- Bande d’imbéciles, siffla Clémence.
La jeune fille se leva immédiatement et empoigna son sac. Les autres membres du groupe la regardèrent, se demandant ce qui pouvait provoquer sa fureur.
- Quoi ? cracha-t-elle. Faîtes-le votre groupe de minables !
- Mais pourquoi tu t’emballes ? Oh calme-toi ! s’écria Florian.
- Comment veux-tu que je me calme ?
- D’abord en arrêtant de crier, ça serait plus commode !
- Va te faire foutre !
Clémence contourna la table, mais Florian la rattrapa par le bras.
- Où tu vas ? demanda-t-il.
- Je vais là où je suis censée être. Avec les filles nulles, moches, connes et bonnes à rien !
Elle se dégagea de l’emprise de Florian, qui resta immobile à la regarder s’enfuir, les bras ballants.
- Qu’est-ce qui lui prend ? demanda Sébastien.
- Elle a pété un câble, ma parole, fit Baptiste.
- On n’a rien fait ! protesta Florian.
Ludovic ne dit rien et sembla réfléchir. Ses amis l’observèrent, étonnés.
- Dis quelque chose Lulu’, tu me stresses à méditer comme ça ! sollicita Baptiste.
- Je pense qu’elle s’est énervée parce qu’elle croit qu’elle n’a pas sa place dans le groupe, expliqua Ludovic.
- Comment ça « pas sa place dans le groupe » ? Il va de soi que Clémence fasse partie du groupe ! explosa Florian.
- De toutes façons, on ne peut pas faire le groupe sans elle, continua Sébastien.
- Non, c’est impossible, en effet.
- Attendez, je récapitule ce que j’ai dit avant qu’elle se mette en colère… J’ai dit « Lulu’ à la batterie… »
- « …Séb à la basse… », continua Ludovic.
- « …Baptiste à la guitare… », fit Sébastien.
- « …et moi au micro », termina Baptiste.
- Oh mon dieu ! s’horrifia Ludovic. Tu as oublié de la citer !
- Mais j’allais la citer après ! se défendit Florian. Elle sait faire tellement de choses que je savais pas à quoi la qualifier sur le moment. Mais je comptais en discuter après.
- Mais « après », tu vois, elle s’est cassée.
- On peut rien faire sans elle ! se lamenta Baptiste. Elle est plus intelligente que nous quatre réunis !
En effet, Clémence était plus douée que le groupe entier réuni. Fille unique d’une famille entièrement composée de musiciens, elle naquit un beau matin d’avril, accompagnée des Quatre Saisons de Vivaldi. Durant toute son enfance, ses parents avaient fait de son éveil, un éveil musical. Ils lui faisaient écouter plusieurs mélodies de jour comme de nuit, et la petite fille qu’elle était s’amusait avec les instruments de la famille. À partir de l’âge de six ans, elle suivit des cours de piano, de guitare et de violon. Elle enchaîna l’apprentissage d’autres instruments, comme la flûte traversière, le saxophone, la clarinette qu’elle maîtrisait très peu et le xylophone. Tous les instruments de la famille n’échappèrent pas à sa soif d’apprendre. Lorsqu’elle eut neuf ans, elle s’intéressa à la danse, dans l’espoir d’être plus gracieuse ; et sa mère l’inscrivit volontiers à un cours de danse classique, ainsi qu’à des leçons de danse moderne. Avant son entrée au collège, elle passa un concours pour être admise à l’École de l’Opéra de Lyon. Elle s’y fit un nom et une réputation, mais elle échoua le concours à cause d’un malaise lors de l’épreuve de danse classique. Déprimée par sa défaite, elle décida de se lâcher sur une batterie qui se trouvait en exposition dans le magasin de son grand-père.
C’est ici qu’elle rencontra Ludovic. Le jeune garçon, qui venait à peine de rentrer dans l’adolescence et qui pratiquait déjà la batterie, lui proposa de l’aider à s’améliorer. Il se retrouvèrent au collège, où elle fit la connaissance d’un autre adolescent qui vivait très mal la vie qu’il avait chez ses parents : Florian. Lui et Ludovic se connaissaient depuis l’école primaire et avaient grandi ensemble. Très vite, Baptiste et son frère Sébastien se joignirent aux trois amis, et ils devinrent tous inséparables. Clémence ne fréquentait pas les jeunes filles de son âge ; ce fut ce qui la détacha du monde des « chipies ».
- Il faut qu’on la retrouve, décida Sébastien. Si elle se trouve avec les filles « nulles, moches, connes et bonnes à rien », on a de quoi s’inquiéter.
Les quatre amis sortirent du C.D.I dans une grande agitation. Il était 10h30 et les cours n’étaient pas encore terminés.
- Où est-elle ? demanda Baptiste.
- Il faut se mettre à sa place. Si on était Clémence, où serait-on aller pour retrouver les filles « nulles, moches, connes et bonnes à rien » ? remarqua Ludovic.
- Euh…aux toilettes ? tenta Sébastien.
- Abruti ! railla le frère. À moins qu’elle ait ses règles, Clémence ne va jamais aux toilettes !
- Abruti toi-même, elle les a eu la semaine dernière !
- Dîtes-moi, comment ça se fait que vous soyez au courant des menstruations de Clémence ? demanda furieusement Florian.
- C’est pour prévoir ses sautes d’humeur, expliqua Sébastien. C’est très utile.
- Non mais je rêve…
Florian poussa une porte et arriva dans la Cour Blanche, ses amis sur les talons.
- Bon, elle n’est pas ici.
- Non, faudrait demander, proposa Baptiste.
- On peut toujours essayer.
Ils interceptèrent une jeune fille rousse, qui passait par-là avec son sac à la main.
- ‘Scuse-moi ma belle, t’aurais pas vu une jolie brune en colère avec des cheveux qui arrivent jusqu’à la taille ? demanda Baptiste.
- Une brune en colère ? répéta la jeune fille.
- Ouais, elle s’appelle Clémence, compléta Florian.
- Oui, je l’ai vue. Je crois qu’elle est devant la Vie Scolaire.
- Merci, firent les quatre jeunes hommes en cœur.
- Au fait, c’est quoi ton p’tit nom ? risqua Baptiste.
- Lucie.
- Au top, moi c’est…
- Baptiste ! On n’a pas le temps pour ça ! Tu dragueras plus tard ! s’exclama Florian.
- Mais euh ! C’est pas juste !
Sébastien entraîna son frère par la peau du cou, et le groupe se mit en route vers la Vie Scolaire. Les deux frères, qui aimait transformer les choses sérieuses en partie de rigolade, se firent passer pour des James Bond.
- Stop ! Bougez plus ! chuchota Sébastien.
- On va se cacher pour pas qu’elle nous remarque !
- Vous êtes pathétiques tous les deux, fit remarquer Ludovic.
Toutefois, Florian et Ludo’ imitèrent Sébastien et Baptiste. Ils se collèrent contre un mur de briques rouges, tous entassés les uns sur les autres.
- Vous la voyez ? demanda Florian, qui était derrière Ludovic.
- Ouais, murmura Baptiste.
- Elle est avec des filles « nulles, moches, connes et bonnes à rien », commenta Sébastien.
- C’est pas vrai ?
- Si Flo’, je te jure.
- Y’a une fille qui lui tend une cigarette, remarqua Ludo’.
- Quoi ?! explosa Florian.
- Non, attendez. C’est pas une cigarette, dit Sébastien. Ça y ressemble, mais c’est pas du tout une cigarette. Je sais ce que je dis !
- Doux Jésus, mère de Dieu, elles vont droguer ma Clémence ! Venez, bande de moules, j’ai pas envie de la retrouver fanée comme une fleur !
Les quatre adolescents bondirent vers le groupe de jeunes filles. Clémence venait tout juste d’accepter le petit rouleau blanchâtre qu’on lui tendait. Elle ne vit pas un Florian affolé arriver par derrière. Il attrapa le rouleau et le jeta sur l’autre jeune fille.
- Garde ton poison pour toi, cracha-t-il.
- Mais qu’est-ce que tu fais ? s’écria Clémence.
- Qu’est-ce que tu veux à la fin ? Qu’est-ce que tu cherches ? À devenir dépendante à la drogue ? Manquait plus que ça, tiens ! Si tu crois qu’on a besoin d’une droguée dans le groupe…
- Je ne fais pas partie du groupe !
- Si, tu en fais partie ! Tu sais très bien qu’on peut rien faire sans toi ! T’es indispensable !
- C’est bien clair, raisonna Baptiste, si tu décides de nous lâcher, alors le groupe, on le fera pas.
- Si elle veut essayer le cannabis, c’est parce qu’elle a des problèmes, intervint la jeune fille qui avait proposé la drogue à Clémence.
- Toi, ta gueule, on t’a pas sonné, lança Sébastien.
- Bon Clémence, tu décides quoi ? demanda Florian.
La jeune fille leva la tête vers lui. Ses yeux azur s’embuèrent de larmes et elle se réfugia dans les bras de Florian.
- C’est de ta faute…fit-elle en reniflant.
- Comment ça de ma faute ? J’ai rien fait moi ! On comptait discuter de ta position dans le groupe plus tard. Tu sais faire tellement de choses…
- C’est à cause de toi que j’ai pas de copines.
- Alors, ça, c’est pas vrai, soutint Ludovic. C’est toi qui as toujours préféré notre compagnie à celle des autres filles.
- Mais c’est à cause de Florian.
- Si tu veux…râla ce dernier.
- C’est vrai, s’exclama la jeune fille, si on n’était pas sortis ensemble, j’aurais eu des copines comme toutes les autres filles.
- Ça n’a rien à voir, ne vient pas mettre notre…
- Waw, vous êtes sortis ensemble ? demanda une fille qui était assise plus loin.
- Je t’en pose des questions moi ?! Non, alors ferme-la ! répliqua Florian.
Il frictionna doucement le dos de Clémence et l’entraîna dans la Cour Blanche avec ses amis.
- Excuse-moi, dit-il, mais c’est toi qui as cassé.
- Je sais.
- Alors, ne viens pas te plaindre.
C’était vrai. Baptiste, Sébastien et Ludovic le savaient très bien : Clémence et Florian avaient déjà vécu une histoire d’amour ensemble. C’était quelques mois avant le départ du jeune homme pour l’Angleterre. Deux semaines avant qu’il ne parte, elle avait décidé de tout arrêter, plongeant ainsi Florian dans une grande phase de déprime. Ce fut cet événement qui le poussa à se lancer dans l’écriture. Clémence lui avait bien fourni des explications, mais il n’avait jamais été convaincu des raisons de son geste. Toutefois, ils s’entendaient encore très bien et ils s’étaient mis d’accord de ne plus évoquer ce sujet gênant.
- Bon alors, tu acceptes ? demanda aussitôt Florian.
- Accepter quoi ?
- De faire partie du groupe, bien entendu !
- Oui. Ça me ferait plaisir.
- Tant mieux, s’exclama joyeusement Ludovic, souhaitant sortir de l’ambiance embarrassante. Non seulement elle est d’accord, mais en plus ça lui fait plaisir ! On oublie donc cette petite histoire et on s’organise. Suivez-moi, bande de mollusques !
Baptiste et Sébastien se mirent au garde-à-vous et suivirent Ludovic d’un pas mesuré. Florian et Clémence traînaient à l’arrière. Ils arrivèrent une fois de plus au milieu de la Cour Blanche, et s’installèrent en haut des marches.
- Clémence pourrait avoir plusieurs rôle dans le groupe, fit Sébastien pour rompre le silence.
- Je ne veux pas être la fille bouche-trou, décréta la jolie brune.
- Tu ne seras pas la fille bouche-trou, expliqua Florian. Si t’as envie de prendre la place de Lulu’ à la batterie, tu pourras, comme ça Lulu’ viendra en second guitariste. Si t’as envie de jouer en second guitariste, tu pourras. Si tu veux intégrer un autre instrument, tu pourras, et on pourra composer un truc génial.
- Je pense que c’est la meilleure solution, dit Ludovic. On devrait écrire sur une feuille tous les instruments que nous savons jouer, comme ça on pourra voir qui peut faire quoi.
L’idée fut adoptée par la totalité du groupe et Florian arracha une feuille à son précieux bloc-note. Il divisa la feuille en cinq colonnes et y attribua un prénom différent. Le tableau et le stylo passa de mains en mains et après plusieurs minutes, ils comparèrent les résultats. Bien évidemment, la colonne de Clémence était la plus remplie. Elle avait même rajouté des commentaires sur ses expériences et ses aptitudes à côté de chaque instrument.
- Bon, fit Baptiste, il me semble que les idées de bases sont à garder. Je n’ai jamais touché autre chose qu’une guitare. Par contre, ça me faciliterait la tâche si on était deux de temps en temps.
- Si on changeait quelques fois de place avec Clémence, ça conviendrait à tout le monde, rajouta Ludovic.
- Toi, Séb, je pense que tu veux rester coût que coût à la basse, remarqua Florian.
- Absolument. C’est pas que la guitare ne m’intéresse pas, mais je suis le seul à savoir jouer de la basse.
- Ah bon ? s’étonna le jeune homme. Clémence ne sait pas ?
- Non, répondit la jeune fille. Ça m’intéresse pas. C’est beaucoup mieux le violoncelle.
- Attention ! Pas de violoncelle, violon, contrebasse ou flûte dans l’orchestre du groupe ! avertit Baptiste, le doigt menaçant.
- Pourquoi ? demanda Clémence.
- Parce que ça ne correspond pas au style du groupe !
- C’est ça ! Macho ! Je te prouverais le contraire !
- C’est à essayer, trancha Florian. On pourrait faire un truc pas mal, en mélangeant le violoncelle au rock.
- Ouais, approuva Ludovic, ça serait original et je suis certain que ça sonnerait bien.
- On verra, fit Baptiste, méfiant.
- J’ai l’impression que tout le monde est de mon côté, lança Clémence dans l’espoir de mettre en rogne le jeune homme.
- Mon frère ne s’est pas prononcé ! Vas-y, Séb…Si tu veux monter dans mon estime, c’est le moment ou jamais de me défendre.
Sébastien regarda Clémence, puis Baptiste. Son regard revint sur la jeune fille et il soupira.
- Cet abruti est mon frère Clémence. Je suis obligé d’être de son côté, sinon je suis certain de retrouver ma chemise préférée étripée ce soir.
- Tu fais le bon choix, commenta Baptiste, tout sourire.
Il tapota d’un air entendu sur l’épaule de son frère, et sans trop savoir pourquoi, ils éclatèrent tous les deux de rire.
- Y’a un truc que je comprendrais jamais avec ces deux-là, fit remarquer Florian. Leurs éclats de rire.
- Je nage aussi en plein mystère, si tu veux savoir, approuva Ludovic.
- Je me demande pourquoi ils se mettent à rire comme ça, sans prévenir, sans de bonnes raisons valables.
- C’est dans leur nature, faut pas qu’on cherche à comprendre, expliqua Clémence.
- Bon, les mecs, arrêtez-vous deux minutes ! s’exclama Ludo’. Il faudrait qu’on trouve un nom pour le groupe !
- Les Patates, proposa Baptiste.
- Ketchup.
- Potatoz.
- Aspirine.
- Tiens, c’est pas mal ce que tu viens de dire Séb, fit remarquer Ludovic. J’aime bien.
- Aspirine, le groupe qui donne mal à la tête, dit Clémence.
- Vous avez pas quelque chose de plus sérieux ? demanda Florian. Personnellement, j’ai pas d’idées !
- Vertige.
- Troubles.
- Stock And Rock.
- Éloqu’Sens.
- Plus ça va, plus ça devient merdique, fit remarquer Florian.
- Aftercrisis.
- The Clash.
- Putain, on s’en sort plus…
- Le Groupe.
- Sad Day.
- Madame Kay.
- Déjà pris.
- Décibel.
- Les Zabrutis.
- F-C-L-B-S.
- Naze, commenta Florian.
- Rock Attitude.
- Les Cinq Fantastiques.
- Bouge ton corps.
- Stop ! hurla le jeune homme en même temps que la sonnerie.
Les quatre voix se turent, obéissantes.
- C’était un beau quatuor, remarqua Clémence.
- Un quatuor qui veut rien dire, rajouta Florian, énervé.
- Ben quoi, ils étaient pas bien nos noms de groupe de rock ? demanda Baptiste.
- On va dire qu’il y a mieux, beaucoup mieux.
- Mes amis, nous allons réfléchir à tous cela en cours d’anglais, annonça Sébastien.
Malheureusement, même en cour d’anglais, ils n’avaient toujours pas trouvé de nom de groupe, ce qui désespérait Ludovic.
- Bon mes petits chatons…commença-t-il en sortant de la salle. Qu’est-ce qu’on va faire si on ne trouve pas un nom pour le groupe ?
- Calme-toi Lulu’, ce n’est pas pressé.
- Mais ça me stresse !
- Zen, Ludovic, zen. Et si on séché le sport, cette après-midi ? demanda Baptiste.
- Je sais pas…fit Clémence. Qu’est-ce qu’on va faire si on y va pas ?
- De la musique !
- Bon, présenté comme ça, on peut faire une exception.
- On va à la maison alors ? s’informa Sébastien.
- Ouais, approuvèrent les autres.
L’après-midi, les membres du groupe s’échappèrent discrètement du lycée et se rendirent chez Baptiste et Sébastien.
- Attendez deux minutes, dit le blond en ouvrant la porte de la maison.
- Allez dans le cabanon, on vous rejoint.
Les deux frères entrèrent chez eux et retrouvèrent leurs parents qui -une fois de plus- se disputaient.
- P’pa…M’man…
- On est rentré…
- Et tu t’en fiches de moi ? Je t’attends tous les soirs, parfois jusqu’à une heure du matin, et toi tu…
- Mais tais-toi, tu racontes vraiment n’importe quoi ! Si je travaille tard les soirs, c’est parce que je me tue à nourrir toi et les gosses ! Mais quand je vois que tu me fais des crises quand je rentre, ben écoute, là j’ai bien envie de te tromper !
- T’es dégueulasse ! Comment peux-tu me dire ça ?
- Ouh, c’est chaud aujourd’hui, fit remarquer Sébastien.
- Vous n’êtes pas à l’école, vous ? tonna le père, qui s’aperçut enfin de leur présence.
- La prof de gym est tombée dans les escaliers, mentit Baptiste, qui était un excellent comédien. Ils ont dû appeler les pompiers pour l’évacuer. On est donc revenu à la maison avec les copains et la copine.
Les parents n’attendirent pas que Baptiste finisse son mensonge. Le père fit une remarque désagréable à la mère, et celle-ci commença à s’emporter. Les deux frères préférèrent s’éclipser, ne voulant pas être témoin d’une nouvelle dispute. Ils se réfugièrent dans le cabanon.
- Alors ? demanda Ludovic, lorsqu’il les vit arriver.
- Ça pète encore.
- Je sais vraiment pas comment ça va finir, cette histoire. Qu’est-ce que tu fais Flo’ ? interrogea Sébastien.
Florian leva le nez de son bloc-note et le considéra joyeusement. Il était affalé sur un coussin et tenait son habituel stylo à la main.
- J’ai terminé !
- Comment ça tu as terminé ?
- Ben…j’ai terminé.
- Je suis d’accord, mais tu as terminé quoi ?
- Mais j’ai terminé la rédaction de mon texte !
- Quel texte ?
- Celui que j’ai entamé ce matin.
- Je croyais que tu voulais attendre avant de la continuer, remarqua Ludovic.
- Oui, mais finalement, j’ai un peu inventé autour du « va te faire ».
- J’ai pas compris, fit Sébastien.
- C’est pas grave, répondit Baptiste.
Clémence s’assit contre Florian et jeta un coup d’œil sur son bloc-note. Le jeune homme l’observa avidement, pressé d’entendre le verdict, mais elle ne répondit pas et se contenta d’éclater de rire.
- Quoi ? C’est nul ? demanda-t-il, vexé.
- J’adore ! s’exclama Clémence. C’est trop délirant !
- Tu sais, y’a le juste pour le refrain que j’ai vraiment été inspiré…
- Mais c’est le refrain qui est le meilleur !
- Montre ! s’extasièrent Ludovic, Sébastien et Sébastien en se ruant sur le pauvre Florian.
- Ah ! Vous m’étouffez ! Laissez-moi respirer bande d'analphabètes !
- Un, deux, un, deux, trois, quatre !
Un son fracassant jaillit du cabanon. C’était Baptiste, Sébastien et Ludovic qui étaient à l’œuvre. Clémence et Florian écoutaient la musique avec un air critique.
- C’est nul ! hurla la jeune fille en secouant la tête.
La musique cessa aussitôt.
- Comment ça c’est nul ? s’énerva Baptiste, qui ne supportait pas ce genre de critique.
- C’est du rock, ma jolie ! fit Sébastien.
- C’est ce que vous faîtes qui est nul ! répliqua Clémence.
- Elle a raison…remarqua Florian. Entre Ludovic qui va trop vite et qui bat trop fort, Sébastien qui fait tantôt le bruyant et tantôt le silencieux, et Baptiste qui fait le guignol avec sa guitare, je peux confirmer que le résultat n’est pas top.
- Et puis, dit la jeune fille à Baptiste, tu aurais pu commencer autrement.
- Ah ouais, et comment ? railla l’intéressé.
- Ben, je sais pas moi…
Clémence se leva et se dirigea vers Baptiste ou plutôt, vers sa guitare. Elle gratta doucement les cordes en réfléchissant.
- Tu pourrais faire un truc comme ça…
- Ouais c’est pas mal…
- Fais-le alors, puisque tu le fais mieux que moi ! Et pour faire un truc encore plus rythmé, Lulu’ devrait commencer à jouer qu’au moment du refrain. Ça fera une entrée fracassante et tu verras, je suis sûre que ça rendra bien.
- C’est à essayer, fit Ludovic.
- On vous écoute, lança Florian en faisant signe à Clémence de s’asseoir à côté de lui.
- Non, répondit-t-elle, je vais me mettre aussi la guitare. On y arrivera mieux.
- Si tu veux…
Clémence empoigna une seconde guitare, et se mit à côté de Baptiste. Celui-ci commença à jouer d’une autre façon que la première fois, accompagné par la jeune fille. Puis, quelques secondes plus tard, Florian fit un signe de tête à Ludovic qui commença à battre la mesure.
- Plus fort ! s’exclama Florian. Lulu’, essaye de faire un genre de « po-po-po-pom » !
Oh, tu sais, j’ai mis quelques années à comprendre la leçon
Au lycée, je gravais sur les tables les lettres de ton nom
Tu m’as toujours ignoré, mais tu réapparais
Comme si je t’attendais
Alors va te faire
Wowowo
Tu sais maintenant j’ai mieux à faire
Wowowo
Tu peux remuer ciel et terre
Wowowo
Au lieu de te satisfaire, tu m’en voudras pas j’espère
Je préfère encore mes plaisirs solitaires
« Wouw »
Ah d’accord, t’étais pas assez mûre, faudrait te pardonner
Nanana, nanana
Ah d’accord, tu sais que c’était dur et t’en es désolée
Nanana, nanana
Mais les temps ont changé
Et la roue a tourné
À moi de jouer
Alors va te faire
Wowowo
Tu sais maintenant j’ai mieux à faire
Wowowo
Tu peux remuer ciel et terre
Wowowo
Au lieu de te satisfaire, tu m’en voudras pas j’espère
Je préfère encore mes plaisirs solitaires
Non mais tu croyais quoi ?
J’ai eu le temps d’oublier
Les rêves, les faux espoirs
Qui font partis du passé
Souviens-toi,
Regrette-moi
Regrette-moi, regrette-moi
Wowowo
Tu sais maintenant j’ai mieux à faire
Regrette-moi, regrette-moi
Wowowo
Tu peux remuer ciel et terre
Regrette-moi, regrette-moi
Wowowo
Au lieu de te satisfaire, tu m’en voudras pas j’espère
Je préfère encore mes plaisirs solitaires
Regrette-moi, regrette-moi
Wowowo
Tu sais maintenant j’ai mieux à faire
Regrette-moi, regrette-moi
Wowowo
Tu peux remuer ciel et terre
Regrette-moi, regrette-moi
Wowowo
Au lieu de te satisfaire, tu m’en voudras pas j’espère
Je préfère encore mes plaisirs solitaires
Ludovic frappa un dernier coup sur sa cymbale. Le groupe reprit son souffle.
- J’en peux plus ! fit Florian. On a vraiment cassé la baraque.
- On garde cette version, hein les gars ? demanda Sébastien
- Oui, je vais noter de ce pas les notes. Flo’, file-moi ta feuille et son stylo ! s’exclama Baptiste.
- Quoi ? Tu vas écrire dessus ?
- Bah ouais !
- J’ai faim. Je veux manger, réclama désespérément Clémence.
- Vos désirs sont des ordres Mademoiselle, commença le jeune homme à la cravate.
- Nous allons nous occuper de cela tout de suite, continua le frère.
Baptiste et Sébastien s’aventurèrent dans leur maison. Leur père n’était plus là, et ils ne savaient pas où se trouvait leur mère. Cependant, ils entendirent des sanglots venant de la chambre de leurs parents.
- M’man ? s’étonna Baptiste, voyant sa mère recroquevillée sur elle-même.
Les deux frères s’assirent à côté d’elle, et repoussèrent les mèches de ses cheveux qui tombaient sur son front.
- Pourquoi tu pleures ? demanda doucement Sébastien.
- Je n’en peux plus…sanglota la mère. Je souffre trop. J’en ai marre de votre père.
- Oh M’man, ça va passer, tu le sais bien.
- Non, ça ne s’arrêtera pas. Je ne veux plus rester ici. Mais je n’ai pas assez d’argent pour demander le divorce, ni pour déménager dans un appartement. Et puis, je ne veux pas laisser mes deux bébés ici.
- Bon, tu sais ce que tu vas faire, proposa Baptiste. Tu vas dormir un peu, ça te fera du bien. Puis, une fois que tu seras bien reposée, on en reparlera entre nous. On trouvera forcément une solution. Si ça se trouve, Papa va se réconcilier avec toi.
- Je ne sais pas…Vous sentez la cigarette, remarqua faiblement la mère.
- C’est Ludovic, il fume comme une cheminée, et ça s’imprègne sur nos vêtements, mentit le jeune homme blond.
- Je ne savais pas que Ludovic fumait.
- C’est nerveux, tu sais…confia Sébastien. Allez, repose-toi maintenant.
Sébastien étala une grande couverture sur la malheureuse femme, et Baptiste la cala sur un oreiller. Ils la bordèrent de chaque côté et l’embrassèrent avant de quitter la chambre. Lorsqu’ils retournèrent dans le cabanon, ils se firent agresser par Clémence.
- Et le goûter ? lança-t-elle, furieuse.
- Merde ! Le goûter !
- On n’y a plus pensé !
Fort heureusement pour le groupe, la mère de Baptiste et Sébastien -qui aimait désobéir comme ses fils- entra dans le cabanon avec un grand plateau rempli de pain, de confiture, et de Nutella.
- Je vous ai apporté le goûter, dit-elle sur un ton désolé, je pensais que vous auriez un petit creux.
- Maman, qu’est-ce qu’on t’a dit y’a dix minutes ? tonna Sébastien.
- Va te reposer !
Les deux frères prirent aussitôt un bras de leur mère, et la raccompagnèrent dans sa chambre pour la coucher. Lorsqu’ils revinrent dans le cabanon, Ludovic avait repris sa place à la batterie et Clémence mangeait encore.
- Bon, on continue ? demanda Baptiste.
- Sans moi, fit Florian. J’ai commencé un nouveau texte.
- Dis-donc, tu bombardes toi, remarqua Sébastien.
- Ouais, j’ai plein d’idées.
Florian replongea le nez dans son bloc-note et se mit à écrire rageusement. Clémence, curieuse, chercha à lire par-dessus son épaule.
- Nan ! grogna le jeune homme.
- Ça parle de quoi ?
- De rien !
- Dis-moi !
- Nan !
- Allez !
- Nan !
- Clémence, tu vois bien qu’il ne veut pas dévoiler son texte maintenant. Viens plutôt jouer avec nous, dit Ludovic, sauvant ainsi Florian de la curiosité de la jeune fille.
Elle obéit et se précipita sur Ludovic pour lui voler ses baguettes.
- Rends-moi mes baguettes !
- Nan !
- Allez !
- Nan !
- Clémence…
- C’est Clémence qui commande la musique maintenant, lança la jeune fille. T’as qu’à aller à la guitare !
- Je crois que j’ai pas le choix…soupira Ludovic.
Il prit place à côté de Baptiste, et le groupe recommença à jouer de la musique, à l’exception de Florian, qui avait toujours le nez plongé dans son bloc-note.
J'ai bien aimé les idées pour le nom du groupe. Surtout "le groupe" ça m'a fait rire.
J'espère que ça va s'arranger pour les parents de Baptiste et Sébastien. Les parents qui s'engueulent tout le temps, c'est vraiment pas la joie.
En tout cas, on sent que maintenant ça ne rigole plus, ça commence vraiment à travailler dur.
Je pense que ça se devine aisément, mais j'ai énormément galéré pour trouver un nom de groupe ! x) Et en fait, pour être franche, ce n'est même pas moi qui l'ait trouvé ! XD Enfin bref, je crois que ce qui ne peut arriver que de meilleur à Baptiste et Sébastien, c'est que leurs parents divorcent car, en effet, ils souffrent beaucoup de cette situation... :( C'est pas très drôle, en effet...