Chapitre 2 : Les écrits du Norne

Notes de l’auteur : Par Lucinda

     La nuit se déployait sur les montagnes solitaires comme un manteau noir, avalant tout sur son passage. L’obscurité était dense, presque palpable, étouffant les bruits et figée dans un silence absolu. La lune, timide et dissimulée derrière une épaisse couche de nuages, n’offrait qu’une lueur faible et vacillante. Quelques éclats argentés filtraient à peine à travers les fenêtres brisées du manoir d’Isaak, projetant des ombres étranges et allongées sur les murs de pierre. Le manoir semblait figé dans un autre temps, abandonné par les vivants, mais il portait encore en lui l’empreinte de son maître. Les murs, fissurés et recouverts de lierre, étaient imprégnés d’une aura de déclin, et pourtant, l’air qui régnait à l’intérieur était chargé d’une menace latente, une tension palpable qui ne se dissipait jamais. Chaque pierre semblait murmurer des secrets oubliés, et l’atmosphère glaciale, figée dans la poussière, gardait la mémoire d’un passé où la vie avait régné.

Isaak émergea lentement du sommeil, ses paupières se soulevant avec la lenteur d’un prédateur s’éveillant dans l’ombre. Dans cette pénombre totale, il n’eut besoin que d’un instant pour que ses yeux, d’un noir profond, s’adaptent à la lumière faible qui se glissait à travers les fentes des planches de bois disjointes. Il se redressa avec la fluidité d’un serpent, ses muscles tendus comme s’il était prêt à bondir. Ses mouvements étaient sans effort, d’une grâce qui trahissait une habitude vieille de siècles.

— La nuit, mon amie… murmura Isaak d'une voix basse, presque comme une confession. Elle seule comprenait ses tourments, ses ambitions, ses rancœurs ancestrales. Dans l'obscurité, il se souvenait, les souvenirs affluant comme une rivière souterraine empoisonnée, pleine des secrets et des trahisons du passé.

Depuis combien de siècles maintenant luttait-il contre les sorcières ? Ces créatures vaines qui, sous couvert de leurs rituels et de leurs alliances, avaient tenté d'étouffer son pouvoir, de brider sa liberté. Il revoyait leurs regards hautains, cette lueur de supériorité mêlée de méfiance qu’elles réservaient aux siens, aux vampires qu'elles méprisaient et craignaient tout à la fois. Elles avaient instauré des règles, des interdictions, de viles protections. Elles avaient prétendu maintenir l'équilibre, contrôler l'accès à certains lieux et reliques. Comme si elles seules avaient le droit de toucher au pouvoir ancien. Comme si elles étaient les gardiennes d'un savoir sacré que lui, un vampire, ne pouvait comprendre.

Mais qu’ont-elles réellement accompli, sinon semer la haine et la discorde ? pensa-t-il, une ombre de mépris glissant sur ses traits. La mémoire de l'oppression était encore vive. Chaque loi, chaque malédiction, chaque incantation protectrice qu'elles avaient jetée sur ses terres et sur ses compagnons revenait le hanter dans cette nuit sans fin. Les sorcières étaient la raison pour laquelle tant des siens avaient péri, enfermés dans des tombeaux de magie ou réduits en poussière par des maléfices anciens. Elles avaient toujours cherché à limiter ses pouvoirs, à l’empêcher de réaliser sa véritable puissance.

Tout autour de lui était froid, un froid glacial qui pénétrait jusque dans les os, mais ce n’était plus qu’un détail, une sensation lointaine qu’il avait depuis longtemps effacée de son esprit. Le temps n’avait plus d’emprise sur lui, et les désirs humains, ces petites faiblesses auxquelles on s’accroche dans la vie, ne l’effleuraient même plus.

Il s’installa sur son vieux fauteuil en cuir usé, son regard sombre balayant la pièce avec une attention calculée. Ses cheveux noirs tombaient en mèches indisciplinées autour de son visage, accentuant l’intensité de son regard froid et perçant. La poussière flottait en suspension dans l’air immobile, en particules fines, comme une brume légère qui se posait sur chaque recoin du manoir. Il passait une main dans ses cheveux en bataille, ses yeux scrutaient chaque coin de la pièce, cherchant quelque chose qu’il ne pouvait pas encore nommer, une réponse, un indice. Il avait toujours été maître de son environnement, de ses actions, mais aujourd’hui, une agitation sourde le tiraillait, une sensation de vide, d’inachevé. La quête qu’il nourrissait depuis des siècles, celle pour un pouvoir absolu, avait franchi une nouvelle étape. Ce n’était plus un but, c’était devenu une nécessité. Et cette nuit, il savait que l’heure de l’accomplir était proche.

Isaak n’était pas un vampire comme les autres, loin de là. Il n’était pas un simple prédateur qui se nourrissait de sang, un être perdu dans les ombres. Depuis des siècles, il observait les humains, se nourrissant de leurs peurs et de leurs faiblesses, tissant sa toile autour d’eux comme un araignée qui attendait patiemment le bon moment pour frapper.

Mais au fil du temps, une chose était devenue claire : les sorcières étaient l’obstacle majeur à son ascension. Ces femmes qui se croyaient puissantes, invincibles, avec leurs potions et leurs sorts. Il les haïssait. Leur prétendue sagesse n’était qu’un voile fragile sur leur faiblesse. Elles croyaient pouvoir le stopper, mais elles ne comprenaient rien. Il était au-delà de tout ça. Il allait les effacer, une fois pour toutes.

— Croyez-vous vraiment que je vous laisserai gagner ? lâcha-t-il dans un murmure empoisonné.

Leurs sorts, leurs alliances... tout cela n’avait fait que nourrir son désir de les anéantir. Leurs soi-disant secrets devaient tomber entre ses mains. 

Il inspira profondément, ses yeux étincelant dans la pénombre.

— La nuit, mon amie, sois mon témoin. Le temps des sorcières touche à sa fin. Quant à moi, je renaîtrai, bien au-delà de leurs limites.

Les bottes de cuir d’Isaak résonnaient sur le sol de pierre, un cri aigu et métallique qui déchira le silence pesant de la pièce. Il avançait d’un pas sûr, son mouvement fluide et silencieux comme celui d’un prédateur rôdant dans les ténèbres. L’air autour de lui était saturé d’une lourde tranquillité, le genre de calme qui précède toujours quelque chose de monumental. Les murs, épais et moussus, étaient noyés dans l’ombre, et la poussière flottait en suspension, stagnante, comme si même le temps avait abandonné ce manoir oublié. Mais malgré ce décor de délabrement, l’atmosphère vibrait de l’énergie unique d’Isaak, comme une bête en cage prête à déchaîner sa fureur.

Il se dirigea sans hésitation vers la grande porte en fer forgé, dissimulée par des années d’oubli et un voile de poussière. Le métal, autrefois brillant, était aujourd’hui rongé par l’humidité et le temps, mais pour Isaak, elle restait une frontière familière, un seuil qu’il franchissait toujours. Il effleura la porte, son regard se durcissant tandis qu’un sourire cynique se formait sur ses lèvres fines. Ce portail menait à son sanctuaire secret, un lieu qu’il avait méticuleusement préservé et auquel il réservait un respect presque religieux. Dans cette salle, ses ambitions avaient pris forme, ses rêves les plus fous s’étaient nourris de reliques anciennes et de savoirs occultes. Il en avait fait son temple, un lieu où il se préparait à dominer, à conquérir.

À l’intérieur du sanctuaire, les ténèbres étaient encore plus profondes. Là, l’air était chargé de siècles de secrets et de pouvoir, imprégné de la magie noire qu’il avait soigneusement cultivée. C’était son domaine, l’endroit où il n’y avait pas de place pour les doutes ni pour les hésitations. Chaque artefact, chaque livre poussiéreux, chaque parchemin jauni témoignait de son obsession pour la domination. 

Après avoir admiré un à un ses précieux artefacts, Isaak ferma lentement les yeux, savourant leur présence, comme un collectionneur comblé. Mais cette satisfaction passagère ne pouvait étancher sa soif de pouvoir, ni apaiser son appétit pour la domination. Il avait besoin d’aller plus loin, de se confronter à la réalité des humains, de plonger dans l’effervescence de Hollowcairn. Là, il pourrait goûter à un festin bien plus délicieux, un festin de chair humaine, mais aussi savourer la satisfaction de se jouer de ceux qui croyaient encore pouvoir le tenir à distance.

La nuit était tombée sur la ville voisine, un bourg pittoresque niché au cœur des montagnes escarpées, dans une Ecosse oubliée par le temps. Hollowcairn était un lieu où la brume s’épaississait chaque soir, où les ruelles étroites s’enroulaient comme un serpent entre les maisons aux toits de chaume. L’air était frais et piquant, imprégné de l’odeur du bois et de la terre humide. Les habitants, bien que résignés à leur existence simple et austère, n’étaient pas les seuls à se mouvoir dans l’obscurité de la ville. Ici, les ombres se mélangeaient aux créatures nocturnes, et Isaak n’avait aucun mal à s’y fondre.

Ses crocs, soigneusement dissimulés derrière ses lèvres froides, il s’engouffra dans les ruelles pavées, son pas léger mais déterminé, presque furtif. Il s’amusait de la lenteur des humains, de leur cécité face aux véritables forces qui les entouraient. Ce soir, la ville devenait son terrain de jeu. Il se fondait dans la foule sans effort, observant, guettant les proies qui croisaient son chemin.

Isaak se glissait dans la rue comme une ombre, à la fois invisible et omniprésente. Tout autour, les bribes de conversations humaines montaient, insignifiantes, un bourdonnement qui amusait son ouïe aiguisée. Il captait des éclats de rires, des murmures faussement discrets, quelques disputes sans importance. Ces humains, toujours si prompts à étaler leurs petites histoires. Des marionnettes, pensa-t-il avec un sourire narquois, occupées à tisser des fils qu’ils croyaient solides alors qu’ils n’étaient rien de plus qu’une distraction éphémère.

Il remarqua qu’un groupe de jeunes filles frissonnait, leurs bras nus hérissés par un froid qu’elles n’avaient visiblement pas anticipé. Ah, l’insouciance… Un délice, presque autant que leur chair fraîche, se dit-il en les observant. Il y avait une ironie délicieuse à les voir grelotter dans leurs tenues légères, ignorant qu’elles n’étaient pas seules dans l’ombre.

Un léger rictus étira ses lèvres lorsqu'il vit l'une d'elles jeter un regard furtif par-dessus son épaule, comme si elle avait capté sa présence. Ma petite, si tu savais ce qui te guette vraiment, pensa-t-il en savourant l’instant. Elle avait tout de l’agneau perdu, douce et fragile. Et les hommes qui passaient, bien sûr, laissaient leurs yeux traîner sur ces jeunes filles, leur regard aussi vide que leur esprit, inconscients qu’ils partageaient la rue avec un prédateur.

Isaak fit glisser son regard sur la foule avec la nonchalance d'un gourmet face à un buffet. Chacun ici pouvait devenir une proie à sa guise, un simple jeu de hasard, un caprice passager. Ils n’avaient qu’à tendre la main, mais ils ne voyaient rien ; ils ne comprenaient rien. Cette ignorance était presque touchante, mais il savait que c’était là une faiblesse pure et simple.

— Pauvres petites créatures, murmura-t-il pour lui-même, le sourire ironique toujours accroché à ses lèvres.

Mais ce qui l’amusait par-dessus tout, c’était l’audace de certaines sorcières. Oh, elles se croyaient invincibles, croyant que de simples amulettes, une gousse d’ail, ou une poignée d’eau bénite pouvaient lui faire le moindre mal. Un rire dédaigneux se forma sur ses lèvres. Ces pitoyables tentatives n’étaient que des distractions, des amuse-gueules pour un être tel que lui. Il se souvenait des dernières qui avaient osé franchir la frontière invisible de son territoire. Leur arrogance les avait condamnées. Elles avaient cru qu’elles pouvaient le repousser, mais il n'y avait pas de place pour la faiblesse sur ses terres.

Isaak se délectait de cette pensée. Ces sorcières… elles étaient si naïves. Elles savaient à peine à quel point elles étaient vulnérables. Mais à force de vouloir se jouer de lui, elles avaient provoqué leur propre chute. La seule chose qui les avait protégées jusqu’à présent était leur insignifiance. Il ne les haïssait pas, non. Il les considérait simplement comme des obstacles à éliminer, des pions sur un échiquier qu’il comptait bien dominer tout entier. Et à chaque fois qu'il les voyait, à chaque fois qu'il croisait leur regard effrayé, il savourait l’idée que leurs fausses protections n’étaient que des illusions face à lui.

Il continua sa déambulation, se faufilant entre les silhouettes humaines comme une ombre, un prince des ténèbres bien au-dessus des futiles croyances qui limitaient les autres. Ce soir, il n’avait pas l’intention de faire un simple repas, non. Ce qu’il recherchait, c’était une proie plus délicieuse, une occasion de goûter à la fragilité humaine sous son emprise, et peut-être de rappeler à ceux qui osaient le défier, sorcières ou humains, qu’il n’y avait qu’un seul roi ici: lui.

Une jeune fille attira soudain l’attention d’Isaak. Elle se tenait là, en plein cœur de la rue déserte, ses cheveux bruns flottant dans la brise nocturne, créant autour d’elle une aura envoûtante. L'air semblait se remplir d’un parfum doux et sucré, un parfum que seul un vampire aux sens aiguisés pouvait percevoir. Chaque mouvement de son corps svelte était une invitation, un spectacle délicat où la lumière dansait sur sa peau lisse, révélant la finesse de ses veines et la pulsatilité de son rythme cardiaque. Elle faisait son entraînement quotidien, probablement une joggeuse solitaire, ses pas légers mais déterminés. La sueur perlant sur son front n’échappait pas à Isaak. Chaque goutte amplifiait le désir brut qui grandissait en lui, un besoin primal de se nourrir, de planter ses crocs dans cette chair fraîche.

Il ne pouvait pas résister. Il s’avança discrètement, en toute quiétude, l’observant se diriger vers la forêt. Parfait. Il savait exactement où elle allait. "Trop facile", pensa-t-il en souriant intérieurement.

La jeune fille, insouciante, pénétra dans l’ombre des arbres, s’aventurant vers une grotte que l’on apercevait à peine, dissimulée par les feuillages. Isaak se dissimula dans les ténèbres et la suivit, sa silhouette fondant dans l’obscurité comme une ombre. Lorsqu’elle fit une pause à l’entrée de la grotte, il savait que c’était le moment idéal pour l’aborder.

Il s'avança alors, sa démarche souple et silencieuse. Lorsqu’il se glissa hors de l'ombre, elle ne le remarqua pas immédiatement, absorbée dans ses pensées. Il s’arrêta à quelques pas d’elle, ne laissant transparaître aucune émotion sur son visage, mais son regard, lui, était une promesse de terreur.

— Jolie demoiselle,dit-il d'une voix basse, presque chuchotée, mais tellement envoûtante qu'elle vibrait dans l’air comme une mélodie. Que faites-vous ici, seule, dans ce coin si peu rassurant ? C’est dangereux, vous savez.

Elle se retourna brusquement, la main sur le cœur, le visage soudainement marqué par la surprise. Bien sûr, elle ne l’avait pas entendu arriver. Elle était perdue dans ses pensées, inconsciente du prédateur qui la suivait.

— Oh mon dieu, vous m'avez fait peur !dit-elle en s’éclaircissant la gorge. Mais... pour l'instant, c’est vous qui êtes effrayant, seul au milieu des bois.

Isaak sourit, un sourire légèrement carnassier. Ses yeux, sombres et profonds, se fixèrent sur elle, plus intenses que jamais. L’instant d’après, ses iris s’illuminèrent d’une lueur hypnotique, un regard capable d’englober et de plier l’esprit de n’importe qui sous sa volonté.

— C’est bien vrai, murmura-t-il en avançant d’un pas lent, chaque mouvement mesuré, je ne serai probablement pas la meilleure rencontre de votre vie. Mais sachez ceci, ma chère… vous ne vous rappellerez de rien. Ne criez pas, surtout.

L'air autour d'eux sembla se charger d'une tension palpable, un silence lourd, et dans ses yeux, l’effet était immédiat. La jeune fille, comme par enchantement, se retrouva figée, presque hypnotisée par la froideur magnétique de son regard. Elle chercha à reculer, mais son corps restait en place, paralysé par l’influence du vampire. Tout ce qu’elle pouvait entendre, c'était la voix douce et obsédante d'Isaak, qui se glissait dans son esprit.

Isaak glissa une main à sa taille, la pressant contre lui, et l'autre se dirigea avec une douceur malicieuse vers son cou. Il l’inclina lentement vers lui, la maintenant fermement tout en ressentant le léger tremblement de son corps sous son emprise. Ses crocs, acérés et parfaitement formés, s’allongèrent avec une précision parfaite. D’un geste fluide, il les plongea dans la veine jugulaire interne, celle qui pulsait avec l’éclatant flux de vie, le sang rouge vif qui l’appelait. Il se délecta du breuvage chaud, savourant chaque goutte, chaque frisson qu’il laissait derrière lui. 

Le goût était exquis, presque euphorique, et il s’abandonna à cette sensation pendant quelques secondes, s’enivrant de la vitalité qui l’envahissait. C’était un plaisir renouvelé, une source de pouvoir qui ne cessait de le fasciner, même après tant de siècles à s’y adonner.

Lorsque la jeune fille, déjà pâle, s’effondra presque dans ses bras, Isaak la relâcha. Elle tomba lourdement au sol, un bruit sourd résonnant dans l’air silencieux. Il se redressa, léchant ses lèvres avec satisfaction, savourant encore les dernières traces du festin. Ses crocs, maintenant rétractés, disparurent sous sa peau, et un sourire indifférent effleura ses lèvres.

— Oups, murmura-t-il, comme si cela n’avait été qu’un incident mineur.

Il allait s’accroupir pour la ramasser, l’emmener dans l’ombre de la grotte, mais un bruit étrange interrompit ses pensées. Un son, faible au départ, mais qui se fit progressivement plus net. Un murmure. Un souffle. Puis un autre bruit, plus distinct cette fois, qui résonna contre les parois de la grotte. 

Isaak se figea, son attention immédiatement captée par la source de ce bruit. Quelque chose… ou quelqu’un venait.

Isaak laissa la jeune fille gisant sur le sol, inconsciente mais encore en vie. Un mal de tête atroce serait son seul châtiment pour ce soir. Il savait qu’elle se réveillerait, perdue et confuse, mais sans souvenir précis de ce qui s'était passé. Il n’avait pas le temps de s'attarder davantage. La véritable source de son intérêt l’appelait.

Il tourna les talons et se dirigea vers l'entrée de la grotte, sa silhouette glissant dans l'obscurité comme un prédateur prêt à s’attaquer à sa proie. À mesure qu'il s’avançait dans les profondeurs, l’air devenait plus lourd, plus dense. La température chutait, une humidité glaciale imprégnait la roche. L’eau s’écoulait lentement dans des fissures, émettant un bruit de gouttes régulières qui semblaient résonner, comme un écho lointain. Les murs étaient visqueux, recouverts de mousse noire et de lichen, dégageant une odeur de terre humide et de moisissure. Chaque pas d'Isaak résonnait dans l’étroitesse de ce passage, amplifié par la nature de la grotte elle-même, qui semblait aspirer le bruit.

Plus il s’enfonçait, plus l’atmosphère devenait oppressante. Le silence était palpable, si lourd qu’il en devenait presque suffocant. Il se sentait envoûté par cette sensation, comme l’antre elle-même avait une conscience, observant chacun de ses mouvements. Ses sens aiguisés percevaient chaque infime variation dans l’air, chaque vibration du sol.

Le bruit mystérieux qui avait attiré son attention ne cessait de se faire plus insistant. Au départ, c’était à peine un murmure, un chuchotement imperceptible. Puis, à mesure qu’il avançait, il se renforçait, devenant presque tangible. Comme une présence qui s’éveillait dans l’obscurité.

Isaak s’arrêta enfin dans une large salle au cœur de la grotte, la sensation de froid plus intense ici, et l’air plus lourd encore. Le silence se fit soudain, comme si tout s'était figé autour de lui. Ses yeux balayèrent les alentours avec méfiance. La lumière était faible, mais il pouvait distinguer des formes gravées sur les murs, des symboles étranges, incisés dans la pierre d’une manière qui semblait presque vivante. Certains étaient d’une ancienneté irréelle, d’autres plus récents, mais tous semblaient imprégnés de magie ancienne, une énergie obscure et indomptable.

À cet instant, les symboles commencèrent à émettre une faible lueur dorée, pulsant avec une lumière qui semblait à la fois chaude et glacée. La lueur baignait la grotte d’une lueur spectrale, illuminant les visages grotesques sculptés dans la pierre, les formes serpentinées qui se tordaient et se déformaient sous l’effet de l’éclairage vacillant. Isaak s’avança plus près, ses yeux noirs fixés sur l'étrange spectacle. L’éclat semblait l’attirer, et il se sentait irrésistiblement poussé à en découvrir la source.

Les symboles, d’une complexité inouïe, semblaient se mêler et se tordre sous ses yeux, comme s'ils voulaient lui parler, lui chuchoter des secrets millénaires qu’il ne comprenait pas encore. Cette luminescence dorée… c’était la clé. Il le savait. L’artefact qu’il cherchait, le pouvoir qu’il désirait, se trouvait quelque part ici.

Le murmure s’intensifia à nouveau, presque palpable, comme une voix lointaine qui s’éteignait juste avant qu’il puisse l’entendre entièrement. Puis il comprit. Ce n’était pas une voix humaine. C'était quelque chose d’ancêtre, une énergie vieille comme le monde, une force qui avait été enfermée dans ces symboles, en attendant d’être libérée.

Les lettres gravées sur les parois de la grotte n’étaient pas des symboles, mais une écriture ancienne, un langage oublié de l’Écosse, le Norne. C’était une langue qui remontait à des temps immémoriaux, une langue qu’aucun humain vivant ne parlait plus. Les caractères étaient curieux, d’une forme presque organique, comme si chaque lettre avait été façonnée par des mains invisibles et que la roche elle-même avait décidé de les retenir à jamais.

Les lettres de cette langue se tordaient, se courbaient, entrelacées comme des racines ou des filaments, serpentant autour des pierres. Chaque caractère était une combinaison de lignes sinueuses et d’angles acérés, semblant se fondre dans la surface même de la grotte, comme si la roche l’avait avalée. La texture de l’écriture semblait respirer, vivante, pulsant avec une force ancienne. Chaque lettre ressemblait à une combinaison de runes et de figures géométriques, imbibées de magie et d’histoire.

Isaak s’approcha, fasciné par la beauté dérangeante de l’écriture. Il n’avait jamais vu rien de tel. Les lettres étaient lumineuses, presque spectrales, et lorsqu’il les touchait du doigt, il sentait une énergie vibrer sous la surface de la roche. Le Norne n’était pas une langue que l’on pouvait simplement déchiffrer. C’était un ensemble de symboles et de sons dont l’essence même semblait s’échapper du monde des vivants.

Les premiers mots semblaient s’imbriquer les uns dans les autres, comme un sort ou un chant incantatoire. Isaak se pencha, ses yeux scrutant chaque détail, essayant d’interpréter ce qu’il pouvait comprendre de ce langage ancien, et alors, une phrase, une prophétie, se dessina clairement dans son esprit, traduite dans la langue qu’il pouvait comprendre :

Thral’kaar Zéran, par Ruuhka ka’a Thérn, rûkâl Sphéren rûnthar,

Hànz Blóð ok Vilja samblan, Tím tûrkra fyr hànz kalla.

Hekjora trembír, ok Mannkynth enklînôr fyr hànz.

Vâindra Hjárta Ánkrak l’ákrath, artefâkt rjúfar límitrûn thra’wôr.

(
Traduction

 Le Maître des Ombres, par le Pouvoir de la Pierre, dominera les Sphères des Vivants,

Son Sang et sa Volonté fusionneront, le Temps se tordra à son appel.

Les Sorcières trembleront, et les Humains s'inclineront devant lui.

Les Veines du Cœur Ancien l’accepteront, l’artefact brisant les limites du monde.)

Isaak ressentit un frisson parcourir son corps alors que ces mots résonnaient dans son esprit, puissants et menaçants. Ce qu’il tenait là, cette pierre, était plus qu’un simple artefact. C’était la clé d’une domination absolue, le moyen de briser les barrières entre les mondes et de s’ériger en maître sur l’humanité. La prophétie était claire : avec cet artefact, il pourrait fusionner son pouvoir vampirique avec celui de la pierre et régner sur tous, humains et sorcières. L'artefact amplifiait les pouvoirs d’un vampire, le transformant en un être invincible, capable de faire plier le monde à sa volonté.

Les sorcières, qu’il avait toujours détestées, seraient réduites à néant, leurs sorts et leurs potions incapables de le contrer. Les humains, qu’il avait manipulés pendant des siècles, seraient à sa merci, soumis à son pouvoir infini.

Isaak tendit la main pour effleurer le dessin du cœur de la pierre, sentant l’énergie qu’elle dégageait comme un appel irrésistible. La prophétie était la sienne. Le pouvoir, la domination… tout ce qu’il avait toujours désiré, était désormais à portée de main.

Et tandis qu’il fermait les yeux pour savourer ce moment, il sentit un frémissement dans l’air, comme si la grotte elle-même attendait qu’il prenne possession de son héritage.

Isaak s'avança plus profondément dans la grotte, ses pas résonnant faiblement dans l'immensité silencieuse. L'humidité de l'air s'intensifiait au fur et à mesure qu'il pénétrait dans l'obscurité, l'humidité se collant à sa peau comme une brume glacée. L’air était lourd, comme s’il retenait une énergie ancienne, une force qui semblait l'attirer irrésistiblement vers l'inconnu.

La lumière pâle de la lune, filtrant par les fissures et crevasses de la grotte, était presque inexistante, mais des éclats d’une lueur étrange se mirent à briller, comme des feux-follets suspendus dans l’obscurité. Isaak s’en approcha, ses yeux perçants capturant chaque détail, chaque brillance, chaque mouvement fugace. La lumière provenait de symboles gravés dans les parois de la grotte. Ils semblaient vivants, pulsant doucement, comme si l'énergie d'une ancienne magie en émanait.

Il s’agenouilla devant l’un des symboles, l’effleurant du bout des doigts. Chaque éclat sembla se propager dans ses veines, comme si une connexion invisible s’établissait entre lui et l’artefact qui attendait d’être découvert. La lumière devint plus forte, plus vibrante, presque tangible, irradiant des lignes sinueuses gravées dans la pierre, formant une écriture complexe et fluide. C’était un langage ancien, une langue morte, une langue qu’il n’avait jamais vue, mais qui pourtant lui était familière. Le Norne.

Les symboles dansaient devant ses yeux, comme un enchevêtrement d’anciens secrets, d’une sagesse oubliée. Isaak pouvait presque entendre leurs murmures, comme un chant lointain porté par le vent. Un frisson d’excitation parcourut son échine. Il pouvait sentir que la réponse qu’il cherchait était là, à portée de main, juste au-delà du voile du mystère.

Il se pencha davantage pour examiner un groupe de symboles particulièrement lumineux. Ils semblaient former une série de mots entrelacés, qui se répétaient dans un enchevêtrement d’ombres et de lumière. Chaque symbole se dégageait de la paroi comme une flamme mourante, éclatant en éclats fragiles, presque hypnotiques.

Il n’y avait pas de doute. Cela signifiait quelque chose. C’était une révélation.

Les écritures se modifiaient sous ses yeux, se réorganisant comme un puzzle ancien qui se révélait à lui seul. Ce qu’elles disaient était limpide.

Fréthar objékt, reliquar ka'a thra’shûn, ruûzatha harnâk fyr ruhn.

Pûz, klaé magîca, vândrâk hèrz ka’a sluundr, thârikr dâs prâk’thar thra coast.

Kâa pèra rûth, áram thâ’kôr dâr thôn, là ᛁhèr Tím rjúfar, vândrûn thra’khâl.

(Traduction :

 Premier objectif, une relique qui renforce ton pouvoir sur les esprits, cachée dans la sombre forêt de Skerkrus.

Puis, la clé magique, gardée près de la source glacée, tirée des profondeurs de la côte.

La pierre repose, au sommet de la haute tour, là où le temps se brise, dans le Vent des Anciens.)


Là, l’objet de sa quête l’attendait.

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