Chapitre 2 : Les nuées d’écume et la cuillère à feu
Évangile de Spirale, chant numéro 6, verset 2
« Trois femmes parmi vous prendront sur elle la lumière de mes prophétesses éteintes et devront gagner ce droit en s’affrontant :
L’endurance et la sagesse seront les épreuves de celle qui deviendra le Portail de la naissance.
La force et la ruse seront les épreuves de celle qui deviendra le Dédale de la vie.
L’intelligence et la stratégie seront les épreuves de celle qui deviendra la Spirale de la mort.
Aucun homme ne pourra prendre en lui l’esprit d’une de mes prophétesses, car leurs cœurs sont corrompus par le péché primitif et Manat et ses Djinns viendraient prendre possession de leurs corps pour semer la discorde parmi les braves »
*
Les hommes avaient quitté leurs nattes, et agglutinés derrière les moucharabiehs, conservaient un silence mortifié. Les badineries avaient cédé la place au malaise.
Gaspard les observa du coin de l’œil : tous portaient l’habituel pantalon bouffant et coloré, la chemise de coton échancrée sur les clavicules et le large foulard brodé, serré à la taille, qui servait d’écharpe de portage, utile aussi bien pour les courses et la cueillette que pour transporter les enfants. Tous arboraient également un nombre incroyable de lourds bracelets d’or aux poignets et aux chevilles, indicateur du rang de chacun dans la hiérarchie.
— Ce simplet, pourquoi prend-il le risque de déplaire à 'Iilaaha ?
— Nous seront dans l’obligation de le punir.
— Je ne le vois pas, qui est-ce ?
— C’est Moktar, un serveur de "la vieille borgne", une des tavernes du port.
Un homme gémit en pressant ses mains contre sa bouche ; ses bras étaient si couverts de bijoux pesants qu’il les laissa presque aussitôt retomber. Un vieillard secoua la tête :
— Nous le lapiderons, ainsi dit 'Iilaaha.
Celui qui avait gémi émit une sorte de gargouillis avant de tourner de l’œil et tous aidèrent à le rattraper et à l’emporter sur une natte pour l’allonger, puis les hommes se regardèrent les uns les autres, impuissants. Les enfants observaient le spectacle avec perplexité.
— Laissez-moi passer, je suis docteur.
Médusés, les hommes de Hàgiopolis s’écartèrent pour faire place à l’étranger que Gaspard avait déjà remarqué. Un homme ? Docteur ? Ils observèrent avec perplexité ses yeux bridés, ce qui le désignait sans aucun doute comme un Grec, et l’empire des Grecques était considéré comme ami depuis qu’il avait abrité le peuple élu de Hàgiopolis au cours de la grande Exode. L’homme en noir s’agenouilla auprès de l’évanoui, lui souleva les paupières et lui administra quelques tapes sur les joues, sans succès.
— Aidez-moi à lever ses jambes, le sang doit revenir vers la tête.
Comme personne ne bougeait, Balthazar, s’approchant avec son fauteuil, aida l’étranger à poser les pieds du patient sur ses genoux et en profita pour détailler le docteur. Il était plus que beau, avec son visage ovale, sa bouche pleine et sa peau qui avait gardé le velouté de l’enfance ; il était si parfait que le jeune handicapé en eut le cœur serré.
— Merci, mon garçon.
Puis l’homme glissa une main dans la poche intérieure de sa redingote noire, en sortit un minuscule flacon qu’il déboucha, fit renifler le contenu à son malade et cette fois, celui-ci battit des paupières.
Voyant que la situation n’avait rien de préoccupant, Gaspard reporta son attention sur ce qui se déroulait à l’intérieur de l’agora : la foule bruissait comme un essaim en colère et Dédale s’était levée. Elle était trop loin pour qu’il distingue autre chose qu’un vague mufle de bête à la place de sa tête, mais quand elle s’avança, sa jambe de bois et sa béquille lui donnèrent un balancement particulier. Elle harangua ses ouailles :
— Citoyennes ! Aujourd’hui est le jour qui permettra de choisir qui sera la nouvelle 'am saghira qui me succédera. Cependant, avant que le tournoi ne commence, nous avons un imprévu, car un homme s’est glissé parmi nos prétendantes et cela est une insulte au visage d’Iilaaha, car dans le Livre des Vérités, voici ses paroles : « Aucun homme ne pourra prendre en lui l’esprit d’une de mes prophétesses, car son esprit est corrompu par le pêché primitif et Manat et ses Djinns viendraient prendre possession de son corps pour semer la discorde parmi les braves ». Homme ! Comprends-tu qu’en venant défier 'Iilaaha, tu te condamnes toi-même à mort ?
Moktar se jeta face contre terre et répondit :
— Amy kabira Dédale, j’entends vos paroles pleine de sagesse, mais ne devez-vous pas, avant de me jeter en pâture à la morsure des pierres, prendre en compte cette autre parole de l’unique déesse créatrice : « La femme sera à mon image sur la terre et chaque défi qui sera lancé contre moi, elle devra s’y soumettre et en triompher ». Amy kabira, me mettre à mort sans me laisser concourir, ne serait-ce pas la preuve que vous avez dans votre cœur la crainte que je puisse être vainqueur ? Ce qui serait une offense à la très très grande.
Dédale éclata d’un grand rire tandis que la foule se levait et huait le provocateur.
— Tu es bien insolent, homme, mais tu dis vrai et je ne peux moi toute seule régler cette situation où le Livre des Vérités oppose deux de ces préceptes. Citoyennes de Hàgiopolis, c’est à vous que je m’adresse à présent : cet homme nous a lancé un défi et ce faisant, il a également offensé mortellement la grande déesse. C’est à vous que revient le choix de le laisser participer à la joute ou non. Nous allons laisser une minute à l’assemblée pour choisir en son âme ce qui lui semble juste et alors nous voterons !
*
Tout se jouait maintenant ; Moktar vit que certaines femmes se levaient tandis que d’autres restaient assises sur les bancs, et du nombre de chacune d’entre elles allait se décider s’il allait vivre ou mourir. Si suffisamment d’entre elles se levaient, il participerai, dans le cas contraire… Sur les visages tannés comme le cuir ne se lisait pas de pitié, juste du mépris, posé là entre deux cicatrices, un regard d’aigle et trois dents cariées.
Même les citoyennes qui se mettaient debout, soutenant sa participation au tournoi, gardaient, menaçantes, la main sur la poignée de leurs sabres.
Murène, la guisarmière, qui astiquait sa lame consciencieusement, ne bougea pas d’un pouce. L’armée des vieilles non plus, mais l’arthrose et les lombagos en étaient peut-être responsables. Tartine et Mangouste tergiversèrent avant de se lever, entrainant avec elles leur équipages respectifs. Le reste des pirates présentes montra un résultat mitigé.
Des taches noirâtres dansèrent devant les yeux du jeune homme alors qu’il essayait de les compter, mais le ciel était trop bleu, le soleil trop éblouissant et il s’emmêlait. En bas de chaque rangée, des femmes tenaient les comptes, et petit à petit, elles montèrent sur l’estrade pour donner à Dédale le résultat de leur calcul.
Dédale.
Il avait beau rester droit et fier, en rencontrant ses prunelles, il eut l’impression de se liquéfier. Ni la grande mère des morts sous son grand chapeau ni celle de la naissance, grasse et somnolente, ne lui infligeaient ce sentiment d’impuissance. Il suffisait à Dédale d’être là, appuyée nonchalamment sur sa béquille, avec son aspect terrifiant...
Le masque lui prenait tout le visage et le recomposait en un front bombé qui se terminait par un mufle. Une crête de poils noirs et hirsutes lui pendait sous le menton et au-dessus du front entre deux cornes acérées : un gnou bleu.
La grande mère était à moitié nue ; sa tenue se composait d’un pantalon de toile sombre et d’un baudrier où étaient pendus deux pistolets. Son torse buriné était tout enluminé de lignes rougeâtres tracées au henné qui formaient un labyrinthe et bien qu’elle soit d’une constitution maigre et noueuse, son ventre était légèrement distendu par les excès. Sa principale fantaisie se trouvait dans son abondante chevelure noire, toute entrelacée de perles, de nattes et d’ivoire.
Elle aurait bientôt une quarantaine d’années, ce qui faisait d’elle la plus jeune des amy kabira, mais face à elle, Moktar avait l’impression d’être un enfant et cela était d’autant plus grisant d’imaginer que peut-être, bientôt, il aurait à se confronter à elle chaque jour, pour enfin triompher de cette peur qui broie le ventre. Et soudain, il ne sût plus du tout ce qu’il faisait là. Était-il seulement là de son plein gré ? Il n’aurait jamais dû se montrer si vantard ce soir-là, dans la taverne et dire tant de choses inconsidérées...
La dernière femme descendit de l’estrade et Dédale reporta son regard animal sur la foule.
— Citoyennes de Hàgiopolis, vous avez pris une décision : l’homme participera au tournoi et nous lui montrerons que nous ne reculons pas face à ceux qui défient 'Iilaaha. Et maintenant, je vais descendre préparer le terrain pour la joute.
En claudiquant, elle descendit l’estrade tandis que plusieurs personnes installaient des braseros tout autour de l’Agora. Puis Dédale extirpa de sa poche une poignée de l’algue rougeâtre qui poussait au fond de l’Océan double, là où passent les courant de tanafas, et les effrita entre ses doigts pour en jeter une petite poignée dans chaque brasero. Ceux-ci se mirent à flamber plus joyeusement, tout en excrétant une fumée bleue qui envahit bientôt toute la place.
Le jeune homme savait ce qui se passerait quand il respirerait la fumée, mais cela ne changea rien. À peine en avait-il inhalé quelques bouffées que la silhouette déséquilibrée de Dédale se transforma de façon à avoir trois jambes ; un poil sombre et épais lui poussa sur les bras et le dos, et le feu fusa par ses naseaux frémissants. Il la vit lever les bras et tonner :
— Concurrentes ! L’heure de la sélection est venue ! Vous êtes quinze et bientôt il n’y aura plus qu’une seule d’entre vous et ce sera celle qu’Iilaaha aura choisie. Souvenez-vous que hormis la victoire par lâcheté, tous les coups sont permis et que si l’une d’entre vous se reconnaît vaincue, elle a le droit de quitter l’agora sans craindre pour sa vie.
Il y eut un instant de flottement où Moktar ne sût si le tournoi avait commencé ou pas. Désorienté, il regarda ses mains : à la place du pistolet et de la rapière qu’il avait dérobés à sa mère le matin même, en s’introduisant dans ses appartements, se trouvaient maintenant une cuillère en bois et un couvercle de casserole. Mais c’était une illusion crée par la drogue... Malgré toute son autorité, sa mère n’était pas capable de transformer des armes en ustensiles de cuisine et vice-versa. À propos de sa mère, il avait évité de la chercher sur les marches de l’amphithéâtre pour ne pas croiser sa déception et son humiliation.
Il ne prit vraiment conscience de ce qui se passait que quand une pierre conséquente lui arriva en pleine tête ; il tenta de l’éviter, mais celle-ci lui déchira la joue.
Ça avait commencé...
Le jeune homme se retourna vers la silhouette monstrueuse qui émergeait de la brume, tendit sa cuillère en bois devant lui et tira. Il ne sut pas s’il avait touché sa cible ou non ; la fumée envahissait tout et il n’entendait rien sauf les bêtes immondes qui rugissaient sur les gradins. Une forme passa près de lui et il hurla tandis qu’il lui abattait son couvercle de casserole sur le visage qui cria à son tour.
Dans le ciel, 'Iilaaha recouvrait le soleil de son manteau d’écume.
*
La jeune fille était au milieu d’un immense feu de joie où dansaient les Djinns. Elle enfonça la tête de la femme dans la poussière ; son sang coulait à gros bouillon par l’entaille qui lui sciait la cheville.
— Abandonne si tu ne veux pas que je coupe l’autre !
L'adolescente lui avait lacéré le tendon d’Achille et elle recommencerait avec le deuxième si sa rivale refusait de se rendre. Celle-ci tenta de se relever en hurlant, brandissant son pistolet, mais la jeune fille lui abattit la poignée de son sabre sur le crâne et la femme s’écroula lourdement.
En alerte, la concurrente se releva... et tout n’était que poussière, poudre et fureur. Elle s’enfonça dans la fumée et enjamba trois nouveaux corps dont elle n’aurait su dire s’ils étaient assommés ou morts.
Ça en faisait au moins quatre hors d’état de nuire et elle en avait vu d’autres quitter la danse. Elle plissa les yeux, d’étranges flammes bleues luisaient autour d’elle, et elle aurait pu se laisser envoûter si elle n’avait entendu un bruit de pas dans son dos : elle bondit en arrière, juste à temps pour contrer une lame à l’aide de son propre sabre, et éviter de se faire éviscérer.
— Je croyais qu’on avait dit pas de victoire par lâcheté, fatrouilleuse !
Son adversaire, mi-femme, mi-varan, répondit par un long sifflement ; leurs armes se mirent à chanter ensemble, furieusement, au rythme de leurs passes et pendant un moment, ce fut le Djinn qui mena l’assaut, tandis que la jeune fille se contentait de maintenir sa garde. Elle attendait le moment propice pour parer et enchaîner sur une riposte, mais elle avait peut-être trouvé plus fort qu’elle.
Alors que son adversaire l’épuisait, la forçant en alternance à reculer par bonds — elle allait bientôt se retrouver acculée contre les gradins ! — puis à se baisser, elle entendit un bruit de tonnerre et la tête de la femme-lézard explosa comme une pastèque trop mûre. Épuisée, elle se retourna à nouveau tandis que les derniers nuages de fumée se dissipaient.
Sur les gradins, les spectateurs avaient cessé de battre des mains pour acclamer leurs danses ; un silence de mort régnait.
La jeune fille faisait face à un être qui n’avait rien d’un Djinn. C’était juste un garçon, même pas un adulte... Un garçon avec un regard hagard, un catogan encore à moitié retenu par un lien de cuir et un pistolet fumant. Elle bondit avant qu’il eût l’idée de s’en servir à nouveau contre elle et l’arme roula dans la poussière. Ils basculèrent tous les deux et là, la jeune fille aurait dû l’égorger, rapidement, proprement, mais son geste eut une hésitation. Parce qu’il était le garçon, justement ! Parce qu’il s’était levé contre l’autorité et qu’elle ne voulait pas qu’il meure.
Mais il était plus fort qu’elle et la retourna dans le sable, brandissant son sabre ; la jeune fille agrippa son bras tandis que l’arme s’approchait dangereusement de sa gorge.
Devait-elle abandonner ? Ça n’avait aucun sens, en faisant cela, elle renoncerait à défendre l’affront fait à ‘Iilaaha et serait à son tour condamné à mort. Non, aussi triste que ce soit, le garçon devait mourir.
De sa main libre, elle agrippa une poignée de sable et lui jeta au visage. Il hurla et elle en profita pour donner un coup de poing dans la main qui tenait le sabre, qui roula à quelques pieds de lui. Elle reprit le dessus et cette fois, sans hésiter, arracha le lien qui retenait la chevelure de son adversaire et d’un geste sec l’enroula autour de sa nuque.
Il comprit à cet instant ce qu’elle était en train de faire, porta la main à son cou au moment où elle serra, et d’abord, il tenta uniquement de se libérer, puis voyant qu’elle s’accrochait de toutes ses forces, lui frappa le visage. Elle le mordit, il pâlit, se débattit, mais rien n’y fit. Alors que les secondes fuyaient, elle sentit que doucement, il lâchait prise et que les vagues d‘Iilaaha venaient lui lécher les pieds.
Avais-je déjà tué quelqu’un ? se demanda-t-elle, mais elle ne se souvenait plus.
Alors qu’il mourait, la main du jeune homme agrippa la joue de l’adolescente et tandis qu’elle lui demandait pardon, ses doigts se crispèrent horriblement ; l’index et le majeur s’enfoncèrent dans son orbite droite et la fille poussa un long cri de bête.
*
Larifari était en train d’uriner derrière un brasero quand une immense clameur monta de tout l’amphithéâtre. Elle jeta un coup d’œil derrière elle pour rencontrer le regard désapprobateur de Lactae.
— Hé là, arrête de mater ma lune, dévergoigneuse !
— Tais-toi et remonte ton froc. C’est terminé et on peut dire qu’on l’a échappé belle.
Larifari s’empressa de remonter son pantalon à rayures, coinça vaguement sa chemise dedans et monta sur l’estrade en passant par-derrière.
— Quoi ?
Lactae croisa les bras et ne répondit pas, fixant la silhouette qui se remettait difficilement debout dans l’arène.
— Le garçon est arrivé en final ? insista Larifari. Mais c’est cette gamine qui l’a fini ?
La gamine en question avait cessé de crier et son poing serré se pressait contre son œil blessé.
— Elle est banale, non ?
Lactae ne pouvait qu’acquiescer : c’était une simple adolescente et il était difficile de discerner son visage sous le sang et la crasse, mais son corps n’avait rien d’athlétique ni de fortile. Elle portait un pantalon terminé aux genoux, des souliers à boucle, un gilet sans manche par-dessus une chemise qui n’avait plus rien de blanc et ses cheveux, châtain et poussiéreux, retombaient tristement sous ses omoplates, noués en catogan.
Dédale, toujours debout, comme la plupart des spectateurs qui s’étaient levés pour applaudir à tout rompre leur nouvelle 'am saghira, invita la jeune fille à la rejoindre sur l’estrade et celle-ci se prosterna devant les trois grandes mères, comme l’avait fait Lactae.
— Relève-toi mon enfant. Je ne crois pas te connaître, d’où viens-tu ?
— Je réside pour l’instant à l’auberge. Je suis arrivée d’ailleurs par bateau, il y a de cela trois semaines.
Il aurait été impoli de demander quel était cet ailleurs, car toute citoyenne avait le droit de protéger son intimité aux yeux de tous, hormis ceux d’Iilaaha. La jeune fille n’avait pas le beau teint doré des habitants de Hàgiopolis, cependant, sa peau avait un grain sombre et mat, et rien n’aurait pu la faire passer ni pour une de ses sombres arrogantes à la peau noire ni pour une de ses pâles arriérés à la peau blanche, ce qui faisait d’elle une citoyenne avérée. Elle ne serait pas la première à débarquer du continent par bateau, afin de fuir un passé décadent.
Tandis que tous la regardaient, la fille alla triturer machinalement le long collier de perles qu’elle avait jusque là caché sous sa chemise.
— Mon nom est Lù.
Une nouvelle salve d’applaudissements se manifesta, mais d’un geste, la grande mère invoqua le silence et descendit dans l’arène, accompagnée du carillon d’os et de perles qui s’entrechoquaient dans sa chevelure. Elle fit signe à Lù de la rejoindre et dégaina un long couteau pointu de sous sa peau de gnou crasseuse :
— Ce n’est pas encore terminé, mon peuple ! Que dit 'Iilaaha sur les ennemis mon enfant ?
La jeune fille répondit sans hésiter, malgré une grimace de souffrance :
— Dans l’évangile de Spirale, 'Iilaaha dit : « De l’ennemi vaincu, tu ouvriras le corps ; encore fumante, tu mangeras son âme et sa force deviendra la tienne ».
Dédale retourna le couteau et le tenant par la lame, tendit le manche à l’adolescente :
— Alors, qu’est-ce que tu attends ?
— Sauf votre respect, je ne suis pas sûre que l’âme inférieure d’un mâle puisse me donner la moindre force.
La foule fit part de son allégresse à ces mots et Dédale sourit, tenant toujours le couteau :
— 'Iilaaha dit aussi : « Celui à qui l’on a dévoré l’âme ne verra jamais les palais de coraux et les jardins aux milles coquillages, son esprit banni des délices infinis errera à tout jamais dans les coulées de feu de la montagne. »
Comme la grande mère ne reculait pas d’un pouce, Lù finit par prendre le couteau, à contrecœur, puis s’approcha du cadavre du garçon, le poing toujours serré contre son œil.
— Elle ne va pas le faire, souffla Lactae.
Larifari gloussa :
— Je te parie que si.
La suite lui donna raison : Lù déchira la chemise du mort, plongea l’arme entre ses côtes et en sortit le foie encore tout chaud. Bien qu’une nausée diffuse l’envahît, elle sentit les yeux frémissants et les doigts avides de la foule se tendre vers elle : il n’y avait pas de demi-tour possible.
Elle plongea ses dents dans la chair molle et la dévora.
*
À l’intérieur du couloir circulaire, l’étranger avait abandonné son patient entre des mains plus familières. Il regardait la fille sur l’estrade et ses lèvres se pincèrent.
Leurs coutumes n'ont rien d'agréables. Je n'aimerais pas vivre là-bas, c'est certain. Tu fais très bien ressentir l'ambiance. On s'y croirait. Magnifique !
Mon commentaire va rejoindre celui du chapitre un : pour moi ça ne fait pas sens. Si les hommes de ton monde ont effectivement les mêmes caractéristiques physiques que ceux de notre monde (plus de densité osseuse, plus de masse musculaire, etc), comment se fait-il qu'il n'y ait aucune rébellion de masse et violente ? Je crois que c'est extrêmement instinctif qui plus est, de se rendre compte qu'on a plus de force à âge et entraînement égal, et qu'il est difficile de résister à l'envie d'utiliser cet avantage. Alors oui, on peut utiliser la technologie, la ruse, la religion, la séduction, etc pour contenir, manipuler une force brute et primitive, mais comment expliques-tu que dans ce monde si brutal les hommes n'aient pas encore compris cet avantage et saisi leur chance ? Ca me parait improbable.
Sinon, je crois avoir repérer une coquille : "ni pour une de ses noires arrogantes ni pour une de ses pâles arriérés"
Je crois que c'est "ces noires" et "ces pâles".
Les descriptions du combat sont réussies, on s'y croirait ! J'ai été un peu perdue quand on a basculé du point de vue de Lù, mais sinon tout est très immersif encore une fois. Par contre, un point m'a titillé : tu dis que tous les coups sont permis, sauf la victoire par lâcheté, mais dans mon esprit, il y a un fort lien entre les deux, donc c'est un peu une règle empoisonnée, non ?
Et effectivement je devrait retoucher "tous les coups sont permis", il s'agit plutôt de "toutes les armes sont permises"
Ouah, j'ai totalement été aspirée par les combats! J'admire beaucoup le courage (ou la folie) de Motkar qui s'élève contre l'autorité et veut faire changer les traditions. Je croyais sincèrement qu'il allait gagner, mais non. Cette Lù est peut-être banale, mais je suis sûre qu'elle cache des choses ! La pauvre, elle a dû manger le foie de ce garçon qu'elle ne voulait même pas tuer... Attends, mais sa cuillère était un pistolet ? Ou c'était juste une illusion ?
Et cette Larifari qui rate les combats parce qu'elle était au petit coin xD épique!
Ce médecin grec m'intrigue beaucoup, il va sûrement avoir un rôle important dans l'histoire et j'ai hâte d'en apprendre sur lui !
Oh encore un détail, j'adore les descriptions des vêtements et des bijoux des personnages !
Petites remarques:
Il ne sût pas s’il avait touché → sut
Alors qu’il mourrait, → mourait
Le garçon est arrivé en final ? → finale
à toute!
Jowie
Du coup Moky=tar possédait bien un pistolet, mais la fumée hallucinogène llui faisait croire qu'il s'agissait d'une cuillère!
Il y a un truc que je n’ai pas totalement compris, c’est la raison pour laquelle Moktar décide de concourir, sachant qu’il a peu de chances d’en sortir vivant. D’ailleurs, tu nous surprends en le tuant, c’est retors (mais bien vu !). Le pauvre ne sera pas resté longtemps sur la scène…
La jeune fille, c’est celle qu’on voyait tout au début ? C’est une étrangère, alors, elle n’est pas de la ville ? C’est donc elle qui va être sélectionnée ? (je n’attends pas de réponse, je fais juste mes commentaires tout haut…)
J'avoue que j'ai été fourbe avec lui (c'est Alive qui m'a conseillée de lui donner un prénom et c'était encore plus sournois), mais le but était clairement de détourner l'attention du spectateur et qu'il soit à peu près sûr qu'il allait gagner.
Quand à la jeune fille qui remporte le tournoi, non il ne s'agit pas du personnage du début. Celle du début parle de vivre dans l'océan et fait partie des "pâles" (= les blancs), et surtout sa dernière phrase est: "Et un jour Lù est venue"
Lù étant la jeune fille basanée qui a gagnée le tournoi, qui est un personnage récurrent de mes histoires.
On a pas encore vue celle qui parle dans l'intro. C'est le dernier perso important qui arrive.
J'aime toujours autant cette histoire.
Tu m'as que avec Moktar, je l'aimais bien moi, je pensais qu'il allait vaincre! Donc je t'en veux quand même un peu... Mais c'est toi la cheffe donc c'est le jeu. Et cette jeune fille m'intrigue. Ce que j'aime particulièrement, c'est le décalage de style entre un événement grave en style soutenu et les grandes mères qui commentent ou pissouillent dans un coin. Cest surprenant et percutant!
Une tite coquille à la fin, "l'envahit" je croos que tu devrais mettre un subj imparafait "bien que...l'envahît"
À plus pour la suite!
Avec pas mal de retard, merci beaucoup pour ton comm ^^
J'avoue que c'était un peu fourbe pour Moktar, c'était fait exprès pour qu'on y croit. Et pour le coup, je promet que Lù est un personnage important, ce n'est pas un leurre ^^.
J'irais jeter un oeil sur les coquillettes tantôt!
Je suis contente que tu ais saisie que ce monde était un ch'ti peu tourneboulé en comparaison avec le notre, donc difficile d'assimiler ce peuple à l'une de nos civilisation ^^.
Et oui, la maladie et l'imperfection de façon générale est quelque chose que j'associe beaucoup à mes personnages ^^. Et si tu veux une anecdote à propos de Moktar: au début il n'avait pas de nom, mais on m'a conseillé de lui en donner un pour donner plus l'impression qu'il allait gagner et être un personnage important; Les lecteurs sont parfois d'une grande fourbeté :p.
Merci beaucoup et à bientôt, que ce soit sur FPA ou sur le forum <3
Sinon j'ai trouvé ce chapitre très fort. Tu nous décris Moktar et ses ambitions, on se demande ce qu'il y a derrière cette peur qu'il décrit : "Moktar avait l’impression d’être un enfant et cela était d’autant plus grisant d’imaginer que peut-être bientôt il aurait à se confronter à elle chaque jour, pour enfin triompher de cette peur qui broie le ventre". Tout est posé pour qu'il triomphe et renverse le schéma établi. Et non, raté. Le personnage dont on a entraperçu les rêves, qui a un nom, meurt. Et c'est "la jeune fille" qui triomphe. J'ai adoré.