Chapitre 2 : Le froid

Cher Will,

 

Voilà plusieurs semaines que Mère me reproche de ne pas te donner de nouvelles. C’est un véritable harcèlement que je subie. Donc, voilà une lettre. J’ai promis de l’écrire et de l’envoyer, mais je ne sais pas trop quoi mettre dedans.

Des nouvelles de toi, j’en ai plein. Dagmar et Lorelei ne parlent que de ton mariage et de ton enfant. Moi j’ai un peu de mal à imaginer tout ça. Toi, père ? Ça me parait être une bonne blague. Mais bon, je vais te laisser une chance de me prouver que tu vaux mieux en papa qu’en frangin.

Et la princesse, elle est aussi moche qu’on le dit ? Pas trop dur, le devoir marital ? Je demande mais en vrai je ne veux pas savoir. Ça me met des images dans la tête. Bref, je brode, je brode, je ne sais pas quoi écrire. C’est bien pour ça que je n’écris pas de lettre, à la base.

Ah si, j’ai mené une chasse avec succès. Père était fier de moi. Je sais que tu n’aimes pas la chasse, mais essaie d’être fier de moi aussi. J’aimerais bien te trainer en forêt pour tirer quelques lapins et voir tes grimaces.

D’ailleurs, quand est-ce que tu comptes venir nous passer le bonjour ? Je sais que c’est loin, Elvett, mais là, ça va faire un an. Tu manques beaucoup à Mère, Dagmar et Lorelei. Peut-être à Père aussi. Enfin je suppose qu’on va tous devoir supporter le voyage jusqu’à Elvarri quand ton petit naitra. Je ne promets pas d’être un bon tonton.

Bon, j’espère que Mère ne lira pas la lettre avant de la remettre au messager, sinon elle va me dire que j’écris comme un vilain garçon impoli. Désolé, je ne prends pas de gants pour toi.

 

Ton frère qui a enfin réussi à remplir une page

 

 

Un sourire irrépressible avait grandi sur les lèvres de Wilhelm. Lydéric et sa verbe légendaire. Il ne voudrait jamais avouer qu’il lui manquait. Il préférait jouer les mauvais garçons, comme s’il voulait dissuader le Wiccan de voter pour quelqu’un d’autre que son frère aîné. Il détesterait être roi. Wilhelm soupira. Cette lettre avait été un rayon de soleil au milieu d’une correspondance nettement mois enfantine.

Le Wiccan se montrait de plus en plus méfiant envers Adhara. Il sentait le contrôle de la rébellion lui échapper. Il chargeait son toutou princier d’arranger la situation en sapant l’autorité de la Grande Unificatrice. Mais c’était hors de question. Non, Wilhelm n’irait pas contre les intérêt de la rébellion. Adhara préparait quelque chose, quelque chose de grandiose. Quelque chose qui allait rebattre les cartes en défaveur de la Trinité. Il ne la trahirait pas.

Mais comment empêcher le Wiccan de le rejeter, dans ce cas ? Qu’il ne choisisse pas le gentil Dagmar pour succéder à son père ? Il mordillait l’ongle de son pouce. Encore un problème inextricable.

Il ressentit soudain le besoin de changer d’air. Il jeta la lettre du Wiccan dans la cheminée et sortit prestement de ses appartements. Il faisait chambre séparée avec Eldrid depuis que le médecin avait confirmé sa grossesse. Un soulagement pour les deux époux.

Pourtant, il ne fut pas mécontent de la croiser dans le corridor de pierre dure. Appuyée contre un rebord grisâtres, elle observait le paysage enchâssé dans une petite fenêtre. Les premières neiges avaient revêtu les montagnes d’une majesté immaculée. Leur pâleur sereine éclaboussait le visage de la princesse qui n’avait jamais semblé aussi douce. Perdue dans sa contemplation, elle ne remarqua même pas l’approche de son mari.

— Bonjour, ma dame, lança Wilhelm avec un salut protocolaire.

Il regretta presque de briser l’instant suspendu qu’elle vivait. Elle parut s’ébrouer et fournir un effort certain pour ramener son regard gris-acier sur lui.

— Bonjour, monseigneur.

Dans le même temps, elle eut un étrange mouvement de recul qui raidit Wilhelm. Il fit mine de rien et s’approcha.

— C’est magnifique, commenta-t-il.

Il ne mentait même pas. Lui qui trouvait pourtant ces édifices pierreux tristes et grossiers. Il devait admettre que leur manteau blancs les rendait plus légers et élégants.

— Oui, se détendit Eldrid. Je peux passer des heures à les contempler. Ça m’est venu quand j’étais petite, que je m’ennuyais pendant mes leçons. Je regardais souvent le paysage, j’ai ainsi découvert sa beauté et je ne m’en suis plus lassée, même pendant mon temps libre.

Wilhelm glissa un œil sur son profil apaisé. La grossesse la changeait, indéniablement. Il avait pourtant entendu dire que les dernières semaines avaient été compliqués. Il avait été séparée d’elle dès les premiers symptômes, mais les servantes lui avaient rapporté ses nombreuses nausées, sa fatigues, sa nervosité. Il était bien content de ne pas avoir à supporter ce poids.

— Moi aussi je faisais tout pour échapper aux leçons, se confia-t-il. Je préférais apprendre seul en lisant.

Elle esquissa ce qui ressemblait à un sourire.

— Je n’ai jamais trop aimé lire. Je voulais sortir et courir dans la neige.

— Vous ressemblez à mon frère.

— Lequel ?

— Lydéric, le cadet. Il fait tout pour ne pas se conformer à ce qu’on attend de lui. Moi j’ai abandonné depuis longtemps.

Une ombre passa sur le visage d’Eldrid.

— Nous avons tous un devoir à accomplir, et ce même si nous ne l’avons pas choisi.

Wilhelm reporta son regard sur les grandioses montagnes. Il regrettait, parfois, de ne pas avoir refusé son devoir. Car son devoir voulait qu’il tue la femme à ses côtés. Il ne restait plus que cinq mois.

 

*

 

Conan sentit d’abord la douleur. Son crâne, en feu. Il grimaça, gémit, gigota. Le bois dur sur lequel il était allongé grinça. Il sentait des cordes de chanvre autour de ses poignets et de ses chevilles. Elles lui faisaient mal. Un drap de lin le recouvrait, alourdi par quelques chose. Hors de la couverture, le froid se faisait incisif.

Il ouvrit les yeux.

Il distingua une vieille charpente au-dessus de lui. Des toiles d’araignée chargées de poussières pendouillaient lugubrement. Il tourna un peu la tête, un soupçon de roux ayant attiré son attention. Il avisa une silhouette voûtée sur un tabouret. Lorsque l’homme releva le visage vers lui, il se souvint.

— Bonjour, lâcha le veilleur.

Conan voulu se redresser, mais ses liens le retinrent. Il rua, grogna, se débattit en vain.

— Enfoiré ! T’es un putain de démon !

Feolan posa sur lui des iris perçants.

— Comment connais-tu mon peuple ?

— Je vais te tuer, TE TUER !

Le Sylvien soupira et se releva.

— Je te laisse à ta colère, je vais faire un tour. Je te conseille de ne pas trop crier, les bas-quartiers ne sont pas sûrs. Mais il était hors de question que je te ramène chez moi.

— REVIENS ICI ESPÈCE DE…

— À toute à l’heure.

La frêle porte de bois rongé s’ouvrit, projetant un souffle enneigé sur le visage de Conan qui se tut. Feolan referma doucement, alourdissant son captif d’un regard indéchiffrable. Un verrou cliqueta avant que le froid ne s’en aille.

Conan, essoufflé, reposa la tête sur son lit de fortune. Il ne sentait plus sa rage, soudain. Mais un certain soulagement. Tous ces souvenirs qu’il avait tenté en vain de saisir étaient désormais inaccessible. Il se rappelait de la rébellion. Des Sylviens. De ses parents. D’Asha. De Maxima.

Bientôt, toute sa légèreté à peine retrouvée s’évanouit. Des larmes serpentèrent sur ses joues plissées.

 

*

Le réveil.

Avant, Amaya adorait ce moment. Elle pouvait étreindre Angelus, lui murmurer de douces paroles.

Elle ouvrit de lourdes paupières et se redressa lentement. Elle se traina jusqu’au bord de la couche. Le lit marital était trop grand pour elle.

Elle enfila des vêtements chauds qui cachèrent un peu son énorme ventre. Voilà sept jours qu’Asha avait été attaquée. Que la prêtresse était tombée de cheval. Elle avait cru que son enfant n’y survivrait pas, mais il continuait de lui donner des coups de pieds. Sa chaleur posait un baume nécessaire sur les plaies invisibles de la jeune femme.

— Pardonne-moi, souffla-t-elle, j’ai menacé ta vie…

Son coup d’éclat n’était pas passé inaperçu au village. Elle était désormais celle qui avait failli se percer le ventre pour sauver une étrangère. Une folle, en somme. Voilà sans doute pourquoi elle s’était entichée d’une mystérieuse ermite ressuscitée.

L’air froid de l’hiver l’attaqua quand elle sortit. Elle rentra la tête dans les épaules. Sur le palier l’attendait un panier rempli des derniers fruits de saisons, de racines et d’œufs. On continuait à prendre soin d’elle, malgré tout. Elle rangea les mets à l’intérieur.

En cheminant entre les maisons neuves, elle fut prise d’un sanglot. Elle le cacha comme elle put. Les habitants qu’elle croisait détournaient le regard et se glissaient entre deux bâtisses pour l’éviter.

Elle arriva au temple, déjà frigorifiée. Le climat doux de la côte lui manquait. Quelques flocons étaient tombés la veille.

Elle entra avec un frisson. Ici, elle sentait le regard des dieux sur ses frêles épaules. La jugeaient-ils coupables ? La condamnaient-ils ? Elle se pressa pour rejoindre la salle de repos.

Angelus gisait sur une couchette. Le gonflement douloureux de sa mâchoire cassée se voyait même au travers des bandages.

— Je suis là, annonça-t-elle d’une petite voix.

Il la fixa un instant, avant de détourner la tête.

— Ça te fait moins mal ?

Il l’ignora. Elle retint les excuses qui lui venaient. Elle se morigénait à se le répéter : elle n’était pas coupable de sa blessure. Il n’aurait pas dû attaquer Asha.

— Je repasse ce soir, indiqua-t-elle en espérant que sa voix ne se brise pas.

Elle refit le chemin inverse. En sortant du temple, son regard s’arrêta sur la montagne. Asha y était. Elle serra les poings. Non, elle ne mettrait pas plus son enfant en danger.

Mais la fée allai-t-elle bien ? Quand Amaya l’avait quitté, elle était toujours inanimée. Elle devait s’excuser au nom des villageois, au nom d’Angelus.

La neige rendait le chemin difficile. Elle approchait du terme, et si le travail se déclenchait alors qu’elle était en vadrouille ? Sans compter les loups affamés qui rôdaient dans les environs.

Elle se mordit la lèvre. Elle alla s’enfermer dans sa maison pour qu’on ne la voit pas pleurer.

 

*

 

Il y avait une araignée au plafond.

Plusieurs, en fait, mais celle-ci était vraiment grosse. Plutôt fine, poilue, marron avec quelques nuances plus claires. Elle promenait ses longues pattes sur sa toile impeccable, l’un des seuls ouvrages de soie par encore embourbés dans la poussière. Elle se tapissait en périphérie de son piège, immobile toute la journée. Sa patience admirable donnait parfois l’impression qu’elle était morte de faim. Conan avait peur pour elle, dans ces moments-là.

C’est comme ça qu’il l’avait appelé : Patience.

Patience ne sortait de sa torpeur prédatrice que pour entretenir sa toile. Perfectionniste, elle repassait ses fils pour que l’ouvrage soit symétrique, radiale, et sans aucune saleté. Elle n’était pas comme certaines de ses camarades qui laissaient trainer des cadavres d’insectes dans leurs filets. Elle était propre, élégante, appliquée.

Un jour, une mouche vint se jeter dans son piège. Alors qu’elle n’avait plus bougée depuis plusieurs heures, elle bondit aussitôt. Vive, elle rejoignit l’insecte qui se débattait et commença à l’emmailloter. Mais la mouche était grosse et énergique. Elle se dégagea. Sans doute blessée, elle ne put cependant pas s’enfuir. Elle tomba sur le visage de Conan. Il la sentit glisser sur sa joue avant d’atterrir juste sous son lobe d’oreille. Elle vrombit contre son cou, ça le chatouilla.

Mais il l’ignora. Il fixait la belle toile de Patience qui pendait lamentablement, démantelée.

 

*

 

Amaya avait fermé tous ses volets pour échapper au froid de l’hiver montagnard. Cela avait aussi chassé la lumière.

Adossée contre le lit, elle essayait de se concentrer sur une broderie de fleur. C’était tout ce qu’elle avait trouvé pour passer le temps. Mais ses doigts atones ne se montraient pas coopératifs.

On toqua brusquement à la porte. Le cœur de la jeune femme eut un sursaut. Elle se releva difficilement, se tenant le dos et le ventre, et se traina jusqu’à la porte d’entrée. Elle ouvrit avec méfiance.

Sulpicia s’essaya à sourire, Amaya referma immédiatement la porte. Mais sa garante bloqua le battant avec le pied.

— Tu m’as assez fait la tête, tu ne crois pas ?

— Enlève ton pied.

— Quand vas-tu comprendre que j’ai fait ça pour ton bien ?

— Enlève. Ton. Pied.

— Non !

Sulpicia força le passage et réussit à pénétrer dans la maison. Elle en profita pour claquer la porte, enfermant le froid rôdeur dehors.

— Tu ne comprends pas ? À mes yeux tu étais en train de t’acoquiner avec une Maudite !

— Et au lieu de m’en parler tu es allée tout raconter à Angelus.

— Tu avais perdu la raison ! Tu te risquais seule dans la montagne alors que tu as un enfant à protéger !

— Je te faisais confiance ! rugit Amaya. Je t’ai tout confié, jusqu’au moindre de mes secrets ! Et toi, toi, tu t’es servi de ça pour attaquer MON amie, pour foutre en l’air MON couple !

— Pardon ?! Ta situation avec Angelus est entièrement de ta faute ! Tu l’as trahi, tu nous as tous trahis !

Amaya se sentit faible quand les larmes commencèrent à couler sur ses joues. Cette faiblesse lui donna encore plus de rage.

— PARS ! Si c’était pour me dire ça, ce n’était pas la peine de venir !

— Au contraire !

Sulpicia l’attrapa par les épaules.

— Tu attends un enfant, Maya, l’enfant d’Angelus. Il ne s’agit pas que de toi !

— Au Sinistre, cet enfant ! Ma vie est moins importante que celle de quelqu’un qui n’est pas encore né ?!

Son interlocutrice se raidit, recula comme si elle avait reçu un coup.

— Ne fais pas ça, souffla-t-elle, ne maudis pas ton enfant…

Amaya s’appuya contre le mur, essoufflée.

— Cet enfant était maudit dès le départ. Son père est un meurtrier.

— Comment peux-tu…

— Je tiens à lui plus que quiconque au monde. Je l’ai en moi. Je suis la seule à pouvoir décider de son avenir. Et j’ai décidé qu’il serait maudit. C’est la seule chose contre laquelle son père ne peut rien.

— Arrête, gémit Sulpicia.

— J’en appelle au maître du monde des morts, proféra la prêtresse. Sinistre, puisse-Tu habiter l’enfant à naître. Puisse-Tu faire goûter ta cruauté à tous ceux qui l’entoure.

Sa vieille amie secoua la tête, retenant avec peine ses larmes. Puis, elle la bouscula, ouvrit la porte à la volée et s’enfuit dans l’air glacial. Le vent de l’hiver alla chatouiller Amaya qui resta là, les bras ballants. De violents frissons la rappelèrent à l’ordre. Elle referma le battant et alla s’asseoir sur sa couche. Elle fixa le mur pendant un long moment.

Puis elle fondit en larmes.

— Pardonne-moi, pardonne-moi… Ce n’est pas que je voulais dire… Ce n’est pas ce que je veux pour toi…

Elle se courba sur son ventre. Le bébé ne bougeait pas.

— S’il Vous plaît, ô maître des défunts, supplia-t-elle, n’écoutez pas ma précédente requête… Je suis une prêtresse incroyante et misérable… Épargnez-le… je Vous en prie… Il est… tout ce qu’il me reste…

Au fond de ses entrailles, le fœtus eut un sursaut. Elle se figea pour ressentir pleinement ses gigotements. Elle caresse son abdomen, les larmes coulaient sur ses joues.

— Je suis désolée… tu vas naître dans un monde bien triste…

Elle trembla.

— Mais… je ferai de mon mieux pour être la meilleure mère possible…

 

*

 

La neige était tombée sur Bibracte. Le froid aussi.

Le froid engourdissait tout Kurtis. Le froid incisif des Liens brisés, des âmes déchirées. Il ne sentait rien de Keira et Ealys si ce n’était leur souffrance. Il ne sentait plus Oèn.

Kurtis avait pleuré, comme toujours. Mais la chaleur des larmes ne l’avaient pas apaisé. Il était allé en chercher une autre.

Il toqua, tremblant dans l’air glacial. Des pas précipités retentirent derrière le battant. La porte coulissa, révélant le visage doux de Maig.

— Je… Je peux rester chez toi ? bégaya-t-il.

Elle hocha la tête, sans un mot. Ses bras entourèrent les épaules du jeune garçon et l’attirèrent à l’intérieur.

— Ma famille travaille, précisa-t-elle. Moi, j’ai enfin terminé toutes les corvées données par Padraig. Viens là…

Il s’assit sur sa couche.

— Tu sais ce qu’il s’est passé ? croassa-t-il, les yeux accrochés au parquet.

— Plus ou moins.

Il se prit la tête dans les mains.

— On a rien pu faire. Malgré toute la puissance des Esprits. Les rebelles ont encore gagné. Ils ont encore fauché des vies. Oèn…

— Viens, allonge-toi…

Elle posa doucement sa tête sur ses genoux.

— Tout va mal, reprit-il en flot de mots à peine audible. Tout va mal depuis qu’Asha s’est fait enlevée… Je n’en peux plus…

Sa voix se brisa dans un sanglot. Maig caressa tendrement le bord de son visage.

— Daïré va probablement être expurgée, et Keira est aux portes de la mort… Je… je voudrais tellement faire quelque chose…

— Je sais. Je sais aussi que tu feras quelque chose.

— Co… comment ça ?

— Depuis que j’ai eu mon totem, j’ai des intuitions étranges. Je savais par exemple que Daïré allait faire quelque chose de grave. J’aurais dû agir, mais je n’ai pas écouté mon pouvoir.

Elle se mordit les lèvres, elle aussi pleurait.

— J’aurais pu tout arranger…

Kurtis leva une main fragile vers sa joue et y cueillit une larme.

— Ce n’est pas ta faute, le pouvoir des totems est difficile à apprivoiser…

— Kurtis.

Elle arrêta de le caresser.

— Tu vas changer les choses, je le sais.

— Mais comment ?

Elle secoua la tête.

— Il faut te laisser du temps.

— Certains n’en ont pas…

— Ça arrivera. J’en suis convaincue.

Il lui fit un pâle sourire.

— Merci.

Elle lui rendit son expression tendrement attristée.

— Dis-moi, qu’est-ce que je peux faire pour te réconforter ?

— Mais toi aussi, tu as mal…

— Dis-moi.

Il resta un instant muet.

— Récite-moi tes poèmes, souffla-t-il.

Elle rougit.

— Je les aime, compléta le jeune garçon.

— D’a… d’accord…

Elle fouilla le plafond du regard d’un air pensif. Puis, elle entrouvrit les lèvres.

Ta main sur mon cœur

Mon cœur sur le tien

Réchauffe mon malheur

Délite les cauchemars

Ta main qui sent battre

Mon cœur acariâtre

Tes caresses l’enivrant

D’un bonheur fuyant

Ta main tendrement

Épouse mon pouls

Mes peines s’égarent

Dans ton amour

— C’est magnifique…

— Merci.

— Merci à toi. Infiniment.

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