelle qu’avaient les gens de Tarissin. On lui donna ensuite de chiches quignons de pain, avec l’ordre de manger très doucement qu’elle appliqua à la lettre tant elle craignait de s’attirer un courroux qui l’obligerait à quitter cet endroit béni.
Elle suivit cependant son hôtesse les long des couloirs et salles de la forteresse qu’elle put enfin admirer pendant sa marche plus assurée. C’était une succession d’endroits dont les murs et les plafonds étaient tous propres et recouverts d’argiles pâles d’une beauté exotique à ses yeux, dont les parquets ne grondaient que du son mat des pas de ceux qui vivaient là, ornés parfois de meubles ou de tapisseries représentant les scène légendaires du premier âge et peut-être aussi du second, et les pièces auxquelles nulle fenêtre ne laissait entrevoir le jour aveuglant pouvaient être illuminées de quelques bougies.
On déboucha rapidement sur une salle plus grande, à laquelle menaient de grands escaliers de pierre grise polie que la jeune fille ne parvint pas à gravir sans l’aide du bras puissant de l’ange, dans laquelle un grand vitrail clair laissait refléter la lumière assommante du Soleil sur le sol ; cependant une grande partie de la douce lumière argentée qui inondait l’endroit provenait d’un arbre fin et immense, aux mille branches accrochant les colonnes et semblant soutenir même la haute voûte centrale. Il rayonnait d’une aura protectrice et apaisante.
Kaeldra tomba presque à genoux devant la majesté du trône dressé à contre-jour au pied de cet arbre fantastique, vision onirique qui avait inspiré les religions des âges anciens, mais la femme en armure la tenait trop fermement pour cela. Elle l’amena devant les trois marches de pierre qui soutenaient le trône du Seigneur, au centre des grands fauteuils de pierre placés en demi cercle en ce qui semblait former un conseil, puis s’agenouilla très bas ; la jeune fille en fit autant l’instant suivant.
Pendant que l’étrangère regardait tout autour d’elle pour constater que dans les fauteuils de pierre étaient assis des hommes en armure aussi étincelante que celle de sa salvatrice, cette dernière échangeait des mots dans leur langue étrange avec le Seigneur, qui reporta bien vite son attention et son regard vers la fille.
« Enfant de la vallée, lui dit-il pendant que la femme reculait respectueusement de quelques pas, te voici bien loin de chez toi. Soit bienvenue dans la maison d’Ildarifyël qui t’y a accueillie et sauvée. À présent, si tu le veux bien, raconte-nous ton histoire. »
Il avait dit ces derniers mots dans la langue de Tarissin, enchantant l’étrangère qui avait grand mal à comprendre tout-à-fait ses phrases compliquées dans la langue de l’Empire. Alors elle fit l’effort de narrer dans le rivéen le plus clair qu’elle connaissait et non dans son propre patois l’aventure improbable qu’elle venait de vivre sous la protection de Gdalain.
« Je suis partie de Tarissin avec ma famille, commença-t-elle doucement, et tous les autres. Ma mère est morte, alors j’ai jeté son corps dans le Talliar. Je suis tombée dans le Talliar, mais je ne suis pas morte. J’étais loin en aval. J’ai marché vers les Plateaux de Rinhavjas, je me suis perdue dans la montagne et j’ai trouvé Talma.
— Et pourquoi donc tout le monde aurait-il quitté la vallée ? s’enquit le seigneur. C’est pourtant un très bel endroit.
— Parce que l’Empereur l’a dit, à cause des soldats Skaâls. A cause de la guerre. »
Un frisson de crainte parcourut alors le conseil des chevaliers, et un silence froid s’installa dans la salle. L’Empire n’avait même pas pris la peine de prévenir ni d’aller chercher les centaines de combattants qui vivaient à Talma. Prenant le soin de s’exprimer en rivéen pour que l’étrangère puisse comprendre ce qui se disait, un vieil homme assis juste en face du seigneur prit la parole sur un ton grave :
« Monseigneur, le Roi insulaire Drashar Horasmorg est un grand patriote, très attaché à l’Histoire des îles, j’étais là lorsqu’il a renoué avec la dynastie des Vulduyn en l’invitant jusqu’à sa table de guerre ces dernières années ; alors s’il parvient à se faire maître de Tarissin il n’hésitera pas à venir assouvir ici la vengeance que son peuple attend depuis si longtemps. Et, soyons réalistes, le labyrinthe des Vangûls n’est rien face à une armée sachant précisément ce qu’elle recherche, d’ailleurs il fut résolu par une enfant.
— Certes, Deuynir, soupira le Seigneur, mais nous manquons probablement de temps pour fuir, et ils nous traquerons dans les montagnes. Jeune fille, depuis combien de temps as-tu commencé à partir de chez toi ?
— Je ne sais pas. Une semaine ou deux semaines.
— Alors il ne nous reste que quelques jours pour anticiper un siège, reprit Deuynir, et la nourriture vient déjà à manquer avec l’automne. Ce n’est pas une saison pour faire la guerre...
— Ne perdons pas de temps. Malos, va donc donner les ordres pour les fermetures des remparts, Redelwin t’accompagnera et partira avec une patrouille pour chercher des vivres à Ezinmart. »
Kaeldra avait toutes les peines du monde à comprendre ce qui se disait de parts et d’autres du conseil, bien que tous continuaient à parler rivéen, et se sentait vraiment mal à l’aise, poursuivie par l’idée entêtante qu’elle n’était pas à sa place au centre de cette pièce aux préoccupations graves et bien au-delà de sa compréhension. Elle surprit toutefois des brides de conversation évoquant les mythes du premier âge, les batailles historique qui le clôturèrent, affrontements terribles au cours desquels le massacre des troupe de tout Adynehil et plus particulièrement celles des îles avait été le lourd tribu de la déroute des maîtres-dragons.
Ces hommes, autrefois admirés pour leur courage, leur force et les créatures majestueuses qu’ils montaient, avaient avili la terre et les derniers d’entre eux se battaient sur la moindre montagne ; de leur sang on abreuva la roche du Sud des Vangûls, et le dernier fut abattu au sommet du pic qu’on baptisa alors Evin Allyön (le Mont Rouge) par le général Elmir de Rinhavjas qui avait donné son nom aux Plateaux les plus beaux de l’Est. La jeune fille eu bien tout le loisir de se remémorer ces histoires et leurs moindres détails, cependant elle ne trouva pas pourquoi les Skaals auraient encore une vengeance à assouvir dans les Vangûls, puisque les maîtres-dragons étaient morts et leurs bêtes disparues.
La conversation finit au bout de longues minutes par se calmer, après que plusieurs chevaliers furent sortis de la salle chargés d’ordres qui semblaient d’une grande importance. Le Seigneur et ceux qui étaient restés là se retournèrent rapidement vers Kaeldra, et continuèrent de lui poser des questions, notamment sur ses origines ; ils en conclurent finalement que la jeune fille n’avait rien d’une héroïne, et que cela ne pouvait être que par charité ou pitié qu’Ildarifyël lui avait accordé sa précieuse grâce. On lui demanda toutefois de montrer ses mains.
L’étrangère défit en grimaçant les bandages écrasés dans ses plaies, les faisant tomber à ses pieds devant l’horreur sanglante sous ses yeux. La douleur cuisante qui déchirait ses bras s’accentuait au contact de l’air, et dans le charnier qui avait retourné ses paumes encore plus que le reste ni le Seigneur ni la femme qui l’avait portée (et qu’elle avait entendue appeler par le nom de Vaalrièn) ne purent apercevoir autre chose que le sang et le pus brillants.
Alors que les nausées lui revenaient, l’adolescente leva la tête pour se dégager de l’odeur du sang séché, et elle aperçut les petites feuilles bruissantes de l’arbre s’auréoler d’une tendre lumière rouge, à moins que ce ne fut déjà le cas sans qu’elle s’en soit rendue compte, qui semblait un souffle chaud atteignant jusqu’à l’intérieur de sa chair. Loin de refermer ses blessures, ce souffle provenait de petits points de lumière sur les dos de ses mains, à peine perceptibles entre les fibres de muscle, qui ressemblaient à des étoiles ; lorsque la lumière baissa lentement, on put alors distinguer en y prêtant attention de minuscules cristaux rouges incrustés entre ses veines écorchées, que l’on avait immanquablement négligés au premier regard.
Tous les chevaliers s’exclamèrent avec surprise. C’était là sembla-t-il bien l’image qu’ils recherchaient, et le Seigneur, déjà debout sur les marches, ainsi qu’à sa suite tous les chevaliers qui s’étaient relevés pour tenter de chercher ces signes s’agenouillèrent face à l’arbre. Dans plusieurs langues, les mots « Grâce et protection » tournèrent le long des murmures de tous, s’envolant vers la voûte cachée sous les branches. Kaeldra s’agenouilla de même, et oubliant sa souffrance un instant trouva la réponse à sa question silencieuse, qui devait rythmer le reste de son histoire.
« Alors c’est donc toi, Ildarifyël... »
Joli chapitre, avec de belles descriptions.
Je trouve néanmoins que les phrases sont parfois longues et un peu trop chargées. J'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois pour comprendre le sens de certaines phrases.
A l'image de celle-ci dont je n'ai pas saisi le sens :
"Le convoi passait loin de là, on en entendait à peine le grondement au-dessus des champs délabrés, tout à fait aucune âme ne semblait plus l’accompagner et elle ignorait comment revenir à la route pour reprendre sa fuite"
En tous cas, ton vocabulaire est impeccable, et les mots sont vraiment bien choisis, c'est très agréable à lire.
¨Par contre, j'ai eu un peu de mal à faire le lien entre le premier chapitre et le deuxième.
J'avais bien compris que Kaeldra chutait dans le fleuve, mais je ne savais pas trop ce qu'il se passait ensuite, surtout que son frère ne semblait pas avoir de réaction. C'est en lisant ce chapitre que j'ai compris qu'elle avait bien été emportée.
Aurais-tu une carte de ton monde? Vu la complexité de ce que tu développes, ça me semblerait un bon point d'appui.
Voilà pour l'instant, au plaisir de lire la suite!
Pour la carte, j'en ai une mais il ne me semble pas que l'on puisse intégrer d'images sur PA... Après je peux toujours mettre un lien j'imagine, mais c'est quand moins efficace. Mais je vais déjà la mettre au propre, et je réfléchirai après à comment l'intégrer au récit.
En tous cas merci pour tes retours, c'est toujours utile ^^
l'histoire est très intéressante, après je trouve qu'elle est parfois un peu longue à se mettre en place : par exemple la description de son aventure dans les marais était assez pénible. Les dialogues mettent longtemps à arriver mais quand ils sont là, on réussit à mieux visualiser les enjeux de l'histoire et puis ça fait du bien car ça aère un peu XD
Je vais reprendre la partie dans le fleuve, c'est vrai que c'est le chapitre que j'ai le moins retouché ces dernières années alors certains passages font encore un peu tache
Merci en tous cas pour les retours
"Elle surpris toutefois" -> surprit
Dans le second paragraphe, je te suggérerais de remplacer « cage thoracique » par « poitrine ». Je trouve que ça rend la phrase plus jolie.
Au troisième paragraphe, dans la phrase : « Elle marcha longtemps... » j'ai relevé une petite faute d'inattention : ...qu'elle s'approcher... > s'approchait
Et dans la seconde partie dans le 17ème paragraphe, il manque un « s » à « troupes ».
Voilà, c'est tout ce que j'ai remarqué, concernant les petites fautes d'inattention !
Sinon, j'ai fort apprécié ce premier chapitre et tu n'es pas tendre avec la pauvre Kaeldra ! J'ai cru qu'elle allait y passer au début, et durant tout le long de ma lecture j'ai mal au cœur pour elle. De son état misérable, les portes de la mort n'étaient plus très loin jusqu'à ce que son ange gardien vienne la sauver. ^^ J'ai trouvé ça mignon qu'elle prenne la soldate pour un ange.
Mais tout finit bien pour elle, du moins pour l'instant, la magie a opéré en nous dévoilant qu'elle était certainement cette fameuse sorcière tant attendue. Et là, on peut littéralement dire qu'elle est née dans le sang avec ses mains en piteux état ! x)
Je pointerais néanmoins du doigt les longues phrases. Pour moi, tu y gagnerais à en raccourcir quelques unes pour rendre la lecture plus fluide.
Je te montre un exemple, dans le 18ème paragraphe de la seconde partie.
« Le seigneur et ceux qui étaient restés là se retournèrent rapidement vers Kaeldra, et continuèrent de lui poser des question notamment sur ses origines... »
Je l'aurais écrit ainsi : « Tous ceux encore présents se retournèrent vers Kaeldra et continuèrent à l'interroger sur ses origines... »
La phrase est plus courte et garde le même sens, en plus tu supprimes deux adverbes pas vraiment utiles. Bon, après il y a certainement moyen de l'améliorer. ^^
Qu'en penses-tu ?
Quand aux fautes d'inattention, de toutes façons il y en aura toujours, un grand merci à toi de les retenir 😂
(par contre, la cage thoracique j'y tiens, justement parce que c'est moche ^^)
Et oui, je sais que je suis cruelle comme démiurge, mais là c'était la partie que j'avais scénarisée il y a quelques années déjà. Maintenant je suis capable de bien pire 😈
En tous cas, toujours aussi ravie d'entendre ce que tu as à dire ^^
(et promis je finirais par faire plus attention au phases longues XD)