Chapitre Deux : Notes
- Mais qu’est-ce qu’il fout ? commença Ludovic en louchant sur sa montre.
- Merde, il recommence !
- Lulu’, tais-toi !
- Il est là ! Il est là ! s’exclama Clémence.
Elle sautilla vers un jeune homme qui s’avançait doucement vers eux. C’était Florian qui, les mains dans les poches, grommelait quelques injures contre sa mère. Il retrouva le sourire lorsque Clémence s’accrocha à son cou et le couvrit de tendres bisous.
- Stop Clémence !
- C’est fou l’effet que tu lui fais depuis qu’elle ne t’a plus revu pendant quatre ans, remarqua Baptiste.
- Je sais, je sais, je suis irrésistible ! plaisanta Florian.
Il serra la main de chaque garçon et reprit la jeune fille par la taille.
- Ça va Flo’ ? s’informa Ludovic.
- Mouais, ça fait aller.
- Que devons-nous conclure ? demanda Sébastien à son frère.
- Qu’il ne va pas bien ! répondit l’interpellé.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? interrogea Clémence.
Florian regarda ses amis, et haussa les épaules.
- Elle me fait…
- Stop ! Pas de gros mots ! intervint Ludovic.
- Elle me casse les bonbons. Ça te va ?
- Oui, c’est mieux.
- Ce matin, elle m’a fait une scène parce que j’ai pas voulu apporter « mes affaires d’école » au lycée…
- Tes affaires d’école ? s’étonna Clémence.
- Ouais, tu sais, le classeur, le trieur, des feuilles, des stylos plumes qui tâchent tout ce que tu touches, une règle, une équerre et une calculette Casio Graphique 35+…Les « affaires d’école », quoi.
- Et tu ne les as pas pris ?
- Bah non.
- Mais pourquoi ?
- Bordel Clémence ! Qu’est-ce que tu veux que je foute au lycée, alors que je débarque à la fin du deuxième trimestre !
- Mais pour travailler…fit la jeune fille d’une petite voix.
- J’ai pas de vocation pour les études, moi. Je sais lire, écrire, et c’est le plus important. Je suis peut-être nul en maths, mais je sais que 2 + 2 = 4 ! Je sais parler aussi couramment anglais. Je suis poli sauf avec les gens qui me dérangent ; mes parents m’ont bien éduqué jusqu’à l’âge de douze ans, et voilà. C’est bien suffisant ! Alors ne viens pas me parler d’études, ça me servira à rien.
Baptiste, Sébastien, Ludovic et Clémence le fixèrent, abasourdis.
- Qu’est-ce que tu fais là, alors ? demanda Baptiste.
- Mais je suis venu rien que pour vous, et pour vous soutenir les gars ! s’exclama joyeusement Florian.
- C’est sympa ça ! Mais dis-moi, pourquoi tu as pris ton sac dans ce cas ?
- Ah ben…j’ai mis ma trousse et mon bloc-note dedans, répondit le jeune homme, comme s’il s’agissait d’une évidence. Mais ne vous inquiétez pas, je vais bosser…à ma façon.
Ahuris, ses amis ne pipèrent aucun mot.
- Dis-moi, t’avais pas plus grand comme T-shirt ? ironisa Ludovic, pour changer de sujet.
- Non, répondit Florian.
- La Minute Mode, présentée par Ludovic. Aujourd’hui, messieurs-dames, Ludovic reçoit Florian, un immigré qui porte le T-shirt le plus large que la Terre entière n’ait jamais vu ! Écoutons Ludovic, qui va donner ses précieux conseils « Mode pour Hommes » à ce pauvre réfugié, s’exclama Baptiste.
- Ta gueule ! s’énerva la jeune homme alors que Florian levait les yeux au ciel. Je t’ai déjà parlé de tes cheveux collants ?
Les cinq adolescents éclatèrent de rire.
- Je ne sais plus, nargua le principal concerné. En tout cas, tu ne peux pas en parler aujourd’hui, parce que ma mère a oublié d’acheter du gel avant-hier. Je suis en rupture de stock.
- Ce qui n’est pas plus mal, remarqua Clémence.
- Quand il a vu qu’il n’y avait plus de gel ce matin, il a pété les plombs, précisa Sébastien. Vous aurez dû voir la tête de nos parents. C’était chaud !
- Parle, parle, railla Baptiste. Je te rappelle que toi aussi, t’a pété un câble quand t’as vu que Maman n’avait pas repassé ta chemise noire !
- Et tes cravates !
- Mes cravates sont très bien là où elles sont !
- C’est ça ! Je vais te faire pendre avec un jour avec, tu vas voir.
- Je me vengerais sur ta copine, si tu oses toucher à mes cravates !
- Tu ne touches pas à Alysson, sinon, tu disparais entièrement !
- J’aimerais bien voir ça !
- T’inquiètes, ça ne saurait tarder…
Les deux frères se fusillèrent du regard, puis explosèrent de rire en se soutenant l’un l’autre.
- Bah, t’aurais vu la tête de M’man, expliqua Baptiste à Florian.
- Elle a plus rien compris ! termina Sébastien, en tanguant dangereusement vers Ludovic.
- J’ai pas tout suivi, chuchota Clémence.
- Moi non plus, confia Florian.
- Ils ont bu quoi ce matin ? demanda Ludovic, plutôt inquiet. De la vodka mélangée au lait ?
- Aucune idée.
Baptiste et Sébastien reprirent leur souffle et consentirent à donner enfin une explication à leurs amis.
- On est fatigué.
- On a tout fait péter hier avec Lulu’. Seulement, Lulu’, il est parti vers 10 heures, et nous, on a continué jusqu’à une heure du mat’.
- Mais vous êtes devenus complètement tarés ? s’emporta Clémence. Au-delà de 10 heures du soir, la police peut intervenir si les voisins se plaignent !
- Mais elle est intervenue ma belle, précisa Baptiste.
- Ils sont venus à la maison pour nous demander d’arrêter de jouer. Les parents étaient furax, je te raconte pas ! À force de se disputer, ils ne se sont pas rendu compte qu’on était dans le cabanon en train de faire du boucan ! Lorsque les flics ont débarqué, on venait à peine de trouver un air au top ! On était trop dégoûté !
- Ouais, remarque, ils ont eu raison de venir, je venais de péter une corde. C’est parce qu’ils étaient là que je n’ai pas crisé. J’ai même pas pu gueuler comme je le voulais !
- Bravo, tu t’es contenu, observa Ludovic.
- Ouais ! Ma corde ! Je n’en ai plus ! Mais qu’est-ce que je vais devenir ?
- Prend ta cravate, proposa Sébastien.
- Ah ah ah…très drôle, riposta le frère.
- J’ai des cordes pour guitares électriques chez moi, intervint Clémence. C’est mon cousin qui les a oublié la dernière fois qu’il est venu. Je pourrais te les donner si tu veux.
- C’est vrai ? demanda Baptiste, les yeux émerveillés.
- Oui.
- Clémence, je t’aime !
Baptiste sauta au cou de la jeune fille qui poussa un petit cri et manqua de tomber en arrière.
- Hey ! s’indigna Florian. Vas-y mollo avec Clém’, « steuplé » !
- Attention, Flo’ mord !
- Et oui…fit le jeune rebelle, gêné.
- Bon, on y va ? demanda timidement Clémence. Ça va bientôt sonner.
Les garçons hochèrent la tête d’un air convenu. Baptiste avançait rêveusement, pensant certainement aux cordes promises par la jeune fille.
Il était important de préciser que Baptiste aimait se défouler sur sa guitare électrique. Guitare qui était, d’ailleurs, chouchoutée par son possesseur. Tous les soirs, il astiquait soigneusement son bois verni avec un chiffon et n’oubliait jamais de l’accorder lorsque les fausses notes se faisaient entendre.
Sébastien prit Florian par les épaules et lui montra une jeune fille au fond de la cour.
- Tu vois, la petite brune là-bas ? lui demanda-t-il.
- Ouais.
- Elle est mignonne, hein ?
- Ouais, ça peut passer.
- Ben, justement, c’est ma copine Alysson, alors pas touche !
- Pourquoi tu me la montres dans ce cas ?
- Pour te dire que tu ne dois pas la toucher.
- Je ne touche plus les filles depuis mes expériences avec les Anglaises.
- Ah bon ?
- Ouais. Tu vas pas l’embrasser ta copine ?
- Ben non, répondit naïvement Sébastien.
- Mais pourquoi ? demanda Florian, interloqué.
- Pourquoi ce serait moi qui devrais le faire ?
- Alysson, c’est ma copine à moi, chantonna Baptiste. Fais gaffe, y’a un mec qui s’approche d’elle.
- Pas grave. Elle est fidèle, assura Sébastien.
- T’es bien sûr de ça, vieux ? demanda Ludovic, en observant la jeune fille se laisser séduire par le rival de Séb.
- Mais oui, mais oui ! Bon, vous venez, bande de larves ?
Sébastien multipliait les conquêtes, un peu comme son frère. Et s’il aimait les femmes, « les vraies », il aimait encore plus la musique. Et tout comme Baptiste, Ludo’ et Florian, il pratiquait de la guitare, mais n’exerçait désormais plus que la basse. Avec son frère, il adorait jouer de la musique jusqu’à tard le soir, dans leur cabanon. De temps en temps, Ludovic se joignait à leur folie. Il avait aménagé sa batterie dans le cabanon des deux frères, et Clémence avait apporté des coussins, une table et des cartons remplies de bonnes choses à manger et d’accessoires différents pour que le groupe soit plus à l’aise.
Les cinq adolescents montèrent en silence les escaliers qui devaient les mener à leur salle de classe.
- Mais pourquoi ta mère devrait-elle repasser ta chemise ? demanda Clémence, relançant ainsi la conversation.
- Parce que c’est une femme, répondit Sébastien. Et que c’est ma mère aussi.
- Et que c’est son boulot, compléta Baptiste.
- Vous êtes dégueulasses ! Et si votre mère a envie de faire autre chose plutôt que de repasser une chemise et d’acheter un pot de gel ?
- Clémence a une vocation de féministe.
- Bien sûr ! s’exclama la jeune fille. On n’est pas des robots !
- Écoute, c’est comme ça depuis l’Antiquité, alors on ne va pas se plaindre !
- Nous ne sommes plus en Antiquité ! On a passé le cap de l’an 2000 ! Et ce n’est pas normal que les femmes soient encore soumises !
- Mouais, répondirent les quatre jeunes hommes.
Tous semblaient peu convaincus par les propos de Clémence.
- Toi aussi Florian ? s’étonna la jeune fille.
- Ben disons que, depuis que mon père est parti, ma mère m’oblige à faire la vaisselle, le repassage et tout le boulot des filles. Tu m’excuseras, mais j’ai pas que ça à faire. Le ménage, ça le fait pas pour un mec ; et je sais ce que je dis.
- C’est mieux qu’une fille le fasse, expliqua Ludovic. Au moins, c’est bien fait.
- Alors ça par exemple ! grommela Clémence, en colère.
Mais elle ne rajouta rien de plus. Les cinq amis arrivèrent au premier étage. Florian était un peu déboussolé puisqu’il n’avait jamais mis le pied dans ce lycée auparavant.
- T’inquiètes pas, normalement, les profs sont au courant de ton arrivée. Ils savent aussi que tu ne passeras pas le Bac cette année, expliqua Ludovic.
- Ni l’an prochain, compléta Florian.
- On a un cours d’histoire dans cinq minutes, puis espagnol ou italien, une heure de permanence et, enfin, un cours d’anglais, précisa Clémence.
- Qui fait espagnol ? demanda le jeune homme.
- Nous, répondirent les deux frères.
- Au top, on sera ensemble alors. Clémence, tu fais toujours italien ?
- Ouais, avec Lulu’.
- Ah d’accord.
- On se retrouvera dans la Cour Blanche ? s’informa Baptiste.
- Ouais.
- Et on a quoi cette aprèm’ ?
- Cours de sport et on est libéré ! répondit Sébastien.
- Venez, on sèche le sport ! proposa le frère.
- Oh non ! soupirèrent Ludovic et Clémence. Hors de question !
- Bah, pourquoi ça ? demanda Florian, qui était partant pour l’idée.
- On aime bien le sport, précisa Clémence. Puis, c’est agréable de passer devant les vestiaires des mecs.
- Ouais, ça sent l’homme, continua Ludovic.
- C’est une sensation merveilleuse !
- Si tu veux ma chérie, je te ferais entrer en douce si tu veux !
- Ça marche !
Clémence et Ludovic topèrent sous les regards abasourdis des trois autres adolescents.
- Si tu fais entrer Clémence et qu’elle m’espionne pendant que je me change, je te tue, prévint Florian. Et même toi, Lulu’. J’ai pas confiance !
- Sache, ô mon ami, qu’on est tous fait de la même façon, fit remarquer Ludovic.
- Sache, ô mon ami, que ton esprit est différent du nôtre. J’ai pas envie que tu me mates ! Je vois d’ici la petite lueur dans tes yeux !
- Roh qu’est-ce que tu peux être rabat-joie…
- Florian a peut-être raison. Moi, j’ai pas envie que Clémence observe mon anatomie en cachette ! s’exclama Sébastien.
- Moi, ça me gêne pas du tout…dit Baptiste, en scrutant ses ongles.
- Ouais, mais toi, tu défilerais à poil, si tu pouvais te le permettre ! reprocha le frère.
- Ben oui. Tant que les filles sont mon public, je ne vois pas d’inconvénients. No problemo.
- Bon, taisez-vous, la prof arrive, chuchota Clémence en s’agrippant au bras de Florian.
Une vieille femme, très petite, s’avança d’un pas lent vers le groupe.
- Mon dieu, elle ressemble à Mitterrand ! s’horrifia Florian.
- Appelle-la Fonfon, c’est son petit surnom, confia Ludovic.
- Et n’essaye pas de la séduire, on a déjà essayé et y’a rien qui peut la refroidir.
La minuscule dame ouvrit la porte d’un mouvement pénible, et fit signe à ses élèves d’entrer dans la classe. Le groupe voulut s’installer au fond de la salle, mais Fonfon arrêta Florian.
- Un instant, jeune homme. Qui êtes-vous ?
- Euh…je m’appelle Florian.
- Que faîtes-vous dans ma classe ?
- Bah, je viens en cours.
- Vraiment ? Vous êtes nouveau ?
- Ouais.
- On ne dit pas « ouais », on dit « oui » à son professeur. C’est compris ?
- Ouais…Enfin, « oui ».
- Asseyez-vous. Je vais commencer mon cours.
Florian, dont les nerfs étaient prêts à lâcher, alla s’asseoir à côté de Clémence. Les cinq amis étaient alignés tout au fond de la classe et pouvaient, par la même occasion, bavarder à leur aise. Ils s’étaient en mis en accord sur l’organisation de leur travail au lycée. Clémence écoutait les cours avec attention, Sébastien prenait des notes sur la leçon pour le groupe entier, Ludovic dessinait, Baptiste écrivait une partition et Florian peaufinait ses textes sur son bloc-note. Tout cela, discrètement et sans que Fonfon ne le sache.
- Clém’, passe-moi ton Blanco, souffla Sébastien.
- Sers-toi tout seul ! chuchota l’interpellée en lui jetant sa trousse à la figure.
- Baptiste, file-moi ta partition, j’aimerais jeter un coup d’œil sur ce que tu écris !
- Va te faire Flo’, laisse-moi au moins terminer !
- Taisez-vous les gars, y’a Fonfon qui nous surveille au radar !
Une heure plus tard, ils ressortirent de la salle de classe en soupirant de lassitude.
- J’aime pas cette prof, fit Florian. Elle n’a pas arrêté de me regarder avec des yeux de faucon. Ça m’a fait trop flipper !
- Tu prendras vite l’habitude, rassura Ludovic.
- Salut, lancèrent plusieurs voix.
Florian se retourna, d’un air désinvolte. Un groupe de trois jeunes filles s’avança vers les adolescents, lançant des œillades à Florian, Baptiste, Sébastien et Ludovic. Aussitôt, Clémence fronça les sourcils et Ludo’ se mit à bailler.
- Qu’est-ce que vous voulez ? demanda-t-elle sèchement.
- Juste faire connaissance avec le Nouveau, répondit une blonde.
- Allez vous faire foutre ! lança Ludovic.
La blonde, surprise, s’approcha du jeune homme avec un sourire diabolique. Elle s’apprêta à caresser la joue de Ludovic, mais celui-ci lui empoigna le bras.
- Tu me touches et je vomis.
- Vraiment ? demanda-t-elle en le fixant dans les yeux.
- Fais gaffe, il en ait capable, avertit Sébastien, tout sourire, qui n’attendait que cela se produise.
La blonde resta perplexe. Florian, qui n’avait pas dit un mot depuis l’arrivée des jeunes filles et qui avait préféré regarder la scène, s’adossa contre le mur.
- Ludovic est homosexuel, expliqua-t-il d’une voix calme.
La jeune fille se recula instantanément.
- Mais il n’a pas la peste, précisa Clémence.
- C’est du gâchis…soupira la blonde.
- Je ne t’ai pas demandé ton avis, répliqua-t-il. Merde, tu vas pas choisir pour moi quand même !
- Ah les filles, toutes les mêmes…elles ne savent jamais si un mec est gay ou pas…remarqua Sébastien.
- Maintenant, Cindy, fout le camp ! ajouta Clémence.
Cindy ne sembla pas décidée à partir, et préféra s’attaquer à Florian.
- Tu sais que tu me plais, toi ? fit-elle mielleusement.
Surpris, Florian haussa un sourcil et Clémence sembla sortir de ses gongs. Elle se posta devant le jeune homme et pointa du doigt Cindy.
- Dégage ! explosa la jeune fille. Je ne veux plus te voir toucher ni Florian, ni les autres, c’est compris ?!
- Et si nous, nous sommes intéressés ? tentèrent Sébastien et Baptiste.
Clémence foudroya du regard les deux frères.
- On plaisante, rigola Séb en levant les mains.
- Nous faisons partie de la propriété privée de Clémence, compléta Baptiste.
- De toutes façons, je préfère les brunes, intervint Florian. Et les filles douées.
- Mais je suis douée ! s’exclama Cindy.
- Clémence l’est beaucoup plus que toi.
- Me fait pas marcher ! Elle est trop farouche ! Elle n’a aucune expérience !
- Séb et Baptiste m’ont dit le contraire. De toutes façons, je sors avec elle, alors va te faire, pour reprendre Ludovic.
Clémence entra dans le jeu de Florian, sous les rires de Baptiste et Sébastien.
- Je sais faire des tas de choses. Mais je joue surtout avec les mains. Séb et Bas étaient présents quand j’ai réussi à aller aussi vite que Beethoven.
- Oui, je m’en rappelle, fit Baptiste, qui suffoquait à force de rire.
- Non vraiment, dit Florian, en faisant mine de réfléchir, Clémence est vraiment la plus douée que je connaisse. Tout ce que j’ai pu rater en quatre ans… Mais on va rattraper ça, pas vrai ma belle ?
Il embrassa la joue de Clémence, qui sourit diaboliquement à Cindy.
- Promis, je te montrerais tout ce que je sais faire, répondit-elle.
- On pourra assister ? demanda Ludovic, hilare.
- Bien sûr, on ira chez Clémence !
Le groupe de jeunes filles préféra battre en retraite. Celui de Florian se faufila dans les couloirs, en s’exclamant sur ce qui venait de se passer.
- Vraiment, Florian, bravo sur les jeux de mots ! On y a vraiment cru !
- Merci Lulu’, merci. Alors Clémence, t’a vraiment fait des progrès ? Tu vas vraiment aussi vite que Beethoven ?
- Bien sûr ! Mes parents étaient trop contents ! Ça faisait six mois que j’essayais de jouer cette symphonie, mais j’étais beaucoup trop lente ! Donc avec l’expérience, j’ai fini par y arriver !
- Et crois-moi, le résultat était génial, précisa Sébastien.
- Pas une seule fausse note ! rajouta Baptiste.
- Clémence est vraiment douée ! remarqua Ludovic, en souriant.
- J’ai hâte de voir ça, fit Florian.
- Dépêchons-nous, on est en retard pour le prochain cours !
Les cinq adolescents se lancèrent dans une course folle jusqu’à leurs classes respectives. Ils soupirèrent à l’idée de passer encore une heure ennuyante, mais franchirent toutefois la porte. D’un côté, ils n’avaient pas le choix.
Lorsque la sonnerie marqua le début de la récréation, Baptiste, Sébastien et Florian furent une fois de plus les premiers à sortir de la classe. Ils se rendirent en courant dans la Cour Blanche mais Clémence et Ludovic n’y étaient pas encore. Les trois jeunes hommes gravirent les épaisses marches blanches qui constituaient la Cour et y prirent place tout en haut, dominant ainsi sur les autres élèves. Les deux autres les rejoignirent quelques instants plus tard.
- Vous faîtes quoi mercredi après-midi ? demanda Ludovic.
- Rien, répondirent les autres, excepté Clémence.
- J’ai cours, répondit celle-ci.
- Et tu peux pas te libérer ? interrogea Florian. J’ai bien envie d’aller me promener en ville.
- Non, je ne peux pas du tout.
- On pourrait venir te chercher vers 16h30, comme ça, tout le monde sera content.
- J’ai cours, répéta Clémence.
- Non mais attends, tu n’as pas cours jusqu’à 21h00 du soir quand même ?
- Non, j’ai cours jusqu’à 19h00, reformula la jeune fille.
Florian souffla et laissa tomber sa tête sur l’épaule de Clémence.
- Mais euh…commença-t-il.
- Florian, tu sais bien que Clémence est une fille occupée et intelligente qui éprouve le besoin de suivre une multitude de cours…insista Baptiste.
- J’ai cru le comprendre, merci.
- On pourrait sortir samedi après-midi, proposa la jeune fille.
- T’as pas cours ? demanda Florian.
- Non, je finis à 15h30.
- Ben c’est bon alors ! On pourrait passer te prendre à ton cours, puis aller en ville. Je crois que Lulu’ voulait passer dans le magasin de ton grand-père, fit Sébastien.
- Exact, approuva ce dernier. J’ai un besoin urgent qui ne peut pas attendre la semaine prochaine.
- Tiens, Séb, y’a ta copine qui vient de passer, lança Florian.
- J’ai vu.
- Tu vas pas l’embrasser ?
- Bien sûr que non. Elle n’a qu’à venir, elle.
Baptiste et Ludovic rirent aux éclats.
- C’est le grand amour !
- Et oui, ça fait une semaine qu’on est ensemble.
La sonnerie marqua la fin de la récréation. Plusieurs grognements se firent entendre dans le groupe des cinq amis.
- Et merde ! jura Sébastien.
- On n’aura pas eu le temps de s’en griller une, râla Baptiste.
- Ben écoute, on a une heure de perm’, on peut bien prendre deux minutes pour…
- Hors de question ! éclata Clémence. Vous ne fumez pas maintenant !
- Je suis d’accord avec Clém’, intervint Florian. Je dois vous parler. On va au C.D.I. ?
Baptiste et Sébastien furent bien obligés de renoncer à leurs cigarettes respectives et de suivre leurs amis. Le groupe descendit des marches et se dirigea vers un bâtiment rouge.
- Bon Florian, qu’y a-t-il de si important pour que nous devions renoncer à fumer notre cigarette de 10h00 ?
Les quatre amis étaient assis en face de Florian, et ils semblaient tous impatients. Celui-ci sortit son bloc-note de son sac.
- Oh non, ne nous refais pas le coup du bloc-note ! supplia Ludovic.
- Exprime-toi avec des mots pour une fois !
- Grouille !
- Allez Flo’ !
- Ça vous dirait de monter un groupe de rock avec moi ? demanda Florian.
Baptiste, Sébastien, Ludovic et Clémence regardèrent le jeune homme, sidérés.
- Un groupe de quoi ? s’écria Ludovic.
- De rock ? s’étonna Clémence.
- Mais c’est mortel ! s’extasia Baptiste en levant les bras en l’air.
- Bien sûr que ça nous dirait ! fit Sébastien.
- Vous allez monter un groupe de rock ? demanda Cindy, qui était assise à la table derrière celle du groupe et qui avait entendu la conversation.
- Toi, va te faire…commença Florian.
Le jeune homme s’arrêta, surpris.
- Qui a un stylo ? demanda-t-il, excité.
- Moi, fit Clémence.
Elle lui tendit un stylo bleu qu’il prit aussitôt. Il ouvrit son bloc-note et commença à griffonner quelques phrases.
- Tu écris quoi ? interrogea Sébastien.
- J’ai un truc d’enfer, répondit distraitement le jeune homme.
- C’est quoi ? demanda Cindy.
- Casse-toi, lui dit Baptiste.
- Non, reprit Florian, c’est « va te faire » ! Voilà, j’ai terminé.
Face à l’étonnement de ses amis, il décida de leur montrer la page où il avait un petit couplet.
- C’est pas beaucoup, mais c’est un bon début…J’ai une super idée, qui va tout déchirer, mais j’attends un peu avant de la continuer. J’avais écrit des textes en anglais quand j’étais en Angleterre. Vous voulez les voir ? Je les ai traduit pour que vous les compreniez.
Il n’attendit pas le consentement de ses amis, et leur montra ses textes et des traductions. Clémence et Ludovic se lancèrent dans une lecture approfondie des écrits de Florian.
- Alors, vous en pensez quoi ? demanda le jeune homme, impatient.
- Tu sais…commença Clémence. Je t’aime beaucoup mais je trouve ça très…
- Très ?
- Très égoïste, termina Ludovic, qui avait la qualité (ou le défaut) d’être franc.
- C’est bien écrit, commenta la jeune fille, mais ça ne parle que de toi. Tous tes textes traitent sur le même sujet.
- Crois-moi, on sait tous ce que tu as enduré en Angleterre, tu nous l’as écrit dans tes lettres. On sait que tu as souffert de la solitude, du regard des autres et tout. Mais t’es pas le seul à souffrir dans ce monde. On veut pas te blesser, mais regarde autour de toi. Sébastien et Baptiste ont des problèmes avec leurs parents. « Papa et Maman » se disputent tellement qu’ils en délaissent leurs propres fils. Après, on se demande pourquoi ils fument dix cigarettes par jour !
- C’est vrai, approuva Baptiste. Et Lulu’ aussi a des problèmes. Il est obligé de supporter les railleries et le regard des autres tout simplement parce qu’il « porte du rose » !
- Et tu vois le mec au fond de la salle, continua Sébastien, peut-être qu’il a des envies suicidaires. Peut-être qu’il a envie de se faire saigner ou de sauter du haut de la Cour Blanche. La fille, à côté de lui, elle est peut-être malheureuse parce qu’elle sait que son petit copain la trompe avec sa meilleure amie.
- Tu n’es pas le seul Florian, soupira Clémence en prenant la main du jeune homme. Mon problème à moi, c’est de vous supporter tous les quatre !
- Dis plutôt qu’on est chiant ! s’exclama Baptiste.
- D’accord, répondit la jeune fille. Vous êtes chiants.
- Mais euh ! T’es pas gentille !
- Retire ce que tu viens de dire sinon je te ne donnerais pas les cordes.
- Ok, ok, je retire. Tu es trop gentille.
Florian sourit faiblement. Ses amis avaient raison. Il n’était pas le seul à avoir souffert et à souffrir encore.
- Je suis désolé d’avoir été si direct, fit Ludovic.
- C’est rien. Il le faut dés fois. De toutes façons, j’abandonne les écrits anglais. Si on veut se faire comprendre, vaut mieux écrire en français.
- Surtout que c’est une belle langue, enrichit Clémence.
- Et j’ai décidé d’écrire sur les autres. Et je vous demanderais votre avis, comme ça, ce sera au top !
- Bonne initiative !
- Alors ce groupe de rock ? demanda Sébastien. On le fait ?
- Moi je veux bien, dit Baptiste, mais je vous préviens qu’on n’arrivera pas à se faire remarquer par un réalisateur.
- C’est pas grave, dit Florian, le plus important c’est de jouer et de se faire entendre ! Simplement pour le plaisir !
- Flo’ a raison !
- Donc, récapitula le jeune homme, Lulu’ à la batterie, Séb à la basse, Baptiste à la guitare et moi au micro. Par contre, avis de tout le monde sur les textes. Ça vous convient ?
- Ouais ! s’exclamèrent les trois jeunes hommes en se serrant les mains.
Chacun de tes personnages à sa propre psychologie et on la voit se dessiner peu à peu.
J'ai beaucoup ris au moment où Cindy arrive et où les garçons l'envoie ballader. En plus, ça ne la dérange pas parce qu'elle revient à la charge, elle est maso ou veut juste avoir ce qu'elle ne peut pas avoir.
Je continuerais demain.
Sinon, je suis contente que mon groupe te plaise. :) J'avais très envie de leur donner une particularité chacun. ^^
Merci beaucoup pour tes commentaires !
Bizzzz