Les Mordens ne permirent aucun repos. Elna n'avait plus en tête que la douleur qui remontait dans ses jambes. Toute la matinée, ils avancèrent sans aucun arrêt. Alors que le soleil était au zénith, ils s'arrêtèrent au bord de la route.
Ewin ne détacha pas Elna. Ses poignets étaient en sang à force de trop tirer sur la corde mais il ne lui offrit pas la possibilité de faire cesser cette souffrance. Il lui ordonna de s'agenouiller et elle s'empressa de le faire, trop heureuse de ne pas rester debout. Elle les regarda faire à manger, puis se nourrir. Lorsqu'ils eurent fini, Ewin s'approcha et s'accroupit devant elle.
- Regarde-moi, ordonna-t-il.
Elna leva les yeux sur son bourreau.
- Tu veux manger ? demanda-t-il en souriant.
Elna hocha la tête puis se souvint qu'elle devait parler.
- Oui, maître, s'il vous plaît.
Il lui tendit sa main gantée dans laquelle se trouvait un morceau de pain.
- Je vous en supplie, maître. Je ne peux pas. Pitié.
- Je vois que tu commences enfin à être polie. C'est un bon début. Mais non, tu n'auras accès à aucune autre façon de te nourrir.
Il prit un verre d'eau et le posa sur les lèvres de la femme. Elle en but goulûment tout le contenu. Il lui en proposa même un second qu'elle avala également. Puis, il lui tendit à nouveau sa main gantée.
- Si je te le propose, c'est que c'est faisable, annonça-t-il. Les autres y arrivent, pourquoi pas toi ?
Elna secoua la tête. Elle ne pouvait pas supporter cette douleur. Ewin se mit derrière elle.
- Je ne peux pas me permettre que tu meures de faim. Tu vas manger.
De sa main gauche, il la força à ouvrir la bouche. Elna était trop faible pour répliquer. De sa main gantée, il mit le pain dans sa bouche puis la referma. Elna eut à nouveau l'impression que sa mâchoire explosait. Le Morden l'empêchant d'ouvrir la bouche, elle fut forcée d'avaler. Fort heureusement, le gant ne l'avait qu'effleurée. Il la força à avaler un repas qui se révéla être conséquent.
Elna était en larmes lorsque, enfin, il la lâcha. Il lui semblait que le bas de son visage était déchiqueté. Lorsqu'il tira sur la corde pour la forcer à se lever, Elna gémit.
- Tu peux te plaindre autant que tu veux, annonça-t-il, ça ne changera rien. Tu aurais peut-être dû réfléchir aux conséquences de tes actes avant d'agir !
L'après-midi fut horrible. Les pieds en feu – et cette douleur là était bien réelle - Elna criait presque à chaque pas. Elle tirait souvent sur la corde. Les liens entourant ses poignets étaient rougis de sang.
Lorsque le soir tomba et qu’Ewin ordonna à Elna de s'asseoir, elle put voir enfin le premier moment positif de la journée. Il lui détacha les mains et l'allongea. Elna, morte de fatigue, s'endormit aussitôt.
Elle s'éveilla à l'odeur de la nourriture. Ewin vint vers elle et lui proposa à nouveau de manger dans sa main gantée. Elna le regarda dans les yeux. Il y lut la pitié qu'elle lui demandait mais ne comptait pas la lui donner. Voyant qu'il ne réagissait pas, Elna regarda à nouveau le gant et se résolut à obéir. Malgré la douleur qui explosa dans sa bouche, elle parvint à avaler le morceau de pain.
- Tu vois, annonça Ewin, quand tu veux, tu peux.
Il lui caressa le visage de sa main gauche et lui proposa un fruit sec dans sa main gantée. Elna avala tout ce qu'il lui proposait. Malgré les larmes, les gémissements et les cris, Ewin ne céda jamais.
Lorsqu'il annonça à Elna qu'elle pouvait dormir, elle ne fut pas en mesure de le faire immédiatement, la douleur étant trop violente pour le lui permettre. Elle ne parvint à s'endormir que bien plus plus tard.
Au matin, les oiseaux chantaient et un petit air frais soufflait. Les Mordens étaient déjà debout lorsqu’Elna ouvrit les yeux. Ewin s'accroupit devant elle.
- Reste allongée, je vais guérir tes blessures aux pieds, sans quoi elles risquent de s'infecter.
Il sortit de son aumônière la feuille d'ange. Elna sursauta. Le souvenir de la dernière utilisation était encore bien présent dans l'esprit de la jeune femme.
- Tu n'as rien à craindre. Ça sera sûrement douloureux, mais pas autant que la dernière fois. Tes blessures sont moins importantes.
Elna tremblait tout de même lorsqu’Ewin posa la feuille sur la plante de son pied droit. Elle sentit la vie quitter son corps mais ce fut rapide et faible. Elle n'avait pas eu le temps de souffrir qu’Ewin retirait la feuille. La guérison du second pied lui apporta une souffrance, mais très passagère.
Ewin se redressa, rangea la feuille et Elna se leva à son tour. Ses pieds étaient complètement guéris mais ses jambes lui faisaient encore très mal. Ewin regarda les poignets de la jeune femme qui le laissa faire en silence. Il déclara :
- Aujourd'hui, tu pourras monter le quatrième cheval.
Elna le regarda.
- Merci, maître.
Son remerciement était sincère. Ewin sembla apprécier. Il précisa tout de même :
- Donne-moi une seule minuscule raison de te refaire marcher et je le ferai.
Elna baissa les yeux et suivit le Morden jusqu'aux chevaux. Il l'aida à monter avant de grimper à son tour et d'attraper les brides du cheval d'Elna.
Durant les jours qui suivirent, Elna obéit à Ewin. Elle mangeait chaque repas dans sa main et jamais la souffrance ne diminua. Elle fut heureuse que sa sœur soit libre. Ce démon l’aurait torturée sans jamais montrer la moindre compassion.
Étrangement, il ne lui demandait rien. Elle ne s'occupait plus des chevaux. Elna ignorait la raison de sa présence près d’eux. Les Mordens ne semblaient pas vouloir faire d'elle une esclave. Ils ne la touchaient pas et ne lui faisaient rien faire. Elle aurait beaucoup donné pour savoir ce que Ar'shyia signifiait. Sa sœur avait dit qu’elle avait un pouvoir, mais lequel ? Elle ne se sentait pas différente. Qu’est-ce que les Mordens avaient vu en elle ?
Ils traversèrent plusieurs villages et Elna put remarquer que les villageois étaient tous très respectueux. Dans ces villages, tous se pliaient aux règles si bien qu'elle n'eut pas à subir une autre "remise à jour".
Un jour, après un virage se dévoila une splendide vallée. De ci, de là, s'élevaient des bâtiments en pierre. Des champs magnifiques s’étendaient un peu partout. Il était clair qu’ici, la terre était d’excellente qualité. Pas comme celles autour du village d’Elna, où il fallait se battre pour faire pousser des navets.
Le plus étonnant était que les habitants saluaient d'un simple mouvement de tête les Mordens et que ceux-ci répondaient de la même manière. Personne ne se prosternait. Personne ne tremblait de terreur et les Mordens ne disaient rien.
Alors qu’ils passaient devant une fermette, un enfant sauta sur un muret tandis que son jeune frère s’approchait du cheval d’Ewin. Elna n’avait jamais vu un enfant oser s’approcher ainsi d’un Morden. Il fallait être fou !
La réaction d’Ewin fut ce qui apporta le plus grand choc à Elna. Le Morden caressa les cheveux roux du gamin puis le gamin rejoignit son frère et les deux enfants reprirent leur jeu. Elna constata que les deux enfants venaient d’attraper un gros rat. Ils torturaient la pauvre bête. Les deux enfants riaient aux éclats sous le regard attendri des Mordens à cheval.
- Ces gens sont des Mordens, annonça Ewin en constatant l’effarement de la jeune femme.
- Des Mordens, répéta Elna.
Ça ne pouvait pas être vrai ! Il y avait là des centaines, des milliers de gens et plus surprenant, des femmes et des enfants. Ils ne portaient pas de gant mais probablement n’en avaient-ils pas besoin. Après tout, ils étaient sur leurs terres. Pourquoi auraient-ils besoin ici de leur marque symbolique et objet de torture ?
Cela pouvait-il être vrai ? Ces gens qui s’occupaient des champs, qui nourrissaient les poules et trayaient les vaches, des Mordens ? Elna ne comprenait pas. De ce qu’elle en savait, le terme Morden se référait aux hommes à la main gantée, chargés de faire respecter l’ordre, la loi et la justice.
Elna ne put continuer à réfléchir car ils arrivèrent aux abords d’un petit village. Les maisons étaient en pierre et non en boue séchée. Les toits en tuiles d’argile étaient bien plus isolants que le chaume dont disposait la famille d’Elna. Les rues devinrent dures et les sabots des chevaux raisonnaient à chaque pas. Elna n'avait jamais vu de rues pavées. Elle fut subjuguée.
Plus loin, ils passèrent devant des artisans, des fromagers, des glaciers et d'autres échoppes encore pour lesquelles Elna n'aurait su dire l'utilité des objets proposés. La jeune femme regardait à droite et à gauche, ses yeux captant à chaque seconde une chose nouvelle et merveilleuse.
Les maisons se transformèrent à nouveau en champs splendides. Le début d’un verger était visible à l’ouest. Elna ne s'était jamais demandé comment et où vivaient les Mordens. Elle se rappela qu'ils ne prélevaient ni taxe, ni impôts. En échange de la protection et de la justice, ils se contentaient d'emmener des enfants de temps à autre, un prix déjà bien lourd.
La principale raison de la pauvreté des gens dans la situation du village où vivait Elna était les terres et les bandits. De mauvaise qualité, les terres ne donnaient que fort peu pour un travail harassant et le peu récolté tombait souvent dans les mains de brigands.
Les Mordens les protégeaient mais ils ne pouvaient pas être partout en même temps. Après une attaque, les Mordens étaient prévenus. Ils venaient, traquaient les bandits et ramenaient toujours leur tête, ainsi qu’une partie du butin, lorsqu’ils le pouvaient. Si les bandits continuaient à exister malgré l’excellent travail des Mordens, c’était à cause des villageois, qui répugnaient le plus souvent à demander l’aide des Mordens, par peur d’attirer le malheur sur leur village, permettant ainsi aux brigands de les voler en toute impunité.
Ils traversèrent plusieurs groupes de maisons. Parfois, des rangées d'arbres fruitiers croulant sous les fruits apparaissaient aux yeux des voyageurs. Les cueilleurs s'inclinaient devant le groupe avant de reprendre leur travail. Un homme proposa même une pêche aux trois Mordens qui l'acceptèrent de bon cœur. L'homme sembla ravi qu'ils l'acceptent. Ils les mangèrent tout en continuant d'avancer. Elles étaient juteuses et sucrées. Elna les regarda avec envie avant de se tourner vers un lac immense et brillant sur lequel étaient visibles quelques bateaux de pêche. Lorsque son regard se porta à nouveau devant elle, ses yeux s'ouvrirent grand.
Devant elle, se trouvait un bâtiment gigantesque. Les pierres blanches scintillaient sous le soleil. Une muraille immense et ronde grimpait plus haut que les arbres. Elna ne pouvait en voir la fin tant elle était grande. Des douves de plusieurs mètres de large entouraient l'édifice. La route menait à un pont-levis abaissé.
Les chevaux passèrent dessus puis sous une lourde et immense arche en pierre qui pouvait être fermée d'une herse. Le groupe passa ainsi la première muraille de la forteresse des Mordens.
Ewin stoppa sa monture. Elna ne s'y connaissait pas en château fort, mais elle se rendit compte que l'endroit était difficilement prenable, d’autant que les environs étaient peuplés, non de simples fermiers, mais de Mordens, rompus à l’art du combat et de la défense. Derrière ses airs calmes et paisibles, la campagne environnant la forteresse était un véritable coupe-gorge pour qui s’y aventurait sans y avoir été invité.
Le chemin derrière la muraille faisait à peine un mètre et les murs suivants étaient plus hauts. Ainsi, si les agresseurs parvenaient à percer ou à passer par-dessus la première muraille, ils se retrouvaient dans l'impossibilité d'avancer plus loin et tombaient sous le feu des hommes de la seconde muraille.
Une petite porte de bois permettait d’atteindre l'autre côté de la seconde muraille. Pour passer, il fallait descendre de cheval et ils se glissaient tout juste. Si une armée avait voulu entrer par cette porte, les hommes se seraient faits cueillir sans difficulté de l'autre côté. Les voyageurs descendirent de cheval et franchirent la porte.
De l'autre côté se dévoila une immense place en pierres blanches. Tout brillait de mille feux. Des escaliers montaient et descendaient un peu partout. Des gens déambulaient, portant parfois des paquets, et parfois se promenaient simplement.
Elna regardait autour d'elle, hébétée. L'endroit était magnifique. Sur la gauche, une superbe fontaine faisait jaillir de ses flancs une eau pure et claire. Autour d'elle se dressait un jardin merveilleux : des fleurs de toutes les couleurs, des arbres splendides dont les odeurs subtiles arrivaient jusqu'au nez des voyageurs. On entendait les bruits des clapotis de l'eau.
Les voyageurs traversèrent la place, laissant leurs chevaux à des écuyers venus les récupérer. Elna remarqua que les serviteurs étaient de jeunes garçons qui s'agenouillèrent devant les trois Mordens. Des esclaves, probablement, se dit Elna.
Arrivé de l'autre côté de la place, Ewin ouvrit une porte de bois et entra dans le bâtiment. Les pierres étaient froides pour les pieds nus d'Elna. Toutefois, le sol étant lisse, la sensation n'était pas trop désagréable. Ils venaient à peine d'entrer lorsqu'un homme dont seule la main droite étant gantée salua Ewin et lui annonça :
- Le lieutenant attend votre rapport. Vous êtes en retard. Il s’impatiente.
Ewin soupira avant d'annoncer :
- Plus tard, je m'occupe d'abord de cette jeune femme et j'irai.
L'homme sembla surpris puis haussa les épaules avant d'annoncer :
- Votre voyage n'a pas été vain. Je vois que vous vous êtes trouvé une nouvelle esclave.
- Oui, mais ce n'est pas elle. Cette jeune femme a permis à mon esclave de s'échapper.
- Et elle est encore en vie ? s'étonna l'homme.
- La seule raison pour laquelle je l'ai épargnée est qu'elle est une Ar'shyia.
- C'est impossible ! Non, impossible…
Il s'approcha de la jeune femme et la regarda comme si elle était un trésor inestimable.
- Il semble que si, répondit Ewin. Je l'amène dans la salle de torture et ensuite j'irai parler au grand maître. Le lieutenant passera en dernier. Il comprendra.
L'homme hocha la tête en souriant alors qu’Elna sursautait en entendant parler de torture. Les Mordens sourirent en voyant sa réaction. Elna regarda obstinément le sol sous le regard amusé des Mordens.
Ewin repartit. Elna le suivit, toujours flanquée des Mordens blonds. Ils avancèrent dans plusieurs couloirs et descendirent bon nombre d'escaliers. Parfois, les murs étaient couverts de tapisseries sublimes et les sols de tapis doux.
Lorsqu'ils rencontraient des gens dans le château, Elna pouvait immédiatement dire quel était leur rang. Certains se contentaient d'un salut rapide – des Mordens - d'autres saluaient plus franchement – des serviteurs. Ceux qui s'agenouillaient étaient sans aucun doute des esclaves. Ces derniers étaient les seuls à porter des marques de blessures et des bleus. Ils étaient vêtus de haillons, contrairement aux deux autres catégories de gens vivant dans ces murs.
Finalement, ils pénétrèrent un couloir large et sombre et Ewin s'arrêta devant une porte. Un homme – probablement le geôlier – s'approcha et lui ouvrit la porte. Elna était terrifiée. Elle suivit tout de même Ewin à l'intérieur.
La pièce était grande, tout du moins l'était-elle aux yeux d'Elna. Cette simple pièce était aussi grande que la maison de la jeune femme mais elle était en fait l'une des plus petites pièces du château.
Elle était en pierre et ne possédait aucune autre ouverture que la porte d'entrée. Elle n'était éclairée que des lampes à huile que le geôlier avait rapidement allumées. De grosses poutres de bois dessinaient sur le plafond d'étranges dessins. Régulièrement, des anneaux étaient encastrés dans le bois. La pièce ne contenait aucun meuble. Elle semblait étrangement vide. Les murs ici n'étaient pas blancs mais bruns.
Ewin fit signe à Elna d'avancer. Elle le rejoignit au fond de la pièce.
- Assieds-toi, lui ordonna-t-il lorsqu'elle fut au fond.
Elle obtempéra, le dos au mur. Le geôlier, qui était sorti, revint, des chaînes dans les mains. Elna regarda Ewin pour tenter de déterminer ce qu'il voulait faire mais celui-ci ne la regardait pas.
- Vous pouvez nous laisser, dit-il aux deux Mordens blonds et au geôlier lorsque ce dernier lui eut donné les chaînes.
Les Mordens quittèrent la pièce sans un mot en fermant la porte derrière eux. Ewin passa la chaîne dans un anneau fiché dans le mur presque au niveau du sol. La chaîne faisait environ deux mètres de long et se finissait par deux fermoirs métalliques.
- Ta main droite, demanda Ewin.
Elna lui tendit sa main. Il referma un bout de la chaîne sur son poignet sur lequel on pouvait encore voir les marques de la corde. La chaîne passait ensuite dans l'anneau.
- L'autre main, annonça-t-il.
Elna obéit sans discuter. Il ferma la seconde entrave. Elna ne pouvait désormais plus s'échapper. La chaîne était tout de même suffisamment longue pour qu'elle puisse se lever et se coucher sans difficulté. Visiblement, le seul but était de l'empêcher de s'enfuir.
Sans lui accorder le moindre regard, Ewin se leva et sortit, laissant Elna seule dans la pièce illuminée par les lampes. Elna resta seule pendant longtemps mais sans lumière extérieure, difficile de déterminer la durée exacte. La pièce était suffisamment grande pour qu'elle ne ressente pas de claustrophobie mais ne pas savoir ce qui l'attendait la rongeait.
Sa seule pensée positive fut pour sa sœur. Elle lui avait épargné cela et probablement même bien pire. Elle se demanda ce que faisait Claire. Avait-elle retrouvé leur père ? Elle sourit, heureuse de la savoir libre.
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Ewin se dirigea vers la salle du trône. Il ne pouvait s’empêcher de sourire. Une telle nouvelle allait avoir l’effet d’une bombe. Le grand maître allait être content. Il arriva devant la porte de la salle du trône.
- Vous n’avez pas été convoqué, annonça un garde.
Ewin haussa les épaules et entra. Le garde le laissa passer. En effet, il était là pour empêcher les serviteurs et les esclaves d’entrer. Les Mordens étaient suffisamment intelligents pour ne pas déranger le grand maître pour rien.
- Ewin Craig ! s’exclama un homme de taille moyenne assis sur le trône. Que faites-vous là ? Votre lieutenant vous attend ! Vous ne devriez pas le faire attendre. Vous savez qu’il a horreur de ça.
- Grand maître, répondit Ewin en s'agenouillant.
- Relevez-vous, proposa le grand maître. Qu'est-ce qui vous a retenu ? Des villageois indisciplinés ? Des bandits récalcitrants ?
- Nous avons rencontré les deux, mais notre retard n’est nullement lié à eux.
- Je vous écoute, dit le grand maître, comprenant que ce qui allait suivre expliquait la présence de ce Morden de faible rang devant lui.
- Je me suis trouvé une esclave en chemin.
- Cela ne devrait pas vous empêcher de faire correctement votre travail, cingla le grand maître que la conversation commençait à ennuyer.
- Elle s'est enfuie avec nos chevaux et notre équipement, le coupa Ewin. C'est la raison de notre retard.
- Votre esclave s'est enfuie avec vos chevaux ? Je me demande si vous n'êtes pas totalement incompétent, en fin de compte…
- Elle a reçu l'aide d'une autre personne trouvée en chemin : une Ar'shyia.
Ewin avait fait en sorte de bien préparer le terrain et il fut ravi de l'expression du grand maître.
- Par Astralius ! Une Ar'shyia, s’exclama le grand maître avant de continuer : finalement, vous êtes très bien. Où est-elle ?
- Dans la salle de torture, répondit Ewin en souriant.
Le grand maître affichait un sourire complet.
- Parfait. Je suppose que vous aimeriez vous occuper d'elle personnellement, étant donné qu'elle a fait s'enfuir votre esclave…
- En effet, j'apprécierais. Cependant, elle est très faible et je crois que si nous voulons l'utiliser au maximum, il faudrait limiter ses souffrances. Il serait fâcheux de risquer de lui faire perdre ses pouvoirs inutilement.
- Vous avez raison. Donnez des ordres en ce sens et veillez à ce que ses pouvoirs ne soient pas utilisés sans raison. C'est vous qui l'avez trouvée. Elle est donc sous votre responsabilité. Prenez-en soin. Maintenant, allez répéter cela à votre lieutenant. Il saura vous récompenser.
Ewin s’inclina puis sortit en souriant. La prise de l'Ar'shyia lui assurait à jamais les faveurs du grand maître et de son lieutenant. Une formidable promotion était en vue. Ewin se permit de rêver. Et s’il devenait lieutenant ?
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Lorsque la porte s'ouvrit, ce fut pour laisser entrer une jeune esclave portant un plateau de nourriture. Elna sut que telle était la position de l’adolescente aux nombreuses écorchures qui parsemaient son corps et à ses vêtements usés, sales et déchirés.
La jeune femme posa le plateau à côté d'Elna et ressortit sans un mot. Ewin n'était pas là. Sur le plateau, Elna remarqua une cuillère. Elle attendit un instant, de peur de faire quelque chose d'interdit, puis se décida à empoigner la cuillère et à manger les épinards et le sanglier qui lui étaient proposés.
Ravie de pouvoir manger sans douleur, elle avala rapidement le dîner. L'esclave revint peu après récupérer le plateau vide. Quelques instants plus tard, le geôlier vint enlever les lampes, laissant Elna dans un noir d'encre pour la nuit. Elle dormit à peu près convenablement.
Lorsqu’Elna s'éveilla. Elle était incapable de dire le moment de la journée qu'il était. Le geôlier vint poser des lampes et ressortit sans avoir prononcé le moindre mot.
Elna resta seule encore un bon moment – elle n'aurait su dire combien de temps – puis Ewin refit son apparition. Il la détacha en silence et lui fit signe de le suivre. Elna obéit. Il la mena le long de plusieurs couloirs.
Il s'arrêta devant une porte, l'ouvrit et lui fit signe d'entrer. Elle entra et il la suivit. Il ferma la porte à clef. Cette pièce était une chambre. Elna tremblait. Elle se demanda un instant ce qu'il attendait d'elle. Il la prit par les hanches. Du côté droit, Elna ressentit une faible douleur.
- Ce n'est pas encore aujourd'hui que tu auras ta preuve. Viens.
Il la lâcha et se rendit dans une pièce voisine. Le sol de pierre était percé d'un trou d'un mètre de profondeur et de deux mètres de diamètre. Une esclave entra, portant un seau qu'elle tenait avec difficulté tant il était lourd. Elle versa le contenu dans le trou. L'esclave effectua la manœuvre plusieurs fois. Rapidement, le trou fut rempli d'eau chaude. Ewin ordonna :
- Ôte ta robe et ta coiffe et lave-toi. Puis, mets les vêtements qui sont posés là-bas. N'oublie pas de laver tes cheveux.
Après quoi il disparut dans la chambre, laissant Elna seule dans la salle de bain. Il avait laissé la porte entrouverte mais il ne semblait pas vouloir regarder. Elna n'avait jamais pris de bain chaud. Elle se déshabilla et entra dans l'eau fumante. Elle trouva d'abord la sensation étrange mais elle lui plut rapidement. Elle trouva un savon sur le bord du trou. Elle se lava consciencieusement et lorsqu'elle fut propre, se sécha dans un drap doux et soyeux.
Puis, elle mit les vêtements qu’Ewin lui avait désignés. N'ayant jamais mis de braies, elle fut ravie d'en porter. Par-dessus, elle passa la robe simple mais douce qui composait l'ensemble. Elle se peignit et mit la jolie coiffe qu'on lui fournissait. Enfin, des sandalettes fines en cuir étaient posées sur le sol. Elna n'avait également jamais porté de chaussures. Elle les mit et trouva ça très confortable. Elle se regarda ensuite dans un miroir immense qui avait dû coûter très cher. Dans sa robe sombre, propre et bien nourrie, elle fut surprise par son propre reflet. Après s'être brièvement admirée, elle se rendit dans la chambre. Ewin la dévisagea d'un regard neutre puis annonça :
- C'est mieux. On retourne dans la salle de torture. Je n'ai pas que ça à faire.
Lorsqu'elle fut rattachée, Ewin se dirigea vers la porte. Il allait quitter la pièce lorsqu’Elna annonça :
- Merci pour les vêtements et le bain, maître.
Ewin se retourna, lui sourit brièvement puis quitta la pièce. Il partit voir ses hommes. En chemin, il rencontra Arhan, un de ses collègues Morden.
- Ah ! Ewin ! Je voulais vous voir.
- Ah bon ? répondit Ewin, surpris d'être d'un quelconque intérêt à cet homme d'une autre division que la sienne. Pourquoi ?
- Vous savez, l'affaire du traître Morden donnant des informations aux voyants, nous avons enfin une piste. Nous tenons l'intermédiaire entre le traître et les voyants. Nous voudrions votre accord pour le faire interroger en présence de l'Ar'shyia. Ainsi, cela ira plus vite.
Ewin réfléchit puis hocha la tête. Cette affaire méritait qu'on utilise les pouvoirs de l'Ar'shyia. Les informations filtraient depuis bien trop longtemps et étaient bien trop importantes pour pouvoir se permettre de perdre le moindre temps. De plus, si les voyants venaient à apprendre que eux, Mordens, possédaient une Ar'shyia, il ne faisait aucun doute qu'ils entreprendraient une attaque à grande échelle et ça, c'était inenvisageable.
Elna resta seule quelque temps. Lorsque la porte s'ouvrit, elle fut surprise de constater qu’Ewin n'était pas là. Deux Mordens qu'elle ne connaissait pas tenaient une femme d'une trentaine d'années.
Elna regarda son visage et fut surprise de ce qu'elle y lut. Dans la même situation qu'elle, Elna aurait été terrifiée. La femme, au contraire, affichait sa rage et sa haine mais aucune crainte.
Le geôlier arriva, plaça des chaînes sur des anneaux et attacha la femme. Lorsqu'elle fut liée, les Mordens la lâchèrent. Elle leur cracha au visage et ceux-ci ne répondirent rien.
Le geôlier sortit et ferma la porte derrière lui. L'un des Mordens, un roux à forte carrure, se colla contre le mur du fond tandis que son camarade, habillé tout de rouge, avançait vers la prisonnière.
- Où est-il ?
- Va au diable ! répondit la femme d'une voix menaçante.
Le Morden joua avec sa main droite gantée devant les yeux de la femme. Celle-ci sourit.
- Tu crois que je ne peux pas résister à quelques souffles de torture ?
Elle rit. Le Morden sourit et répliqua :
- Je crains que ça ne dure beaucoup plus longtemps que tu ne l’envisages, ma belle.
- Ah ouais ? Par quel miracle ?
- Tu vas voir…
Il apposa sa main sur la nuque de la femme. Elna, pour l'avoir souvent vécu, savait combien l'expérience était douloureuse, c'est pourquoi elle fut particulièrement surprise de n'entendre aucun cri. La femme supportait la douleur.
Elna sentit la vie quitter son corps. La sensation était plus douce que d'habitude, comme si elle s'habituait à la sensation et que cela devenait moins pénible. Le Morden ne retira pas sa main. La torture continua. Ne tenant plus, la femme se mit à hurler.
Elna respirait doucement, tentant de se calmer afin d'oublier la sensation de la vie s’échappant et les hurlements de la femme. Enfin, le Morden retira sa main. La femme tremblait.
- On recommence ? proposa le Morden.
Pour la première fois, Elna vit de la peur dans le regard de la femme.
- Comment… comment est-ce possible ? Vous ne pouvez pas !
Les Mordens rirent de bon cœur.
- Ton air stupide fait plaisir à voir, répondit le bourreau. Je repose ma question : où est-il ?
La femme regarda les deux Mordens à tour de rôle puis annonça :
- Tu rêves !
- Comme tu veux…
Il apposa à nouveau sa main sur sa nuque. Le second Morden se décolla du mur, releva la chemise de la femme et apposa sa main gantée sur son ventre. Le cri se fit plus intense. Elna se sentait de plus en plus mal. Elle savait que bientôt, la sensation allait se transformer en douleur.
- Il te suffit de me dire où il est ! s'écria le Morden entre deux cris.
Elna ressentit une violente douleur dans son bras droit et soudain, elle eut l'impression que son os se brisait en mille morceaux. Elle hurla. Les Mordens retirèrent leurs mains de la prisonnière. La femme sembla se rendre compte de la présence d'un autre prisonnier. Elle regarda Elna se prendre le bras en hurlant puis se tourna vers ses bourreaux.
- Qui est-ce ?
- Que t'importe. On recommence ? répéta le Morden.
La femme regarda le sol. Sa fierté semblait lui avoir été ôtée.
- Où est-il ? demanda le second Morden en approchant sa main du ventre de la femme.
La prisonnière tenta de reculer mais ses liens l'en empêchaient. Elle trembla de plus belle puis, alors que le gant effleurait son ventre, elle annonça :
- À Stierner. Vous le trouverez à l'auberge du poney. Il doit me rejoindre là-bas ce soir à la tombée de la nuit.
Le Morden éloigna sa main en souriant. Elna soupira en même temps que la prisonnière. Le Morden roux sortit. Quelques instants plus tard, le geôlier revint et retira les liens de la prisonnière qui fut emmenée hors de la prison. Elna se retrouva à nouveau seule. La douleur dans son bras diminuait doucement.
Elle se sentit coupable. À cause d’elle, des gens souffraient. D’abord sa sœur, puis ces inconnus. Elle permettait à ces sadiques de Mordens de s’en donner à cœur joie. Une nausée l’envahit.
Elle resta seule un long moment avant de voir entrer une esclave portant un plateau de nourriture. À nouveau, elle put se nourrir seule et en fut ravie. L'esclave revint peu après récupérer le plateau vide et Elna n'avait vu personne lorsque la jeune fille revint apporter le dîner ainsi qu'un pot. Elna était à nouveau seule. Elle mangea son dîner et fit ses besoins dans le pot. Toute la journée, Elna pensa à Claire, l’imaginant libre. Courir à ses côtés en pensées l’aida à surmonter cet enfermement souterrain.
Le soir tombait lorsqu’Ewin décida d'aller voir Arhan. Il trouva le Morden dans les quartiers liés à sa division. En le voyant arriver, Arhan déclara :
- Ah ! Ewin ! Merci à vous de nous avoir permis d'utiliser l'Ar'shyia. L'interrogatoire a été rapide et facile. L'informateur n'en revenait pas que le gant fonctionne aussi longtemps. D'ailleurs, j'ai énormément apprécié. J'aurais aimé pouvoir la faire souffrir davantage.
Voyant le regard noir d’Ewin, il s'empressa d'ajouter :
- Mais je ne l'ai pas fait. Je me suis contenté de mener un interrogatoire, rien de plus.
- Comment allait l'Ar'shyia lorsque vous avez eu fini ? demanda Ewin.
- Sincèrement, je n'en sais rien. Elle a hurlé pendant l'interrogatoire mais je dois bien avouer ne m'en être guère soucié.
- Vous ne vous en souciez pas ? répéta Ewin d'un ton froid.
- C'est vous qui devez vous en occuper, pas moi !
- C'est exact, et si elle va mal, je me ferai un plaisir de vous punir moi-même, lança Ewin avant de sortir de la pièce furieux.
Arhan utilisa toute sa fierté de Morden pour ne pas trembler. Ewin se rendit dans les geôles. Lorsqu'il entra, il vit l'Ar'shyia, assise au fond. Elle semblait aller bien. La pièce était vide. Elna leva les yeux sur lui mais les baissa rapidement lorsqu'elle vit que c'était lui. Ewin s'accroupit devant elle et demanda :
- Comment te sens-tu ?
- Bien, maître, répondit Elna, en le regardant.
- À combien d'interrogatoires as-tu assisté aujourd'hui ?
Elna fut surprise qu'il lui pose cette question. Voyant son trouble, il annonça :
- Je te poserai cette question chaque soir. Contente-toi d'y répondre.
- J'en ai vu un, maître.
Ewin hocha la tête puis se redressa et quitta la pièce. Elna se sentit soudainement très seule. Allait-elle passer sa vie ici, à regarder des gens se faire torturer ?
Pendant les deux jours qui suivirent, Elna assista à trois interrogatoires. À deux reprises, elle avait atteint le seuil de douleur. La troisième, l'homme avait parlé avant qu'elle ne souffre.
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Decklan Beir était en train de lire un parchemin contenant diverses actions diplomatiques tentées par ses hommes lorsque l'un d'eux entra :
- Maître, un envoyé des magiciens est là. Il désire vous parler.
Le lieutenant de la division diplomatie hocha la tête et suivit en faisant la moue. Il savait déjà que ça allait mal se passer. Les discussions avec les ambassadeurs des mages se passaient toujours mal. Il n'y avait aucune raison que ça soit différent cette fois-là.
Decklan fut mené jusque dans la cour. Apparemment, nul ne comptait permettre à l'émissaire d'entrer plus en avant. Il resterait dehors, dans la cour, comme d'habitude.
- Que voulez-vous ? commença directement Decklan d'une voix froide.
L'émissaire était un homme d'âge mur habillé de vêtements de voyage plutôt simples. Il ne sembla pas apprécier le ton de Decklan ainsi que son impolitesse mais n'en dit rien.
- Je viens vous demander, encore une fois, de vous mettre sous l’autorité des magiciens.
Decklan sursauta intérieurement mais aucun signe visible ne trahit ses craintes. Les habitants du château des mages avaient-ils eu vent de la présence de l’Ar’shyia dans leurs murs ? Allaient-ils s’allier aux voyants et aux druides pour les attaquer et la leur prendre ? Et surtout, allaient-ils prévenir les ensorceleurs, les privant ainsi de leurs plus fidèles alliés ?
Decklan ne comptait pas révéler quoi que ce soit le premier. C’est pourquoi il répondit la même phrase que ses prédécesseurs, ce dialogue ayant lieu tous les ans, à la même période, depuis des générations.
- Il n’y a plus de magicien. Plus de magie. Nous n’avons donc aucune raison de nous plier à votre volonté.
- S’il n’y a plus de magie, c’est de votre faute, répliqua l’émissaire.
- Certainement pas ! s’exclama Decklan, qui vivait cette scène pour la première fois et ne pouvait donc pas empêcher la colère de monter. Les voyants sont responsables. Les voyants, et personne d’autre !
L'émissaire hocha gravement la tête. Il s'attendait à cette réponse mais en semblait sincèrement désolé.
- Bien, je ferai part de votre réponse aux dirigeants du château des mages.
- Mais pourquoi s'entêtent-ils ? Tous les ans, ils envoient l'un de vous et à chaque fois, notre réponse est la même. Nous n'en changerons pas ! s'exclama Decklan, exaspéré.
- Nous espérons que vous changerez d’avis et que vous vous en remettrez enfin à la seule autorité légale.
- Les magiciens n’existent plus. S’ils revenaient, nous nous soumettrions. À moins qu’un nouveau membre soit apparu…
L’émissaire secoua tristement la tête. Decklan laissa la joie le transpercer. Ainsi, ils n’étaient pas au courant. Tant mieux.
- Au revoir, finit l'émissaire des magiciens.
Decklan rejoignit le quartier de sa division alors que l'émissaire sortait.
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Le troisième jour, alors qu'Elna avait déjà assisté à deux interrogatoires, elle vit entrer dans la pièce quatre Mordens qui poussaient devant eux un garçon aux traits juvéniles leur arrivant à la hanche. Ils l'attachèrent seuls – jusque là, le geôlier effectuait cette tâche.
Depuis son emprisonnement, Elna n'avait assisté qu'à des tortures d'adultes, jamais d'enfant. Les Mordens souriaient méchamment. Le garçon était déjà recouvert de bleus et d'écorchures. Il tremblait de peur et sanglotait.
Il regarda Elna. Aidez-moi ! supplia-t-il des yeux. Je suis désolée, répondit Elna d'un regard en montrant ses liens. Le garçon regarda le sol et se mit à pleurer. L'un des Mordens s'avança et gifla le garçon de sa main gantée. Le garçon cria. La douleur du coup adjointe au gant était une association redoutable.
Pendant un temps infini, les Mordens frappèrent le garçon, le caressèrent de leurs gants, allant jusqu'à toucher son entrejambe, ce qui arracha des cris abominables à l’enfant.
Elna comprit ce à quoi Claire avait échappé. Ce pauvre garçon n’avait pas eu la même chance.
Lorsqu’Elna se mit à hurler de douleur, les Mordens n'arrêtèrent pas. La douleur était, cette fois-ci, d'abord arrivée dans la jambe gauche. La torture continuant, Elna sentit les os de son bras gauche exploser, puis ceux de sa jambe droite, puis de son bras droit.
Lorsque ses côtes lui donnèrent l'impression de se réduire en miettes, ses cris firent stopper les Mordens. Le garçon, de son côté, n'avait plus la force de crier. Les Mordens emmenèrent l'enfant et refermèrent derrière eux. Peu de temps après, on apporta son dîner à Elna mais elle n'avait pas la force de bouger.
Lorsqu’Ewin arriva ce soir-là et qu'il trouva Elna étendue sur le sol, il retira son gant et la fit doucement s'asseoir.
- Ar'shyia ? Regarde-moi !
Elna ouvrit difficilement les yeux. Ewin la fit boire puis demanda :
- Que s'est-il passé ?
Elna n'avait pas la force de répondre. La souffrance était trop forte pour cela. Ses poumons étaient en feu, rendant sa respiration très douloureuse.
- À combien de tortures as-tu assisté aujourd'hui ?
Elna désigna trois de sa main. Ewin eut soudain un visage très dur.
- Repose-toi, dit-il d'une voix très douce. Je reviens un peu plus tard.
Il l'allongea puis quitta la salle.
Lorsque le geôlier vit arriver Ewin, il sut à son visage que quelque chose n'allait pas.
- À combien d'interrogatoires l'Ar'shyia a-t-elle assisté aujourd'hui ?
Le geôlier réfléchit puis annonça :
- Deux.
- Vraiment ? Vous êtes sûr ?
- Absolument certain oui.
- Le dernier a eu lieu il y a combien de temps ?
À nouveau, le geôlier réfléchit avant d'annoncer :
- Avant le déjeuner.
- Alors comment expliquez-vous qu'elle soit vidée à cette heure ? répliqua Ewin.
Le geôlier trembla et bredouilla :
- Je vous jure qu'elle n'a subi que deux interrogatoires. Je suis prêt à jurer sur ma vie que c'est le cas !
Ewin sortit son épée et transperça le corps du geôlier. Puis, il essuya sa lame sur les vêtements du mort et monta les marches menant aux prisons.
- Qui est descendu aux prisons aujourd'hui ? demanda-t-il aux gardes en faction. Commencez par les derniers à être venus et dites-moi ce qu'ils allaient y faire lorsque vous le savez.
- À part vous, il y a eu maître Bestrey, qui allait chercher son esclave après sa punition. Avant cela, voyons, chercha le garde, il y a eu… ah oui, maîtres Korby, Haag, Vacaresse et Quet qui semblaient vouloir se trouver un coin tranquille pour torturer le jeune esclave de maître Korby.
- Merci, je reviendrai vous voir si j'ai besoin d'autres noms. Pour le moment, je vais me contenter de cela. Le geôlier est mort, dites à l'intendant de le faire remplacer au plus vite.
Le garde salua puis partit, laissant son collègue surveiller seul l'escalier menant aux prisons. Ewin, quant à lui, se rendit dans les quartiers de Korby. Il y entra sans y avoir été invité ou annoncé. Les quartiers semblaient vides. Toutefois, Ewin entendit des pleurs en provenance d'une armoire. Il l'ouvrit et découvrit le jeune esclave de Korby, recroquevillé sur lui-même dans le placard. En voyant Ewin, le jeune garçon gémit de terreur.
- Sors de là, ordonna Ewin d'une voix dure.
Le garçon, malgré sa terreur, obéit. Il savait ce qui se passait lorsqu'un esclave osait désobéir à un ordre du seigneur Ewin. Le garçon remarqua que le Morden avait passé son gant à la ceinture. C'était la première fois qu'il voyait le seigneur Morden sans son gant. Cela le rassura un peu. Il laissa Ewin l'examiner.
- Tu as été torturé aujourd'hui, annonça Ewin d'une voix qui laissait clairement comprendre que c'était une affirmation et non une question. Y avait-il une jeune femme dans la salle de torture ?
- Oui, maître, répondit le garçon.
- Décris-la-moi, ordonna Ewin.
- Brune, aux yeux marron, habillée d'une robe sombre et les poignets retenus par des chaînes, maître, répondit le garçon à toute vitesse.
- Où est ton maître ?
- Je l'ignore, maître.
- Dommage. Viens avec moi.
Ewin mena le garçon jusqu'à ses appartements. Lorsqu'il y fut, il fit s'asseoir le garçon par terre et lui annonça :
- Tu viens de changer de maître. Tu es maintenant mon esclave.
Le garçon sursauta. Les esclaves du seigneur Ewin vivaient rarement plus de deux lunes. Il trembla mais ne répliqua rien.
- Reste ici et n'en bouge sous aucun prétexte.
- Oui, maître.
Ewin sortit et envoya un écuyer chercher Korby. L’attente fut courte. Korby se présenta devant lui dans la salle principale de la division d’Ewin, sous le regard du lieutenant, de quelques Mordens ainsi que de quelques gardes.
- Êtes-vous allé dans les prisons aujourd'hui ? demanda Ewin.
Korby regarda Ewin et lui lança un regard incendiaire. Ewin était d’un rang inférieur au sien. Il n’avait donc pas à répondre à ses questions. Le lieutenant prit la parole :
- Répondez-lui. C’est un ordre.
- Bien, lieutenant. Oui, je suis allé dans les prisons aujourd’hui.
- Avez-vous utilisé le pouvoir de l'Ar'shyia pour votre utilisation personnelle ? demanda Ewin.
- Oui.
- Lieutenant Korby, vous n'ignorez pas que le grand maître a ordonné que l'Ar'shyia ne soit utilisée que dans des cas importants ! s'exclama le lieutenant.
Si son lieutenant n’avait pas pris la parole, Ewin se serait jeté sur le Morden qui lui faisait face.
- Seulement, qui décide ce qui est important ? Lui ? cracha Korby en désignant Ewin. Laissez-moi rire ! Je ne me laisserai pas dicter ma conduite par un minable justicier. Ridicule ! Je commande l'armée. Je ne tue pas des brigands miteux. Je ne règle pas des conflits de voisinage dans des rades pourris. Je défends notre pays contre les attaques des peuples des sables et des montagnes. J'estime avoir le droit à une gâterie de temps en temps. En plus, vous sous-estimez l'Ar'shyia. Elle est capable de supporter bien plus. Elle n'est pas morte, que je sache. Demain, elle ira à merveille. Enfin, permettez-moi de vous contredire, mais ce n'est pas le grand maître qui a ordonné qu'elle soit utilisée faiblement, c'est Ewin !
- Le grand maître a approuvé ma décision, se défendit Ewin. Elle est donc sienne. Ensuite, lorsqu'un problème surviendra, vous serez bien content de pouvoir profiter des pouvoirs de l'Ar'shyia ! Si on l'utilise pour nos envies personnelles, elle n'aura plus la force de résoudre les problèmes de la collectivité. Vous êtes un lieutenant, Korby, vous vous devez de penser aux autres avant vous-même !
- Parce que vous ne pensez pas à vous-même peut-être ? Allons ! La raison pour laquelle vous la protégez est que vous désirez ne la garder que pour vous. La vérité, c'est que vous avez peur qu'on vous la prenne, vous ôtant ainsi les faveurs gagnées. Rappelez-moi, vous êtes tombé sur elle totalement par hasard. Sa capture ne devrait donc vous apporter ni mérite ni gloire !
Ewin explosa. Il sortit son épée et la mit sous la gorge de Korby.
- Que comptez-vous faire ? s'exclama Korby en riant. Me tuer ? Quel acte de dénégation ! Quelle belle preuve de votre dévotion à la communauté ! Faites ça, et vous savez aussi bien que moi que vous perdrez votre vie.
- Rangez votre lame, ordonna le lieutenant et Ewin obéit malgré sa colère.
Formé par les meilleurs dans la forteresse Morden, Ewin savait obéir. C’était même la première leçon.
Le lieutenant annonça :
- Lieutenant Korby, je vous dépossède de votre rang de lieutenant. Dans deux jours, vous serez jugé pour trahison.
- C'est ridicule, cracha Korby. Vous n'avez pas le droit !
- Oh que si, je l'ai. La désobéissance à un ordre du grand maître est considérée comme un acte de trahison. Le grand maître a ordonné qu’on prenne soin de l'Ar'shyia. Je ne fais qu'obéir. Vous êtes un danger pour elle. Vous allez mourir. C'est aussi simple que cela.
Le lieutenant fit signe aux gardes. Ils retirèrent son gant à l'ancien lieutenant qui hurla une flopée d'injures.
- Ewin, annonça le lieutenant de la division de la justice, je crois que vous allez monter en grade.
Un instant, Ewin s’imagina chef de l’armée Morden. Mais le lieutenant annonça :
- Je ferai en sorte que vous ayez mon poste quand j’aurai pris le sien.
Ewin mit un instant à comprendre mais sourit tout de même. Lieutenant du département de la justice. Ça n’était pas aussi glorieux que l’armée, mais beaucoup mieux que son rang actuel de simple justicier.
Il s’inclina devant celui qui était encore son lieutenant puis sortit, un sourire aux lèvres. Deux jours plus tard, le tribunal présidé par le grand maître avait rendu son verdict. Au zénith, Korby pendait au bout d’une corde. Nul doute qu’il accepterait la demande de l’actuel lieutenant de la division justice de prendre la place du condamné, ouvrant la voie à Ewin pour prendre le poste laissé vacant. Un sourire complet sur le visage, il ne put s’empêcher d’admettre que Korby n'avait pas eu totalement tort. Il ménageait l'Ar'shyia.
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Elna avait l'esprit embrumé. La douleur diminua lentement. Finalement, elle parvint à s'asseoir et à manger le dîner qu'on lui avait apporté. Elle fit également ses besoins. L'esclave vint tout débarrasser puis laissa Elna seule. La jeune femme se sentait presque bien lorsqu’Ewin refit son apparition.
- Tu as l'air d'aller mieux. Tu as pu dîner ?
- Oui, maître. Que se passe-t-il ?
- Ça ne te regarde pas, répliqua Ewin d'une voix cassante.
Il était heureux, Elna le sentait, et cela le rendait encore plus détestable que d’habitude. Elle préféra ne pas insister. Il détacha la main gauche d'Elna puis décrocha de sa ceinture une protection de cuir. Il la plaça sur le poignet de la jeune femme puis la rattacha. Il fit ensuite de même avec le poignet gauche. Ainsi, la jeune femme souffrait moins du contact avec le métal des chaînes.
- Merci, maître, finit Elna en cherchant le regard d’Ewin.
Ewin ne la regarda pas. Sans un mot, il se leva et quitta la pièce.
Elna assista aux interrogatoires des Mordens pendant de longs jours qu’elle ne parvint plus à compter. Plus le temps passait, et plus la douleur était faible. Les tortures étaient pourtant plus nombreuses, mais la douleur mettait de plus en plus de temps à arriver.
Elna était à la fois contente de ne pas souffrir et désolée d'être à l'origine de la souffrance de tous les malheureux qui passaient dans cette salle. Elle n'assista plus jamais à des tortures d'enfants. Elle ne douta pas qu’Ewin y fut pour quelque chose.
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Decklan écoutait un soldat de sa division lui faire son rapport.
- Nous sommes passés assez facilement. Les relations avec les druides sont maintenant établies.
- Les ensorceleurs ? demanda Decklan.
- Ils n'ont rien vu. Nous avons consciencieusement évité leurs terres. Ils n'en sauront rien.
- Je l'espère car s'ils venaient à le savoir, ça serait terrible. Ils risqueraient de rompre les liens avec nous. Après tout, ce sont leurs ennemis autant que les voyants sont les nôtres. Il faut absolument que tout cela reste parfaitement secret.
- Ils n'ont rien pu remarquer. Nous avons fait correctement notre travail, assura le sergent.
- Parfait, maintenant, il nous faut régler le problème du futur voyage chez les nécromanciens. Il faudra faire très attention car maintenant, les druides sont avec nous, alors il ne faut pas les froisser non plus. Soyez vigilant.
- Vous ne comptez pas vous y rendre vous-même ? Ils ont exprimé leur désir de voir notre chef de division à de nombreuses reprises.
- Tout comme avec les druides, ma réponse sera non. J'ai déjà bien assez à faire, je ne peux pas aller voir tout le monde. Débrouillez-vous sans moi, pour une fois.
- Bien, lieutenant, répondit le sergent.
- Vous partirez…
Soudain, un homme entra en trombe dans la pièce. Il était essoufflé mais lorsqu'il parla, sa voix fut calme et posée :
- Nous avons un problème, lieutenant Beir, annonça le Morden.
- Que se passe-t-il ? demanda Decklan.
- Un accident… un stupide accident, annonça le Morden. Le maître d’arme est gravement blessé. Une épée lui est passée au travers du corps. Le foie est touché. Il est mourant !
- Par Astralius ! jura Decklan.
Cet homme était son meilleur ami et son mentor. Il ne pouvait pas le laisser mourir. Decklan possédait l’une des rares feuilles d’ange de la forteresse mais jamais elle ne suffirait. À moins que…
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Ewin recevait un rapport d’un groupe de justiciers fraîchement revenus de mission lorsqu’il vit le lieutenant Decklan Beir entrer en trombe dans la salle principale de sa division. Il ne put s’empêcher de frémir. Bien que lieutenant de la division diplomatique, une division considérée comme peu importante, Decklan Beir imposait par son calme, son charisme et ses extraordinaires talents naturels.
Ewin était plus vieux que Decklan. Pourtant, quand il l’avait vu s’entraîner, môme débutant, il avait tout de suite senti en lui un potentiel incroyable. L’avenir avait prouvé qu’il avait le nez creux. Decklan Beir était devenu lieutenant avant lui. Certes, seulement de la division diplomatie, mais tout de même. Ewin admirait – et jalousait un peu – le jeune homme brillant. Le voir devant lui était un honneur suprême à ses yeux.
- J’ai une faveur à vous demander, annonça sans détour le lieutenant Beir.
Ewin n’en revenait pas.
- Tout ce que vous voudrez, s’entendit-il dire.
- J’ai besoin de l’Ar’shyia. Le maître d’arme de ma division a eu un accident. Il est à l’agonie, expliqua Beir en sortant une feuille d’ange.
Ewin hocha la tête et annonça tout en courant vers la porte :
- Rejoignez-moi dans la salle d’armes.
Decklan partit à son tour. Ewin courut jusqu’aux prisons. Lorsqu’Elna vit entrer Ewin juste après le déjeuner, elle fut surprise. Elle ne le voyait habituellement que le soir.
- Ar'shyia ! Suis-moi ! Vite ! ordonna Ewin en la détachant.
Elna suivit Ewin le long de plusieurs couloirs. Elle était heureuse de pouvoir enfin marcher et sortir de sa prison. Elle se demanda où il l'emmenait. Il semblait pressé.
Lorsqu'ils passèrent dans un couloir ouvert sur la cour et ses jardins, Elna sourit. La vue du soleil et du ciel l'emplissait de joie.
Ils entrèrent dans un bâtiment. Ici, les murs étaient recouverts d'épées, haches et armes blanches en tout genre. Ils pénétrèrent dans ce qui semblait être une salle d'entraînement au combat. Des armes réelles et en bois ainsi que des protections recouvraient les murs tandis que des mannequins d'entraînement attendaient de ci de là.
Au centre de la pièce, un homme aux cheveux poivre et sel grognait sur le sol. Son foie était transpercé par une épée longue. Du sang s'écoulait de sa blessure.
- Il a dit qu'il pouvait se passer de protection ! s'exclama un jeune homme vigoureux au visage déformé par l’anxiété. Que je ne pourrais jamais le toucher. C'est un accident !
- Personne ne t’en veut, le rassura Decklan Beir à genoux devant le blessé.
Le jeune homme sembla soulagé. Il avait eu peur que son lieutenant ne le punisse.
- Vous allez pouvoir le sauver ? demanda le jeune homme.
- Je l'espère, annonça Decklan Beir.
- N’ayez pas d’inquiétude, seigneur Beir, intervint Ewin. L’Ar’shyia n’a pas été utilisée aujourd’hui. Elle a toutes les réserves nécessaires.
Puis Ewin se tourna vers Elna et ordonna :
- Assieds-toi, ça risque de faire très mal.
Elna obéit. Lorsqu'elle vit que le seigneur Beir tenait dans sa main une feuille d'ange qu’il s’apprêtait à poser sur le corps du blessé, elle comprit que ça risquait effectivement d'être douloureux.
- À mon ordre, dit Decklan Beir, retirez l'épée le plus rapidement possible. N'épargnez pas le maître d’armes. Sa vie en dépend.
Ewin plaça ses mains autour de la fusée de l'épée.
- Maintenant ! s'exclama Decklan Beir.
Le maître d’armes hurla lorsque l'épée sortit de son ventre. Decklan apposa immédiatement la feuille d'ange sur la blessure. Il ne fallut pas plus d'une demi-seconde pour qu’Elna hurle de douleur. La blessure avait déchiré le foie et les intestins. De plus, l'âge avancé du maître d’armes et sa propension à l'alcool n'aidaient pas à la régénération.
Lorsqu’Elna eut l'impression que son estomac était broyé, elle vomit sur le sol. Enfin, après de longs moments de souffrance, Decklan Beir retira la feuille d'ange. Le maître d’armes était complètement guéri. Le vieil homme regardait son ventre, les yeux brillants de joie.
- Merci, Decklan ! s'exclama le maître d’armes.
- Remerciez plutôt le lieutenant Ewin Craig, dit Decklan Beir, qui nous a gentiment prêté l’Ar’shyia.
- J'espère que plus personne ne remettra en doute mes décisions, répliqua Ewin. Si elle avait été utilisée pour des jeux sadiques, elle n'aurait probablement pas été en mesure de vous sauver.
Le maître d’armes se leva et salua Ewin.
- Personne ne mettra plus en doute vos choix. Croyez bien que tout ceci sera rapidement rapporté au grand maître.
Après quoi il sortit, apparemment plus qu'heureux d'être toujours en vie et d'avoir un foie régénéré. Elna était toujours assise, les bras repliés sur son ventre. Elle pleurait et gémissait mais Ewin s'en moquait éperdument. Tout ce qui lui importait était qu'elle était toujours en vie.
Il demanda à deux gardes de porter Elna jusqu'à sa prison tandis que lui était demandé par le grand maître. Ewin reçut des félicitations ainsi que de plus grandes possibilités d'actions contre ceux qui oseraient utiliser l'Ar'shyia sans son accord. Ce dernier était aux anges. Elna, de son côté, ne reprit connaissance que le lendemain soir. Elle parvint à dîner et à dormir, mais la douleur était encore bien présente.
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Il se tenait debout, les yeux fermés. Son cœur battait très vite. Il était terrorisé. Il savait qu'il allait peut-être mourir dans les minutes qui allaient suivre. Mais peut-être aussi allait-il sauver son monde ! Il était fier de faire son travail, quoi que cela lui coûte.
Autour de lui, il entendait les chants, les incantations et les sorts des centaines de milliers de personnes qui allaient tenter l'impossible. Il vérifia que la pierre était bien dans sa poche. Rassuré, il se calma un peu. Lorsque l'incantation atteignit son paroxysme, il plissa les yeux, craignant ce qui allait se produire.
Soudain, il n'entendit plus rien. Puis, un oiseau chanta près de lui. Il ouvrit les yeux et une profonde terreur s'insinua en lui. Il était à plusieurs dizaines de mètres du sol. Un oiseau passa près de lui. Pour le moment, il était immobile et paralysé.
Soudain, la gravité eut à nouveau effet sur lui et il tomba comme une pierre. Pierre ? pensa-t-il. Paniqué, il attrapa le morceau de roche dans sa poche et l'empoigna avec force. Rien ne se produisit. Il la serra encore plus fort, se blessant au sang mais rien n'y fit, il tombait toujours.
Une panique sans nom s'empara de lui. Il hurla. Il crut avoir les jambes brisées lorsque ses pieds rencontrèrent les eaux d'un immense et profond lac. La douleur lui fit perdre connaissance.
Il s'éveilla. Une douce odeur de pain et de soupe lui arriva aux narines. Il faisait doux. Il entendit un feu crépiter. Il était couché, nu, sur une paillasse. Une couverture chaude le recouvrait. Puis, sa vue revint et il put détailler l'endroit où il se reposait. Il se trouvait dans une simple cabane en bois.
Il tourna la tête. À gauche, il n'y avait que le mur mais à droite, il vit le dos d'un fauteuil à bascule qui se balançait devant l'âtre d'un feu réconfortant.
- Bonjour, dit-il d'une voix râpeuse.
Sa bouche était sèche. La personne assise sur le siège se leva et s'approcha de lui.
- Vous vous réveillez enfin ! J'ai bien cru que vous ne reprendriez jamais connaissance.
Il s'agissait d'une très belle jeune femme. Elle était vêtue de vêtements très simples et d'une coiffe blanche sans dentelle. Ses yeux marron le regardaient avec gentillesse et elle lui souriait. Il s'assit et constata que ses jambes le faisaient souffrir.
- Que s'est-il passé ? demanda-t-il. Et qui êtes-vous ?
- Je m'appelle Abigaël. J'étais en train de laver mon linge dans le lac lorsque j'ai entendu un gros plouf. J'ai regardé autour de moi et je vous ai trouvé sur le rivage, à demi noyé, les deux jambes brisées. Comment êtes-vous arrivé là ?
Ses souvenirs lui revenaient doucement. La fin du monde, le sort, sa mission, la chute et la pierre qui n'avait pas fonctionné.
- Ma pierre ! s'exclama-t-il en se relevant brusquement.
Abigaël le rassit en douceur.
- Doucement ! Calmez-vous !
- Où est ma pierre ? s'écria-t-il.
- Votre pierre ? Je ne sais pas de quoi vous parlez ! Vous n'aviez rien sur vous.
Il était désespéré. Il l'avait probablement lâchée en tombant dans le lac. Il avait échoué. Tant de gens espéraient. Il avait trouvé le monde tant désiré mais il avait commis la pire des erreurs. Ne revenant pas, tous croiraient qu'il était mort et ils n'enverraient personne d'autre.
Abigaël le regardait, son visage exprimant de la peine face au désarroi du jeune homme. Une larme coula sur la joue du jeune homme qui s'était mis à trembler.
- Pardon, murmura-t-il. Je n'ai pas su être à la hauteur. Pardon…
Abigaël lui tendit un bol de soupe et un morceau de pain. Il se rendit compte qu'il était affamé. Il mangea goulûment. Lorsqu'il eut fini son repas, il se sentait mieux.
- Où suis-je ? demanda-t-il.
- Chez moi, répondit Abigaël. En plein milieu des terres Mordens.
Il ignorait ce qu'était un Morden mais il préféra ne pas demander d'explications.
- Je… Je comprends ce vous dites ! s'écria-t-il.
La jeune femme sourit à cette remarque.
- C'est incroyable, s'exclama l'homme. Je vous comprends ! Vous parlez la même langue que moi. C'est tellement inimaginable !
- Vous devriez vous calmer. Je vais vous amener des plantes, ça vous fera du bien.
Elle sortit. Il se massa les jambes. Elles étaient douloureuses mais pas énormément. Il passa les jambes hors du lit et, avec beaucoup de précautions, il se mit debout. Abigaël revint à ce moment là.
- Vous ne devriez pas vous lever ! Vous n'êtes pas encore tout à fait guéri.
- Je me sens capable de marcher, annonça-t-il avant de faire quelques pas, pas gêné pour un sou d’être nu devant sa sauveuse.
Il souffrait, mais ce n'était pas insurmontable. Abigaël lui tendit de simples braies. Il s'habilla tandis qu'elle malaxait des herbes. Il la rejoignit à table et s'assit sur un banc en face d'elle.
Lorsqu'elle eut fini, elle lui fit boire un breuvage amer qui lui permit de se sentir mieux.
- Vous êtes une druide ? demanda-t-il.
- Non, annonça-t-elle. Je… J'ai quelques connaissances en plantes et en guérison.
L'homme hocha la tête. Il se leva et se dirigea vers la porte.
- Que faites-vous ? s'exclama-t-elle.
- J'aimerais faire un tour dehors !
- En pleine journée ? Vous êtes fou !
- Vous y êtes bien allée vous ! répliqua-t-il.
- Oui, mais moi je sais m'occuper de moi et mes jambes sont en parfait état.
- Que craignez-vous ?
- Les Mordens, répondit-elle. Je n'ai pas le droit de vivre ici. S'ils me découvrent…
La jeune femme trembla.
- Vous sortirez, mais ce soir, lorsqu'il fera nuit. Ainsi, si vous commettez une erreur, cela sera moins grave.
L'homme préféra ne pas insister. Il s'assit sur sa paillasse. La femme se mit à coudre des vêtements.
- Pourquoi n'avez-vous pas le droit de vivre ici ? demanda-t-il.
- Parce que nous sommes sur les terres Mordens et que je n'en suis pas une, répondit-elle comme s'il s'agissait d'une évidence.
- Pourquoi vivez-vous ici en ce cas ?
- Pour leur échapper. Si je vivais avec les miens, je risquerais de me faire emmener comme esclave et je n'y tiens pas. Jamais ils n'imagineraient que quiconque ose s'installer ici, si proche de leur forteresse. Toutefois, il vaut mieux être prudent.
L'homme sentit que la femme ne disait pas tout mais il hocha la tête.
- Je peux vous aider ? proposa-t-il.
- Vous savez coudre ? interrogea-t-elle.
- Coudre, faire la cuisine et beaucoup d'autres choses encore.
La femme parut hautement surprise.
- Je suis assistant, dit l'homme avec un sourire.
Elle lui sourit et lui tendit des vêtements à coudre. Il resta chez Abigaël quelques jours après quoi il la quitta, espérant trouver quelque part quelqu'un en mesure de lui venir en aide.
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Elna avait assisté à un interrogatoire particulièrement long le matin même. Elle avait atteint le seuil de douleur mais pas trop longtemps. Elle était maintenant parfaitement remise.
Elle supposa être en plein milieu de l'après-midi. Elle était seule, contemplant les murs qu'elle connaissait maintenant si bien. Soudain, elle crut qu'elle mourrait. Sa vie, qui, d'habitude, la quittait doucement, lui fut ôtée si rapidement qu'elle crut que son cœur s'arrêtait de battre. Elle s'écroula en hurlant.
La porte s'ouvrit quelques instants plus tard. Le nouveau geôlier se précipita sur elle. Les bras, le cou et la nuque de l'Ar'shyia étaient couverts de bleus et d'écorchures. Le geôlier était terrorisé. Il regarda autour de lui mais ne vit personne. Pourquoi l'Ar'shyia était-elle dans cet état ? Personne n'était entré, il en était certain. Il allongea la jeune femme et courut prévenir le lieutenant. Ewin arriva un peu plus tard.
- Que s'est-il passé ? hurla-t-il en voyant Elna dans cet état.
- Je ne sais pas, lieutenant, je vous assure ! Je l'ai entendue hurler alors je suis venu voir. Je l'ai trouvée dans cet état. La pièce était vide, je vous le jure, lieutenant !
- J'espère pour vous que votre version et la sienne correspondront. Faites-moi amener du baume de guérison.
Ewin veilla la jeune femme toute la nuit. Les bleus et les blessures disparurent rapidement, preuve qu'elles n'étaient pas réelles mais dues à la magie. Elle ouvrit les yeux peu après le lever du soleil. Ewin l'aida à s'asseoir.
- Comment te sens-tu ?
- Très mal, maître, avoua-t-elle.
- Tu te souviens ce qui s'est passé ? demanda Ewin.
Elna rassembla ses pensées, reprit son souffle puis annonça :
- Je… J'étais seule et soudain, j'ai eu l'impression que ma vie m'était ôtée d'un seul coup, maître.
- Toute tes réserves, d'un seul coup ? insista-t-il.
- Oui, maître.
Ewin ne comprenait pas. Rien ne pouvait expliquer une telle chose.
- Repose-toi et oublie ça. Ce n'est sûrement rien.
Il se leva et sortit sans un autre mot. Lorsqu'il fut dehors, il soupira. Comment une telle chose était-elle possible ? Un voyant s'était-il approché ? Cela serait catastrophique car s’ils venaient à être au courant, nul doute qu'ils entreprendraient rapidement de venir la chercher. Cependant, Ewin douta que cela fut une explication plausible. Toute sa vie, d'un seul coup ? Même un voyant ne pouvait faire cela. Il était perdu. Il partit à la bibliothèque chercher des explications… qu'il ne trouva pas.
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Elna venait à peine de se remettre qu’un homme fut amené dans sa cellule. Elna sursauta en voyant le prisonnier : c’était un Morden, signalé par son gant rouge. Il venait tout juste de devenir adulte. Depuis quand les Mordens torturaient-ils les Mordens ? Elna lui lança un regard désolé et la réaction du Morden la prit totalement par surprise : il lui sourit. Puis son sourire disparut tandis qu’il annonçait :
- Je suis désolé.
Elna sursauta, ne comprenant pas.
- Vous allez souffrir à cause de moi, continua le prisonnier. J’en suis navré mais je n’ai pas le choix.
Elna cligna des yeux, tentant de comprendre. Personne ne s’était jamais excusé de la souffrance qu’elle ressentirait à cause d’eux. Les Mordens forcèrent le prisonnier à lui tourner le dos et l’instant d’après, Elna sentit sa magie lui être arrachée tandis que les Mordens tombaient.
- Merci, dit le jeune homme avant de s’enfuir en courant.
Que venait-il de se passer ? Elna n’en avait pas la moindre idée. Elle savait juste qu’elle souffrait. Ces temps-ci, on lui prenait trop souvent sa magie.
Lorsqu’Elna fut enfin en mesure de parler, d’autres Mordens arrivèrent et Elna reconnut Ewin Craig et Decklan Beir. En voyant leurs hommes au sol, ils hurlèrent. Elna leur raconta ce qu’elle avait vu, sans mentir ni rien omettre. Les Mordens, qui n’étaient en fait qu’assommés, reprirent connaissance et ils ne purent rien dire de plus. Nul ne comprenait. Elna reprit sa routine habituelle, trop incrédule pour tenter de percer ce mystère qui ne la regardait pas.
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Les interrogatoires s'étaient succédés et aucun évènement étrange ne s'était produit. Ce matin-là, Elna fut réveillée par l'arrivée de Mordens dans la salle de torture. Ils amenaient un homme portant de simples braies pour seuls vêtements. Il était pieds et torse nus. Il se débattait furieusement contre ses agresseurs. Il fut rapidement attaché. Lorsqu'il fut clair que l'homme ne pouvait pas se détacher, les Mordens sortirent, laissant Elna et lui seuls. L'homme se tourna vers la jeune femme et demanda :
- Qui êtes-vous ?
- Je m'appelle Elna, répondit-elle.
Elle se dit que cela faisait bien longtemps que personne ne l'avait appelée ainsi.
- Moi, c'est Sakku, lui apprit l'homme. Vous aussi, vous êtes prisonnière ?
- Oui.
- Ça fait longtemps que vous êtes là ? demanda le prisonnier.
- Un peu, difficile d’être précise, répondit-elle en désignant les murs sans ouverture. Pourquoi êtes-vous là ?
- Pourquoi je suis là ? s'exclama Sakku. Ça, c'est une rudement bonne question ! Je me promenais lorsque des gars me sont tombés dessus et m'ont amené là. J'aimerais bien savoir pourquoi je suis là ! Et vous, pourquoi êtes-vous là ?
- Pour que vous souffriez très longtemps.
La porte s'ouvrit. L'homme ravala sa question, attendant de voir la suite. Trois Mordens entrèrent. Deux se mirent en retrait pendant que le troisième s'avançait.
- De quel village viens-tu ? interrogea le Morden.
Sakku fut totalement pris au dépourvu par la question. Il réfléchit et se rendit compte qu'il ne pouvait pas répondre à cette question. Le Morden, constatant que l'homme refusait de répondre, continua :
- Nous t'avons trouvé sur nos terres, à moins d'un kilomètre de la forteresse, comment as-tu réussi à arriver aussi profondément dans nos terres sans te faire voir ? Qui t'a aidé ?
Là encore, Sakku ne pouvait pas répondre. Le Morden haussa les épaules et apposa sa main droite gantée sur la nuque du prisonnier. Jamais Sakku n'avait connu une telle souffrance. Il hurla de douleur mais cela ne fit pas stopper son bourreau qui attendit ce qui lui sembla une éternité avant de retirer sa main.
Sakku regarda à nouveau le gant et comprit : cet homme était un sorcier et ce gant était magique. Comment avait-il pu ne pas s'en rendre compte plus tôt ?
Sakku saisit alors pleinement l'horreur de la situation : il ne pouvait pas répondre à ces hommes, pas avant d'en savoir plus sur eux. C'était bien trop dangereux. Qui savait de quoi ils étaient capables ? Il allait devoir souffrir.
La torture reprit. Elle ne cessa que lorsque Sakku s'évanouit. Elna n'avait pas souffert lorsque ce fut le cas. Les Mordens sortirent, laissant les deux prisonniers seuls. Sakku ne s'éveilla qu’un long moment après. Une esclave entra et servit son déjeuner à Elna. Elle le dégusta sous le regard de Sakku.
- Quand avez-vous mangé pour la dernière fois ? interrogea Elna.
- Hier matin, répondit Sakku. Je survivrai.
Lorsque l'esclave fut repartie avec le plateau, Elna demanda :
- Pourquoi ne leur répondez-vous pas ? L'endroit où vous vivez est-il si secret ?
- Qui sont ces gens ? interrogea Sakku en parlant de ses bourreaux.
- Des Mordens, répondit Elna comme si c'était une parfaite évidence. Vous êtes entré sur leurs terres sans savoir qui ils sont ?
- Je ne suis pas "entré" sur leurs terres… enfin, pas comme ils l'imaginent en tout cas.
- Ah bon ? s'exclama Elna sans comprendre.
- Oui, je… je ne suis pas originaire de ce monde. J'ai été envoyé ici par des magiciens.
- Des quoi ?
Sakku n'en croyait pas ses oreilles. Cette femme ignorait-elle réellement ce qu'était un magicien ?
- Des magiciens, répéta Sakku. Des gens qui utilisent la magie.
- La magie ? Qu'est-ce que c'est ?
Sakku fut soufflé par cette réponse. N'y avait-il pas de magie dans ce monde ? Non, c'était impossible. Ces Mordens étaient des sorciers, cela prouvait que la magie existait. Était-il possible que les gens d'ici l'appellent autrement ? Pourtant, ils parlaient la même langue que lui, ce qui, en soit, était extraordinaire.
- Vous savez, continua Elna, je ne suis qu'une simple paysanne. Il y a beaucoup de choses que j'ignore.
- Dans mon monde, même une paysanne sait ce qu'est la magie, répliqua Sakku.
- Je suis désolée. Je ne comprends rien à ce que vous dites. Pour moi, vos paroles n'ont aucun sens. Toutefois, peut-être en auront-elles pour les Mordens.
- Probablement même. Mais je ne prendrai pas le risque de leur révéler cela.
- Que craignez-vous ?
- Qu'ils aillent sur mon monde.
- Ah… Encore une fois, je ne comprends pas, s'excusa Elna.
- En même temps, dit Sakku pour lui-même, s'il n'y a effectivement pas de magie dans ce monde, on ne risque pas grand-chose. Non, non… Il y en a forcément, sinon, je ne serais pas là.
Elna n'intervint pas. Sakku se tourna vers elle.
- En général, ils se lassent au bout de combien de temps ?
- Jamais, répondit Elna.
- D'accord, et on meurt de ces tortures en… ? demanda-t-il en laissant traîner sa voix.
- Jamais, répéta Elna. Les gants ne tuent pas. En général, les Mordens assassinent par suffocation mais uniquement lorsqu'ils ont eu ce qu'ils voulaient.
Sakku se sentit mal. Tout ça pour rien ! Il était censé découvrir un monde viable, avait réussi mais allait devoir éternellement subir une torture sans pouvoir prévenir les siens.
- Je ne comprends toujours pas pourquoi vous êtes là, déclara Sakku.
- Sans moi, les gants ne fonctionneraient pas plus de quelques instants. Ne me demandez pas pourquoi, je l'ignore.
Sakku voulut l'interroger plus en avant mais la porte s'ouvrit. Les trois mêmes Mordens entrèrent mais ils n'étaient pas seuls : Decklan Beir les accompagnait. Elna n’avait vu ce Morden que deux fois. D'abord dans la salle d’armes puis lorsque le jeune Morden s'était échappé d'une manière mystérieuse.
À chaque fois, elle n'avait fait que croiser brièvement le lieutenant de la division diplomatie et pourtant, elle n’avait pu oublier ses yeux noirs, ses cheveux finement taillés, sa barbe de trois jours très bien entretenue, ses muscles virils mais également la douceur de ses traits, qui n’existait chez nul autre Morden. Elle avait gravé son nom dans sa mémoire. Elle se demandait ce qu’il faisait ici.
Decklan Beir regarda très brièvement Elna avant de se tourner vers le prisonnier.
- On me dit que l'interrogatoire n'a pas porté ses fruits.
- Vous êtes le chef ? demanda Sakku.
Decklan le gifla de son gant. Sakku crut que son visage avait explosé, mais la douleur partit rapidement.
- Tu ne parles que si je t'y autorise, annonça Decklan d'une voix froide.
Elna était terrorisée. Toute douceur avait disparu du visage du Morden. Et soudain, Elna comprit la raison de la présence de Decklan. Les trois autres Mordens avaient échoué dans leur interrogatoire alors ils étaient allés chercher un maître en la matière. Elna sut que le prisonnier allait subir une torture innommable et elle ne pouvait qu’y assister, impuissante. Sakku baissa les yeux et se tut, attendant la suite. Decklan continua :
- Nous voulons savoir comment tu es entré sur nos terres, est-ce si difficile à dire ?
Sakku resta obstinément muet. Elna pria qu'il parle mais il n'en fut rien. Decklan se plaça derrière le prisonnier. Il effleura de sa main gantée la colonne vertébrale du prisonnier au milieu du dos. Sakku contracta tout son corps. Decklan, de manière régulière, effleura son dos. Sakku criait à chaque caresse. Les Mordens rirent lorsque Sakku se contracta sans que Decklan ne le touche.
- Si tu veux parler, fais-le, annonça Decklan. Personnellement, je préférerais que tu prennes ton temps.
Sakku tremblait. Ses bras et son dos lui faisaient mal.
- Maintenant, je vais déterminer quelle partie de ton corps est la plus sensible, annonça Decklan avec calme.
Le Morden semblait boire ce moment comme un nectar paradisiaque. Les trois autres Mordens sourirent. Decklan se dirigea vers ses camarades qui lui mirent un second gant. Jamais Elna n'avait vu un Morden porter deux gants. Elle n’osa imaginer quelles horreurs il pourrait perpétrer avec ses deux mains gantées. Decklan revint vers le prisonnier. Il détacha ses braies qui tombèrent à ses pieds. Sakku était maintenant nu. Il tremblait.
Decklan s'approcha et posa ses deux mains sur chaque côté du cou du prisonnier. Sakku hurla. Decklan descendit ensuite sur la poitrine de l'homme. Il caressa ses côtes, ses hanches, son ventre, ses cuisses, ses genoux, ses mollets, ses chevilles et ses pieds. Elna commençait à sentir la douleur venir.
Decklan retira ses mains. Sakku était en sueur. Decklan posa une main sur l'épaule droite du prisonnier et l'autre sur son aisselle et remonta le long de son bras droit puis fit de même pour le gauche. Sakku n'en pouvait plus mais que pouvait-il bien répondre ? Ces gens ne comprendraient pas, de toute façon.
Decklan entreprit de masser les cheveux bruns de son prisonnier. Son cerveau en mille morceaux, Sakku n'avait plus la force de hurler.
Il entendit crier l'autre prisonnière. Le Morden retira ses mains. Sakku ne tenait plus debout. Seuls les liens le maintenaient dans cette position. Il se tourna vers la prisonnière qui se tenait la jambe en pleurant. Il ne comprenait rien à ce qui se passait. Pourquoi cette femme souffrait-elle et surtout, pourquoi personne ne s'en souciait ?
Decklan regarda brièvement la prisonnière mais s'en désintéressa. Il regardait son prisonnier avec une délectation sadique.
- Fais-moi plaisir. Ne dis rien, sourit Decklan.
Decklan fit bouger ses doigts, comme pour jouer avec son gant puis s'approcha vers le prisonnier. Il le collait lorsqu'il lui souffla dans l'oreille :
- Voyons si tu résistes à ça.
Du bout des doigts, Decklan effleura la verge de Sakku. Le prisonnier hurla plus fort que jamais. Plusieurs fois, Decklan recommença. Sakku tremblait et respirait avec peine. Il ne voulait qu'une chose : que ça s'arrête.
Lorsque Decklan prit à pleine main l'entrejambe du prisonnier, le cri de ce dernier fit écho à celui d'Elna. Decklan finit par retirer sa main. Elna avait vomi sur le sol. Ses jambes, ses côtes et son estomac lui donnaient la sensation d'être broyés.
- Toujours rien à dire ? demanda Decklan.
Voyant que Sakku gardait le silence, Decklan parut impressionné.
- Bien, comme tu veux, on va passer à l'étape suivante.
Un instant, Sakku se demanda comment on pouvait subir pire. Decklan annonça :
- La douleur produite par le gant n'est pas réelle. On a l'impression que nos organes explosent ou que des couteaux pénètrent la chair, mais ce n'est pas vrai. Tu vas maintenant voir ce qui se passe quand on passe le gant sur une blessure réelle.
Decklan défit le nœud de sa ceinture qui se transforma en un parfait martinet. Sakku regarda l'objet de torture en tremblant. Decklan fouetta violemment le dos du prisonnier et apposa immédiatement sa main sur les zébrures ensanglantées. Sakku avait cru qu'on ne pouvait pas souffrir davantage. Il se trompait. Ses cris se transformèrent en supplications mais le Morden ne s'arrêta pas. Elna hurlait également.
Après seize coups de martinets, Sakku sombra dans l'inconscience, son sang se répandant sur le sol de la salle de torture. Elna, elle aussi, avait perdu connaissance.
Decklan était subjugué. Jamais personne n'avait aussi bien résisté. Quel que soit le secret de cet homme, il ne comptait pas le livrer aussi aisément. Decklan n'en avait que plus envie de le découvrir. Il retira ses gants, vérifia que l'Ar'shyia n'était pas trop mal en point puis sortit, suivi de ses acolytes.
Lorsqu’Elna ouvrit les yeux. Il faisait noir. Les lampes à huile avaient été retirées. Elle bougea, faisant tinter ses chaînes. Elle entendit le prisonnier murmurer :
- Vous êtes réveillée ?
- Oui, vous aussi apparemment.
- Je suis désolé, annonça-t-il. J'ai l'impression que vous souffrez à cause de moi.
- Ne vous excusez pas. Ce sont eux qui vous torturent. Comment vous sentez-vous ?
- Je ne croyais pas qu'une telle douleur puisse exister. Ces gants sont véritablement redoutables.
- Ce ne sont pas tant les gants qui le sont que ceux qui les portent, répliqua Elna.
Sakku n'allait pas bien. Ses épaules le lançaient atrocement et il ne parvenait pas à se redresser.
- Il va continuer comme ça longtemps ? interrogea Sakku.
- Il ne s'arrêtera jamais, répondit Elna. Plus vous lui résisterez, et plus il vous fera souffrir. Les Mordens adorent qu'on leur résiste, leur offrant ainsi la possibilité de montrer leur art. Je n'avais jamais assisté à une telle torture, mais je crois sincèrement qu'il peut faire pire.
- Je dois bien avouer qu'il est particulièrement doué. Ça a bien duré si longtemps avant que je ne m'évanouisse. J'aimerais qu'il soit un peu moins capable.
- Moi aussi.
Aucun autre mot ne fut prononcé. Les deux prisonniers se rendormirent.
Le lendemain matin, Elna était remise mais Sakku, de son côté, pendait tristement.
Lorsque le geôlier vint allumer les lampes, Elna put constater sur le visage de son compagnon de prison toute sa souffrance. Elna mangea un petit déjeuner apporté par une esclave qui parut terrorisée en voyant le prisonnier nu sur une mare de sang. Sakku reprit connaissance lorsque l'esclave sortit avec le plateau vide.
- Vous vous sentez mieux ? demanda Elna.
- La douleur a beau ne pas être réelle, elle est présente longtemps, grimaça Sakku.
Il parvint à se lever puis regarda la prisonnière. Il aurait voulu pouvoir s'habiller. Sa nudité le gênait. Il bougea ses épaules douloureuses de l'avoir soutenu toute la nuit. Elna regardait ailleurs.
La porte s'ouvrit, dévoilant les quatre Mordens de la veille.
- Toujours rien à me dire ? interrogea Decklan lorsqu'ils furent tous entrés.
Sakku tremblait. La panique et l'effroi qui le rongeaient étaient violents. Il secoua tout de même la tête. Decklan parut à la fois ravi et surpris. Il mit son deuxième gant et s'approcha de son prisonnier. Il défit sa ceinture. Il allait le frapper lorsqu’Elna hurla :
- Non ! Maître, je vous en prie. Sakku, pardonnez-moi. Je ne peux pas.
Decklan se tourna vers Elna. Sakku dit :
- Je vous en prie, Elna, non ! Ne dites rien !
- Je ne peux pas laisser faire ça, sanglota-t-elle.
Decklan remit sa ceinture, retira ses gants, détacha Elna et lui fit signe de le suivre dehors.
- Tu as intérêt à avoir une sacrée bonne raison pour avoir fait ça, prévint-il d'une voix froide lorsqu'ils furent seuls dans le couloir.
Ses yeux transperçaient la jeune femme.
- Il… Il m'a parlé. Il m'a dit d'où il venait, maître.
Decklan sourit. Il força la jeune femme à le regarder dans les yeux. Elle tremblait. Ce fut avec douceur, patience et compréhension qu’il murmura :
- Disons qu'il t'a raconté quelque chose. De là à dire que c'est la vérité... Enfin, je veux bien écouter tout de même. Que t'a-t-il raconté ?
- Je n'ai pas tout compris, maître, annonça Elna. Les mots magie et magicien ont-ils une signification pour vous ?
Decklan sursauta. Oui, comprit Elna, il les comprend.
- Raconte-moi tout, dit Decklan avec ardeur.
- Il m'a dit venir d'un autre monde. Je ne comprends pas ce que cela signifie mais peut-être que vous comprenez, maître.
- En effet, continue, ordonna le Morden.
- Il m'a dit que des magiciens l'avaient envoyé ici. C'est tout ce que je sais, maître. Il a bien reçu de l'aide pour venir, mais pas de l'un d'entre vous.
Decklan réfléchit.
- T'a-t-il dit pourquoi ces magiciens l'avaient envoyé dans notre monde ?
- Non, maître.
Il lui caressa la joue et lui sourit.
- Tu as bien agi. Je suis satisfait de ton attitude, Ar'shyia.
Elna baissa les yeux en tremblant. C'était la première fois qu'un Morden montrait une once de gentillesse à son égard. Elle était même venue à douter qu'une telle chose était possible.
Decklan retourna dans la salle de torture. Elna l'y suivit. Elle resta debout, un peu derrière lui, pendant qu'il interrogeait le prisonnier. Elna n'osa croiser le regard de Sakku de peur d'y lire sa déception.
- Pourquoi as-tu été envoyé sur notre monde ? lança Decklan.
- Vous me croyez ? s'étonna Sakku. Vous voulez dire que… vous comprenez ?
- Je suis un maître Morden, pas un paysan. Oui, je comprends. Réponds à ma question.
- Mon monde est… était sur le point de disparaître. La fin du monde était annoncée depuis longtemps. Les miens ont tout tenté pour nous sauver. Ils ont cherché à dépasser les limites de la magie pour tenter d'envoyer un homme sur un autre monde. Je devais venir, vérifier que le monde était viable, puis retourner là-bas leur dire que ça avait fonctionné.
- Qu'est-ce qui n'a pas marché ?
- J'avais une pierre magique qui devait me ramener, mais son pouvoir ne s’est pas activé.
Sakku décida de taire sa rencontre avec Abigaël, de peur qu'elle n'ait des ennuis.
- Les tiens vont-ils envoyer d'autres personnes ? interrogea Decklan.
- Non, ils doivent penser que je suis mort. Ils ne prendront pas le risque de tuer un autre assistant. Les miens doivent être morts à l'heure qu'il est. La fin du monde était proche.
- Depuis combien de temps es-tu sur notre monde ?
Sakku réfléchit. S'il répondait la vérité, il lui demanderait où il avait passé tout ce temps. Il choisit de mentir.
- Depuis trois jours.
Decklan serra son gant autour de la gorge du prisonnier. La douleur explosa dans le cerveau de Sakku. Decklan le lâcha puis annonça :
- Je déteste qu'on me mente.
Sakku se sentait perdu. Il annonça :
- Environ une demi-lune.
- Une demi-lune ? répéta Decklan. Tu as réussi à rester aussi longtemps sur nos terres sans te faire remarquer ? Où étais-tu caché ?
Sakku bougea la tête. Il ne voulait pas répondre. Decklan se tourna vers Elna et demanda :
- T'en a-t-il parlé ?
- Non, maître, répondit Elna.
Decklan se tourna à nouveau vers Sakku.
- C'est très simple. Tu réponds ou tu souffres. À toi de voir.
- Sakku, je vous en prie, lâcha Elna.
La seconde suivante, Elna était affalée sur le sol, le visage en feu. Elle avait parlé sans y être autorisée. Sans se plaindre, elle se releva. Elle savait que la punition avait été faible.
Sakku regarda la prisonnière. Elle s'était laissée frapper et se tenait maintenant derrière cet homme. Elle tremblait. Elle connaissait mieux que lui ces salopards et à la voir, elle savait qu'il ne valait mieux pas leur opposer de résistance. Sakku, dégoûté de trahir ainsi la confiance de celle qui lui avait sauvé la vie, annonça :
- J'ai été recueilli par une jeune femme. Elle vit près du lac.
- Une Morden t'a recueilli ? s'étonna Decklan.
- Non, elle n'est pas Morden.
- Et elle vit sur nos terres ?
Le lieutenant se tourna vers l'un de ses collègues qui quitta la salle de torture. Il savait ce qu'il avait à faire.
- Je n'aurais pas dû quitter sa maison, maugréa Sakku. Je n'avais pas fait cent pas quand vous m'avez pris.
Decklan sourit.
- La pierre qui était censée vous ramener, où est-elle ?
- Au fond du lac.
Sakku fondit en larmes.
- J'ai failli à ma mission.
Decklan eut un regard compréhensif pour son prisonnier.
- Je suis sincèrement désolé pour vous. Le lac est très profond. Je crains que vous ne retrouviez jamais votre objet.
Le Morden détacha le prisonnier et lui proposa de se rhabiller. Lorsque Sakku fut debout et vêtu de ses braies, il s'exclama d'une voix tremblante :
- Ne pouvez-vous pas récupérer ma pierre ?
Decklan trouva la proposition parfaitement ridicule.
- Comment voulez-vous que je fasse une telle chose ?
- Vous êtes un sorcier ! Utilisez la magie ! s'écria Sakku en tombant à genoux. S'il vous plaît, aidez-moi.
Decklan ne sut comment réagir face à ça.
- Je crains que vous ne fassiez erreur. Je ne suis pas un sorcier, même si j'aimerais bien en être un, répondit Decklan.
- Comment pouvez-vous utiliser votre gant en ce cas ? Si ce n'est pas magique, qu'est-ce que c'est ?
Sakku était au bord de la crise de nerfs. Decklan s'accroupit devant Sakku, toujours prosterné.
- Par Astralius, naturellement que nos gants sont magiques, mais il y a longtemps que la magie a quitté ce monde. Ces maudits voyants en sont responsables. Vous avez besoin de repos. Je vais vous faire mener dans une chambre. Vous serez soigné, nourri et vêtu. Vous serez ensuite libre de quitter cet endroit mais je ne vous le conseille pas. Vous ne connaissez pas ce monde et risquez de faire de mauvaises rencontres. Je ne peux rien faire de plus pour vous.
C'était la première fois qu'Elna voyait un Morden montrer de la compassion. Décidément, celui-là était bien différent des autres. Sakku pleurait de dépit. Decklan ordonna que le prisonnier – maintenant l'invité – soit conduit dans une chambre. Il resta seul avec Elna. Il avait les yeux dans le vague.
- Pourriez-vous m'expliquer, maître ?
- Non, Ar'shyia. Je suis navré, mais je n'en ai pas le droit, dit-il en se tournant vers elle.
Elna baissa les yeux. Elle ne comprenait pas. Decklan avait clairement annoncé que les gants étaient magiques, mais la jeune femme ignorait toujours ce que cela signifiait. Sakku disait être venu grâce à la magie et Decklan avait dit que ce monde n'en avait plus, à cause des voyants. Elna ignorait ce qu'était un voyant. Elle n'en avait jamais entendu parler.
- Tu as bien agi aujourd'hui. Cet homme n'aurait probablement jamais parlé sans ton intervention. Je te donne l'autorisation de me demander une chose, mais choisis bien parce que si c'est trop, je crains que maître Ewin ne te l’accorde pas, annonça Decklan.
- Je… je m'ennuie, maître.
- Tu ne sortiras pas, cingla Decklan froidement.
- Je sais, maître, je…
Elna se tut, incapable de dire quoi que ce soit sous le regard glacial de son interlocuteur. Il plissa les yeux, pensa intensément puis annonça :
- Je vais te faire apporter des livres.
- Je ne sais pas lire, maître, avoua Elna.
- Tu vas apprendre, indiqua-t-il.
« Ah bon ? Pourquoi ? » se demanda Elna, surprise d’une telle proposition à laquelle elle ne s’attendait pas du tout. Elle se garda bien de la refuser. L’occasion était trop belle. Elle rayonna de bonheur. Claire ne s’en serait pas remise. Elna aurait tant aimé lui partager sa joie puis lire devant elle et voir une moue jalouse sur sa jolie frimousse.
Un serviteur se présenta un peu plus tard. Le vieil homme portait une ardoise et des craies. Elna, n’ayant rien d’autre à faire, se montra très attentive. Le serviteur sortait à chaque entrée de Mordens pour revenir dès qu’Elna se sentait capable de suivre ses leçons.
Elle fut rapidement en capacité de lire quelques textes courts puis des livres. Le serviteur ne vint plus, laissant Elna en autonomie. Les ouvrages fournis provenaient aléatoirement de la bibliothèque de la forteresse. Ainsi, certains parlaient de magie, et bien qu’Elna ne comprenait pas encore bien ce dont il s'agissait, elle commença à mieux cerner cette étrange chose.
qui est la fille nommée Abigaïl? se peut-il qu'elle soit Claire en réalité?
Un très long chapitre de nouveau, riche en révélations concernant les Mordens.
On découvre ici qu'il ne s'agit pas seulement de quelques individus qui parcourent le pays pour rendre la justice, mais qu'ils sont des centaines et qu'ils ont créé une société bien structurée. Leurs rôles semblent aussi divers que leur nombre peut le suggérer, et j'ai l'impression que seuls les Mordens de "haut rang", ceux qui travaillent dans la forteresse, ont le droit de posséder un gant (peut-être que je me trompe à ce sujet ?).
Il y a plusieurs points qui m'ont dérangé dans ce chapitre et que tu pourras certainement m'éclaircir.
1/ Je n'ai pas bien compris le passage avec l'émissaire des mages.
Déjà, il s'agit de notre première rencontre avec le personnage de Decklan, et tu n'expliques pas clairement de qui il s'agit. Moi à ce moment, je me suis imaginé que c'était le grand maître en personne. Ce n'est qu'à la fin du chapitre que j'ai compris qu'il est lieutenant de la division diplomatique.
Ensuite, quesaco que cet émissaire ? Il vient pour exiger que les Mordens se soumettent aux mages, alors qu'il n'existe plus de mages puisque la magie elle-même a disparu de ce monde ? Mais il y a quand même des gens à la tête du château des mages ? Excuse-moi de le dire comme ça mais... wtf ?
C'est très confus, je pense qu'il faut que tu retravailles sur ce passage (sans vouloir te commander bien sûr, c'est ton histoire !) car il semble important (si j'ai bien saisi l'idée, Elna est une mage - ce serait la signification du mot Ar'shyia - et pourrait donc devenir la cheffe du château des mages plus tard, et par-là même la cheffe des Mordens ?).
En tout cas, je devine que cette histoire de conflit entre les mages et les Mordens va avoir de l'importance par la suite (impression confirmée par l'arrivée de Sakku), donc autant bien éclaircir les choses dès le départ pour que ton lecteur ne soit pas trop perdu. D'autant qu'il y a beaucoup de "clans" qui s'opposent : mages, Mordens, druides, voyants, nécromanciens et ensorceleurs.
Tiens, au passage, question qui me vient en écrivant : pourquoi les Mordens sont les seuls à bénéficier d'une majuscule ?
2/ Par moment, la hiérarchie dans la forteresse des Mordens ne me paraît pas très claire.
J'ai bien compris qu'ils sont scindés en divisions dirigée chacune par un lieutenant, et que chaque division a sa propre "spécialité". Mais la position de certains personnages en particulier m'étonne.
D'abord, Ewin. Clairement, quand il voyage avec ses deux acolytes et Elna, il semble avoir de l'autorité sur eux. Je m'attendais donc à ce qu'il soit un genre de chef. Mais quand il arrive à la forteresse, on découvre qu'il n'est "qu'un justicier", bien en-dessous du rang de lieutenant. Quand il rencontre le grand maître, tu l'évoques même comme "ce Morden de faible rang". Et pourtant, par la suite tout le monde semble lui obéir quand il est furieux parce-que l'esclave de Korby a été torturé en présence d'Elna, et on lui donne même du "seigneur Ewin". Cela m'a surpris, y a-t-il une raison particulière ? Est-il issu d'une famille plus prestigieuse que les autres, ou qqchose du genre ? Idem, quand on vient le voir pour lui demander la permission d'interroger la première "victime" en présence d'Elna. Ewin décide seul que l'affaire mérite la présence de l'Ar'shyia. Bon, d'accord, c'est sa prisonnière et le grand maître lui a demandé de s'occuper d'elle. Mais ne serait-ce pas à son lieutenant et au grand maître de décider quels interrogatoires méritent d'utiliser les pouvoirs d'Elna ou non, quand on voit l'importance qu'ils semblent tous lui donner ?
Transition parfaite, venons-en au grand maître. Ma question est : à quoi sert-il ?
On le découvrira sans doute par la suite, mais j'ai l'impression qu'il a un rôle très symbolique pour le moment.
Quand l'émissaire des mages se présente, c'est Decklan qui se charge de le recevoir et non le grand maître. Pourtant, ils craignent un conflit avec les mages : cet entretien a donc une grande importance. Puis, quand Korby est dégradé pour avoir torturé son apprenti sans autorisation, le lieutenant d'Ewin dit bien qu'il a "désobéi au grand maître", soit. Mais Korby est de facto destitué puis exécuté par un homme qui a le même rang que lui, là encore le grand maître n'intervient aucunement, et personne ne pense à envoyer quelqu'un le mettre au courant ?
Juste après la pendaison de Korby, le lieutenant d'Ewin s'attribue le rôle de chef des armées tout seul, et nomme Ewin à sa place pour diriger la division des justiciers... Mais quid du grand maître ? Il n'a pas son mot à dire, on ne le consulte pas ?
Dernier exemple : les Mordens ont capturé Sakku, un mec qui vient d'un autre monde, qui dit avoir été envoyé par des mages, et... aucune mention du grand maître ? Il ne vient pas voir le prisonnier ? Il ne prend pas de décision à son sujet ? Alors qu'une telle nouvelle doit être capitale pour eux !
Tiens d'ailleurs, en parlant de Sakku...
3/ La fin du monde de Sakku.
Lorsque Sakku est torturé par Decklan, il affirme que les mages de son monde de renverront personne d'autre. Il dit exactement : "Non, ils doivent penser que je suis mort. Ils ne prendront pas le risque de tuer un autre assistant. Les miens doivent être morts à l'heure qu'il est. La fin du monde était proche."
C'est vraiment pas logique en fait, cette histoire. Je m'explique : c'est bientôt la fin de leur monde, ils vont tous mourir, j'imagine qu'il y a des dizaines voir des centaines de milliers de personnes dans le monde de ces mages ? Mais ils accepteraient paisiblement d'attendre la mort pour "ne pas sacrifier un assistant" qui de toute manière, mourra quand même avec eux s'il reste ?
Sans compter que même si ces mages supposent que Sakku est mort, ils n'en ont aucune preuve. Sakku pourrait très bien rester dans ce nouveau monde pour sauver sa peau, ne pas vouloir prendre le risque de retourner chez lui et de mourir si son monde est détruit. Tu vois ce que je veux dire ?
4/ Est-ce qu'Elna a oublié sa soeur ?
Le dernier détail qui m'a "choqué", c'est que pas une seule fois dans tout ce looooong chapitre (il se passe des semaines, voire des mois si j'ai bien compris ?), Elna n'a pensé à Claire (ou à son village, ses parents, etc... d'ailleurs).
Je veux dire, elle a été capturée par des types horribles qui l'enferment dans une cellule, passent leur temps à la torturer - et même pire : utilisent sa magie et sa souffrance pour torturer d'autres personnes. Pourquoi n'a-t-elle à aucun moment la nostalgie de son village / de sa vie d'avant (bon, ok, elle était pauvre et sa mère est morte mais... cette forteresse, c'est un peu l'enfer non ?), pourquoi ne pense-t-elle pas à sa soeur (qui est a priori toujours vivante mais Elna ignore ce qu'elle est devenue, toute seule dans la nature ?), pourquoi n'est-elle pas affreusement triste et effrayée au début ?
Voilà pour les 4 points qui m'ont interrogé à ma lecture.
Pour le reste, j'ai beaucoup aimé ce chapitre. Et j'aime vraiment bien le début de l'histoire de manière générale. C'est dark mais c'est prenant, ça se lit bien, c'est fluide, je me pose plein de questions, j'ai envie de savoir où ça va mener. Cette histoire d'autres mondes m'interroge, les Mordens sont fascinants (dans le mauvais sens du terme, d'accord, mais quand meme !) et je trouve très bonne l'idée de commencer avec une héroïne prisonnière, impuissante et incapable de se défendre. C'est une approche vraiment très différente des récits que je lis habituellement et pour l'instant, ça me plait beaucoup !
Quelques remarques de forme :
- "La réaction d’Ewin fut ce qui apporta le plus grand choc à Ewin."
--> Petite erreur d'inattention ici, la réaction d'Ewin choque Elna ;)
- "Les Mordens nous prêtent leurs terres les plus mauvaises et nous protègent en échange de quelques enfants, comprit Elna."
--> Tu viens de passer deux longs paragraphes à nous l'expliquer, je pense que c'est de la surexplication ici, un défaut que j'ai beaucoup quand j'écris moi aussi.
- "Une petite porte de bois permettait de passer de l'autre côté de la seconde muraille. Pour passer, il fallait descendre de cheval et ils passaient tout juste. Si une armée avait voulu passer par cette porte, les hommes se seraient faits cueillir sans difficulté de l'autre côté. Les voyageurs descendirent de cheval et passèrent la porte."
--> Je compte cinq fois le verbe "passer" dans ce court paragraphe. Six, si on compte l'utilisation dans la phrase juste avant, dans le paragraphe précédent.
- "Il est inutile de risquer de lui faire perdre ses pouvoirs inutilement."
--> Sans mauvais jeu de mot, il y a là une répétition inutile ^^
- "Elna sentit la vie quitter son corps. La sensation était plus douce que d'habitude, comme si elle s'habituait à la sensation et que cela devenait moins pénible. Le Morden ne retira pas sa main. La torture continua. Ne tenant plus, la femme se mit à hurler.
Elna respirait doucement, tentant de se calmer afin d'oublier la sensation de la vie quittant son corps"
--> Il y a une double répétition de "sensation" et de "quitter son corps" ici.
- "Cette fois, la femme tremblait."
--> Elle tremblait déjà la première fois ;)
- "Arhan utilisa toute sa fierté de Morden pour ne pas trembler à cette réplique."
--> Cette phrase sonne étrangement dans son contexte à la lecture, peut-être serait-il pertinent de la reformuler ? Ou simplement ôter "à cette réplique" ? L'idée est suffisamment claire.
- "des poupées d'entraînement" --> on parle plutôt de mannequins, en général.
- "Toute ta vie, d'un seul coup ? insista-t-il."
--> Cette réplique a un petit côté jeu vidéo, en mode "oh, non, j'ai perdu tous mes PV !" x)
Question : quand il dit qu'elle "a perdu toute sa vie d'un seul coup", ça signifie qu'à chaque fois qu'ils la forcent à utiliser ses pouvoirs trop longtemps ou de manière trop intensive, elle meurt puis revient à la vie ? o_O
- "Il devait tout juste de devenir adulte" --> venait
- "Ces temps-ci, on lui prenait trop souvent sa magie." --> Je croyais que c'était son énergie vitale qui était absorbée lorsqu'elle utilisait ses pouvoirs ? Magie et vie sont donc la même chose dans ton univers ? :)
- "D'accord, et on meurt de ces tortures en ?"
--> Il y a un "en" en trop à la fin de ta phrase
- "Je n'aurais pas dû quitter sa maison, maugréa Sakku. Je n'avais pas fait cent pas quand vous m'avez pris."
--> S'il n'avait pas fait cent pas, les Mordens auraient vu la maison d'Abigael. Pour qu'ils ignorent encore son existence, il faut nécessairement que Sakku aille plus loin.
" - Je sais, maître, je… Serait-il possible qu'on m'apporte des livres ? Cela m'occupera."
--> Si Elna ne sait pas lire, je trouve ça vraiment bizarre qu'elle demande spontanément des livres / à apprendre. Ce serait plus logique qu'elle demande à Decklan "quelque-chose pour s'occuper" et que la suggestion vienne de lui je pense.
j'ai l'impression que seuls les Mordens de "haut rang", ceux qui travaillent dans la forteresse, ont le droit de posséder un gant (peut-être que je me trompe à ce sujet ?).
→ Ça n’a rien à voir avec leur rang. Les gants rouges sont rares (on le découvrira après mais ce n’est pas un spoil monumental non plus). Comme ils sont le symbole des Mordens auprès du peuple, seuls les Mordens en contact avec le peuple en ont. Le grand maître n’en a donc probablement pas, sauf s’il doit sortir mais je doute qu’il le fasse.
1/ Je n'ai pas bien compris le passage avec l'émissaire des mages.
« Déjà, il s'agit de notre première rencontre avec le personnage de Decklan, et tu n'expliques pas clairement de qui il s'agit »
→ OK, j’ai modifié mes premières lignes pour que ça soit clair dès le départ. Je ne cherche pas à faire de mystère sur son rôle.
« Ensuite, quesaco que cet émissaire ? Il vient pour exiger que les Mordens se soumettent aux mages, alors qu'il n'existe plus de mages puisque la magie elle-même a disparu de ce monde ? Mais il y a quand même des gens à la tête du château des mages ? Excuse-moi de le dire comme ça mais... wtf ? »
→ Oui, les gens qui habitent le château des mages sont très très imbus d’eux-mêmes. Ils se considèrent comme régents en l’absence des mages (tu comprendras sûrement après pourquoi) mais les Mordens ne sont pas de cet avis et les envoient paître. Tous les ans, les habitants de la forteresse des mages envoient leur émissaire auprès des Mordens qui répondent toujours par un « Allez vous faire foutre ».
Je me cite « C’est pourquoi il [Decklan] répondit la même phrase que ses prédécesseurs, ce dialogue ayant lieu tous les ans, à la même période, depuis des générations. »
« Elna est une mage - ce serait la signification du mot Ar'shyia - et pourrait donc devenir la cheffe du château des mages plus tard, et par-là même la cheffe des Mordens ?) »
→ Non, Ars’hyia ne signifie pas magicien. La différence sera bientôt expliquée.
Oui, si elle devient magicienne, elle deviendra la chef de ce pays et donc la supérieure des Mordens (ce qui, tu l’imagines bien, ne les met pas spécialement en joie).
« autant bien éclaircir les choses dès le départ pour que ton lecteur ne soit pas trop perdu »
Je me place volontairement dans la tête d’Elna qui ne pige rien. Elle va aller chercher des explications. Le lecteur les recevra en même temps qu’elle. La situation est tellement complexe qu’il est impossible de l’expliquer en deux mots. Les explications viendront tranquillement par la suite. Tu me diras alors si ça te convient ou pas :)
« Tiens, au passage, question qui me vient en écrivant : pourquoi les Mordens sont les seuls à bénéficier d'une majuscule ? »
→ Excellente question. Je ne sais pas. Parce que c’est le seul mot que j’ai inventé, je suppose. Ça te paraîtrait plus logique qu’il est une minuscule comme les autres ?
« D'abord, Ewin. Clairement, quand il voyage avec ses deux acolytes et Elna, il semble avoir de l'autorité sur eux. »
→ Ewin est l’égal de Cythil et By’yard. Il n’y a aucune relation de supérieur ou d’inférieur entre eux. Ils sont des justiciers de même rang. Elna a la sensation d’une hiérarchie mais c’est plutôt infondée. En fait, ils sont partis en chasse d’une esclave pour Ewin donc, ses deux potes l’accompagnent. De ce fait, ils le suivent parce que le but de cette mission, c’est son contentement à lui mais s’ils partent en chasse d’un esclave pour Cythil, ça sera lui qui prendra les rênes. Le fait qu’on voit le monde depuis les yeux d’Elna amène cette sensation mais Elna se trompe (et le lecteur aussi, j’en suis consciente. C’est volontaire dans le sens où je veux montrer que ce n’est pas parce qu’un personnage croit quelque chose que c’est vrai, et ça va être nécessaire par la suite que le lecteur ait bien cela en tête).
« Et pourtant, par la suite tout le monde semble lui obéir quand il est furieux parce-que l'esclave de Korby a été torturé en présence d'Elna, et on lui donne même du "seigneur Ewin". Cela m'a surpris, y a-t-il une raison particulière ? »
→ Le grand maître en personne lui a confié de s’occuper de l’Ar’shyia. Ça s’appelle déléguer. Ewin a ramené une Ar’shyia à la forteresse morden. C’est un cadeau inestimable. Il vient de devenir une légende. Ces deux choses font que le « seigneur Ewin » sort naturellement. Mais non, il n’a rien du tout de plus que les autres, à part d’avoir eu un bol phénoménal de tomber sur Elna.
« Mais ne serait-ce pas à son lieutenant et au grand maître de décider quels interrogatoires méritent d'utiliser les pouvoirs d'Elna ou non, quand on voit l'importance qu'ils semblent tous lui donner ? »
→ Le grand maître lui a délégué cette fonction. Le grand maître a autre chose à foutre que de s’occuper de chacune des interactions de ses hommes avec l’Ar’shyia. On peut supposer qu’Ewin lui fait des comptes-rendus quotidiens. Cela suffit, enfin il me semble.
« Transition parfaite, venons-en au grand maître. Ma question est : à quoi sert-il ? »
→ Il coordonne les lieutenants (comme n’importe quel chef de régiment, je suppose). Il donne les grandes lignes, les objectifs à long terme et réparti les tâches entre les lieutenants qui font ruisseler à leurs hommes.
« Quand l'émissaire des mages se présente, c'est Decklan qui se charge de le recevoir et non le grand maître. »
→ C’est une tâche diplomatique. Je trouve normal que le lieutenant de la division diplomatie s’en charge. Sinon, à quoi bon déléguer ?
« Pourtant, ils craignent un conflit avec les mages »
→ Pas vraiment. Cette discussion, ils l’ont tous les ans depuis des générations. C’est plutôt une routine qu’autre chose. En changeant les habitudes, ils risquent d’indiquer qu’il y a anguille sous roche or ils tiennent absolument à ce que la présence de l’Ar’shyia dans leurs murs restent secrètes.
« quand Korby est dégradé pour avoir torturé son apprenti sans autorisation, le lieutenant d'Ewin dit bien qu'il a "désobéi au grand maître", soit. Mais Korby est de facto destitué puis exécuté par un homme qui a le même rang que lui, là encore le grand maître n'intervient aucunement, et personne ne pense à envoyer quelqu'un le mettre au courant ? »
→ Soit. Je rajoute l’indication « Après assentiment du grand Maître » parce que dans mon esprit, il était évident qu’il avait pris la décision finale en soutenant la condamnation par le lieutenant de la division justice, ainsi que le fait qu’il accepterait probablement la demande du lieutenant de la division justice de prendre le poste vacant, et celle d’Ewin de devenir lieutenant de la division justice.
« Dernier exemple : les Mordens ont capturé Sakku, un mec qui vient d'un autre monde, qui dit avoir été envoyé par des mages, et... aucune mention du grand maître ? Il ne vient pas voir le prisonnier ? Il ne prend pas de décision à son sujet ? Alors qu'une telle nouvelle doit être capitale pour eux ! »
→ Non, il ne vient pas le voir lui-même. Il délègue et reçoit des rapports. Non, ce n’est pas une nouvelle capitale. Un mec est venu d’un autre monde qui s‘avère lui aussi posséder des mages. Et donc ? Le mec est tout seul. Il n’est pas une menace. Pourquoi obliger le grand Maître à se déplacer ? Un simple rapport suffit. Pas de quoi en faire un fromage. Il dit que les mages ne viendront pas et même si c’était le cas, que pourraient faire les Mordens ? Rien en fait.
→ Alors, les explications quant à Sakku viendront plus tard et c’est sacrément complexe. Or, je ne veux rien dévoiler maintenant (et j’ai du mal à tenir ma langue). Alors, pour ne pas spoiler, je préfère ne pas répondre. Tu me diras le moment venu si tes questions perdurent toujours.
→ Je vais rajouter des moments où elle y pense.
« Cette réplique a un petit côté jeu vidéo, en mode "oh, non, j'ai perdu tous mes PV !" x) »
→ Je ne vais certainement pas nier mon identité de joueuse de jeux de rôle ;)
- "Ces temps-ci, on lui prenait trop souvent sa magie." --> Je croyais que c'était son énergie vitale qui était absorbée lorsqu'elle utilisait ses pouvoirs ? Magie et vie sont donc la même chose dans ton univers ? :)
→ Oui et non. Normalement, tu comprendras après. Garde ça dans un coin de ta tête et reviens vers moi si tu n’as pas compris dans un ou deux chapitres.
« - "Je n'aurais pas dû quitter sa maison, maugréa Sakku. Je n'avais pas fait cent pas quand vous m'avez pris."
--> S'il n'avait pas fait cent pas, les Mordens auraient vu la maison d'Abigael. Pour qu'ils ignorent encore son existence, il faut nécessairement que Sakku aille plus loin. »
→ Non. La forêt est dense à cet endroit-là. La cabane est très bien cachée et aucun Morden ne soupçonne son existence.
« Si Elna ne sait pas lire, je trouve ça vraiment bizarre qu'elle demande spontanément des livres / à apprendre. Ce serait plus logique qu'elle demande à Decklan "quelque-chose pour s'occuper" et que la suggestion vienne de lui je pense. »
→ Excellente idée. Je modifie en ce sens.
Merci pour les autres propositions de correction que j’ai prises en compte et corrigées.
Merci beaucoup pour tes éclaircissements, ça me permet de mieux comprendre beaucoup de choses en effet ! Le fait que la confusion du lecteur soit voulue pour le mettre "dans la peau d'Elna" ne m'avait pas effleuré l'esprit, mais maintenant que tu me le dis ça parait logique et ça explique mieux tes choix !
Pas de soucis pour Sakku et la magie, je te redirai si j'ai encore des questions ! Quand à l'arrivée de Sakku et au fait que le grand maitre ne vienne pas voir Elna, ça m'avait surpris car je ne connais pas encore bien ton monde et je pensais que pour les Mordens, ces évènements étaient bien plus exceptionnels. Il faut croire que je me suis trompé ^^