Elna sortit avec les autres. Les habitants étaient morts de peur. Elle s'arrêta au bord de la route et regarda autour d'elle. Les femmes tenaient leurs enfants le long du chemin de terre. L'inquiétude se lisait sur leur visage. Les habitants, muets de terreur, blottis contre les murs de leurs maisons, respiraient avec peine. Le temps sembla s'arrêter. Soudain, Elna entendit des bruits de pas. Elle se tourna sur la gauche.
Trois hommes s'avançaient. Ils arboraient des corps forts d’adultes plein de vigueur et bavardaient en souriant entre eux. Sur leur passage, les habitants baissaient les yeux et saluaient mais les Mordens ne leur accordaient qu'une importance très limitée. Ils se contentaient de regarder vaguement les femmes, les enfants et les vieillards devant qui ils passaient. Les villageois hommes et beaucoup de femmes étaient au champ, au marché ou partis dans les bois pour cueillir des fruits, ramasser des racines ou chasser, pour les plus téméraires.
De fait, les villageois étaient peu nombreux. Leur terreur n’en était que plus grande. Ils se sentaient moins protégés, même si le nombre n’importait en fait pas.
Elna avait entendu parler d’un village, décimé par trois Mordens en colère. Les habitants, pourtant au complet en ce jour de fête et de repos, avaient tenté de se défendre. Ils avaient tous péri sous les coups de trois hommes. Les Mordens étaient la justice et l’ordre, mais ils étaient surtout et avant tout la mort.
Les villageois étaient très pauvres. De simples fermiers, parfois des artisans mais rien de bien glorieux. La plupart portaient de simples tuniques grises de laine de basse qualité qu'ils avaient cousues eux-mêmes et qu'ils portaient depuis des dizaines d'années. Les pieds étaient nus ou enfouis dans des sabots, rien qui ne rivalisait, même de loin, avec les bottes des Mordens.
Dans ce flot de haillons, les vêtements des Mordens rayonnaient de beauté. Leur pourpoint de cuir brun était passé sur une chemise rouge sang. Une épée dans un splendide fourreau de cuir richement décoré pendait à leurs côtés. Ces armes étant réservées aux chevaliers et aux nobles, il était très rare qu'Elna ait l'occasion d'en voir.
Elle remarqua que l'un d'eux portait également un couteau passé directement dans sa ceinture, cette dernière n’étant qu’une simple association de cinq lanières de cuir qui, défaite, pouvait aisément servir de fouet.
Les chausses d'un noir parfait couvraient presque entièrement leurs jambes ne laissant qu'à peine entrevoir les braies sombres qu'ils portaient en dessous. Leurs pieds et leurs mollets étaient recouverts de hautes et souples bottes de cuir brun.
Autre détail qui les différenciait des habitants du village : ils ne portaient aucune coiffe. Tête nue, ils détonnaient sur la population. Les femmes étaient en effet toutes couvertes d'une coiffe blanche recouvrant entièrement leur chevelure, comme l'imposait leur rang. Seules les personnes de haut rang – ou les enfants – pouvaient se permettre de montrer leurs cheveux. Elna étant devenue adulte depuis peu, portait cette coiffe, symbole de son rang de simple paysanne.
Le premier des trois Mordens était également le plus grand. Son visage était glabre et fin, presque émacié. Il regardait le monde de ses grands yeux noirs avec douceur et froideur. Elna n'aurait su expliquer comment il obtenait un tel résultat. Ses cheveux noirs courts remuaient imperceptiblement lorsqu'il marchait.
Les deux autres Mordens étaient blonds aux yeux verts. L'un d'eux, celui avec le couteau, avait des cheveux longs qui lui tombaient en dessous des épaules. L'autre portait des cheveux courts, bien qu'un peu plus longs que le premier des trois. Les deux blonds étaient également rasés de près.
Un dernier détail était visible sur ces hommes. Tous trois portaient un gant en cuir rouge sang sur leur main droite mais leur main gauche était nue. Ceci aurait pu être source de moquerie mais d'aucun ici n'aurait osé se permettre le moindre sourire. Ces gants étaient en effet ce qui les désignait comme Mordens. Ils étaient la principale arme de ces hommes redoutables et impitoyables.
Elna se tourna vers la droite et son regard croisa celui de sa petite sœur. Claire était une fille gentille, agréable, douce et sensible. Ses grands yeux verts semblaient toujours vouloir réconforter les gens qui l'entouraient.
Claire jouait nerveusement avec ses longs cheveux blonds. Elle se tortillait dans sa robe simple. Elle était mal à l'aise. Elle se rendit compte que sa grande sœur la regardait. Elle lui sourit rapidement puis tenta de la réconforter d'un regard. Elle plongea ses yeux dans ceux brun clair de sa grande sœur.
Elna lui rendit son sourire puis se tourna vers la route. Les trois Mordens passèrent devant Elna sans même lui accorder un regard. Ils venaient juste de la passer lorsque le premier s'arrêta. Les deux autres firent de même et leur conversation cessa immédiatement.
L’homme aux cheveux noirs se tourna vers Claire. La jeune fille regardait obstinément le sol. Elle se mit à trembler lorsque l'homme s'approcha d'elle. De sa main gauche, il lui prit le menton, la forçant à le regarder. La jeune fille sembla sur le point de s'évanouir mais tint bon. Elle tremblait de plus en plus. Les lèvres pincées, elle retenait son envie de hurler.
Le Morden prit son temps. Il ne la lâcha pas. Il la fixa puis entreprit de regarder le reste de son corps. L'adolescente était bien petite comparée au Morden qui l'écrasait de sa taille. Ceci était accentué par le fait que l'homme de haut rang se tenait bien droit tandis que Claire faisait tout pour se faire petite. Elle aurait voulu disparaître.
Il approcha sa main droite, gantée, du visage de l'enfant. Claire, terrifiée, se dégagea pour échapper à la douleur. Elle ne fit qu’un pas en arrière, tremblante de la tête au pied. Le Morden ne dit rien. Il la regarda tandis qu'elle fixait le sol et ne bougeait pas.
- Remets-toi en place, ordonna-t-il d'une voix froide.
Tous les villageois en tremblèrent de terreur. Claire était paralysée. Le Morden ne bougea pas. Ses bras pendaient de chaque côté de son corps. Il attendait simplement que la fillette obéisse.
Dans le silence ambiant, on aurait entendu une mouche voler à l'autre bout de la rue. Le Morden attendit. Elna regarda sa sœur puis le Morden. Claire était tremblante mais ne bougeait pas et l'homme attendait patiemment, son regard brûlant posé sur la fillette.
Claire n'avait reculé que d'un pas. Il aurait pu s'avancer pour la rejoindre mais il semblait tenir à ce que ce soit elle qui fit ce mouvement. Le temps semblait arrêté. Les pales du moulin du meunier tournèrent sous le vent léger dans un silence de mort.
Claire constata que personne ne bougeait. Nul ne venait à son secours, ni Elna sa sœur, ni Tuta sa mère, ni aucun autre villageois. La gamine se sut seule. Si elle refusait d’obéir, la conséquence serait bien pire. Aucun villageois n’oserait s’opposer.
Se sachant perdante, Claire s'avança. Le Morden ne prononça aucun mot. Il ne la punit pas non plus. Il se contenta de lui reprendre le menton de la main gauche et avança sa main droite vers le visage de la fillette. Elle pleurait.
Lorsqu'il lui toucha – presque caressa – la joue, elle hurla mais resta debout. Certaines villageoises détournèrent les yeux et protégèrent les yeux de leurs enfants.
Elna se sentit soudain très mal. Le Morden retira sa main et la sensation désagréable quitta Elna. Cette dernière se tourna vers sa sœur. Le Morden forçait toujours Claire à le regarder dans les yeux. Le visage de l'enfant était recouvert de larmes et la fillette tremblait de terreur. L'homme lui permit enfin de baisser le regard. Elle fixa obstinément le bout de ses pieds nus.
Le Morden se tourna vers ses camarades et ils se sourirent. Puis, l'homme se tourna vers Claire et annonça d'une voix très douce :
- Tu me plais, beaucoup… Viens, esclave.
Ce disant, il lui tendit sa main gauche. Claire était pétrifiée. Elle savait qu'elle n'avait pas le choix, tout le monde le savait. Être l'esclave d'un Morden était un travail mortel en quelques lunes.
- Non, dit Tuta en tirant Claire vers elle.
La mère d’Elna et Claire était très protectrice. Voir son enfant être emmenée par un Morden était une promesse de mort lente et douloureuse. Tuta ne pouvait s'y résoudre.
Elna se tourna vers les Mordens. Le premier tendait toujours la main, attendant que son ordre soit exécuté. Les deux autres regardaient ailleurs, comme si la scène ne les concernait pas. Ils semblaient s'ennuyer ferme et ne prenaient pas part à l'affrontement silencieux.
Comme la première fois, le Morden laissa le moulin tourner. Claire était blottie entre les jambes de sa mère. Elna le savait, Tuta ne céderait pas. Que se passerait-il alors ? Elna n'avait jamais vu quiconque oser se mettre entre un Morden et sa victime. Elle avait déjà assisté à la prise de deux esclaves, mais à chaque fois, les parents, bien qu'en pleurs, avaient laissé leur enfant être emmené.
Le moulin tournait dans un silence pesant. La main tendue, le Morden ne semblait pas se lasser ou se fatiguer. Il fixait Claire et non Tuta, comme si c'était à l'enfant d'agir. La jeune fille, quant à elle, fixait le sol avec une obstination extraordinaire.
- Tuta, lâche-la ! souffla Ingrid, la femme du fromager.
Tuta se tourna vers son amie et fit "non" de la tête. C'était parfaitement évident que la femme faisait des efforts surhumains pour ne pas pleurer.
- Tuta ! Tu dois la lui laisser ! insista Ingrid.
Tuta s'y refusa. Elle serra plus fort son enfant contre elle. Personne ne bougeait. Les villageois regardaient sans oser intervenir. Tuta et Claire étaient paralysées de terreur et les Mordens ne semblaient pas vouloir quitter la route.
Le temps semblait ralentir. Lorsque la voix du Morden brisa le silence, tous sursautèrent.
- Jeune fille, si tu n'es pas là quand j’atteindrai « trois », tous ces gens seront morts, à toi de voir.
De sa main droite, il avait désigné l'ensemble des villageois.
- Un, commença-t-il.
L'air devenait lourd. Nul ne remettait en cause la validité de la menace.
- Deux, continua le Morden.
Claire se détacha des bras de sa mère, s'avança et prit la main gauche tendue du Morden. Il n'eut pour elle aucun sourire. Il l'amena contre lui et la serra contre ses hanches. Puis, pour la première fois, il leva les yeux sur Tuta.
- Approche, ordonna-t-il à la femme.
Tuta ne bougea pas. L'homme avança son gant vers le visage de l'enfant. Il ne l'avait pas encore touchée que Tuta s'était avancée.
Lorsqu'elle fut en face de lui, il l'attrapa par la gorge. Le gant touchant sa chair, Tuta se mit à hurler. Elna n'avait jamais entendu un tel hurlement de douleur. Le cri emplissait l'air.
Elna sentit le sol se dérober sous ses pieds. Elle s'écroula. Le premier Morden ne s'en rendit pas compte mais le second, lui, s'en aperçut. Alors que le premier lâchait le corps sans vie de Tuta et resserrait Claire contre lui, le second lança d’une voix surprise :
- Par Astralius ! Ar’shyia !
Le premier se tourna vers Elna, toujours inanimée sur le sol. Tenant Claire par le col de sa robe, il s'approcha de la jeune fille évanouie. Avisant qu'il ne pouvait la toucher avec son gant sans la faire souffrir, il attrapa la robe de Claire de sa main gantée et toucha Elna de sa main gauche.
Claire tremblait et pleurait. Elle faisait son possible pour que le gant ne la touche pas. Son dos était contracté. Elle venait de voir sa mère mourir sous ses yeux pour avoir essayé de la protéger et voilà que maintenant, sa sœur s'évanouissait, amenant sur elle le regard des Mordens.
Les Mordens conversèrent quelques secondes à voix basse puis, tandis que le maître de Claire se redressait, les deux autres retirèrent leur gant et entreprirent de relever Elna.
L'un d'eux lui envoya une puissante gifle. Elna ouvrit les yeux. Elle ne comprenait pas ce qui se passait. La seconde d'avant, elle regardait sa mère subir une torture mortelle de Morden et voilà que maintenant, deux d'entre eux la tenaient.
Son esprit était embrumé. Elle se tenait debout avec peine et ce malgré l'aide des deux hommes. Elle se rendit compte qu'elle était couverte de terre. Était-elle tombée ? Elle ne s'en souvenait pas. Elle se rappela s'être sentie très mal, comme si sa vie était aspirée hors d'elle.
Les hommes la maintenaient debout, le dos tourné vers sa sœur et le troisième Morden. Après un long moment, Elna finit par se tenir debout seule mais les Mordens ne la lâchèrent pas. Tout le monde avait attendu dans le plus grand silence, peu désireux de subir le même sort que Tuta.
- Approche, ordonna soudain le premier Morden en regardant Ingrid.
La femme crut mourir de peur. Claire, toujours tenue contre son maître, sursauta. Le Morden ne sembla même pas s'en rendre compte. Ingrid obéit à l'ordre du puissant seigneur. Lorsqu'elle fut devant lui, il regarda brièvement Elna avant de se tourner vers Ingrid et d'annoncer :
- Comment as-tu osé élever la voix sans y être conviée ?
Ingrid avala avec difficulté. En voulant aider son amie, elle venait de signer son arrêt de mort. Ingrid tomba à genoux et attendit en silence le bon vouloir du Morden.
- Vous avez visiblement besoin qu'on vous rappelle qui sont les maîtres ! s'exclama le Morden en regardant les villageois environnants.
Chacun d'eux eut l'impression d'être transpercé par le regard brûlant de l'homme. Le Morden posa sa main droite sur la nuque d'Ingrid. Son cri emplit l’air. Toutefois, le Morden ne la regardait pas. Il fixait Elna qui lui tournait le dos. Alors qu'Ingrid hurlait de plus belle, Elna sentit ses jambes se dérober.
Un instant plus tard, elle ne tenait plus que grâce aux deux Mordens et son esprit était parti. Le premier Morden retira sa main d'Ingrid. Les hurlements cessèrent.
Le second Morden gifla à nouveau Elna qui s'éveilla avec un puissant mal de crâne. Sans un autre mot, les Mordens se remirent sur la route et quittèrent le village en emmenant les deux jeunes filles. Ingrid était effondrée mais en vie. Elle pleurait la mort de son amie Tuta. Lorsqu’Arhon, le père d’Elna et Claire, revint de la chasse, il hurla de peine et de douleur. Il venait de perdre toute sa famille.
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Elna suivait difficilement le rythme de marche, pourtant faible, imposé par les Mordens. Les deux blonds l'avaient lâchée mais ils avançaient derrière elle et la poussaient de temps en temps. Ils avaient remis leurs gants alors que le premier l'avait retiré et passé à sa ceinture.
Il caressait Claire qu'il tenait devant lui. Sa main passait sur son visage, ses cheveux, sa nuque et ses épaules avec douceur. Parfois, il lui caressait les bras et les mains, sans jamais la blesser. La fillette se laissait faire mais son visage était couvert de larmes.
Elna le regardait faire avec dégoût. Elle aurait voulu venir en aide à Claire mais elle se sentait faible et impuissante. Les pleurs de sa petite sœur lui transperçaient le cœur. Ce ne fut qu'au crépuscule que les Mordens permirent une pause. De toute la journée, le maître de Claire n'avait pas ouvert la bouche. Il se satisfaisait du contact avec la fillette.
À l’inverse, les deux Mordens blonds avaient beaucoup discuté mais Elna ne les écoutait pas. Au départ, elle avait tenté de suivre la conversation mais celle-ci se révéla fort peu intéressante et carrément banale.
L’un d’eux racontait comment sa femme allait l’engueuler quand il rentrerait parce qu’il lui avait promis de rentrer avant la pleine lune et qu’elle était passée depuis bientôt trois jours. L’autre lui avait dit qu’il se laissait mener à la baguette. Son compagnon remettant en cause sa virilité, une dispute avait éclaté entre les deux hommes.
Cependant, Elna avait compris que les deux hommes, probablement amis depuis toujours, ne faisaient que se chamailler car la dispute ne dura pas longtemps et les deux hommes bavardèrent de plus belle.
De cette conversation, Elna ne retint qu’une chose, le nom des deux hommes : celui aux cheveux blonds courts s'appelait Cythil et celui aux cheveux longs By'ard.
Alors que le Morden de tête ordonnait l’arrêt pour la nuit, Elna commençait à se sentir mieux. Ses forces lui revenaient et son esprit s’éclaircissait. Le maître de Claire fit asseoir son esclave à même la terre et bien qu'il ne dit rien, il ne faisait aucun doute qu'elle n'avait pas à se lever sans son ordre. Les Mordens ne dirent rien à Elna. La jeune femme s'assit derrière sa sœur, lui fit reposer le dos contre sa poitrine et la berça. La fillette sanglotait et tremblait.
Elna la serra fort contre elle mais conserva le silence. Elle n'avait pas envie de subir le même sort qu'Ingrid. Les Mordens blonds disparurent dans les bois environnants. Le maître de Claire ramassa du bois qu'il amassa devant les deux filles et, après avoir créé un cercle de pierres, mit du bois à l'intérieur. À l'aide d'un briquet, il alluma un bon feu. Claire avança les mains vers les flammes, appréciant la chaleur qui en émanait. Le Morden s'assit en tailleur de l'autre côté du feu. Il observa les deux filles un bon moment avant d'annoncer :
- Je m'appelle Ewin Craig. Pour vous, ça sera maître. Quel est ton nom, esclave ?
Claire regardait le feu. Elle répondit d'une voix faible et aiguë.
- Claire.
- Lorsque tu me parles, continua le Morden, tu me regardes et tu mets mon titre dans ta phrase.
Le Morden avait prononcé ces mots d'une voix calme et douce. Il ne semblait pas en vouloir à la fillette mais simplement annoncer une règle. Claire leva les yeux sur le Morden et corrigea d'une voix un peu moins tendue :
- Je m'appelle Claire, maître.
Ewin acquiesça d'un geste de la tête. La réponse semblait lui convenir. Un souffle de vent froid balaya la clairière. Claire frissonna. Elna, elle-même morte de froid, entoura ses bras autour de la fillette pour la protéger. Le Morden ne sembla pour sa part absolument pas incommodé. Il annonça en regardant Elna :
- C'est gentil de ta part de prendre soin d'elle.
Elna ne savait trop si elle devait répondre à cela. Ce n'était pas une question. Elle décida de ne rien dire.
Des bruits provinrent de la route. La nuit était tombée et la seule lumière provenait du feu. Les deux Mordens blonds revenaient. Ils étaient montés sur deux chevaux et en tenaient deux autres par la bride. Ils attachèrent leurs montures non loin puis s'installèrent de part et d'autre d’Ewin, en posant une besace devant eux. Ils sortirent de la nourriture et des écuelles qu'ils disposèrent devant eux. Ils commencèrent à faire à manger dans le plus grand silence.
- Sais-tu monter à cheval ? demanda Ewin en regardant Elna.
La femme fit "non" de la tête.
- Lorsque tu me réponds, dans la mesure du possible, je veux que tu me parles, annonça le Morden d'une voix douce. Sais-tu monter à cheval ?
- Non, je ne sais pas, répondit Elna en le regardant.
- Toi aussi, tu m'appelles par mon titre.
- Non, je ne sais pas, maître, corrigea Elna.
- Tu apprendras, dit-il comme si les erreurs précédentes n'avaient pas existé. Saurais-tu t'en occuper ?
- Oui, maître.
- Parfait, tu en seras donc responsable. En attendant que la nourriture soit prête, va t’occuper d'eux. Ça me permettra de savoir ce que tu vaux. Esclave, dit-il en se tournant vers Claire, viens là.
Claire et Elna se levèrent. Elna se dirigea vers les chevaux tandis que Claire s'asseyait dans les bras du Morden. Il lui caressa le ventre et le visage. Claire se mit à trembler mais ne refusa aucun des gestes de son maître.
Elna s'occupa des chevaux, qui en avaient un grand besoin. Ewin la regarda un instant, puis, avisant qu'elle travaillait bien, entreprit de participer à la conversation que les deux autres Mordens venaient de commencer, sans oublier de poser ses mains sur le corps de Claire.
Elna adorait les bêtes et prenait soin des chevaux de trait du village, utilisés dans les champs, mais également au moulin ou pour transporter les denrées sur les marchés. Elle se montrait curieuse de tout et adorait écouter les anciens et les anciennes du village parler. Elle écoutait, observait, apprenait avec bonheur.
Peu après avoir commencé à bouchonner les montures, la nourriture fut prête. Elna n'avait pas fini. Elle termina son travail avant d'aller s'asseoir. Un Morden blond lui tendit une écuelle pleine et une cuillère en bois. Elna mangea sous le regard de sa sœur qui, elle, était servie à la béquée par son maître qui lui faisait partager son repas.
Il se délectait de la voir être nourrie comme un bébé. La situation semblait beaucoup amuser les trois Mordens qui riaient. Le pain et le ragoût étaient délicieux. Jamais Elna n'avait aussi bien mangé de toute sa vie.
Lorsqu'elle reposa l'écuelle, son estomac était satisfait. Elle regarda sa sœur et constata que la main gauche du Morden était posée sur l'intérieur de sa cuisse et qu'il la remontait lentement. Claire tremblait de peur et Elna de rage. Cet homme, elle avait du respect pour lui, pour sa fonction, pour son travail. Pourtant, aujourd’hui, elle ne voyait qu’un porc, ne lui inspirant que dégoût et mépris. Il dut s'en rendre compte car il leva les yeux sur elle et annonça en souriant :
- Rassure-toi, j'aime aussi les femmes accomplies. Qui sait ? Peut-être en auras-tu la preuve un jour…
Ce disant, il l'avait littéralement déshabillée du regard. Elna baissa les yeux mais elle ne put s'empêcher de trembler de rage. Ewin se tourna vers ses compagnons et continua à bavarder avec eux, tout en caressant la fillette dans ses bras. Cette nuit là, Claire dormit dans les bras de son maître et Elna non loin des deux Mordens blonds.
Le lendemain matin, Claire monta avec son maître sur l'une des montures tandis que By’ard, le Morden aux cheveux longs, expliquait à Elna comment se tenir sur un cheval. La jeune femme écoutait en silence. Elle ne lui adressa jamais la parole, se contentant de retenir ses indications. Elles furent suffisantes pour qu’Elna monte sans trop de difficulté.
Ils chevauchèrent toute la journée, la bride du cheval d'Elna étant attachée au cheval de By’ard. Cette fois, elle ne fut pas en mesure d’écouter la conversation entre les deux Mordens, qui discutaient à voix basse, en la regardant, un sourire aux lèvres, trop souvent aux yeux de la jeune femme.
De fait, Elna s’ennuyait et était très mal à l’aise. Elle s’agitait beaucoup sur son cheval. Visiblement, son angoisse se transmettait à sa monture qui faisait beaucoup d’écarts soudains, ne facilitant pas les choses à sa passagère novice.
Le soir, Ewin lança à nouveau un feu tandis qu'Elna s'occupait des chevaux et les deux Mordens blonds de la nourriture.
- Va l'aider ! ordonna Ewin à Claire en désignant Elna. Vous pouvez parler, mais je ne veux pas vous entendre d'ici.
Claire hocha la tête. Voyant que son maître ne la lâchait pas, elle se rendit compte qu'elle avait manqué une de ses règles : il voulait qu'on lui réponde en parlant. Elle le fit donc :
- Oui, maître.
Ewin la libéra. Claire, soulagée de quitter enfin les bras de son maître, rejoignit sa sœur avec plaisir. Lorsqu'Elna la vit arriver, elle ne comprit pas.
- Il veut que je t'aide, murmura Claire.
Elna eut un regard affolé. Claire rajouta :
- Il accepte qu'on parle du moment qu'on ne les dérange pas.
Elna acquiesça.
- Comment vas-tu ? demanda Elna. Je déteste cet homme. Comment ose-t-il te faire cela ? Ils sont censés faire respecter la loi !
- C’est leur paiement, tu le sais bien, murmura Claire, dépitée. C’est tombé sur moi, voilà tout.
- Ne sombre pas dans le désespoir, gronda Elna. Nous trouverons un moyen de…
- Les chevaux ! gronda Ewin.
- Prends ce seau et va me chercher de l'eau dans la rivière à côté, puis abreuve les chevaux, ordonna Elna à sa petite sœur, peu désireuse de mettre le Morden encore plus en colère.
Claire acquiesça. La tâche allait être plutôt rude pour cette enfant mais pas insurmontable. Ce n'était pas tant l'aller que le retour qui était difficile. Le seau était lourd et le terrain en côte. Lorsque Claire disparue chercher un second seau, Ewin lança :
- Ar'shyia ?
La conversation entre les deux Mordens cessa. Elna ne s'en était pas rendue compte. Elle continuait de s'occuper des chevaux. Lorsqu'elle sentit les regards peser sur elle, elle se retourna sans comprendre. Ewin la regardait. Il annonça :
- Ar'shyia, c'est toi, jeune femme.
- Oh ! s'exclama Elna. Je suis navrée, maître, je l'ignorais.
- Ce n'est pas grave. Fais en sorte de répondre à ce nom, maintenant.
- Comme vous voulez, maître. Vous vouliez me voir ?
- Non, je voulais te poser une question, Ar'shyia. Pourquoi as-tu donné à mon esclave la tâche la plus difficile ?
- Parce que Claire a peur des chevaux, depuis très longtemps. Elle est terrorisée dès qu'elle doit s'en approcher. Alors je lui ai donné la seule tâche qui l'en éloigne.
Ewin hocha la tête. Puis, il annonça :
- Approche.
Elna obéit. Lorsqu'elle fut près de lui, il annonça :
- À genoux.
Elna obéit et s'agenouilla devant Ewin, qui, lui était toujours assis. Sans que rien ne l'y ait préparée, il la gifla violemment. Elna resta à genoux mais elle ne put empêcher une larme de douleur de couler le long de sa joue. Elle porta sa main sur sa joue par réflexe.
- Retire ta main, ordonna Ewin. Si je veux te frapper, je dois pouvoir le faire !
Elna obéit. Il ne la frappa pas une nouvelle fois. Elna regardait le sol. Ewin attendit un instant puis annonça :
- La prochaine fois que tu oublies mon titre dans une de tes phrases, tu écoperas de bien plus que cela. Suis-je clair ?
- Oui, maître, répondit Elna.
Ewin attendit un instant, puis, comme Elna ne disait rien de plus, il annonça d'une voix calme :
- Lorsque tu commets une erreur, excuse-toi.
- Je suis désolée, maître. Pardonnez-moi, murmura Elna.
- Comment sais-tu que Claire a peur des chevaux ?
- Nous vivons dans le même village. Tout le monde se connaît.
Ewin attendit un instant.
- …maître, souffla Elna en tremblant.
Ewin sembla se satisfaire de cette réponse. Il lui ordonna de reprendre le travail et reprit sa discussion avec ses camarades. Claire arriva quelques instants plus tard avec un seau plein d'eau. Elle se pencha sur sa grande sœur.
- Pourquoi lui as-tu dit ça ? J'adore les chevaux !
- Je sais, répliqua Elna. À partir de maintenant, fais croire que tu en as peur.
- Pourquoi ? s'exclama Claire tout en chuchotant.
Elna mit ses mains sur les épaules de sa sœur.
- Tu me fais confiance ?
Claire hocha la tête.
- Alors obéis, sans poser de question, répondit Elna.
Claire acquiesça une nouvelle fois. À partir de ce moment là, elle fit son possible pour ne pas s'approcher des chevaux et dès qu'elle devait le faire, elle tremblait. Elna fut impressionnée : elle y aurait presque cru.
Les jours se ressemblèrent. Claire jouait parfaitement son rôle. Dès qu’Ewin la mettait sur sa monture le matin, elle se tortillait sur la bête comme si elle fut empoisonnée et lorsqu'il lui permettait de descendre le soir, elle affichait une expression soulagée.
Les Mordens ne semblaient plus s'intéresser à Elna. Ils parlaient de nouveau à voix haute et leurs conversations étaient sans intérêt.
Elna se sentait un peu mieux sur un cheval bien qu'elle eut toujours du mal à supporter la douleur. Ses cuisses, ses fesses et son dos la faisaient en effet énormément souffrir.
Le soir du quatrième jour de chevauchée, alors qu'Elna s'occupait seule des chevaux, elle remarqua qu’Ewin demandait à Claire de changer de position dans ses bras.
Comme à son habitude, le Morden était assis le dos contre un arbre. Ses jambes étaient étendues devant lui, légèrement écartées. En temps habituels, Claire s'asseyait devant lui, posant son dos sur la poitrine de l'homme, et allongeant les jambes devant elle. De cette manière, il jouait avec elle sans difficulté. Elle ne pouvait échapper à son bourreau qui la caressait avec un ravissement jamais caché. Il lui arrivait de mettre ses mains – non gantées – sur sa gorge et de serrer doucement. Si Claire avait le malheur de se débattre, il lui faisait connaître la douleur du gant.
Elna ne comprit pas pourquoi il demandait à sa sœur de bouger. Il lui demanda de se mettre à genoux tout en lui tournant le dos puis la fit doucement reposer sur sa poitrine. Il lui demanda ensuite d'écarter les genoux. Claire tremblait. Ewin lui susurrait ses ordres à l'oreille, sa main gauche sur sa gorge.
Lorsqu'elle eut écarté les genoux, il plaça sa main droite non gantée sous la robe de son esclave et la posa sur son genou droit. Puis, il remonta lentement le long de la cuisse fine de Claire. La jeune femme tremblait mais la main de son maître sur sa gorge, elle n'osait pas bouger.
Elna et les deux autres Mordens le regardaient faire. Elna était horrifiée mais ne pouvait rien faire. Les deux Mordens souriaient. On n'entendait que les bruits des insectes et animaux nocturnes.
Soudain, Claire gémit et tenta de refermer ses genoux. Ewin serra sa main sur sa gorge. Claire, à la limite de la suffocation, écarta ses genoux et gémit de plus belle tandis que l'air entrait à nouveau dans ses poumons.
Elna n'aurait su dire combien de temps dura la torture, mais elle lui sembla ne pas se finir. Enfin, il lâcha la jeune femme et lui ordonna d'aller aider l'Ar'shyia à s'occuper des chevaux. Lorsque Claire arriva près de sa sœur, elle se jeta dans ses bras en pleurant.
- Tu as mal ? demanda Elna.
Claire acquiesça en gémissant.
- Je suis désolée, petite sœur. Je n'ai pas pu te protéger de ce monstre. Je te promets de te sauver. Tu vivras, crois-moi. Sois forte et courageuse, j'aurai bientôt ce qu'il me faut.
- Mon ventre… j'ai mal, gémit la fillette.
Elna leva les yeux sur Ewin. Il la fixa lui aussi puis se lécha le majeur de la main droite avec un sourire sadique. Elna tremblait de rage. Ewin se tourna vers ses compagnons. Il souriait vraiment.
- Je veux… maman… chouina Claire en pleurant.
Elna se retint avec peine de pleurer.
- Pardon… pardon de n'avoir pas pu empêcher ça. Je te promets de te sauver mais je t'en prie, tiens bon.
Claire hocha la tête.
- Va chercher de l'eau, annonça Elna en lâchant sa sœur. Sinon, il pourrait te faire mal uniquement parce que tu n'as pas obéi à son ordre de m'aider. Le ruisseau est par là. Profites-en pour te laver, ça te fera du bien.
Claire hocha la tête et disparut dans la forêt. Elle revint un peu plus tard. Ses yeux étaient rouges mais elle ne pleurait plus.
Claire se retrouva à nouveau dans les bras de son maître pour le dîner. Comme d'habitude, il la nourrit lui-même. Souvent, il regardait Elna pour voir sa réaction. Il semblait apprécier autant les tremblements de douleur de son esclave que ceux de rage de la jeune femme.
Le lendemain soir, lorsque le Morden aux cheveux noirs demanda à Claire de se mettre dans la même position que la veille, la fillette ne put bouger. Elle tremblait. Lorsqu'il lui attrapa le bras pour l'attirer à lui, elle tenta de lui échapper. Il la plaqua sans difficulté contre lui. Dès qu'il posa sa main sur sa gorge, elle cessa de se débattre.
- Tu n'aimes pas ça ? murmura-t-il à son oreille. Voyons si tu préfères la punition…
Sa main gauche toujours sur la gorge de son esclave, il tendit sa main droite vers By’ard. Celui-ci sourit et lui passa son gant. Lorsque la main droite d’Ewin fut recouverte de la protection rouge, il serra le poing, faisant crisser le cuir, puis fit bouger sa main devant les yeux de la fillette. Elle gémit de peur et tenta d'échapper à la poigne de son maître. Il la plaqua plus fortement et serra la main sur sa gorge. Les yeux de la fillette étaient écarquillés. Malgré le manque d'air, elle continuait de se débattre.
- Tu veux mourir ? susurra Ewin. Ça ne me dérange pas. J'aime beaucoup tuer mes victimes par suffocation.
Claire se calma.
- Bien, lâcha Ewin. À présent, tu es seule responsable de ta punition. Plus tu me désobéiras et plus elle sera longue. Mets-toi en position.
Claire trembla et ne bougea pas. Ewin ne fit rien non plus.
- Ça risque de durer sacrément longtemps, annonça Ewin après un léger moment de vide. Si tu aimes souffrir, c'est ton problème après tout.
Claire regarda sa sœur, de l'autre côté de la clairière, qui s'était arrêtée de s'occuper des chevaux pour regarder la scène. Elna baissa les yeux. Que pouvait-elle faire ?
- Elle ne peut pas t'aider, chuchota Ewin à sa victime. Il va falloir que tu te débrouilles toute seule, esclave. De plus, je trouve ça égoïste de ta part de lui demander de l'aide. Tu as déjà causé la mort de ta mère, ça ne te suffit pas ?
Claire fondit en larmes en gémissant. La fillette comprit qu'elle n'avait pas le choix. Elle se mit en position : à genoux, cuisses écartées.
- Je crois que la prochaine fois, tu obéiras tout de suite, sans te débattre.
Il passa sa main droite, maintenant gantée, sous la robe de la fillette. Elle hurla, le cri déchirant la nuit. Alors que le hurlement de sa sœur continuait, Elna sentit sa vie s'échapper hors d'elle. La sensation était très douloureuse. C'était comme si son âme lui était doucement arrachée.
Elna trembla. Sa respiration se fit plus rapide, son cœur accéléra. Elle se tint à l'un des chevaux. Il faisait soudain très chaud. Sa sœur hurlait toujours. Ewin ne semblait pas vouloir faire cesser la torture. Elna vit soudain des points noirs apparaître devant elle. Ses jambes lâchèrent et elle tomba.
- Par Astralius, arrêtez ! dit By'ard. Vous allez la tuer !
Ewin le regarda, surpris.
- J'en doute. Le gant n'a jamais tué personne de cette manière !
- Je ne parle pas de votre esclave, mais de l'Ar'shyia ! s'exclama By'ard.
Ewin regarda Elna et en la voyant au sol, il retira vivement sa main du ventre de la fillette qui cessa de hurler mais pas de pleurer et de gémir. Elna se sentait très mal. Elle ne s'était pas évanouie mais son corps tout entier était douloureux.
- Sauvée par l'Ar'shyia ! lança Ewin à Claire.
Il se leva puis regarda Claire qui s'était lovée sur le sol.
- Ne bouge pas.
Claire acquiesça d'un hochement de tête. Ewin lui décocha un majestueux coup de pied dans le ventre.
- Tu réponds en me parlant ! Je veux entendre ta voix !
- Pardon, maître, murmura Claire d'une voix faible.
Elle tremblait de partout et ses yeux étaient embués de larmes. Ewin s'éloigna et se dirigea vers Elna. Il retira son gant puis la fit s'asseoir.
- Comment va-t-elle ? interrogea By'ard.
- Elle va s'en remettre mais il est inutile de lui demander quoi que ce soit ce soir, lui apprit Ewin.
- Faites attention, nous ne voulons pas qu'elle meure !
Ewin le transperça du regard.
- Pardonnez-moi, continua By'ard, je ne voulais pas paraître insultant. Je suis simplement inquiet.
- N'ayez crainte, ceci ne se reproduira plus. C'est dommage qu'elle n'ait pas davantage de pouvoir. J'aurais bien continué un peu plus longtemps.
- Ça viendra. D'ici peu, on pourra faire durer la torture des heures durant. En attendant, mieux vaut y aller doucement.
Ewin acquiesça de la tête. Il amena en douceur Elna devant le feu et l'installa sous une couverture. Elna s'endormit. Ewin prit Claire par les cheveux pour la faire se lever. La fillette cria mais ne se débattit pas.
- Va finir de t'occuper des chevaux.
Il la jeta devant lui. Claire respirait rapidement. Elle se releva et alla s'occuper des bêtes. La douleur ne lui fit pas oublier de faire croire qu'elle était censée ne pas aimer les chevaux.
Elna ne reprit conscience que le lendemain peu après le déjeuner. Son corps tout entier la faisait souffrir, comme si des centaines de couteaux l'avaient transpercée de partout. La douleur l'avait quittée depuis peu lorsque les Mordens ordonnèrent l'arrêt du soir.
Elna se demandait où ils pouvaient les emmener. Elle n'était jamais allée aussi loin de chez elle et aurait été bien incapable de retourner au point de départ. Elna s'occupa des chevaux sans que personne n'ait eu besoin de lui demander. Ewin, après avoir allumé un feu, fit signe à Claire de la rejoindre.
- On va voir si tu apprends vite… Mets-toi en position.
Claire se sentait faible et misérable. Elle obéit sans discuter. Plus rien ne semblait pouvoir l'éloigner de cet homme.
- Tu commences à comprendre, susurra Ewin en passant sa main sous la robe de la fillette.
Claire ne se débattit jamais mais les larmes recouvrirent son visage. Ewin finit par la lâcher et l'envoyer aider l'Ar'shyia. Elna prit tout de suite sa sœur dans ses bras.
- Comment vas-tu ? demanda la fillette à sa grande sœur. J'ai eu peur quand tu es tombée !
- Pardonne-moi de t'avoir effrayée. Je vais mieux, tu n'as pas à t'en faire.
- Ça te fait mal ?
- Beaucoup, mais le pire, c'est que je ne sache pas pourquoi j'ai mal.
Voyant l'air apeuré de sa petite sœur, Elna rajouta :
- Ne t'inquiète pas, la douleur disparaît assez rapidement. Je ne sens plus rien maintenant.
- Ils ont dit… que tu as un pouvoir. Que la torture… durait longtemps grâce à toi.
Elna frissonna. Était-ce possible ? Trop faible, elle n’avait pas perçu, la veille, la discussion entre les Mordens mais Claire, bien que prostrée, n’était pas sourde.
- Ils ont dit qu’ils ne voulaient surtout pas te tuer, comme si tu étais importante.
- Je ne sais rien de tout ça, assura Elna. Je te le jure. Je ne comprends rien. Ce que je sais, c’est que je m’inquiète pour toi. Comment te sens-tu ?
- La douleur ne s'en va pas… murmura la fillette. Je me sens sale.
Elna prit sa sœur dans ses bras et dans le creux de son oreille, annonça :
- Si tout se passe comme prévu, demain, tu seras libre.
Claire sursauta. Elna continua :
- Il faut que tu fasses exactement ce que je te dis, c'est très important.
Claire acquiesça de la tête et regarda sa sœur dans les yeux.
- Explique-moi.
- Ces derniers jours, j'ai réussi à ramasser des champignons hallucinogènes.
- Tu n'arriveras jamais à les leur faire manger ! s'exclama Claire en regardant les Mordens.
- Je ne compte pas les donner aux Mordens, mais aux chevaux, dit Elna en montrant le seau qu’elle tenait dans sa main.
- Je ne comprends pas…
- Je n’ai empoisonné que trois d'entre eux. Le quatrième, celui d’Ewin, je l’ai nourri correctement. Le champignon met une nuit à agir. Demain, lorsqu’Ewin te mettra sur le cheval, tu t'enfuiras. Les autres tenteront de te poursuivre, mais sur des chevaux en proie à des hallucinations, je leur souhaite bien du courage !
- Je monte des chevaux de trait d’habitude, pas des destriers ! s’exclama Claire qui adorait mener les bêtes des champs au village et réciproquement.
- Ils t’obéiront tout pareil, la rassura Elna. Ne retourne pas au village. Les autres pourraient te dénoncer. Va retrouver Arhon sur l’une des pistes de chasse et partez, loin…
- Tu ne comptes pas venir avec moi ? interrogea Claire d’une voix mouillée.
- Moi ? Monter sur un cheval ? s’étrangla Elna. Tu es folle ! Je suis nulle. Je passe mon temps à glisser et à me rattraper alors que la bête marche au pas et que les Mordens tiennent la bride. Je te ralentirai trop. Je vais m’enfuir à pied dans la direction opposée à la tienne. Cela les obligera à se séparer. Tu auras tes chances et moi aussi. Ils ne s’attendent pas à ce qu’on tente quoi que ce soit. Ils se croient tellement supérieurs ! Ils pensent que tout leur est dû. Ils vont vite déchanter. Tu vas retrouver ta liberté, petite sœur. Plus jamais ce porc ne posera les mains sur toi. Tu as ma parole !
Claire hocha la tête. Elna annonça :
- Je vais donner la nourriture aux chevaux. Va chercher de l'eau. Il ne faut pas attirer leur attention.
Claire se dirigea vers un petit ruisseau non loin pour remplir des seaux. Elna termina de donner la nourriture empoisonnée aux trois chevaux affamés.
Cette nuit-là, dans les bras de son maître, Claire sentit son estomac se rétracter. Elle espérait être à la hauteur de ce que sa sœur attendait d'elle. Demain, elle serait libre. Sa sœur, elle, fuirait à pied. Quelles étaient les chances qu’elle distance l’un d’eux à la course ? Aucune, comprit Claire. Elle avait beau être petite, elle comprenait que sa sœur se sacrifiait pour elle. Seule consolation : Elna semblait avoir de la valeur aux yeux des Mordens. Ils ne la tueraient donc pas. Était-ce réellement préférable ? Claire n’aurait su le dire.
Le lendemain, après un rapide petit déjeuner, Elna sella les chevaux pendant que les Mordens rangeaient le camp. Elna avait remarqué que les trois Mordens s’occupaient ensemble du camp. Ils semblaient de rangs égaux. Pourtant, les deux blonds étaient d’une politesse excessive envers Ewin. On aurait dit qu’ils craignaient sa colère.
Elna sella d'abord le cheval d’Ewin et aida Claire à monter. Ewin appréciait de voir son esclave se tortiller de malaise sur le cheval si bien qu'il la faisait monter bien avant le départ. Elna lança un regard à sa sœur. De ce simple échange, elles se dirent adieu. Elna donna les rênes à Claire et frappa la croupe du hongre.
Claire lança sa monture au galop. Elna la trouva douée, bien plus qu’elle ne le laissait paraître. Sa petite sœur s’en sortait à merveille, sans doute poussée par la peur. Elna se sentit fière. Elle avait réussi à libérer sa petite sœur, à la protéger de ce monstre.
Elna se retourna pour s’élancer vers les bois. Son geste fut interrompu par la poigne d’Ewin sur son bras. Il était déjà sur elle ? Mais comment avait-il pu réagir aussi vite ? Elna pensait les prendre par surprise. Apparemment, ils avaient prévu une tentative de fuite. Elna dut s’admettre impressionnée. Consciente que lutter contre le Morden serait vain, elle ne tenta pas de se débarrasser de lui, tremblant de rage et d’impuissance.
Les deux Mordens blonds sautèrent sur leurs montures et disparurent rapidement dans les arbres à la suite de la fillette. Des cris jaillirent presque tout de suite des bois : ce n'était pas les cris d'un enfant mais ceux des Mordens. Ewin se tourna vers Elna, la transperça du regard et demanda :
- Qu'as-tu fait ?
Elna se tenait droite. Elle regarda le Morden dans les yeux, un immense sourire sur le visage.
- J'ai empoisonné les chevaux… Personnellement, continua-t-elle d'une voix moqueuse, je n'aurais pas osé monter un cheval dans cet état.
Elna avait volontairement oublié le titre dans sa phrase.
- Que leur as-tu donné ?
- Des champignons hallucinogènes. Les jeunes aiment bien en consommer. Ça égaille les fêtes ou les soirées d’hiver. Les chevaux, en revanche…
Elna secoua la tête en riant. Ewin la foudroya du regard. Elna resta bien droite. Elle comptait bien affronter la suite avec fierté. Ewin savait qu'il avait commis une erreur : laisser une esclave non soumise s'occuper des chevaux. Il s'était laissé berner comme un enfant.
- Claire monte bien pour quelqu'un qui a peur des chevaux, fit-il remarquer.
Elna sourit. Si les yeux d’Ewin avaient lancé du feu, Elna aurait été réduite en cendres. Soudain, des bois émergèrent les deux Mordens. Du sang s'écoulait du bras de l'un d'eux. La jambe droite du second était salement amochée : l'os sortait au niveau du tibia. Les chausses et la botte étaient déchirées et recouvertes de sang. Il ne faisait aucun doute que la blessure serait mortelle ou au moins qu'il perdrait sa jambe. Son camarade le portait comme il pouvait malgré son bras douloureux.
Brusquement, le troisième cheval, apparemment en proie à une vision, détala dans la forêt. Il n'y avait désormais plus aucun cheval et tout l'équipement était perdu.
Ewin tira Elna et la força à s’asseoir près de ses compagnons blessés. Une fois au sol, elle n’osa plus bouger. Elle avait la sensation qu’il n’hésiterait pas à la frapper si elle tentait un geste. Ne tenant pas particulièrement à se faire rouer de coups, elle resta au sol en silence.
By'ard et Ewin couchèrent Cythil sur le sol. Le Morden blessé ne criait pas. La douleur était visible sur son visage mais il ne hurlait pas. Ewin se tourna vers Elna, les yeux fous.
- Ewin, ne la tuez pas ! prévint By'ard.
Ewin se calma.
- Soit, déclara-t-il. Alors elle souffrira très longtemps.
- Si vous voulez. En attendant, que fait-on ?
- On guérit Cythil et on repart, annonça Ewin en se tournant vers son collègue allongé.
- Et comment comptez-vous réaliser ce miracle ? interrogea By'ard.
Ewin sortit un objet de son aumônière, attachée à sa ceinture. Cela ressemblait à un petit caillou. Ewin le déplia. Il s'avéra qu'il s'agissait en fait d'une feuille verte assez grande. Elna était très intriguée par les événements. By'ard regarda la feuille et annonça :
- Super ! C'est à peine si ça guérit les égratignures !
- En temps normal, oui, répliqua Ewin. Aujourd'hui, nous avons une Ar'shyia sous la main !
By'ard sourit. Elna fit la moue. Elle ne comprenait pas mais une chose était certaine, ça n’était pas bon pour elle. Elle vit Ewin enlever la botte et la chausse de son compagnon. Cette fois, le Morden ne put s'empêcher de hurler. Elna était ravie de l'entendre crier. Elle aurait préféré que ce fût Ewin, mais elle s'en contenta aisément.
- M'est avis que tu riras moins tout à l'heure, cracha Ewin le regard mauvais.
Elna conserva son sourire devant le Morden. Agenouillé devant son camarade, il posa la feuille souple et humide sur la blessure de son camarade.
D'abord, rien ne se produisit. Puis, Elna sentit la vie s'échapper de son corps. La sensation que son âme lui était arrachée reprenait. Elle tomba à genoux. Elle respirait difficilement, sa vision devint floue. Elle cria lorsque la sensation que ses poumons brûlaient se fit ressentir. Elle hurla de plus belle lorsque son corps tout entier parut se déchiqueter. Si on lui avait cassé les os un par un, cela aurait été moins douloureux.
- Elle va mourir si on n'arrête pas, annonça By'ard.
- La blessure n'est pas encore guérie. C'est de sa faute s'il est blessé. Il est juste qu'elle en subisse les conséquences.
Elna ne voyait maintenant plus rien. Elle avait entendu les derniers mots des Mordens mais dans un brouillard. La douleur montait dans son cerveau. Bientôt, elle eut l'impression qu'on lui enfonçait des aiguilles dans le crâne. Ne tenant plus, elle s'évanouit. Ewin retira la feuille de la jambe de son collègue. On ne voyait plus qu'une simple égratignure.
- Merveilleux ! s'exclama Cythil en se levant. Je ne sens presque plus rien. Je n'ai jamais vu une feuille d'ange guérir aussi vite et aussi bien.
- Alors imaginez ce qu'on va pouvoir faire grâce à l'Ar'shyia, répondit Ewin.
- À condition qu'elle ne meure pas avant, répliqua By'ard avant de mettre Elna dans une position plus confortable.
- Comment va-t-elle ?
- Mal… très mal. Elle est brûlante. Je vais chercher quelques plantes. J'espère que ça l'aidera.
- Faites donc ça, souffla Ewin d'un ton méprisant.
By'ard transperça son compagnon du regard puis partit en forêt. Il fallut toute la journée et toute la nuit suivante à Elna pour reprendre conscience. Elle se sentait affreusement mal. Elle ne fut en mesure de se lever qu'après le déjeuner, auquel ils ne la convièrent pas. Lorsqu'elle fut debout, Ewin annonça :
- On avance et tu n'as pas intérêt à traîner, sinon, tu vas tâter de mon gant.
Ce disant, il lui mit sa main sous le nez. Elna avançait avec peine. Le rythme qu'ils imposaient était rapide et ils ne permettaient aucune pause. Les pieds nus sur les cailloux, Elna souffrait le martyre.
Bientôt, elle ne fut plus en mesure de suivre. Ewin ne lui permit aucun repos. Au contraire, chaque fois qu'elle ralentissait, il lui passait son gant sur la nuque. Il ne faisait que l'effleurer mais la douleur montait immédiatement au cerveau.
En fin d'après-midi, ils arrivèrent à un village. Les habitants sortirent de chez eux et s'alignèrent au bord de la route. Ils regardaient Elna d'un regard terrifié. Tous se demandaient si les Mordens comptaient faire subir la même chose à l'un de leurs enfants.
Elna remarqua que les Mordens ne regardaient pas les villageois. Ils semblaient s'en moquer éperdument. C'était toutefois ce qu'elle pensait. Elle comprit vite qu'elle se trompait.
Ewin s'arrêta devant un groupe de villageois. Eux aussi étaient très pauvres. Leurs haillons n'étaient qu'à peine en meilleur état que ceux d'Elna. Ils étaient terrifiés. Ewin s'arrêta devant un jeune garçon.
- Tu es bien grand. N’as-tu pas déjà vécu ton ascension ? demanda-t-il d'une voix froide.
Lors de ce rituel, un garçon devenait un homme. Elna ignorait tout du contenu de cette cérémonie. Pour les femmes, le saignement indiquait le passage. La nouvelle passait une nuit entière avec ses comparses adultes à recevoir l’enseignement féminin constitué de conseils, de rires, de chants, de danses.
- Si, monsieur, répondit le garçon qui était un homme.
Elna trouva qu’Ewin avait l’œil car elle ne l’aurait pas deviné en le voyant. Il semblait si jeune. L’ascension venait quand le garçon commençait à montrer un intérêt pour le sexe, que ses envies soient tournées vers une femme, un homme ou lui-même.
- Ignores-tu que tout villageois adulte doit se prosterner devant nous ?
Le jeune homme tomba à genoux en tremblant.
- L'ignorais-tu ? interrogea Ewin.
Le villageois hocha la tête.
- Je pensais qu’une attitude déférente suffisait, messire Morden, répondit le jeune homme terrifié.
- Pour les femmes, oui, murmura Elna qui connaissait la règle. Pas pour les hommes.
Eux devaient s’agenouiller. La loi ne laissait aucun doute là-dessus.
- Que le chef du village s'approche, ordonna Ewin en grimaçant.
Elna remarqua que plusieurs garçons se mettaient à genoux à leur tour. Une femme d'une quarantaine d'années s'avança. Elle se plaça devant Ewin et salua d'une révérence appuyée.
- Mon époux est le chef de ce village, mais il est aux champs. Désirez-vous que je vous y conduise, messire ?
Ewin jaugea la femme. Il semblait réfléchir. Il regarda autour de lui comme si les villageois allaient lui apporter la solution.
- Non, dit-il soudain. Le village entier va payer. Comme ça, les autres hameaux sauront qu'on n'enfreint pas les règles impunément.
Ewin embrassa la foule terrifiée du regard puis annonça d'une voix forte :
- C'était à votre chef de village de s'assurer que les règles soient transmises aux plus jeunes. Que tous les garçons qui auraient dû s’agenouiller à notre arrivée et ne l’ont pas fait se mettent au centre.
Nul doute que les trois Mordens les avaient repérés. Les villageois s'échangeaient des regards terrifiés.
- Messire, je vous en prie. Ne faites pas de mal à nos garçons, ils n'y sont pour rien, supplia la femme du chef.
Elna sut que la femme du chef avait commis une grave erreur en prenant la parole sans y être conviée.
- N'utilisez pas votre gant, intervint By'ard. L'Ar'shyia risque de ne pas le supporter. Elle est encore faible.
Ewin tendit la main en soupirant vers son compagnon qui lui donna son couteau. Ewin empoigna le manche et enfonça sans attendre la lame dans la gorge de la femme. Elle s'écroula dans une mare de sang. Il leva les yeux sur les autres habitants.
- Vous avez vraiment besoin d'une remise à jour. On ne parle pas sans y être convié. Et on obéit aux ordres ! Les garçons ! Au centre !
Dans sa main, la lame du couteau dégoulinait de sang. Une dizaine de jeunes hommes s'avancèrent. Ils se mirent en rang, debout, devant Ewin. Le Morden aux cheveux noirs semblait sur le point d'exploser de rage.
- Prosternez-vous ! hurla-t-il méchamment.
Les garçons s'agenouillèrent. Ewin respira plusieurs fois pour se calmer puis annonça :
- Si un seul d'entre vous tente de se soustraire à ma lame, le village entier brûlera.
Un souffle froid balaya l'air. Ewin se mit derrière le premier garçon. Toujours à genoux, il lui fit pencher la tête en avant. Ewin mit le bout de sa lame sur la base de la nuque du garçon. Il frémit en sentant la lame froide sur sa peau. Ewin enfonça la dague dans le cou du jeune homme. Ses yeux se révulsèrent et il tomba.
Ewin s'approcha du second. Alors que le deuxième villageois mourait, le quatrième leva les yeux sur Elna. Dans son regard, la jeune femme vit de la tristesse mais pas de peine. Il était prêt à mourir pour sauver sa famille. Dans ses yeux, elle vit qu'il était résigné.
Lorsque la lame toucha son cou, il la regardait toujours. Son regard ne perdit de sa force que lorsque le couteau le transperça. Ce jeune homme venait de montrer un courage inébranlable face à la mort.
Elna détourna les yeux. Sa famille avait-elle montré le même courage ? Aurait-elle été capable du même courage ? Elle espéra n’avoir jamais à le savoir.
Lorsqu'ils furent tous tombés sous les coups du Morden, ce dernier se tourna vers les villageois et annonça :
- J'espère ne plus jamais avoir à faire ça !
Les habitants baissèrent les yeux. Il régnait un silence de mort. Ewin rejoignit ses camarades, rendit sa lame à By'ard et reprit son avancée. Ils ne quittèrent toutefois pas le village. Ils entrèrent dans l'auberge, avant-dernier bâtiment de l'ensemble de maisons. Le tenancier, agenouillé dehors à leur arrivée, les suivit à l'intérieur.
Les trois Mordens s'installèrent à une table. Ewin claqua des doigts et désigna le sol. Elna s'assit à ses pieds. Elle était tellement fatiguée qu'elle se serait endormie là mais elle savait qu'elle devait rester éveillée. Ewin se tourna vers l'aubergiste.
- Vos clients peuvent revenir et se comporter comme si nous n'étions pas là. Servez-nous à manger et à boire.
- Bien, messire Morden.
L'aubergiste leur amena rapidement du ragoût, du pain, du fromage et de la bière. Puis, il sortit et quelques instants plus tard, d'autres personnes entraient, dont une serveuse. Les autres clients s'assirent mais l'ambiance était plutôt terne.
- N'y a-t’il pas de musique ici ? demanda Ewin.
Des troubadours entonnèrent un air et l'atmosphère s'allégea. Elna était morte de faim. Elle n'avait rien mangé depuis deux jours. Ewin lui donna un verre d'eau qu'elle but avidement après l'avoir remercié mais il ne semblait pas vouloir lui faire partager son repas. Elna avait eu du mal à prendre le verre tendu par Ewin car il le lui avait proposé de sa main droite gantée. Elna avait dû déployer des trésors d'attention afin de ne pas toucher le gant en prenant le verre d'argile.
Il faisait bon dans l'auberge et Elna était contente d'être enfin assise. Si elle avait pu manger, ça aurait presque été agréable. Un feu brûlait dans une cheminée et l'endroit était propre. Les Mordens bavardaient mais leur conversation n’était pas captivante. Pour une fois, Ewin y participait et les deux blonds apprécièrent visiblement que leur compagnon daigne discuter avec eux. Elna regarda les musiciens avec plaisir. Ils étaient doués.
- Ar'shyia ?
Elna se tourna vers Ewin.
- Tu as faim ? demanda-t-il.
Elna se demanda ce qu'elle devait répondre. Elle décida de dire la vérité.
- Oui, maître.
Il mit un morceau de pain dans sa main droite et la tendit, paume vers le haut, devant Elna. Elna regarda l'offrande. Il était clair qu'il voulait qu'elle lui mange dans la main… la main gantée. Si Elna posait les lèvres sur ce gant, la souffrance serait immédiate et vu le morceau de pain, il était impossible d'y échapper. Elle regarda Ewin. Le visage du Morden n'exprimait aucune émotion. Elna se tourna à nouveau vers le gant. Puis, elle détourna la tête et regarda le sol. Elle ne pouvait s'y résoudre malgré la faim qui la tenaillait.
- Comme tu veux, annonça Ewin en enlevant sa main et en reprenant sa conversation avec ses camarades.
Les Mordens restèrent longtemps à table. Ils semblaient apprécier le repos. Ils discutaient lorsqu’un gamin vint se placer un peu devant Ewin, les yeux baissés. Nul doute qu’il attendait l’autorisation pour parler. Ewin termina sa phrase – mais pas sa conversation – puis proposa d’un geste au demandeur de s’exprimer.
- Messire Morden, le chef de mon village m’envoie quérir votre assistance dans la résolution d’une querelle.
- La situation est-elle urgente au point de partir maintenant ? demanda Ewin le ton grave.
- Non, Messire. Le voyage pourra se faire demain. Mon village n’est pas loin. En partant à l’aube, vous y serez largement avant que le soleil ne soit au zénith.
- Parfait. Nous partirons à l’aube. Installe-toi à une table. Tavernier ! lança Ewin au patron. Une chambre et un repas chaud pour le jeune homme.
- Je peux dormir dans l’étable ! précisa le gamin.
- Une chambre, insista Ewin.
Le gamin s’inclina respectueusement et partit s’asseoir à une table voisine. Son attitude montrait qu’il n’avait pas l’habitude d’être traité aussi bien.
Ewin profita de ce moment de distraction pour proposer à nouveau le morceau de pain à Elna. Elle refusa.
Lorsque la nuit fut complète, l'aubergiste vint près des Mordens. D'un regard, il demanda la parole et Ewin la lui offrit.
- Désirez-vous une chambre, messires Morden ?
- Non, répondit Ewin. Nous en voulons deux. De plus, vous ferez en sorte que demain matin, quatre chevaux frais et sellés nous attendent. L'un d'eux devra porter des besaces remplies de nourriture et des gourdes d'eau, le tout pour un voyage de quelques jours. Ajoutez-y une corde de quelques coudées.
Le tenancier sembla sur le point de défaillir tant les demandes étaient nombreuses. Il allait avoir toutes les peines du monde à trouver le tout dans un délai aussi court. Il salua tout de même, promit aux Mordens que tout serait fait comme ils le souhaitaient et partit donner ses ordres.
Lorsqu'il revint, il proposa aux hommes de le suivre jusqu'à leurs chambres. Elna suivit Ewin. La chambre était petite, modeste mais propre, ce qui étonna Elna au plus haut point.
Le Morden congédia le tenancier. Ewin s'approcha du lit, retira ses bottes, son gant, son pourpoint de cuir, sa ceinture et ôta sa chemise. Le corps du Morden était à la limite d'être parfait. Il n'était pas sale et couvert d'écorchures comme ceux des paysans. Il se lava succinctement à l'aide d'un linge qu'il trempait régulièrement dans une bassine d'eau claire posée là à cet effet. Lorsqu'il eut fini, il se tourna vers elle.
- Je vais dormir. Tu es très bien où tu es. Je t'interdis de t'asseoir ou de t'allonger. Si jamais tu me réveilles cette nuit, tu le regretteras.
Il souffla la bougie et se glissa sous les draps. Elna n'en revenait pas. Il venait de lui interdire de dormir. Elna était morte de fatigue et de faim. Une larme coula le long de sa joue et elle dut se retenir, de peur de le déranger, de fondre en sanglot. De peur de faire grincer le parquet de bois, elle n'osa pas bouger. Ses pieds blessés par la marche de la veille la lançaient régulièrement. Cette nuit fut la plus douloureuse qu'elle ait jamais connue. Lorsque le soleil se leva, elle pria pour que le Morden se réveille vite, qu'elle puisse enfin bouger.
Il se réveilla au chant d'un coq. Il se rhabilla, n'accordant aucun regard à Elna. En passant devant elle, il la regarda, un sourire aux lèvres. Il sortit et Elna le suivit. Elle était contente de pouvoir bouger mais elle tenait avec peine, ses yeux se fermant tout seuls.
Lorsqu'ils arrivèrent dans la pièce principale, les deux autres Mordens étaient déjà là. Sur la table se trouvaient du pain, de la bière et du fromage. Les deux Mordens avaient commencé à manger mais ils ne parlaient pas. Ils regardaient la scène de l’auberge sur laquelle un jongleur effectuait un tour nécessitant adresse et habileté.
Ewin ordonna à Elna de s'asseoir à ses pieds et Elna apprécia cet ordre : elle allait enfin pouvoir se reposer un peu. D'autres clients se trouvaient dans l'auberge. La plupart posaient sur les Mordens des yeux terrifiés. Lorsque leur regard croisait celui d'Elna, elle y voyait de la pitié. Les musiciens étaient à nouveau présents. Elna constata que le garçon de la veille était là. Il attendait, debout le dos contre un mur.
- Ar'shyia ?
Elna se tourna vers Ewin.
- Tu as faim ? demanda-t-il.
Elna savait ce qui allait suivre. Elle murmura :
- Oui, maître.
Comme la veille, il lui proposa un morceau de pain dans sa main gantée. Elna était affamée. Une larme coula le long de sa joue tandis qu'elle se penchait sur la main du Morden.
Lorsque ses lèvres touchèrent le gant, elle eut l'impression qu'elles explosaient. Elle parvint à attraper le bout de pain mais lorsque ses dents lui donnèrent l'impression d'éclater, elle hurla et le morceau de pain tomba au sol. Ewin le ramassa et le posa sur la table.
Elna était en larmes et la pièce était soudainement devenue très silencieuse. La douleur disparut rapidement. Ewin mit un autre morceau de pain dans sa main et le proposa à Elna. Cette fois, il souriait.
Elna détourna la tête. Elle avait beau être affamée, elle ne pouvait pas supporter cette douleur. Ewin retira sa main et reprit la conversation avec ses camarades. Le jongleur reprit son numéro et les autres clients parlèrent. Toutefois, ils chuchotaient et désignaient souvent la jeune femme. Peu après, By'ard demanda à l'aubergiste de venir.
- Nos montures sont-elles prêtes ?
- Oui, messire. Elles vous attendent dehors. J'ai fait rajouter de la nourriture et de l'eau, comme vous me l'aviez demandé.
- Bien, nous partons, finit By'ard en se levant.
Les trois Mordens se levèrent. Elna fit de même. Ses jambes hurlèrent leur douleur et elle fit son possible pour les oublier. D'ici peu de temps, elle serait sur un cheval et n'aurait plus à s'en soucier. Les Mordens sortirent, suivis par le tenancier. By'ard et Cythil vérifièrent l'équipement tandis qu’Ewin prenait la corde.
- Tends les mains, ordonna-t-il à Elna, et croise-les.
Elna obéit en tremblant. Il lui lia les poignets puis attacha l'autre bout de la corde au pommeau de sa selle. Elna n'en croyait pas ses yeux.
- Tu ne croyais tout de même pas que tu pourrais avancer à cheval ? cingla Ewin. Je crois que tu n'es pas prête de voir la fin de ton calvaire. Tu as permis à mon esclave de s'enfuir et tu vas le regretter.
Il lui caressa les hanches de sa main gantée. Heureusement, la robe réduisit la douleur sans l'empêcher totalement. Les Mordens montèrent leurs chevaux. Le gamin monta avec Cythil. Il ne semblait pas à l’aise du tout devant ce colosse. Il gigotait et jetait des regards à Elna. Nul doute qu’il aurait préféré marcher, lui aussi.
Les villageois s'étaient rassemblés dehors, comme il était de mise en présence de Mordens. Ewin lança le départ en ordonnant à son cheval d'un coup de talon d'avancer au pas. Ils étaient à quelques pas de l'auberge lorsqu’Ewin lança un objet au tenancier. Elna se rendit compte que c'était une pièce d'or, de quoi largement payer les chambres, les chevaux, la nourriture et même plus que cela.
- J'aime bien cette auberge, dit Ewin à By'ard.
- Le tavernier est sympathique et toujours très obéissant, ça fait plaisir en effet, répondit By'ard.
- Dommage que les autres villageois ne soient pas comme lui.
- Après la petite démonstration d'hier, je pense qu'ils le seront.
- Certes, mais quel gâchis d'en arriver là !
Les trois Mordens conversèrent gaiement toute la matinée, mais Elna ne les écouta pas, trop concentrée sur sa douleur, sa fatigue et sa faim.
Le gamin n’avait pas menti. Ils arrivèrent à son village alors que les marmites fumaient, prêtes pour le déjeuner. Harold, le chef du village, accueillit les Mordens avec déférence, à genoux, comme le voulait la loi.
Ewin lui permit de se relever. Harold n’accorda ni regard, ni importance à Elna. Elle était transparente.
- Jules et Gautier ne parviennent pas à se mettre d’accord, annonça Harold en désignant les deux hommes présents dans la place centrale du petit village. La chèvre de Gautier a mis au monde trois petits. Le bouc appartient à Jules.
Habituellement, on donnait le premier petit au propriétaire de la femelle. S’il existait, le deuxième revenait au propriétaire du mâle. Elna ne se souvenait pas qu’une seule chèvre ait jamais donné naissance à trois petits ou plus dans son village.
- De quel sexe sont les trois petits ?
Gautier hésita. L’éleveur ne voyait probablement pas le rapport mais il décida de répondre tout de même :
- Un mâle et deux femelles.
- Le mâle sera donné au propriétaire du père et les deux femelles vous reviennent, annonça Ewin.
Il y eut un moment de stupeur. Le Morden n’avait même pas demandé lequel était l’aîné. Gautier et Jules s’inclinèrent respectueusement. Jules grimaçait de rage mais il s’abstint de tout commentaire, sachant très bien ce qu’il risquait s’il s’opposait au Morden. Le verdict avait été donné. Ne restait plus qu’à s’incliner devant la justice rendue.
Les Mordens reprirent la route, laissant ce village derrière eux.
que va-t-il advenir d'Elna?
Mais qui est donc le personnage principal de ce roman ? Là est toute la question...
Un chapitre très long et dense dans lequel il se passe beaucoup de choses.
Je vais donc découper mon commentaire en plusieurs points pour traiter de chaque partie.
1/ La scène du village et le choix de l'esclave
On découvre dès le départ un village qui subit une "inspection" des Mordens venus y trouver une nouvelle esclave. L'ambiance est là, le premier paragraphe pose le ton. Les habitants sont regroupés en silence, ils sont terrorisés par la venue de ces trois hommes. Je trouve ça surprenant en revanche de ne pas avoir accès aux émotions d'Elna à cet instant, puisque de toute évidence tu choisis de te placer dans son point de vue. Tout est décrit à travers les autres habitants, mais elle, que lui inspirent les Mordens, le fait qu'ils choisissent sa soeur, exécutent sa mère ?
Autre remarque mais sans doute de moindre importance : tout le passage dans lequel Elna nous explique qu'elle a déjà vu Ewin à deux reprises m'a un peu sorti de l'ambiance. Je comprends l'intention, tu t'en sers pour caser du lore, expliquer que les Mordens sont tout-puissants et incarnent la loi. Qu'ils sont juges et bourreaux à la foi. Mais ça, si je puis me permettre, on le comprend très bien dans le reste du chapitre, ils sont suffisamment effrayants et détestables pour ça.
Recontextualisons. On est dans ce village, où les habitants sont réunis pour cette inspection, tu joues ici sur l'épouvante que tu souhaites transmettre au lecteur. Puis arrive cette longue digression sur le panier de fraises, la dispute entre les deux éleveurs, la façon dont Ewin a tranché leur différend. Pourquoi casser le climax de cette manière ? Est-ce si important de découvrir qu'Elna l'a déjà vu par le passé, et le résultat des disputes de Pat et Cam // Jules et Gautier ?
En dehors de ces détails, je trouve que le début fonctionne vraiment bien. Les Mordens ont une présence imposante, le pouvoir de leur gant est terrifiant. La manière dont ils exécutent la mère de Claire fait froid dans le dos également.
Bon, on ne va pas y aller par trente-six chemins : j'ai beaucoup aimé ce passage. Alors certes, il est très long, le rythme est parfois répétitif (ils chevauchent, pause, attouchement, ils mangent, Elna s'occupe des chevaux, nuit, ils repartent, etc...) et il y a quelques maladresses de style et des répétitions par-ci par-là. Mais je trouve que tu dépeins avec beaucoup d'efficacité l'horreur des attouchements que subit Claire, suffisamment pour que ça paraisse effroyable et malaisant à lire, mais sans pour autant tomber dans un récit malsain où l'on sentirait que tu t'éclates en écrivant ça et en rentrant dans les détails. La position de dominant d'Ewin sur ses victimes est bien établie elle aussi, on comprend clairement qui est aux commandes. La répétition de "maître" et les punitions qui accompagnent les oublis sont judicieux pour donner du réalisme à ce "dressage", on comprend bien qu'il est en train de briser la volonté de la jeune Claire pour en faire une poupée sage et obéissante.
Peut-être que la scène où il caresse Claire devant Elna en l'obligeant à regarder (la première fois qu'il lui fait prendre "la position") est un peu "too much", je ne sais pas. J'ai senti à ce moment que je flirtais avec la limite de ce que je pouvais tolérer dans ma lecture.
En tout cas, tu fais un super job pour transformer ces trois Mordens en personnages détestables, en particulier Ewin. Et ça a le mérite de donner dès le premier chapitre la tonalité de ton récit. On est dans un univers sombre où les personnages principaux vont subir des trucs crades et en baver. Tu es là pour raconter une vraie histoire sans édulcorant, où les méchants peuvent se livrer à toutes sortes de déviances qui existent aussi dans notre société.
Une petite remarque ? La première fois qu'Ewin envoie Claire aider Elna à s'occuper des chevaux, j'ai trouvé ça étrange qu'elle soit "heureuse" d'aller retrouver sa soeur alors qu'elle vient de subir un supplice. Soulagée serait peut-être plus adapté, je m'attendais à la voir fondre en larmes et s'écrouler dans ses bras, pas simplement demander "comment je peux t'aider ? D'accord, je vais chercher de l'eau". Idem concernant la réaction d'Elna à ce moment : à sa place, je serais ulcérée par le comportement d'Ewin et je ferais des commentaires à ce sujet, et surtout, surtout, j'essaierais de consoler ma petite sœur et je prendrais de ses nouvelles.
Encore une fois, un très bon passage ! Je trouve Elna très courageuse de garder suffisamment son sang-froid pour élaborer un plan d'évasion dans ces conditions. L'idée des champignons est ingénieuse. La guérison du Morden est très bien racontée elle aussi, ça amène plein de questions sur la nature du pouvoir d'Elna qui semble servir de canalisateur pour amplifier la magie au détriment de sa propre santé. Je suis curieux de voir sur quel terrain tu vas nous emmener ici.
Une petite remarque également ?
Tu dis que lorsque Claire prend la fuite, Elna reste "pour montrer son courage aux Mordens". Personnellement, même si elle a une grande force de caractère, je trouve ça peu logique et peu convaincant. N'importe qui à sa place serait terrifié après tout ce à quoi elle a assisté et n'aurait qu'une idée en tête : fuir à toutes jambes, même en sachant qu'elle n'aurait que peu de chances de leur échapper.
Pour moi, il faudrait une autre raison pour justifier qu'elle reste : soit Ewin la retient et l'empêche de fuir, soit elle cherche à se venger. Mais le simple "je veux leur montrer que je peux endurer leurs châtiments"... ça ne m'a pas vraiment convaincu.
Ewin est vraiment un personnage détestable, et c'est un vrai plus de bénéficier dès le départ dans un récit d'un "méchant" aussi horrible, ça donne envie de découvrir ce qui va lui arriver ensuite (ou à quelles autres atrocités il va pouvoir se livrer).
Le pouvoir de ton héroïne interroge, j'y vois une certaine similitude avec le don de guérison de Syndra dans Jaken et je me demande vraiment ce que tu as prévu ensuite autour de sa magie :)
2) Ravie qu'ils soient détestables. Si tu trouves ce passage difficile, le tome 3 ne te sera peut-être pas accessible. Et le but n'est évidemment pas d'érotiser ces passages. Je veux dégoûter mon lecteur, pas le faire bander, on est bien d'accord hein !
C'est noté pour ce moment entre Elna et Claire. Je vais le retravailler :)
J'espère que la suite te plaira tout autant !
La magie d'Elna sera normalement bien détaillée ensuite. Ravie que le personnage d'Ewin t'ait marqué. Cet univers est multi-personnage. Je les introduis doucement, les uns après les autres. J'espère que d'autres te plairont autant que celui-là :)
Dans ce cas, si tu veux mon conseil, ne supprime pas complètement ce passage mais déplace-le.
Garde la scène du village et de l'inspection d'une traite, avec toute la peur que l'on ressent et la tension qui s'en dégage, car ça c'est un vrai point fort pour le début de ton récit, ça envoie directement le lecteur dans l'ambiance.
Cette scène où Ewin et ses deux acolytes aident les habitants, pourquoi ne pas la raconter en direct à travers les yeux d'Elna pendant leurs voyages, plutôt que de le faire sous forme de flashback à un moment moins approprié ?
On pourrait avoir justement tout ce premier et long chapitre sur l'enlèvement de Claire, les attouchements, Elna qui lui permet de s'enfuir, les interrogations sur la nature de sa magie... et ensuite, au fil du voyage, elle découvrirait que ce ne sont pas que des monstres, qu'ils viennent aussi en aide à la population, et ça amènerait également le lecteur à s'interroger sur eux et à nuancer son opinion à leur sujet.
Qu'en penses-tu ?
(Je me permets cette suggestion mais je n'ai pas encore lu le chapitre suivant, donc je ne sais pas du tout pour le moment si ça colle avec ce que tu as prévu pour la suite. Si jamais je tombe complètement à côté, n'en tiens pas compte ^^)
Merci beaucoup !
Mais là, quand je dis "à la limite de ce que je peux tolérer dans ma lecture", je parle du moment où je bascule d'une lecture "confort, plaisir" avec quelques moments difficiles mais bien écrits à une lecture qui me dérange, m'interpelle, qui me demande plus d'efforts pour avancer et va probablement me marquer pour d'autres raisons.
Ce n'est pas forcément une mauvaise chose, certains livres qui m'ont vraiment marqué étaient très durs à lire, et pourtant a posteriori je me rends compte que je les ai adorés. Mais on n'était plus simplement dans de la lecture "innocente", "facile et agréable". Tu dis que ton but ici est de véritablement dégouter le lecteur : dans ce cas, j'ai envie de te répondre que tu y parviens très bien, le dosage est bon ! :)
J'ai enlevé le flashback (en modifiant ce qui devait l'être par la suite).
J'ai rajouté la conversation entre Elna et sa soeur après le premier attouchement.
J'ai modifié le moment de la fuite de Claire.
Je trouve ça mieux comme ça. Merci beaucoup MrOriendo.
Dès que j'aurai un peu de temps je relirai ce chapitre pour te donner mon avis sur la nouvelle version et je passerai au chapitre 3 :)
Tu m'as carrément aidée ! Merci beaucoup !
Je viens de relire le chapitre en diagonale, ça me parait effectivement beaucoup mieux avec tes dernières corrections :) L'exécution des garçons du village fait froid dans le dos.
Quelques petites remarques :
- "Elna trouva qu’Ewin avait l’œil car Elna ne l’aurait pas deviné en le voyant."
--> J'aurais utilisé "elle" pour ne pas répéter Elna.
- "D'autres clients se trouvaient dans l'auberge. La plupart posait sur les Mordens" --> posaient
- "- Non, répondit Ewin. Nous en voulons deux. De plus, vous ferez en sorte que demain matin, quatre chevaux frais et scellés nous attendent. Vous ferez en sorte que l'un d'eux porte des besaces remplies de nourriture et des gourdes d'eau, le tout pour un voyage de quelques jours. Faites également en sorte de trouver une corde de quelques mètres."
--> Tu répètes trois fois "faites en sorte" ici. Egalement, des chevaux peuvent être sellés mais pas scellés ;)
- "Harold n’accorda ni regard, ni important à Elna." --> importance
Ravie que les modifications te conviennent. Moi aussi je trouve ça mieux ainsi. Merci beaucoup.
Tu répètes trois fois "faites en sorte" ici. Egalement, des chevaux peuvent être sellés mais pas scellés ;)
→ Merci pour la répétition. Merci pour « scellés » (un prêté pour un rendu, je suppose). Et merci pour le « mètres » dont tu n’as pas parlé mais que ta remarque a permis de faire ressortir et que j’ai remplacé par « coudées » (la mesure métrique n’ayant pas encore été inventée, même si, en théorie, sur un monde non terrien, je peux faire ce que je veux, j’essaye de rester au maximum proche du moyen-âge sur ces détails-là).