Avant toi, je vivais dans une grande ville. Mais je ne m’y suis jamais sentie réelle. J’avais la sensation de courir après un temps qui ne m’appartient pas. Je buvais des cappuccinos, enchaînais les diplômes, évitais de dire non aux fêtes, aux confidences, aux dates.
Pourtant, malgré ces tourbillons, j’avais trop de temps pour penser. C’est le revers d’une vie privilégiée, on peut écrire, réfléchir, déconstruire et surtout se sentir défaillir.
Je tombais.
Dans ma ville, les buildings touchent le ciel et les plantes trouvent leurs places uniquement sur les toits. Ce que j’aime là-bas c’est sentir l’odeur des frites en fin de soirée, entendre les portes d’à côté s’ouvrir et se claquer, et voir les gens fumer. Là-bas, il y a toujours des choses qui se passent, ça bouge, ça remue, ça change. Les gens vont au travail, ils rient dans les immeubles d’en face, les cœurs se déchirent, ils ne se réparent pas mais apprennent à fonctionner d’une nouvelle manière, le temps c’est de l’argent, mais le temps est encore plus précieux que l’argent.
Les années passaient, j’avais presque terminé mes études, et pourtant, cette impression de chute constante persistait, comme si un sol n’existait pas. J’allais beaucoup au cinéma, essayant de me rattraper à tout ce que je pouvais, un visage, une couleur, une histoire.
C’est peut-être pour cette raison que je suis partie, réalisant que même les histoires des autres n’étaient plus suffisantes.