Enquêteur, nm. com.
Un Enquêteur est un légionnaire appartenant à la Faction Mandarin. Il est assigné aux enquêtes criminelles et aux affaires martiales. Sa principale mission est de faciliter les jugements en apportant des preuves sur le déroulement des faits qui entourent un délit ou un crime. Un Enquêteur effectue un travail de recherche sur le terrain permettant aux Limiers (cf. déf Limier) de traquer un Renégat ou un criminel à l'égard du Landau. Le travail de l’Enquêteur permet aussi d’apporter des éléments de preuve qui permettent de clarifier les faits autour du crime jugé.
Extrait de l’encyclopédie du Landau de la 5ème ère à nos jours. Opus Légion, Alinéa Faction.
En jouant à faire rouler les cartes entre ses doigts, Billy marchait entre les passants d’Oldania. Il tourna dans une allée adjacente à la rue principale, qu’il jugeait bien trop agitée à cette heure de la journée, et continua à s’enfoncer dans la ville jusqu’à arriver dans l'arrière-cours d’un immeuble où se trouvait déjà, assis sur une caisse de bois, un jeune homme d’une quinzaine d’années. Sa peau et ses cheveux coiffés en dreadlocks étaient noirs. Il portait de beaux vêtements de soie sombres qui resplendissaient sous les quelques rayons de lumière qui parvenaient à atteindre la petite place carrée.
« Yo Bensom. lui dit Billy. Tout roule ?
- Moins bien que pour toi Ash, on a pas tous un ange de jeune fille qui s’est prise d’affection pour nous, lui lança Bensom en se rapprochant de l’enfant. Comment elle va, ta copine militaire ?
- Si c’est pas ma copine, y’a encore moins de chance que ce soit la tienne ! dit Ash. Elle t’apprécie toujours pas beaucoup.. En revanche, regarde ce qu’elle m’a offert ! »
Il fit rouler quelques cartes entre ses doigts pour présenter le paquet à son ami.
« Argh, une fillette de douze ans, non merci. répondit Bensom avec dégoût. Sympa comme cadeau. Avec ça on va pouvoir faire du poker sur mesure ! (lui faisant un clin d'œil) Fini les galères de cartes !
- Haha, évidemment. Mais pas celles-ci, j’en achèterai d'autres. répondit Ash.
- T’es sérieux ? Comme tu veux, c'est ton cadeau. Et les dés que je t’ai passés, t’en as fait quoi ?
- Écoute.. Euum, j’suis désolé Bensom.. Ils veulent jamais s’arrêter sur une défaite. J’ai fini par partir en courant, en les laissant derrière moi.
- Fais chier ! C’est pas facile de trouver des dés pipés ! Et je t’avais déjà dit, faut qu’il y ait un public ! Comme ça ils prennent pas la confiance et acceptent mieux leur défaite !..
- … “Mais pas trop de public pour pas se faire repérer par la milice” cita Ash sur un ton monotone. Je sais. Mais on n'emmène pas Yohan le Balafré là où on veut quand on a dix ans.
- HAHAHA ! s'esclaffa Bensom. Tu ne changeras jamais Ash ! Yohan le Balafré ! Et t’as gagné combien alors ?
- Trois billets de cuir.
- Pas mal, ça fait quoi ? Trente Gramms, c’est pas rien ! Tu m’en passeras un et garderas l’autre. Mais on va garder le troisième pour le prochain coup que j’nous ai préparé. »
Vers la fin de l’après-midi, les deux garçons marchaient côte à côte dans les rues pavées d’Oldania. Bensom longea un immeuble et s'arrêta à l’angle avant de barrer la route à Ash avec son bras.
« Regarde.
Il pointa de son majeur un poteau en métal surplombé d’une petite coupole tenant en son centre une bille bleue.
« Tu vois la gemme d’enregistrement bleue là-haut ? À dix-huit heures pile, elle va s’éteindre pour quatre minutes. J’ai un pote qui va nous aider sur ce coup-là. T’inquiète, il a une dette envers moi, ça ne nous coûtera rien. D’ailleurs Ash, (il se retourna face à l’enfant masqué) si t’as le choix entre un billet de cuir et une dette, prends la dette. Un homme en dette peut faire bien plus que dix Gramms. Sauf s’il perd en étant bourré ou camé. Là, tu prends le billet. Les camés ça ne respecte pas les dettes.
- D’accord. acquiesça Ash religieusement.
Bensom tourna de nouveau la tête vers le poteau à gemme :
« Bien. Maintenant concentre toi. Quand la cloche de l’église commence à sonner, je me mets sous le poteau et tu grimpes sur mes épaules. T'as pas le vertige ?
- Je sais pas.
- Bah c’est le moment de le découvrir. Quand tu seras sur mes épaules t’auras une minute pour décrocher la gemme de son socle, compris ?
- Je croyais qu’on avait quatre minutes ?
- Arrête de réfléchir et fais ce que je te dis gros malin. »
Ils attendirent une dizaine de minutes avant que l’église ne fasse sonner sa plus grosse cloche dans un vacarme assourdissant. Il n’y a que trois églises à la capitale Oldania (si on ne compte pas les lieux de cultes des disciples des Jashins qui ne possèdent pas de clocher), alors quand elles sonnent, elles font du bruit. Au signal assourdissant, les deux garçons se précipitèrent. C’est seulement sur les épaules de Bensom, au moment de casser le socle en deux, que Ash compris pourquoi il n’avait qu’une trentaine de secondes (et non la minute promise par son acolyte).
« Mais quel con ! »
Car le bruit des cloches allait masquer le claquement de la coupole au moment de retirer la bille. S’il attendait plus longtemps, les cloches cesseraient de vibrer et un Milicien dans la rue passante la plus proche, Sentinelle (si on veut être précis), risquerait d’entendre le vacarme et venir en inspecter la cause. Il tira de toutes ses forces, presque pendu à la gemme à bout de bras, quand elle céda. La coupole lâcha la bille à contre-coeur en faisant son plus beau “Claque!”. Faible sur ses appuis, son ami le rattrapa à bout de bras avant de le poser par terre et de lui lancer :
« Bien joué Ash, ça aurait pu être pire ! Maintenant on sait que t'as pas le vertige ! »
À ces mots, ils détalèrent comme des furets entre les immeubles.
De retour à la petite place carrée, Bensom récupéra une veste qu’il enfila soigneusement avec un air de satisfaction non dissimulé.
« Mais Bens, pourquoi on a volé une gemme d’enregistrement ? Et quitte à en prendre une, pourquoi une bleue et pas une rouge ?
Bensom se retourna vers Ash avec la légèreté d’une danseuse classique et s’adressa à lui avec l’intonation d’un présentateur de cirque :
« La bleue pour deux raisons. Déjà comme les rouges ont plus de capacités elles sont plus rares mais surtout le dispositif auquel elles sont attachées est plus complexe. T’aurais pas réussi à la prendre et moi… Beh qui m’aurait porté ! Et la seconde raison… (il marque un temps d'arrêt et souligne son visage d’un sourire malicieux) Tu vois les pierres bleues qu’on trouve sur le souk ?
- Celles à un Gramm les dix ? Tu parles des pierres décoratives qui s'effritent pour laisser une bonne odeur ?
- Exactement. Demain on va en acheter cent avec un des billets de cuir que t'as pris à Yohan le balafré. Ensuite, t'iras aux adresses que j’ai notées sur cette feuille. Il lui tend un papier jaunâtre et chiffonné qu’Ash prend et déplie avec la délicatesse d’un archéologue en pleine découverte. Tu dois casser une fenêtre à chacune de ces maisons et tu t’enfuis aussitôt. On se retrouve dimanche pour mettre mon plan au point. Tu sais combien tu mesures ? »
* * *
Le dimanche suivant, assis sur une des caisses en bois de la cour, Ash attendait son ami en s’entraînant à lancer ses cartes. Après trois lancers, il en planta une dans le bois. Il se retourna comme pour montrer son exploit mais personne n’était là pour le voir. Il se leva, s'étira, et au moment de la ramasser la voix de Bensom sortit de l’ombre :
« Arrête avec ça, tu perds ton temps. Essaie plutôt d’en garder huit dans une main sans que ça se voit. Mon record c’est sept. Mais avec huit on peut faire plus de combinaisons.
- Salut Bens, lui dit Ash. Qu’est-ce que t’as dans les mains ? Des nouveaux vêtements ? Tu t'accroches vraiment trop aux apparences.
- Dis celui avec un masque sur le visage ! se moqua Bensom. Dis-toi que ton apparence, c’est le premier truc que les autres voient. C’est ça qui définit la confiance qu’ils vont placer en toi. Et je vais te le prouver ! Ces vêtements ne sont pas à moi, c’est un emprunt, alors sois sympa et prends-en soin.
- Pour moi aussi ?
Après avoir admiré le bleu de travail, Ash leva des yeux suspicieux entre les fentes de son masque blanc.
« Comment ça “un emprunt” ? finit-il par demander.
- C’est à mon pote technicien. Il travaille pas en fin de semaine et m’a laissé prendre sa salopette et même une autre à ta taille. À condition qu’on les lui rende dans le même état.
- Des salopettes ? Pourquoi on va en avoir besoin ?
- T'as mangé aujourd’hui ?
- Non. Je déteste quand il répond pas comme ça.. se dit l’enfant.
- C'est bien, dit Bensom en lui donnant le bleu de travail. Économise encore tes Gramms.
Bensom chuchota comme pour se convaincre :
- On y arrivera, bientôt.
Il reprit :
« Ce soir et demain tu pourras manger. Mais là on va se contenter de ça pour rester concentré.
Bensom envoya une pomme un peu cabossée que Ash rattrapa comme un top joueur de baseball puis défit sa veste de velours et fit un signe de tête en direction de la salopette.
« Bon je t’explique. Tu te souviens du coup de “la chorale pour une pièce” ?
- Quand je toquais aux portes des maisons dans le quartier de la classe moyenne pour chanter pendant que tu passais par le jardin ou le toit pour les cambrioler ?
- Pas les cambrioler ! Leur prendre ce qui ne leur sert pas. reformula Bensom. Oui. Eh bien on va faire quelque chose de similaire mais moins dangereux et qui rapporte deux fois plus. »
Après s'être changés, les deux garçons en salopette se mirent en route dans une des artères principales du quartier de la classe moyenne d’Oldania. Bensom portait dans sa main gauche une mallette noire et Ash un sac en bandoulière trop grand pour lui. Ash s’arrêta soudainement :
« Je reconnais très bien ce quartier ! C’est ici que je suis venu … » Bensom posa sa main sur le masque qui vint s’écraser contre le visage du gamin.
« Chuuuut. Tout le monde n’a pas besoin de savoir. Bon. Écoute. Tu fuis un peu le regard de la cible, histoire qu’elle le cherche. Mais quand ils te fixent, regarde-les droit dans les yeux pendant quelques secondes, puis tes pieds. Tu dois faire pitié, pas provocateur, donc gère bien le timing. C’est ok ?
- T’inquiète je gère le regard, c'est la seule chose qu'on peut voir avec mon masque.
- Je sais, mais j'ai besoin d’énumérer. Tu comprendras quand tu monteras tes propres coups. (il prend une grande inspiration et souffle lentement avant de toquer à la porte de la maison à côté de lui) C’est parti ! »
Après quelques secondes (juste le temps pour Ash de sentir son coeur s'accélérer et que de l'humidité se forme sur la pulpe de ses doigts), la porte s’ouvrit sur un petit bonhomme en débardeur, moustachu, avec les sourcils en bataille :
« C’est pourquoi ? Vous savez pas que c’est dimanche ? Y’a pas idée de venir déranger les gens comme ça le jour du Roi..
Bensom prit un air sérieux :
« Bonjour Monsieur, je me présente : je suis Roger de l’entreprise “Sauf-C-mieux” et voici mon équipier probatoire, Tenders. Je me suis permis de toquer chez vous aujourd’hui parce que notre entreprise a été contactée par vos voisins. (il marqua une pause et balaya les alentours du regard avant de reprendre) C’est un peu délicat, il serait préférable d’en parler à l’intérieur. Vous permettez que l’on rentre juste une minute ?
- Bon… (le monsieur se caressa la moustache) Mais pas longtemps hein !
- C’est promis. Merci. »
Une fois dans le salon, l’homme prit son ventre comme on soulève un vase et s’affala dans son fauteuil en poil de Lupsar.
Pendant que Bensom prenait soigneusement place, Ash s’éloignait derrière lui et fit le tour du salon. Pendant que Bensom parlait, Ash mettait dans les poches de sa salopette quelques breloques en argent qu’il trouvait mais prenait soin de laisser les pièces de monnaies qu’il croisait, histoire de ne pas attirer l'attention. Surtout si l'homme voulait payer ensuite avec !
« Comme je vous l’ai dit je me nomme Roger et travaille pour l’entreprise “Sauf-C-Mieux”. Vous êtes… ?
- Albert. Albert Paste. fit le gros Monsieur.
- Alors voilà (Bensom marqua une courte pause, histoire de rendre la scène plus dramatique) Mr. Paste, je n’irai pas par quatre chemins. Un voisin dont je tairai le nom, car notre entreprise respecte et privilégie l’anonymat de ses clients, nous a contacté pour nous signaler un cambriolage. Il semblerait que des individus aient tenté de s’introduire dans leur maison en cassant une fenêtre pour accéder à l’intérieur. Comme nous sommes spécialisés dans les gemmes de surveillance de qualité et à bas coûts nous avons tout de suite dépêché une équipe sur place pour les installer avec nos derniers modèles (les plus fiables) et revoir leur système de sécurité gratuitement*. »
*Offre soumise à conditions : il est nécessaire que le bien immobilier soit assuré chez Sauf-C-Mieux ou une de ses filiales partenaires.
Note :
- Attends.. Bensom a dit les conditions de gratuité ?
- Bien sûr.
- Mais c’est pas dans le dialogue..
- Ils sont très forts ces commerciaux.
L’homme se redressa dans son fauteuil, tenant toujours son précieux ventre, et afficha un air grave avant de prendre la parole :
« Vous me croyez si je vous dis qu’il m’est arrivé la même chose il y a quelques jours ? Une vitre brisée. Par chance, ils ne sont pas entrés !
- Sérieusement ?! (feignant d’abord la surprise, Bensom se retourna ensuite vers Ash) Tu entends ça Tenders ? Nous avons bien fait de passer au cas où… !
- Que faut-il faire ? s’enquit Mr. Paste.
- Et bien je n’ai sur moi que des modèles déballés mais je peux vous montrer leur efficacité sur le champ.. »
Bensom posa la mallette sur la table et en sortit la gemme d’enregistrement volée la semaine d’avant. Il effectua une courte pression entre ses doigts et la bille projeta aussitôt l’image de l’homme dans son fauteuil. Stupéfait et heureux, ce dernier se leva.
« Avec ça je pourrais les effrayer ! Ils ne risquent pas de revenir !
- Avec ça, cher monsieur, reprit Bensom, vous risquez même de les attraper sans l’aide de la Milice !
- Je vais vous en prendre deux. À combien sont-elles ?
- … Eh bien, normalement c’est deux billets de cuir la gemme et cinq Gramms la pose ce qui fait un total de vingt-cinq Gramms. Si vous en voulez deux, ce qui semble approprié pour votre maison, cela fait 50 Gramms.
- À oui quand même..
Bensom se gratta l’arrière de la tête avant d’ajouter, l’air embêté :
« Mais vous m’avez l’air dans le besoin urgent. Après tout, ils sont déjà venus en repérage il y a à peine quelques jours… Je me sens soucieux pour votre sécurité. (il se tourna vers Ash, immobile) Tenders, écoute moi, nous allons lui offrir la pose d’accord. Mais je ne veux pas que tu en parles aux supérieurs. C’est compris ?
- Oui m’sieur Roger. J’en parlerai pas m'sieur.
- Parfait ! pensa Bensom. T’es vraiment un As Ash.
- Oh c’est vraiment admirable de votre part. leur dit Mr. Paste. Merci beaucoup à vous deux.
- Tenders, commence à déposer le dispositif, tu veux ? demanda Bensom. Je vais m’occuper de revoir le système de sécurité général de Monsieur pendant ce temps. »
Ash prit alors la mallette et Bensom mit la gemme de surveillance dans sa poche. En sortant ses outils, Ash commença à accrocher un cailloux sent-bon, ressemblant fortement à la gemme bleue utilisée pour la démonstration, au-dessus de la porte de Mr. Paste. Il la tint avec la pince pendant qu'il appliquait la bave d’Akar collante autour.
« Vous avez dit tout à l’heure que c’est votre équipier probatoire, c’est à dire ? demande Mr. Paste. Et pourquoi porte-t-il un masque ?
- Oui, répondit Bensom. Comme vous pouvez le voir il est encore jeune donc il est en apprentissage. Il porte un masque parce qu’il a été victime d’un incendie. D’habitude il n’intervient pas sur des urgences comme celles-ci mais les cambriolages se multiplient et j’ai besoin d’aide vous savez.. De plus, ça lui rapporte un peu d’argent pour aider son foyer, lui aussi dans le besoin. Vous faites le bon choix. En installant ces gemmes vous perdez un peu de monnaie mais vous gagnez en sécurité et de plus vous aidez les plus démunis.
- Et je vous en remercie ! lui dit le monsieur en prenant sa main.
- Alors, pour vos objets les plus précieux, reprit Bensom. Je suppose que comme tout le monde, vous disposez d’un coffre ? Vous voulez que j’y jette un œil pour voir s’il est à toute épreuve ?
- Ah ce serait avec plaisir ! Suivez-moi. »
L’homme montra à Bensom un cadre de peinture représentant la statue de cinq hommes debout face à une forme bestiale humanoïde allongée à leurs pieds. Ils le soulevèrent à deux et le posèrent par terre. Derrière se trouvait un coffre en métal noir encastré dans le mur. Mr. Paste l’ouvrit. À l'intérieur on y distinguait des lettres, des billets de cuir et des figurines.
« Bien, je vous laisse faire.
Il commença à sortir ses biens du coffre quand Bensom l'arrêta d’une main délicate sur l’épaule.
« Non, ne vous en faites pas, je ne vais même pas avoir besoin de les sortir pour vérifier les jonctions ou consolider le coffre. Je vous appellerai si jamais il le faut.
- Parfait. Vous voulez quelque chose à boire ?
- Un café si possible oui. Merci.
- Très bien, je vais vous chercher ça. Et pour le petit ?
- Un verre d’eau, vous êtes bien aimable. »
Une fois l’homme sorti de son champ visuel, Bensom ne perdit pas de temps. Il prit tous les billets et les mis dans les poches de sa salopette. Il feuilleta les lettres, deux d'entre elles étaient des lettres d’amour datant de plusieurs années, il les mis en boule et les replaça au fond. Six d’entre elles étaient des cachets de banque. Il les plia pour qu’elles rentrent dans sa poche et quand l’homme revint le café dans la main il avait refermé la porte du coffre et remis le cadre.
« Merci. dit-il en prenant la tasse. Alors. il l’avala d’un trait. Je vous ai remplacé les jointures et j’ai remis du liquide de stabilisation pour éviter des fissures ou quelconque fuite dûes au temps. Dans l’état dans lequel il était, on aurait pu forcer votre coffre à l’aide d’une brosse à dent..
- Heureusement que vous êtes passés… dit l’homme ébahi.
- Ce n’est rien Mr. Paste, le conforta Bensom d’une main sur l’épaule. C’est mon métier après tout. Chacun fait sa part. J’ai vu que vous ne faisiez pas partie de notre programme de fidélité donc cette révision devrait vous coûter soixante Gramms, mais l’intervention était rapide donc je vous en fait cadeau.
- Vraiment… Je ne sais pas quoi dire.
- Ne dites rien voyons. En revanche si vous voulez je peux vous inscrire sur le programme. Votre maison sera garantie et les prochaines réparations seront gratuites.
- Ah oui ça serait chic ! s’enjoua le moustachu.
- Pas de soucis, je ferai ça de retour au bureau. Donc les deux Gemmes pour quarante Gramms, la pause et la réparation offertes ainsi que les frais d’ouverture de dossier de dix Gramms et l’adhésion au programme de fidélité de vingt Gramms… Ça vous fait un total de soixante-dix Gramms. En billets peut-être ?
- Euh oui, si ça vous arrange.
- Impeccable, dit Bensom. Par contre, je dois vous prévenir, si vous ne voulez pas ruiner mon travail et la sécurité de votre coffre, vous ne devez surtout pas l’ouvrir avant les trois prochains jours au minimum. Vous risqueriez de déformer les alliages et ça ruinerait le coffre. N'oubliez pas de prévenir votre femme.
- Entendu. Ne vous en faites pas pour ça, elle est partie il y a un moment.
- Bon. Sur ce. TENDERS, TU AS FINI ?
- OUI OUI, cria Ash depuis l’entrée. JE VOUS ATTENDS ROGER.
- Bien, au revoir mon cher Monsieur. Et surtout s'il y a quoi que ce soit, n'hésitez pas à contacter l'entreprise, nous sommes sur la place du palais. Nous reviendrons gratuitement pendant les deux prochaines années.
- Merci, vous faites un travail formidable ! »
***
Après avoir fait un peu moins d’une dizaine de maisons, la mallette à fausses gemmes d’enregistrement fut vide de cailloux, et pleine d’argent volé et d'objets de valeur. Tout comme le sac en bandoulière de Ash.
De retour à la petite cour carrée, ils plièrent les salopettes et les posèrent dans le sac à outils.
« J’irai les apporter demain à mon pote. Merci pour aujourd’hui Ash, t'as été super. Je ne l'aurais pas fait sans toi.
- Bahf… T'as quasiment tout fait.. Je suis content que tu me paies moitié-moitié. Je peux garder les statuettes du culte des précurseurs ? T’en feras rien de toute façon.
- Bien-sûr. Je savais pas que t’étais croyant. Et j'espère que tu rigoles quand tu dis que j'ai tout fait, t’es allé acheter les pierres et c’est toi qui as cassé les vitres de ces maisons. Sans toi y aurait rien eu. Au fait, ce soir je vais au poker, je peux prendre les cachets de banque ? On ne pourra pas les utiliser de toute façon. Si on essaie de les encaisser on va se faire choper.
- Oui bien-sûr. Je vais t’accompagner, de toute façon là j’arriverai pas à dormir.
- Et toi tu n'as pas pris une dizaine de cafés ! s'esclaffa Bensom. »
***
Assis autour d’une table ronde recouverte de velour pourpre, quatre hommes tenaient des cartes à jouer. Devant eux, des piles de morceaux de cuir et de feuilles manuscrites. En tout, sur les vingt parties, Bensom en avait perdu deux. Il s’était couché sur dix tours, sans rien perdre ni gagner, et avait remporté huit parties. Le café dans son sang, son caractère, la chance qu’il avait depuis les cinq derniers tours et la froide nuit noir du mois de décembre qu’il connaissait trop bien depuis trop longtemps le poussaient à tout miser sur le double As dans ses mains. Avec les deux Rois et le troisième As posés sur la table, il souhaita faire un Full aux As par les Rois. Non seulement il n’y avait que trois mains au-dessus de la sienne, mais en plus, même un autre Full ne pouvait pas être aussi fort. Il misa tous les cachets de banque mais aussi vingt Gramms. Il ne restait que lui ainsi que Zaranthra, un baron de la pègre Oldanienne, qui ne s’était pas encore couché. Ce dernier suivit la mise. Au moment de dévoiler les cartes, Bensom comprit son erreur. Avec les deux Rois déjà sur la table, Zaranthra visait le carré de Rois. Il avait dans sa main les deux autres Rois qui lui permettaient de poser une main supérieure à celle de Bensom.
« HAHAhaha !!! ria Zaranthra à plein poumons. Tu ne changeras jamais mon petit Bensom ! Hahaha, tout miser en étant aussi sûr de soi.. Tiens, prends ça et fous le camp. »
Il jeta un billet de cuir aux pieds de Bensom avant de tirer vers lui le pactole sur la table. Bensom, navré par la perte, ne put même pas refuser ce billet. Il le ramassa piteusement et sortit du bâtiment.
À l’extérieur, Ash qui était collé à l’aération, avait tout entendu. Il tenta de rassurer son ami.
« Alors ? Comment ça s’est passé ?
- Ben j’ai gagné. Puis j’ai perdu.
- Ahf.. ça arrive. On se refera. Et puis de toute manière c’était surtout des cachets inutilisables alors on s’en fiche. »
Même s’il disait ça, ils savaient tous les deux que Bensom les avait éloignés un peu plus de leur but : sortir de la misère.
« Bon, je suis allé chercher les pancartes. J’en ai déjà posé quatre. Tu t'occupes de la rue du Poing-fermé, moi je prends celle d’en face. Tiens, tu peux commencer sur celui-là (il montre un homme qui dort par terre).
- D’acc. Merci Ash »
Sur le sol gisait un homme bourré, probablement dans le coma. Bensom lui retira son chapeau haute forme et le mit sur sa tête.
« Ça te va bien, dit Ash.
- Merci. (Bensom se penche sur l’homme bouré) Mmm.. Laquelle lui irait le mieux… »
Il regarda dans ses bras les panneaux et déposa sur l’homme une pancarte avec inscrit :
« Messieurs, mesdames, quand vous passez devant moi, ne voyez pas un homme qui dort par fatigue mais un frère, un ami, un mari, qui se réfugie dans le sommeil pour oublier la faim. Si vous pouvez rendre mon réveil plus doux avec une petite pièce, je vous en prie, faites-le. »
Il était quatre heures du matin. Demain matin, ce sera le début de semaine. Les deux garçons arpentaient les rues, des pancartes à la main. Non loin de chaque taverne, se trouvait une personne en piteux état. Ravagée par l’alcool. Et sur chacune d’entre elles, ils posaient une pancarte. Et pendant les six premières heures du jour, les deux garçons marchaient en suivant un circuit très précis. Ils retournaient voir les échoués, comme ils les appelaient, ramassaient les pièces, leur donnaient une claque. S’ils beuglaient, les garçons remettaient une claque. À la seconde claque, si l'échoué ne s’était pas réveillé, ils passaient au suivant. Puis au suivant. Et jusqu’à dix heures du matin, ils ramassaient l’argent que les passants déposaient sur ces échoués. Certains se réveillaient, comme l’homme au chapeau haute forme qui chercha son couvre-chef quand Bensom reprit la pancarte qu’il venait de déposer sur son torse.
« Bon somme monsieur ? demanda Bensom.
- Eh ? fit l’homme qui peinait à ouvrir les yeux. Euh oui.. J’ai mal à la tête.. Mais… Vous avez mon chapeau !
- Ah, euh, oui.. attendez. »
Bensom posa le carton, se baissa et noua fermement les lacets du pauvre bougre entre eux sous ses yeux plissés. Il se releva, et avec un grand sourire lui répondit avec un clin d’oeil :
« Maintenant, il est à moi ! »
Quand l’homme tenta de se lever pour poursuivre Bensom qui s’en aller en marchant, il tomba face contre le sol et s’étala de tout son long. Si on prête l’oreille, on pouvait entendre une femme dire :
« Quelle sotte j’ai été de laisser une pièce à cet énergumène ! Il ne tient même pas debout ! ».
Mais Bensom et Ash savaient bien que la semaine prochaine, quand ils reviendraient dans ce quartier, ou dans un autre, elle donnerait encore une pièce au prochain endormi. Parce que certains cœurs ne peuvent pas se résigner à regarder leur prochain souffrir. Même si ce type de cœur se faisait rare à Oldania, ou plutôt, dans tout Oldan.
Ainsi, deux semaines s’écoulèrent entre pickpocket, arnaques et manches. Pendant ces semaines, Ash s'entraînait aux cartes tous les jours. Il reçut quelques remarques de Bensom qui voulait plutôt lui apprendre à se battre en lui montrant deux ou trois astuces dont il acceptait les leçons sans arrêter de s’entraîner.
***
Aujourd’hui, c’était la date de son rendez-vous avec Cécilia. Cependant parmi les passants de la rue qu’il empruntait, il en reconnut très bien deux. Même de loin, il vit le corps légèrement enveloppé et la taille démesurée de Tuhn et à ses côtés, la balafre de Yohan. Il se remémora la course qu’il avait faite pour tenter de leur échapper. Cela lui suffit à sentir ses mains devenir moites. Mais aujourd’hui il se sentait capable d’une revanche.
« Cécilia va encore m’en vouloir d’être en retard. se dit-il. »
Il baissa un peu plus la capuche de son sweat sur son masque tout en s’approchant lentement des deux hommes. Quand il arriva à leur niveau, il glissa ses mains dans les poches de Yohan. Il y récupéra un peu d’argent et une lame qu’il mit dans ses poches. Puis vint le tour de Tuhn dont les poches étaient vides une fois qu’il en avait retiré deux ou trois mégots de cigarettes. Comme les deux hommes ne l’avaient pas vu, il s’élança alors sur Yohan, le petit balafré, prit son collier dans la main et l'arracha d’un coup sec avant de s’enfuir en courant. Les deux hommes se mirent à sa poursuite en bousculant violemment les passants.
Ash jaugeait la distance qui les séparaient quand il bouscula un homme, grand, en imperméable gris avec un motif de gouttes rouges.
« Pardon M’sieur ! »
Il poursuivit sa course et tourna à gauche. Mais cette fois-ci, il n'était pas essoufflé. Il se retrouva face au mur de brique qui l’avait coincé la fois d’avant. Les deux hommes tournèrent à l’angle et apparurent au bout de la ruelle. Ils s’arrêtèrent pour reprendre leur souffle. Ash leva les mains, doigts écartés, paumes vers les deux hommes, comme en signe de reddition. Après avoir récupéré son souffle, Yohan fit un pas en avant qu’il arrêta quand, d’un geste rapide, Ash retourna ses mains et dévoila des cartes entre chacun de ses doigts.
« Haha mais je te reconnais Billy-John ! lança Thun, l’index pointé vers le masque blanc. Ton masque ne te servira à rien. Regarde Yohan, c’est le petit Billy-John qui nous doit trente Gramms ! Viens-là ! »
Il s’élança en avant pour lancer son poing dans la figure de Ash. Ce dernier se baissa et, pendant un demi-tour, lui balaya sa jambe d’appui d’un revers de talon. L’enfant continua dans l’élan de son mouvement et lança une de ses cartes dans la tête de Yohan. Elle frôla son œil et lui entailla la paupière avant de prolonger son vol et de couper son oreille en deux. Tordu de douleur, Yohan se tint l’oreille avec les mains. Tuhn tenta de se relever, Ash se jeta sur Yohan et le maintint au sol avec ses genoux. Il le roua de coups de poings au visage et continua de le frapper bien que l’hémorragie provoquée par l’oreille éclaboussait ses mains et son sweat à capuche. Une main l’arrêta après son cinquième coup de poing. C’était celle de l’homme en imperméable qu'il avait bousculé plus tôt dans sa course. Ash vit d’abord le bas du manteau, décoré de lames dessinées à la base, pointant vers le haut. Il suivit leur courbes jusqu’à atteindre le visage du jeune homme. Ses cheveux étaient blonds et bien coiffés. Ses yeux étaient bleus et méprisants. Il tenait une cigarette qui brûlait entre ses lèvres. Il devait avoir autour de la vingtaine, peut-être moins. Ash reconnut enfin l'imperméable.
« Ça suffit il me semble » lui dit l’homme en expirant sa fumée.
Tuhn se leva péniblement en regardant le manteau. Une fois debout, il s'enfuit en courant, laissant derrière lui Yohan le balafré.
« C’est l’imper des Enquêteurs !! criait-il dans sa fuite.
« Et pas n’importe lequel ! rebondit le jeune homme au manteau en tenant Ash par le col du sweat tâché de sang. Mon nom est Jack. Et toi (il pointa Ash avec les deux doigts qui pinçaient sa cigarette), tu es en train de commettre un crime sous mes yeux. Je pensais te laisser avec un rappel à l’ordre parce que tu m'as fait les poches tout à l’heure. Mais il semblerait que tu aies un comportement violent et je pense qu'il y a fort à parier que tu as déjà un casier. À ton âge, c’est un peu jeune tu ne trouves pas.
- …
- Et tout ce sang.. continua l’Enquêteur, même à ton âge pour tabasser quelqu’un comme ça on va en prison p’tit gars. Comment tu t’appelles ?
- Pierrick. répondit Ash.
- Pierrick comment ?
- Bill-Pierrick.
- Eh bien tu as de la chance, Bill-Pierrick..
- Bah voyons. le coupa Ash. De la chance ! Y a tous les jours des crimes commis dans ces rues alors que les sentinelles ferment les yeux et c’est aujourd’hui quand JE fais une erreur qu’il y a un Enquêteur de la Légion qui tire au flanc et me tombe dessus..
- Oui ! insista l’Enquêteur. Déjà (il se redressa), je tirais pas au flanc. J’étais sur une affaire. Et ensuite, figure toi que non seulement je déteste la paperasse, mais qu’en plus il existe une loi au sein du Landau qui n'est applicable qu'en cette période et qui m’arrange bien.
- Oh je sais ! Celle qui dit “Relâchez cet enfant maintenant espèce de pédophile”.
D’un air plat et sérieux, Jack, se mit à réciter machinalement :
- “Toute personne arrêtée pour un crime quel qu’il soit pendant la période de la sélection se voit accorder le choix entre la sentence qu’il conviendra à un juge de choisir pour son crime ou la participation à la sélection. Les seules exceptions sont les conflits diplomatiques et les crimes envers l’entièreté du Landeau.” Autrement dit nabot, tu préfères te faire juger avec ton casier de récidiviste, ou que je t’envoie à la sélection de cette année ? Dépêche-toi avant que je change d'avis.
- Va pour la sélection… C’est quoi exactement ?
- Ha. (fait-il moqueur) On est parti pour la sélection alors. »
Jack prit alors Ash par le bras et le tira sur toute la rue dans la direction d'une calèche plus bas.
***
Depuis la fenêtre de la calèche, Ash regardait les rues d’Oldania en pensant que c’était probablement une des dernières fois qu’il les voyait. Elle les amena à la gare sud-ouest d’Oldania, où ils prirent un train qui traversa la campagne et ses nombreux champs pour se rendre à Kambertown, une ville qui permettait la jonction entre le tairiku d’Oldan et l’Olympe, l'île de la Légion, grâce à des voies ferrées montées sur de larges ponts en pierre. C’était une ville-entrepôts. Les rues habituellement en terre plate étaient ici souvent recouvertes de boue, de suie et d’huile. Les nombreux garages à wagons, les entretiens mécaniques et les cheminées qui crachaient leur excédent à longueur de journée faisait de cette ville un lieu de travail et de passage plus que de résidence. Elle restait néanmoins une des cinq villes majeures d’Oldan. En descendant du train ils prirent à nouveau une calèche qui roula sur la fine couche de forurening (le nom donné par les habitants à cette mélasse unique que l’on retrouvait sur les murs, le sol et dans l’air de la ville) jusqu’à son arrivée à la gare la plus au sud. Jack prit Ash par le bras et l’amena dans l’un des grands trains. Sur les quais, l’enfant vit des familles de toutes les classes sociales se disant adieu mais aussi des marchands qui partaient pour faire affaires sur l’Olympe. L’île de la Légion était située au centre des trois tairikus que composent le Landau et les reliait tous, la rendant inévitable lorsque l’on faisait du commerce.
Comme pour prendre le premier train et les deux calèches, Ash regarda Jack montrer son insigne (une plaque en Obsylith rectangulaire avec une suite de chiffres gravée dessus) et observa avec attention comme toutes les portes lui étaient ouvertes. Il ne lui semblait même pas que Jack avait acheté des billets pour voyager. C’était seulement la seconde fois qu’il montait sur un de ces monstres de métal cracheur de fumée (la première étant pour aller d’Oldania à Kambertown). L’Enquêteur monta en premier à bord du train en montrant sa plaque à un contrôleur qui le laissa passer en lui souhaitant la bienvenue à bord. Ash lui emboîta le pas.
Beaucoup moins rustique que le premier train, Ash fut fasciné par l’intérieur. Les bancs des wagons étaient en bois, les cabines spacieuses. Tout était propre. Ash, qui vivait dans la rue depuis très jeune, fut émerveillé devant la beauté de ce train. Les compartiments étaient tous identiques, ils étaient rangés, tout avait sa place et tout restait propre. Jack continuait de marcher devant, il sortit une cigarette de sa poche et l'alluma. Après une porte coulissante sur laquelle était inscrit « 1ère Classe, interdiction de fumer » les cabines étaient deux fois plus grandes. Les banquettes à l’intérieur étaient recouvertes de coussins et disposaient d’une table en marbre sur laquelle régnait une lampe de chevet en laiton. Jack s’affala sur les coussins sans enlever son imper et posa ses pieds sur la table.
« On va où exactement ? demanda Ash.
Jack ne répondit pas. Un grondement vrombit sous leurs pieds. Le train hurla, puis démarra. Le bruit assourdissant des moteurs devint rapidement un tambour régulier et quand le train sortit du tunnel de la gare, Ash s'aperçut qu’il roulait sur un pont au-dessus de la mer.
« Waaaw. expira-t-il d’émerveillement. Le voyage va être long ? On en a pour combien de temps ?
Jack, affalé sur la banquette, les yeux fermés, les bras croisés, la cigarette allumée, ne répondit pas.
« Tu sais nager toi ? continua Ash en contemplant l’eau dans laquelle le pont prenait appui. Moi oui, j'ai appris y'a longtemps. Que se passe-t-il si on échoue à la sélection ?
Jack maintenu son silence.
« Tu perds de l’argent pour chaque mot que tu dis c’est ça ? insista Ash une nouvelle fois.
Mais à nouveau, aucune réponse ne fut prononcée par l’Enquêteur.
« Eh mais il dort en fait ? finit par s’interroger l’enfant à voix haute. »
Le jeune homme ouvrit enfin la bouche. Ash, pendu à ses lèvres pour en attraper la moindre syllabe qui pourrait en tomber, vit l’Enquêteur expirer de la fumée lentement et replacer la cigarette sur ses lèvres. Il remonta ensuite le col de son imper pour cacher son visage tout en s’enfonçant un peu plus dans sa banquette.
Après quelques heures sur les rails, le paysage marin laissa place à une île entourée de remparts gigantesques qui cachaient ce qui se trouvait en son sein. Le seul bâtiment que l'on pouvait apercevoir par-dessus les murs géants était une immense tour érigée au centre de l'île. Les remparts étaient hauts mais aussi épais, Ash les compara aux murs qui entourent les douves du Château de la famille royale d’Oldan. Ceux-ci étaient beaucoup plus gros. Quant à la tour immense, elle semblait être en métal mais brillait anormalement et sa cime atteignait les nuages les plus hauts.
« C’est la Légion ?
- C’est vraiment une question ? Même un nabot comme toi doit savoir que la Légion s’est installée sur l’Olympe, au centre du Landau. râla finalement Jack après plusieurs heures de mutisme.
- J'y suis jamais allé. »
Une vibration se fit entendre dans la cabine. Jack se redressa légèrement et posa le doigt sur son lobe d’oreille. La vibration cessa.
« Je t’écoute. »
Ash aperçut une petite gemme bleue que Jack portait en boucle d’oreille.
« Oh ?! cria une voix qui sortait de la bille. Tu t’es barré en fait ?! Je te laisse en pause clope DEUX SECONDES, tu me laisses seul, et en plus tu quittes pas seulement la capitale mais carrément le pays !
- Clyde arrête de gueuler, tenta Jack. C’est pas ça, je taff là, je te jure.. »
La familiarité des deux hommes et leur intonation laissaient entendre qu’ils étaient de bons amis. Ash pensa que ce pourrait être lui et Bensom. S'il n'avait pas été arrêté. Dans un futur où tous les deux seraient sortis de la misère. Bensom. Il se surprit à penser à lui comme s’il ne le reverrait jamais.
« Je suis à la gare nord de Kambertown, reprit la voix, ils m’ont dit que t’as utilisé ta plaque pour deux en plus ! Monsieur se paye des vacances avec une nana et ose me dire qu’il taff ! Je te rappelle qu’on a des voleurs de gemmes à trouver !
- Mais FERME LAAA ! s’emporta l’Enquêteur. De toute façon, elles doivent déjà être perdues quelque part à Nivisky. Et tu me décrédibilise auprès d’un suspect là !
- Je veux pas savoir à quels jeux cochons d’inspecteur et de suspect tu joues ! répondit la voix. »
Ash éclata de rire.
« Ha ! J’ai entendu la voix de la nana, tu peux plus me mentir maintenant ! reprit le jeune homme au bout du fil.
- Mais puisque je te dis que c’est pas une nana ! C’est un enfant !! Il n'a pas mué !
- … C’est pire ! finit par dire l’interlocuteur.
- Mais putain ! se releva Jack, décidément sur les nerfs. Il a commis un crime, je l'amène à la légion pour la Sélection à la place du jugement !
- Ha. (quelques secondes s’écoulèrent avant que la voix n’ajoute :) Je savais que t’aimais pas la paperasse mais de là à faire un infanticide.. L’idée que tu t'assoies sur tes devoirs de Mandarins pour flirter te rendait plus humain que celle d’envoyer un enfant à la mort finalement.. »
Jack rompit la communication qu’il portait à son oreille. Il s'assit et regarda par la fenêtre avant de regarder Ash qui avait cessé de rire depuis le passage concernant l’infanticide.
« Bon. On arrive bientôt normalement, prépare toi. »
Note :
- Je profite de la fin de ce chapitre pour te dire que j'ai bien réfléchi et même si tu refuses, je compte bien t’accompagner dans ton récit sous la forme de ces “Notes”. Je devais être le narrateur et je veux m’assurer que tu ne prennes pas trop de liberté en relatant les faits.
- J’avais compris. Mais évite de t’adresser à eux directement. C’est moi le narrateur. Et je dis ce que je veux.