Allongé sur un coussin, Ewannaël n’entendit d’abord que distraitement les trois coups frappés à sa porte. Il regardait Faè empiler des cailloux en songeant aux semaines écoulées. Jamais saison des ténèbres ne lui avait paru si douce. L’isolement des journées de grand froid, loin des autres villageois avait été pour Ewannaël l’occasion de profiter de la douceur de son foyer. La guérison de Faè avait dissipé ses seules inquiétudes. Les sorties sous le blizzard, à casser les congères à coups de pelles, à progresser péniblement jusqu’à la réserve, avaient toujours été suivies du soulagement de la chaleur intérieure. Il avait partagé ses journées et ses nuits avec les deux êtres à qui il tenait le plus au monde et son amour pour eux avait encore grandi.
Lorsqu’on frappa à nouveau, il crut d’abord que Jolyn rentrait. La régularité des coups portait pourtant une autre signature. Ewannaël se redressa, un sourire aux lèvres, heureux de retrouver Briennec. Son frère et compagnon de mer lui avait manqué. Lors de ses rares expéditions au village des semaines précédentes, il ne l’avait jamais croisé. Sa venue annonçait la nouvelle saison plus sûrement que la fonte des neiges. Elle évoquait déjà à Ewannaël le jour du départ. Il n’avait qu’à fermer les yeux pour imaginer le vent gonfler leur voile, leurs rames frapper les vagues, les cris d’adieu résonner. Il se hâta d’ouvrir.
Briennec entra d’un pas lourd, le visage fermé. Il apporta avec lui la timide lumière du matin, qui arracha Faè à son jeu. L’enfant se jeta dans ses bras avant que son père ait pu esquisser un geste. Sa réaction arracha un sourire à son oncle.
— Tu as bien grandi ! s’exclama-t-il.
— T’as ramené ton harpon, oncle Bri ? demanda Faè. Tu m’as promis que tu me le montrerais.
— T’as de la mémoire, ma grande ! T’as dû hériter ça de ta mère.
— Doucement ! tempéra Ewannaël. Laisse-le rentrer.
Briennec se déchaussa, accrocha son manteau en peau de phoque contre le mur, puis étreignit son frère. Il avait le visage froid, la barbe couverte de flocons de neige. Ewannaël le serra dans ses bras de longues secondes, heureux de retrouver son cadet. Comme à son habitude, ce dernier le broya contre ses épaules musculeuses. Lorsqu’ils se séparèrent, Ewannaël remarqua que Briennec avait laissé pousser sa barbe jusqu’au niveau de ses côtes, la nouant avec plusieurs lacets de cuir. Cela ne rendait le petit homme trapu que plus impressionnant.
— Heureux de te revoir, Naël.
— Moi aussi, Bri. Viens, installe-toi.
Ewannaël invita son frère à s’asseoir sur une couverture près de la cheminée et lui servit des tranches de rennes séchées dans un bol. Briennec le suivit de sa démarche caractéristique, qui lui avait souvent valu d’être comparé à un ours, et s’assit en toussant. Une fois installé, il commença comme toujours à parler de pêche :
— Ton bateau est prêt à partir ? La neige a beaucoup fondu, la côte sera bientôt dégelée.
Devant cette entame de conversation, Ewannaël eut un pincement au cœur. La pêche le ferait quitter sa fille et sa femme plusieurs jours ou plusieurs semaines, selon l’état de la mer. Au cours des mois précédents, il avait affectionné son quotidien de père et les rituels imposés par son enfant.
— Une voile s’était déchirée l’année dernière, mais j’ai seulement eu besoin de quelques heures de travail, répondit-il. Et la tienne ?
— Oui, à part l’entretenir, je n’avais rien à faire ces derniers mois. Tu as de la chance toi, de vivre avec ta famille.
La mâchoire serrée de Briennec et son regard distant trahissaient sa jalousie. Ewannaël se dépêcha de trouver une échappatoire pour dissiper la gêne :
— Ce sera bientôt ton tour, ne t’inquiète pas. Alwig ne t’attendra pas éternellement.
À ces mots, le visage de Briennec s’assombrit. Son frère comprit qu’il venait de gaffer.
— On ne t’a pas mis au courant ? Alwig s’est fiancée avec Juwen hier. C’était la dernière fille à marier du village, ma chance est passée.
Cette nouvelle attrista Ewannaël. Il ne pouvait contredire Briennec, dont les chances de trouver une épouse étaient désormais infimes. Plusieurs dizaines de jeunes hommes vivaient au village, contre seulement quelques femmes. Briennec avait un an de moins que lui, passé l’âge idéal pour une union. Jamais Ewannaël n’avait imaginé que son frère finirait sa vie seul. Dans leurs jeux d’enfants, Briennec avait toujours été le meneur. Il était travailleur, courageux et fort. Pendant toute son adolescence, il avait été très proche d’Alwig et tout le monde croyait qu’ils s’uniraient un jour.
— Je suis vraiment triste d’apprendre ça, Bri.
Cependant, au lieu de réconforter son frère, Ewannaël ne fit qu’accentuer sa colère. D’une voix rocailleuse, Briennec rétorqua :
— Et dire que toi, tu as hésité pour Jolyn. Tu n’as rien eu à faire. On t’a poussé à l’épouser, comme tu étais l’aîné. Enfin, peu importe, ça n’a plus d’importance.
Quand sa voix murmurait l’indifférence, son corps criait tout l’inverse. Briennec n’avait pas fait le deuil d’une épouse, d’une vie de famille. Comment le pouvait-il en voyant son frère si heureux ? Ewannaël culpabilisa devant sa réaction. Lui avait connu l’amour sans avoir à faire le moindre l’effort, lui pouvait vivre indépendant, à l’écart du village. Malgré tout l’attachement qu’il portait à son frère, il n’aurait laissé sa place pour rien au monde. Par bonheur, Briennec reprit la parole, chassant le malaise :
— À vrai dire, je ne suis pas venu ici pour te parler de pêche ou de femmes. C’est notre mère qui m’envoie.
Ewannaël déglutit. Il évitait autant que possible sa mère et sa maison d’origine. Ces lieux évoquaient trop de mauvais souvenirs. Les hurlements de sa mère. Sur son visage, des marques de coups qui n’étaient pas l’œuvre d’un animal sauvage. Les pleurs de Briennec. Les siens. Le passage d’un homme aux longs cheveux bruns. Ilbaël. Chacune de ses visites s’achevait dans les cris ou les pleurs. Ewannaël se souvenait mal de son visage, mais se rappelait encore de la haine féroce qu’il lui inspirait. Cette haine avait grandi des années durant, jusqu’au jour où il avait osé s’opposer à Ilbaël, jusqu’à couvrir leurs deux visages de sang. Les visites avaient cessé. Même après la mort d’Ilbaël, sa mère n’était jamais redevenue la même. Lui non plus. Ewannaël n’avait eu de cesse de vouloir s’isoler du reste du village. Son ancienne famille brisée, il avait préféré en construire une nouvelle.
— Qu’est-ce qu’elle veut ?
— Elle t’attend. Tu aurais déjà dû venir avant la Saison des Ténèbres. Ta fille est née il y a cinq ans, il est plus que temps de la protéger des esprits impurs.
Ewannaël avait envie de disparaître sous terre. Il se souvenait encore mot pour mot du discours similaire que sa mère lui avait tenu cinq ans plus tôt. Elle lui avait dit qu’Astaè devait entrer en contact avec le monde spirituel, être libérée de ses impuretés. Elle lui avait présenté l’esprision comme un rite, comme une fête. Il n’avait qu’un frère, n’avait jamais assisté à la cérémonie. Tout ce qu’il savait, c’était que le contact avec le monde des esprits était brutal et avait déjà provoqué la mort de plusieurs bébés. Des disparitions que l’on taisait comme autant de hontes, puis qu’on oubliait avec la naissance d’un nouvel enfant. La perspective de voir leur petite Astaè confrontée à une telle épreuve les avait effrayés, Jolyn et lui, mais ils avaient cédé, comme tant d’autres avant eux.
Seule Jolyn avait pu assister à la cérémonie. Elle s’était enfermée avec plusieurs femmes pendant une nuit entière. Il n’oublierait jamais le regard morne qu’elle lui avait jeté en sortant. Elle tenait Astaè dans les bras. Leur enfant avait des filets de sang sur les jambes et tremblait. Leur petite étoile, leur première née… Une fièvre foudroyante l’avait emportée quelques jours plus tard. Une brume avait voilé les yeux de Jolyn, que le passage des saisons n’avait pu complètement dissiper. Le givre avait couvert le cœur d’Ewannaël et même les plus beaux rayons de soleil ne pouvaient le faire fondre. La mère d’Ewannaël lui avait affirmé qu’il s’agissait d’une punition des esprits. Faè était née un mois plus tard. À chaque fois qu’il regardait sa deuxième fille, il songeait au destin tragique de son aînée. Jamais il ne la laisserait subir le même sort.
— Quand ?
— Elle veut que tu viennes ce soir. Il le faut. Faè doit être esprisée avant notre départ.
*
— Pourquoi il y a des lumières vertes dans le ciel, Aapa ?
— Ce sont les esprits qui dansent, Faè. Ils ont passé toute la dernière saison sur terre et fêtent la fin de la nuit. Maintenant, ils vont remonter vers le ciel et s’en réjouissent.
— C’est beau !
Ewannaël ne put qu’acquiescer, fasciné par la douce ondulation des rideaux phosphorescents autour des lunes. Le moment aurait dû être parfait. La température était bonne, le ciel dégagé et leur maison, perchée sur la colline au-dessus du village, offrait un point de vue idéal pour observer l’une des dernières nuits de l’année. Pourtant, une pensée l’obsédait : l’esprision. La venue de Briennec l’avait plongé dans l’angoisse. D’autant que Jolyn ne rentrait toujours pas.
Ses mains s’engourdissaient, le froid mordait ses oreilles et ses lèvres. Il tentait de cacher son mal-être, pour ne pas gâcher les sourires de son enfant. Cependant, son regard pensif, ses silences et son immobilité en disaient autant que mille mots. Faè, accrochée à son manteau, lui lançait un regard interrogatif qu’il ne pouvait soutenir.
Il enviait les dernières heures de quiétude de son épouse, occupée à chasser avec Œil-du-Soir, et craignait de lui annoncer la terrible échéance. Ce soir. Sa mère l’attendait. Le froid devenait insoutenable. Tremblant, Ewannaël entreprit de faire rentrer sa fille. Elle se hâta d’obéir, devinant peut-être la gravité de la situation. Alors qu’ils arrivaient à la porte, il aperçut une troupe d’hommes en bas de la colline, Briennec à leur tête. Son sang ne fit qu’un tour.
— Faè, cours !
Sa panique se transmit à sa fille, habituée au calme de son père. Ils se précipitèrent à l’intérieur de la maison.
— Cache toi sous notre lit et ne bouge surtout pas ! Ne fais aucun bruit !
La petite fille s’exécuta, les larmes aux yeux.
Ewannaël se hâta de cacher le manteau et les bottes de Faè et s’assit proche de l’entrée, le souffle court. Il entreprit de recoudre un gant, assis en tailleur tandis que des gouttes de sueur froide dégoulinaient le long de son échine. L’attente lui parut interminable. Une nuée de questions se bousculait dans son esprit : que répondre ? Comment faire partir les villageois ? Briennec savait que Faè n’était pas partie avec sa mère. Ils allaient la trouver. La poitrine d’Ewannaël se serra, comme compressée par une main invisible, ses muscles se crispèrent et un tremblement incontrôlable agita sa jambe droite. Aurait-il le courage de s’opposer à tout un groupe ? La force de les repousser ? Laisserait-il la tempête de violence qu’il avait autrefois dirigée contre Ilbaël s’échapper à nouveau ? Contre son frère ? Pour sa fille, il y était prêt, mais sa seule force serait vaine.
Lorsque les trois coups retentirent, il hésita à ouvrir, à se barricader dans sa demeure. Il demeura paralysé alors que Briennec criait :
— Réveille-toi, Naël ! Je sais que t’es là.
Se barricader achèverait ses seules chances d’un mensonge convaincant. Il rassembla ses forces pour affronter la conversation tant redoutée. Il marcha lentement jusqu’à la porte en se mordant les lèvres, prit une grande inspiration, puis ouvrit. Ils étaient six, avec trois torches, parmi les hommes les plus forts du village. Ewannaël sentit son courage lui échapper. Il ne sut que feindre un sourire, plus pâle que jamais.
— On est venus chercher ta fille, annonça Mayden, le meilleur ami de Briennec, un colosse de près de deux mètres. La cacique attend Faè.
Le nom de sa fille fut l’étincelle. Il ne pouvait la livrer au même sort qu’Astaè. Il ne le pouvait pas. Il raffermit sa posture, releva le menton et répondit :
— Je sais, mais elle est partie chasser avec sa mère. Elles ne sont pas encore rentrées.
Ewannaël jeta un regard suppliant à son frère, le seul à savoir qu’il mentait. Le regard de Briennec demeura imperturbable, seul un léger rictus se dessina sur son visage.
— Il est tard, Naël. Ce n’est pas prudent de rester si longtemps dehors pour une fille de son âge. Tu l’amèneras plus tard.
Ewannaël sentit une vague de soulagement et de reconnaissance le traverser. Briennec le sauvait.
— As-tu oublié ce que nous faisions quand tu avais cinq ans ? répliqua-t-il.
— Assez parlé ! s’exclama Mayden. Cela fait bien longtemps que tu aurais dû descendre au village. Nous reviendrons demain, à l’aube. Si Faè n’est pas là, nous irons la chercher nous-même. Nous ne pouvons laisser ta fille en proie aux esprits impurs ! Elle court un grave danger.
— Nous serons là. Désolé. À demain.
Les hommes tournèrent les talons, non sans animosité. Avant de partir, Briennec posa sa main sur l’épaule de son frère et murmura :
— Ne fais pas l’idiot, Naël. Je ne veux pas qu’il t’arrive de mal.
Puis il disparut dans l’obscurité. Ewannaël claqua la porte avant de s’effondrer à genoux. Il retint sa respiration de longues secondes, puis haleta à quatre pattes. Il prit une longue inspiration, puis alla chercher Faè. Elle était prostrée sous le lit, les genoux contre le menton. Il la prit dans ses bras en pleurant de soulagement et d’inquiétude.
— Pardon, ma petite fée. Pardon. C’est fini maintenant.
Leur étreinte se poursuivit de longues minutes. Sa fille contre lui, Ewannaël peinait à réaliser l’ampleur des conséquences de son mensonge. Il ne pouvait réfléchir à la conduite à tenir dans les prochaines heures, son esprit refusait d’accepter que le danger reviendrait. Il parvint tant bien que mal à rassurer Faè avec des réponses évasives. Il alluma deux lampes et lui raconta l’histoire d’un esprit voyageur prenant la forme d’un renne. Par miracle, elle s’endormit sans heurts.
Jolyn revint peu après son coucher, annoncée par les aboiements d’Œil-du-Soir. Ewannaël se précipita à la porte. Le chien-loup lui sauta dans les bras, manquant de le renverser. Ses poils piquaient, dressés par le froid. Sa femme s’esclaffa, croyant sans doute sa réaction provoquée par la surprise. Jamais elle n’était plus belle qu’au retour de ses longues sorties dans le froid, quand elle enlevait ses couches de fourrure en savourant le réconfort de son foyer. Ce soir-là, pourtant, il ne la regarda même pas. Il attendit qu’elle sorte Œil-du-Soir et vienne s’asseoir à ses côtés pour annoncer :
— Briennec est venu.
Jolyn cessa de sourire. Son époux livra toutes les mauvaises nouvelles en baissant les yeux.
— Il n’était pas seul. Des hommes sont venus chercher Faè. Je leur ai dit qu’elle était avec toi. Ils repassent demain matin. Pour l’esprision.
Le corps de Jolyn se tendit de détresse, elle s’affaissa sur les genoux en portant les mains au visage.
— Non… répondit-elle seulement. Non.
Ewannaël n’osa pas faire un geste, pas dire un mot. Il souhaitait seulement effacer cette journée maudite, prolonger la saison des ténèbres jusqu’au bout de sa vie pour ne plus jamais se confronter à l’extérieur, à cette esprision maudite. Ce silence terrible se prolongea longtemps. Jolyn se redressa la première, prit la main de son époux et dit :
— Il faut que ce soit ma mère qui s’occupe de l’esprision. Elle ne mettra pas Faè en danger.
— C’est impossible. Ma mère est la cacique, elle refusera.
— On peut y aller maintenant, faire la cérémonie ce soir ! Avant qu’ils s’en prennent à Faè.
— Non. Ma mère refera la cérémonie une deuxième fois s’il le faut, jamais elle ne laissera sa petite-fille entre les mains d’une autre. Et si on descend au village maintenant, ils nous verront.
Jolyn blêmit.
— Tu es sûr qu’elle ferait ça ?
— Certain.
— Alors… il faut que nous partions.
Pour toute réponse, Ewannaël lui jeta un regard atterré. Comment pouvait-elle envisager une telle absurdité ? Partir où ?
— Il y a d’autres villages sur la côte. Nous nous y cacherons. Ils ne nous prendront pas Faè.
— Sans esprision, les esprits impurs la dévoreront !
— Non.
Ewannaël douta d’avoir bien entendu. Comment Jolyn pouvait-elle mettre en doute l’une des traditions les plus importantes de leur village ? Sa femme ajouta :
— Ma mère a œuvré plusieurs fois à l’esprision avant ma naissance. On y sectionne certains organes pour expulser les esprits impurs. Elle a arrêté parce que trop de petites filles mouraient des suites de l’opération. Elle-même souffrait à chaque rapport avec un homme à cause de cela.
Même après la mort d’Astaè, Jolyn lui avait tu le déroulement concret de la cérémonie d’esprision. Horrifié par cette opération, Ewannaël pensait surtout à son épouse. La perspective que cette mutilation la fasse aussi souffrir lors de leurs rapports lui était insupportable.
— Toi aussi ? balbutia-t-il.
— Non, Ewan. Ma mère a dit à la cacique qu’elle s’occuperait de moi, mais elle ne l’a pas fait. Je n’ai pas subi l’esprision.
— Comment ? Toutes les filles sont esprisées. Depuis toujours.
— Je ne crois pas avoir d’esprits mauvais en moi. En tout cas, pas plus que les autres. Je ne regrette rien de ce qui m’est arrivé. Je n’aurais pu rêver meilleure famille que la nôtre. Et sache que ma mère a fait semblant d’espriser d’autres filles. Toutes vivent encore.
— C’est impossible.
Pourtant, Jolyn ne mentait pas, il le savait. Plusieurs évènements prenaient leur sens. Le jeune Aeleg, qui lui racontait les pleurs de sa femme lors de leurs rapports sexuels, lui expliquait leur choix de ne plus en avoir. La peur des mères de nouvelles grossesses. Au fond, il avait toujours deviné que cela avait un lien avec l’esprision, sans le réaliser pleinement. Son village blessait ses filles. Cette révélation balayait certaines de ses croyances les plus profondes. Il ne connaissait pas de femme meilleure que Jolyn. Elle était forte, douce, courageuse, aimante, intelligente, calme, empathique et patiente. Si elle avait subi l’esprision, il ne l’aurait peut-être jamais connue. Cette idée lui glaça le sang. Il réalisa enfin qu’Astaè n’était pas morte à cause des esprits, mais bien des lames qui avaient ouvert sa peau, sa chair. Il se prit la tête à deux mains, bouleversé.
— Pourquoi ne m’en as-tu jamais parlé ? Pourquoi maintenant ?
Jolyn baissa les yeux, chercha ses mots.
— J’ai essayé. Mais tu ne m’écoutais pas. Et puis… J’ai eu peur de ta réaction, peur que tu trahisses mon secret, peur que tu donnes Faè à ta mère. J’ai manqué de courage.
Ewannaël lui en voulut de ne pas avoir parlé. Tout aurait été plus facile. Combien de secrets lui cachait-elle encore ? Puis il repoussa la rancune qui émergeait dans son esprit. Lui n’avait jamais parlé d’Ilbaël, de la mort de son père. C’était aussi sa faute s’il n’avait pas cherché à la comprendre, ni réussi à lui inspirer confiance.
— Je suis désolé de ne pas t’avoir écouté.
Son esprit s’emballa, à la recherche d’un moyen de sauver sa fille. Il comprenait pourquoi Jolyn avait tant insisté pour que sa mère se charge de l’esprision. Malheureusement, la cacique n’accepterait jamais qu’on la prive de la cérémonie de sa petite fille. Si seulement il l’avait expliqué plus tôt à sa femme, ils auraient pu anticiper la catastrophe. Sa lâcheté l’avait poussé à la remettre au lendemain et ce lendemain devenait aujourd’hui. Une à une, toutes les possibilités disparurent, jusqu’à n’en laisser que deux. Se soumettre ou fuir.
— Il faut que nous partions, répéta Jolyn. Je ne leur laisserai pas Faè. Plutôt mourir.
Ewannaël songea aux autres villages de la côte, atteignables après quelques jours de navigation. Son père les lui avait souvent décrits. Il s’y était déjà rendu avec Briennec pour troquer des denrées. Le retour des beaux jours permettait un tel voyage. C’était la seule solution, mais il ne pouvait encore s’y résoudre. Tout était bien trop brusque.
— Notre maison… souffla-t-il.
— Nous la rebâtirons.
Le vent gémit dans la charpente du toit, comme en écho à son angoisse.
— Ils nous prendront notre terre.
— Elle n’a de valeur que parce que l’homme que j’aime et ma fille y vivent. Dépêchons-nous, Ewan ! La nuit sera courte !
— Nous ne pourrons pas dire adieu à ta mère, à Briennec, à ….
— Tant pis ! Il faut partir, maintenant ! Veux-tu qu’ils tuent Faè ? Tu ne pourras rien faire si nous restons ici.
— Ils nous retrouveront.
— Alors nous irons ailleurs ! Si tu ne bouges pas, je pars sans toi. Faè doit vivre.
Entendre le prénom de sa fille rendit la lucidité à Ewannaël. C’était de sa sécurité dont il était question. Sa voix se raffermit :
— Faè vivra.
Une étrange détermination le gagnait peu à peu, dominant toutes les peurs. Partir de l’endroit où il était né, pour toujours. Ne plus jamais revoir les siens. Abandonner la maison pour laquelle il avait tant travaillé. S’établir dans un village étranger. Il était prêt à tous les sacrifices si cela permettait de protéger sa fille. Il ajouta :
— Je la réveille.
*
Depuis tout petit, Ewannaël aimait marcher dans la neige fraîche. Le frottement de sa semelle sur les cristaux glacés l’apaisait, et regarder en arrière pour admirer ses empreintes de pas lui laissait une sensation de satisfaction. Cette nuit-là, il n’y prêta pourtant aucune attention, pas plus qu’aux lunes et aux étoiles. Son univers se résumait au lourd traîneau qu’il tirait, aux questions affolées de Faè, incapable de comprendre où l’emmenaient ses parents, aux aboiements d’Œil-du-Soir et à la lueur tremblotante de sa torche. Il avançait dans l’obscurité sans hésitation, guidant les siens sur ce chemin qu’il connaissait par cœur. Il avait déjà préparé son bateau les jours précédents en prévision du départ pour la pêche. Il ne restait plus qu’à tirer l’embarcation jusqu’à l’eau et à hisser la voile.
Derrière, Jolyn jetait des regards méfiants autour d’elle, craignant qu’un villageois les aperçoive. Faè portait courageusement un sac trop lourd pour elle. À l’arrivée, Ewannaël eut la mauvaise surprise de découvrir un important tas de neige devant la coque. La mise à l’eau s’annonçait rude. Jolyn entoura Faè d’une couverture épaisse et l’assit au creux du bateau, à l’abri du vent. Sentant que sa mère partait, l’enfant protesta.
— Ne t’inquiète pas, Faè. Je reviens.
— Où vas-tu ? demanda son mari.
— Chercher une pelle.
Sans attendre de réponse, Jolyn courut vers la colline. Ewannaël admira son courage et son énergie. Il ouvrit la cale de son voilier et y entassa les vêtements, couvertures, rations, armes, outils de pêche, sacs d’eau et la lourde tente en peau de phoque offerte par le village pour son union. Si par malheur on refusait de leur donner asile, elle leur permettrait de survivre dans le froid. La cale fut vite remplie. Trop vite. Ils ne pourraient rien emporter de plus.
— On va où ? demanda Faè, une fois de plus.
— On part en voyage, dans un autre village. Ce sera comme chez nous. Tout ira bien.
Ewannaël voulait croire ces mots : tout irait bien. Ils trouveraient un nouveau village, s’y installeraient et vivraient heureux. Tout en espérant, il s’affaira à nouer la drisse de la voile avec l’expérience d’un marin aguerri. Il allait achever les derniers nœuds quand Jolyn arriva. Elle avait profité du trajet pour se charger de fourrures supplémentaires, et accrocher sa flûte en os de caribou à son gant gauche. Ewannaël s’étonna de voir reparaître cet objet installé sur le devant de leur cheminée depuis leur mariage. Il ne l’avait jamais vue en jouer, mais Jolyn paraissait y tenir beaucoup. Sans attendre, sa femme se démena contre la neige à grands coups de pelle.
— Monte, Œil-du-Soir ! On y va !
Ewannaël attira son chien-loup à grand renfort de gestes rassurants, le hélant d’une voix ferme. L’animal hésita, effrayé par le bruit des vagues. Il griffa le sol, replia ses oreilles, gémit. Son maître insista jusqu’à ce qu’il pose une patte, puis une deuxième. Il renifla la coque, où était encore accroché un filet, avant d’y grimper.
—Faè, ne bouge plus ! On va partir.
Ewannaël avança jusqu’à l’arrière de son voilier et s’arc-bouta jusqu’à sentir un mouvement, entendre un crissement. Jolyn rangea les dernières affaires, puis s’affaira à briser les dernières plaques de glace. Au terme d’un effort surhumain, Ewannaël parvint enfin à faire glisser l’embarcation de ses positions. Il n’eut ensuite plus qu’à la conduire le long de la pente jusqu’au rivage. Elle plongea vers l’eau glacée, emportée par son élan et son poids. Jolyn se hissa en marche et Ewannaël sauta pour rejoindre les siens.
Jolyn hissa la voile et manœuvra vers le large, orientant le navire pour obtenir la meilleure prise au vent. De son côté, Ewannaël demeura un instant immobile à fixer le rivage qu’il venait de quitter, à observer la neige qu’il venait de piétiner, l’eau bleu foncé sur laquelle il naviguait. Il peinait à réaliser que la colline face à eux était celle où il avait élevé sa fille, qu’en contrebas se trouvait le village où il était né. Et pourtant, son cœur battait, saisi d’émotion. Ce sentiment amer lui rappelait son tout premier départ en expédition maritime, l’année de ses quinze ans. Nourri aux récits d’épouvante des vieux marins, il doutait alors de survivre aux caprices de la mer.
Puis Jolyn lui cria de venir l’aider et Ewannaël délaissa sa mélancolie. Il se retourna vers l’immensité de la mer. Son regard quitta pour de bon cette terre qui avait été sienne. Cette terre perdue à tout jamais.
J'ai trouvé quelques coquilles encore, principalement des virgules et des vestiges du temps où Ewan avait deux enfants. Il y en a même une qui est disparue depuis la dernière version à ma recommandation... erronée. Je suis désolé, j'essaierai de ne plus le refaire ! Pour le reste, il s'agit principalement d'éléments subjectifs. J'ai retrouvé quelques éléments où un instant de réflexion m'a fait dire : "Un détail cloche légèrement" et j'ai plusieurs suggestions et réflexions concernant la formulation. Tout ça reste subjectif; si tu as l'impression que ça n'améliore pas le texte ou que ça l'éloigne de ton style, il ne faut pas te casser la tête avec ça.
Sa venue annonçait plus sûrement que la fonte des neiges la nouvelle saison. --> Essaie "Sa venue annonçait la nouvelle saison plus sûrement que la fonte des neiges." Cette formulation est plus naturelle et sa résonance me semble meilleure ici.
Le simple son de sa respiration derrière le battant évoquait déjà à Ewannaël le jour du départ. --> Il l'entend respirer de l'autre côté de la porte? Dans un hiver polaire, ça me semble peu probable, car elles n'ont pas le choix de développer une certaine connaissance de l'isolation (ne serait-ce qu'à l'aide de la neige).
L’enfants se jeta dans ses bras avant que leur père ait pu esquisser un geste. --> Enlever le s à "enfants"; remplacer "leur" par "son".
Au cours des mois précédents, il avait affectionné son quotidien de père, les rituels imposés par son enfant. --> j'utiliserais un "et" plutôt qu'une virgule devant "les rituels".
Tu as de la chance toi, de vivre avec ta famille. --> Une virgule irait avant "toi", mais je comprends pourquoi tu ne l'as pas mise et ça reste acceptable dans un dialogue.
Ce sera bientôt ton tour, ne t’inquiète pas. Alwig ne t’attendra pas éternellement. --> Cette ligne suggère que Briennec ne se se décide pas à aller demander la main d'Alwig, mais qu'elle est intéressée. Si ce n'est pas le cas, essaie plutôt pour "Alwig n'attendra pas éternellement." Si c'est le cas, essaie "Ce sera bientôt ton tour, ne t’inquiète pas, mais il faut te bouger. Alwig ne t’attendra pas éternellement." ou quelque chose de cet ordre.
— On ne t’a pas mis au courant ? Alwig s’est fiancée avec Juwen hier. C’était la dernière fille à marier du village, ma chance est passée. -->Je viens de réussir à formuler ce qui me dérange dans ce passage. Il suggère un "trou" de plusieurs années où aucune fille n'est née ou n'a survécu. Il vaudrait peut-être mieux suggérer un problème de Briennec au sujet de l'écart d'âge avec les prochaines filles qui arriveront en âge de se marier. Soit qu'il sera trop vieux pour elles, soit qu'elles seront trop jeunes pour lui.
Alors qu’il prononçait cette phrase, son corps criait tout l’inverse. --> "Alors qu'il prononçait cette phrase" me semble mal accordé à la phrase et à son contexte. Un peu désincarné en contexte, je ne sais pas comment le dire autrement. La métaphore du corps qui crie est trop forte de sens pour "Alors qu'il prononçait cette phrase". Il vaudrait mieux rester sur le thème de l'intensité sonore contrastée. Au pied levé, je n'ai pas la bonne phrase, mais quelque chose de l'ordre de "Sa voix murmurait l'indifférence, mais son corps criait tout l'inverse."
Sur son visage, les marques de coups qui n’étaient pas l’œuvre d’un animal sauvage. --> Je pense que "des marques" fonctionnerait mieux.
Ilbaël était mort depuis, mais sa mère n’était jamais redevenue la même. --> La mort d'Ilbaël est déjà évoquée au chapitre précédent. Il n'est peut-être pas nécessaire de la rappeler, ou alors "Même après la mort d'Ilbaël, sa mère n’était jamais redevenue la même."
Une brume avait voilé les yeux de Jolyn, que le passage des saisons n’avait pu complètement dissiper. --> Je pense que "Une brume que le passage des saisons n’avait pas complètement dissiper avait voilé les yeux de Jolyn." ferait mieux. Il se pourrait que je te l'aie déjà dit et que tu aies fait le choix de maintenir la phrase ainsi; c'est subjectif.
Pourtant, une pensée l’obsédait : l’esprision de Faè. --> Un exemple de quelque chose que j'essaie de surveiller dans mon écriture : "de Faè" n'est pas nécessaire. À ce stade, le lecteur sait qu'il s'agit d'elle et non de Jolyn ou d'une inconnue. Tu peux garder le texte ainsi, mais enlever "de Faè" peut accélérer le rythme. Dans tous les cas, je le cite ici en exemple de ce trait; sa nécessité ou sa superfluité sont totalement subjectives.
Il enviait les dernières heures de quiétude de son épouse, occupée à chasser avec Œil-du-Soir et craignait de lui annoncer la terrible échéance. --> proposition incise, l'un des rares cas où la virgule est indiquée avant le "et". En fait, je suis un peu débile, parce que je sais que ce "et" est là à ma suggestion et que j'ai mentionné qu'il fallait enlever la virgule avant. C'est erreur, c'est ma faute si elle s'y trouve o.O
— Faè, coure ! --> C'était originellement "Les enfants, courez", n'est-ce pas ? Ce serait plutôt "Faè, cours !"
— Faè, cache-toi sous notre lit et ne bouge surtout pas ! --> Présentement, Ewan fait un usage excessif du nom de sa fille. Ce n'était pas le cas dans la version précédente, car Edenn était parfois inclus dans l'action ou il fallait qu'Ewan indique à quel enfant s'adressait un commandement. Dans ces deux phrases, indiquer le nom "Faè" enlève du naturel à la phrase prononcée, car Ewan ne peut s'adresser qu'à elle.
La petite fille s’exécuta, les larmes aux yeux. --> Totalement subjectif, mais j'inverserais les deux segments de la phrase.
Il entreprit de recoudre un gant, assis en tailleur tandis que des gouttes de sueur froide dégoulinaient le long de son échine. --> Bien trouvé pour mettre en évidence le malaise; beaucoup moins lourd que la suggestion que je t'avais faite.
Ils étaient six, avec trois torches, parmi les hommes les plus forts du village. Ewannaël sentit son courage lui échapper. Il n’eut que la force de feindre un sourire, plus pâle que jamais. --> Répétition forts/force, je crois qu'il vaudrait mieux la contourner.
Tu la ramèneras plus tard. --> Je pense que "amèneras" serait plus juste dans le cas présent.
Avec sa fille contre lui, Ewannaël peinait à réaliser l’ampleur des conséquences de son mensonge. --> Je pense qu'en enlever le "Avec", tu réduirais la distance entre les personnages et le lecteur.
Il parvint tant bien que mal à rassurer Faè de réponses évasives. --> Ici, l'original disait "avec des réponses évasives"; je ne crois pas que c'était nécessairement parfait, mais ça me semble plus naturel que "de réponses évasives".
Jolyn revint peu après leur coucher, annoncée par les aboiements d’Œil-du-Soir. --> plutôt "son coucher" ou mieux, "le coucher de la petite." Il ne reste qu'un enfant.
Des hommes sont venus chercher Faè. Je leur ai dit qu’elle était avec toi. Ils viennent la chercher demain matin.--> répétition "venus/viennent". Elle peut être conservée, mais je dirais "reviennent" plutôt que "viennent". Ou peut-être "repassent" si tu veux enlever la répétition.
— Il faut que ce soit ma mère qui s’occupe de l’esprision. Elle ne mettra pas Faè en danger. --> Le fait que la mère de Jolyn soit maintenant la Chamane donne un sens plus intuitif à cette possibilité. Il est naturel que la Chamane pratique ce rite. Bien que le personnage de la mère ne soit jamais présent, je crois qu'elle aurait besoin d'un nom. Elle prend tout juste un peu trop de place pour ne pas en porter. La cacique, ce pourrait être débattu.
Et sache que ma mère a fait semblant d’espriser d’autres filles. --> "fait semblant" détonne un peu avec le niveau de langage l'entourant. Un verbe plus fort ou une reformulation pourrait aider cette phrase. Je n'ai pas de suggestion concrète présentement. "A simulé l'esprision" semblerait logique, mais je ne trouve pas que ça sonne mieux. Je te laisse y réfléchir.
Cette idée lui glaça le sang. Il réalisa enfin qu’Astaè n’était pas morte à cause des esprits mais bien des lames qui avaient ouvert sa peau, sa chair. --> virgule avant "mais". J'aime bien la façon dont tu as étoffé la prise de conscience. Ça ajoute au texte et tu n'as pas appliqué aveuglément mes suggestions, ce qui maintient le texte dans le ton que tu lui as choisi. Ce n'est pas la seule fois que je remarque que tu fonctionnes ainsi et ça m'encourage à faire plus de suggestions avec exemples. C'est plus facile pour moi d'illustrer ce que je veux dire de cette façon et ça me rassure de ne pas "poluer" un texte en y insérant mon style personnel.
Lui n’avait jamais parlé d’Ilbaël, de la mort de son père. --> Je suis certain que "de la mort de son père" n'était pas là lors de ma première lecture. Conséquemment, je me questionne. Je ne me souviens pas que le sort exact du père d'Ewan ait été évoqué. Maintenant, je me demande s'il ne serait pas mort dans des circonstances suspectes.
C’était aussi sa faute s’il n’avait pas cherché à la comprendre, pas réussi à lui inspirer confiance. --> Je remplacerais "pas" par "ni" ou "ou".
Il comprit pourquoi Jolyn avait tant insisté pour que sa mère se charge de l’esprision de Faè. --> je pense que "comprenait" pourrait mieux faire ici.
Ewannaël songea aux autres villages de la côte, atteignables après quelques jours de navigation. Son père les lui avait souvent décrits. Il s’y était déjà rendu avec Briennec pour troquer des denrées. Le retour des beaux jours permettait un tel voyage. C’était la seule solution mais il ne pouvait encore s’y résoudre. Tout était bien trop brusque. --> virgule avant "mais". Petite réflexion ici; si Briennec et lui sont allés troquer dans ces villages, Ewan doit réaliser qu'ils sont trop proches de chez lui pour qu'ils y soient en sécurité.
— Notre maison… souffla-t-il. --> Je t'avais suggéré de faire respirer ce dialogue et tu l'as très bien fait. Je remarque aussi que tu lui as donné des tons différents : des incertitudes plus marquées, une intensité mieux suggérée par les mots employés et plus de naturel dans les échanges. De toutes petites altérations qui font un monde de différence. Très bien réussi.
Le bruit du frottement de sa semelle sur les cristaux glacés l’apaisait, et regarder en arrière pour admirer ses empreintes de pas lui laissait une sensation de satisfaction. --> "Le bruit du frottement" pourrait être remplacé par "le frottement"; on double la sensation sonore d'une impression tactile, celle de la résistance imparfaite de la neige lorsqu'un pied s'enfonce dedans.
Jolyn se hissa en marche et Ewannaël n’eut pas d’autre choix que de sauter pour rejoindre les siens. --> Je pense que "n'eut pas d'autre choix" nuit à cette phrase, mais dans un sens très large. Bien sûr, on finit toujours par sauter dans le bateau qu'on pousse à l'eau. Si l'eau est très froide en plus, on n'a pas du tout le choix. Là où ça coince un peu pour moi, c'est un aspect sur lequel on a déjà parlé, que dans ce segment, Ewannaël est très peu décisif. Si tu dis "Ewannaël sauta", tu le suggères actif. En disant "Ewannaël n'eut pas d'autre choix que de sauter", tu soulignes au passage qu'il ne prend pas de décision à moins d'y être forcé.
À bientôt !
Merci pour ce retour complémentaire hyper intéressant ! Oui, les suggestions c'est vraiment l'idéal pour moi, ça m'aide à comprendre ce qui bloque à ton sens dans la phrase, et oui j'essaie de trouver mes propres solutions, sauf quand ta suggestion me convient parfaitement.
Content que tu trouves l'échange sur l'esprision plus convainquant, je commence aussi à plus apprécier ce chapitre, ça va dans la bonne direction.
Merci beaucoup beaucoup !!
A bientôt (=