Chapitre 2 (Partie 1/4) (Edit du 26/12/20)

Notes de l’auteur : Voici la suite de mon roman. J'espère qu'elle vous plaira !
Une réécriture du chapitre est prévue mais le propos du texte restera à peu près le même.
N'hésitez pas à me faire part de vos critiques, elles sont les bienvenues !

Victor était debout aux aurores. Il avait demandé à William de venir le réveiller dès que le soleil pointerait le bout de son nez pour partir le plus tôt possible car il tenait à parcourir le plus de distance dès le premier jour. Il sortit d’un de ses sacs une tunique et des braies qu’il enfila, et courut à la chambre de son père. Jacob y dormait encore à poings fermés, allongé sur la partie gauche du grand lit comme pour témoigner de l’habitude prise aux côtés de sa défunte épouse. 

Victor tenta de le réveiller. En vain. Il le secoua, lui ordonna de se lever, retira les draps du lit mais rien à faire ; les bras de Morphée l’enfermaient dans un sommeil profond. Victor se résolut à son échec. Il irait demander à William, lui qui savait s’y prendre. D’autant plus que les échardes qui dépassaient des lattes du plancher lui évoquaient une expérience dont il préférait s’abstenir. 

Alors qu’il retournait dans sa chambre finir de s’habiller, il fit part de ses difficultés au majordome qui acquiesça sans dire un mot avant de filer en direction des cuisines. Victor était sans cesse étonné de voir avec quelle facilité William trouvait les solutions à tous les problèmes. Qu’ils concernent un repas, l’accueil d’un invité, l’organisation du domaine ou même un simple réveil, le majordome avait toujours plus d’un tour dans son sac pour y répondre. 

Lorsqu’il descendit prendre son petit déjeuner, Victor fut surpris de constater que son père occupait déjà son fauteuil dans la salle à manger. Décidément, William était d’une efficacité époustouflante. 

-Pour ta gouverne Victor, l’interpella Jacob, je suis incapable de dormir avec l’odeur de clou de girofle dans les narines.  

Du clou de girofle ! Voilà pourquoi William était passé par les cuisines !  

Victor décida ne pas relever la provocation de son père et se rapprocha de la table où l’attendaient son potage de légumes et ses tranches de pain blanc. 

-Papa, nous devrions nous dépêcher. J’aimerais couvrir un maximum de distance aujourd’hui. 

-Assieds-toi donc et manges. William m’a déjà fait part de ton empressement. (Il porta sa cuillère d’argent à la bouche et en avala le contenu.) Il ne faut pas que tu t’inquiètes ainsi. Je t’ai déjà dit hier que nous arriverions à temps. Nous partirons tout à l’heure pour Denohan où dormirons chez Johan. Je lui ai envoyé une lettre le prévenant de notre arrivée hier. 

-Denohan ? C’est seulement à quelques heures de cheval, nous pourrions aller bien plus loin en chevauchant toute la journée. Cela nous rallonge, en plus. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. 

-Rassure-toi, le plan de route est le même que la dernière fois. Nous partirons demain matin de Denohan en direction de Tracanepont, puis nous filerons à Rozeberg. De cette façon, nous serons à la capitale le trois au soir et tu pourras intégrer le pensionnat de Galdur le quatre comme prévu. 

Victor n’était que partiellement convaincu par l’annonce de son père. Ils n’étaient pas à l’abri d’un imprévu ! Mais il savait pertinemment qu’il ne le ferait pas changer d’avis. Quand Jacob avait pris une décision, il était difficile de la lui faire reconsidérer et Victor n’avait pas la tête à argumenter. 

Il mangea en silence et regagna sa chambre. 

 

Allongé sur son lit à attendre le signal du départ, Victor songea à sa mère. Qu’aurait-elle pensé de sa rentrée à Galdur ? Même s’il avait décidé de devenir mage avant son décès, il n’avait pas eu le temps de lui annoncer. Aurait-elle été heureuse ? Se serait-elle inquiétée ?  

Victor chercha à s’imaginer en train de lui annoncer la nouvelle, mais le cadavre de l’étang fit soudain irruption dans son esprit. Encore une fois. Il lui était devenu impossible de se représenter sa mère hors de ses rêves éveillés. Même lorsqu’il dormait, ses yeux vides d’expressions venaient lui rendre visite dans ses songes nocturnes. 

Subsistait pourtant son sourire.  

Un éclat d’une lueur pure, irradiant autant le visage de sa génitrice que celui du chanceux auquel il était adressé. Des plus flamboyants, le contraste qu’il apportait à sa peau couleur café avait séduit nombre de prétendants par le passé, lui avait-on dit. Jacob avait su être le plus convaincant d’entre eux, le seul à pouvoir faire écho à l’objet de tous ses désirs. Le seul à posséder un sourire aussi lumineux que celui auquel il faisait face. 

Victor avait étonnamment hérité de la couleur de peau de Naïa. Alors que le teint de Léna était à mi-chemin entre ceux de leurs parents, le sien était plus éloigné de la blancheur de Jacob, ce qui ne manquait pas de faire réagir les personnes le rencontrant pour la première fois. De son côté, son père lui avait légué ses yeux noisette qu’il aimait tant.  

Bien que sa mère lui manquât, il s’était fait à l’idée de devoir continuer sa vie sans elle. Il irait à Galdur, travaillerait avec sérieux, et deviendrait le mage qu’il avait rêvé d’être afin que, de là où elle l’observait, elle puisse être fière de lui. 

Il commençait à trouver le temps long. Bien que ses affaires soient prêtes depuis la veille, il devait attendre que son père déclare l’heure du départ. Victor essaya de relativiser, comme à chaque fois que quelque chose le contrariait sans qu’il ne puisse rien y changer : après avoir patienté trois longs mois, en quoi une heure ou deux allaient-elles influencer quoique ce soit ? 

 

Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsque son père vint le chercher. Ils descendirent ensemble les marches de marbre blanc menant au rez-de-chaussée, les différents sacs contenant leurs affaires sur les épaules. 

Léna et William les accompagnèrent jusqu’à la lisière de haies puis les saluèrent de la main lorsqu’ils s’engouffrèrent dans la forêt. Victor salua en retour. Malgré leur caractère pessimiste et leurs inévitables remarques, sa sœur et le majordome allaient lui manquer.  

Le plus dur des au revoir fut cependant celui destiné à Toffy et Prunelle. Ignorant tout de la situation, ils avaient accepté les mots doux et les caresses qu’il leur avait adressés sans comprendre pourquoi ils en recevaient plus que d’habitude. Il était courant qu’il prenne soin d’eux et aujourd’hui était un jour comme les autres pour les deux quadripèdes. Pour Victor en revanche, la tâche fut rude. Il savait pertinemment qu’il ne les reverrait pas avant des mois et se savoir loin de ces animaux si longtemps lui faisait de la peine.  

L’ambiance de la forêt de Bramoncelle dissipa un peu ses inquiétudes. Les arbres qui longeaient le sentier fourmillaient de vie et imaginer quelles espèces se cachaient au sommet des pins maritimes aidait Victor à oublier son chagrin.  

Il se mit à penser à Galdur. Il ne serait sûrement en contact avec aucun animal une fois rendu là-bas. Plongé dans ses études, sa seule compagnie se constituerait d’élèves et de professeurs. Toffy et Prunelle allaient décidément beaucoup lui manquer. 

Victor se demanda quelle proportion d’humains il y aurait dans l’école. Il espérait faire connaissance avec les autres espèces du continent car, bien qu’il eût déjà rencontré des Ichtades, il ne connaissait les Sylviques que grâce aux livres de sa bibliothèque. D’après ses lectures, leurs yeux étaient intégralement bleus, et s’attarder sur les nuances de couleur était la seule façon de différencier la pupille, l’iris et la sclère. 

Il fut ramené à la réalité par le cliquetis des armures. Les soldats royaux semblaient ne jamais quitter leurs habits d’aciers et leur méfiance était constamment éveillée. Choisis par le roi en personne pour accompagner Jacob dans ses déplacements, leurs regards se posaient moins sur la piste qu’ils empruntaient qu’au travers des fougères qui la bordaient, à l’affut du moindre mouvement suspect. Pourtant leur présence ne rassurait pas le moins du monde Victor, que les carrures imposantes et les visages froids rendaient mal à l’aise. 

L’un d’entre eux se détachait toutefois du lot. Leur chef avait remplacé l’armure traditionnelle de l’armée royale par une simple cotte de maille thoracique soulignant les muscles noueux de ses bras. Cytan avait la barbe densément longue et les tempes nues de son crâne chauve abritaient de fines veines qui gonflaient lorsqu’il serrait ses mâchoires, trait caractéristique de sa concentration. Contrairement à ses hommes, il ne portait pas d’épée à la ceinture mais deux haches à simple tranchant, affutées comme des lames de rasoir. Pour l’avoir vu s’entraîner dans le parc, Victor savait qu’il excellait à les lancer sur des cibles en mouvement. 

Il était celui qui intimidait le plus Victor. Même Jacob se montrait parfois tendu face à la force tranquille qu’il dégageait. Les trois autres en revanche semblaient ne pas le craindre, et se contentaient de respecter ses directives. 

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Xanne
Posté le 28/08/2020
Bonjour Romiklaus! Me revoilà enfin :)

J'aime beaucoup les petits détails que tu glisses dans ton texte (les échardes du plancher, l'odeur du clou de girofle, ...), je me demande lesquels ont leur importance?
Parfois ça me fait tiquer, comme le "Il porta sa cuillère d’argent à la bouche et en avala le contenu". Pourquoi décrire une action banale dans une réplique assez longue? Est-ce pour insister sur la cuillère d'argent afin de souligner la richesse de la famille? Est-ce pour montrer la supériorité du père face au fils en instaurant une pause dans la réponse qu'il donne? Est-ce que je me pose trop de questions? ^^'

Il y a un "s" en trop dans "Rassures-toi".
Je n'ai malheureusement pas le temps d'en écrire plus, mais je reviendrai pour te faire un retour sur le reste du chapitre. A bientôt!
Romiklaus
Posté le 28/08/2020
Salut Xanne !

La phrase avec la cuillère d’argent servait effectivement à montrer l’an richesse de Jacob mais aussi à marquer une pause dans sa réplique pour faire patienter Victor. (J’ai trouvé ça cohérent avec le fait que Jacob n’est pas pressé comme Victor)

Merci pour ton commentaire en tout cas !
Xanne
Posté le 01/09/2020
Me revoilà!

La suite du chapitre nous apprends pas mal de choses sur la mère de Victor. J'ai bien aimé l'idée de partir de son souvenir pour amener la description physique de ton protagoniste. Victor me plaît beaucoup dans son côté rationnel malgré son empressement, surtout lorsqu'il pense "après avoir patienté trois longs mois, en quoi une heure ou deux allaient-elles influencer quoique ce soit ?" D'ailleurs, il me semble qu'il faut séparer "quoi et "que" dans cette phrase...

Le passage où il se sépare de Toffy et Prunelle est très touchant. J'espère que Victor les reverra.

Quelques chose me fait croire que Cytan va jouer un rôle particulier à un moment donné. Tu as pris le temps de l'isoler pour le décrire en soulignant le fait qu'il ne ressemble pas aux autres (pas la même tenue, pas les mêmes armes et c'est le seul à avoir un prénom si je ne me trompe pas?)
Romiklaus
Posté le 02/09/2020
Salut !

Cytan aura en effet un rôle à jouer dans la suite de l'histoire mais je n'en dis pas plus...

Tu as raison à propos du "quoique", je le corrige de suite !

Encore merci pour tes retours positifs, ils me confortent dans mes choix d'écriture.
Arthur
Posté le 08/08/2020
Bonjour Romiklaus. Je n'ai vu qu'hier que tu avais posté la suite de ton roman. Très franchement, je t'encourage vivement à le continuer. Je n'ai aucun reproche à faire à ta technique narrative, que je trouve très bonne. Notamment j'apprécie la facilité que tu as à glisser des détails intrigants qui relancent l'intérêt. J'ai hâte de lire la suite ! A bientôt.
Romiklaus
Posté le 08/08/2020
Merci beaucoup pour ton retour Arthur !
Je comptes bien continuer mon roman, crois-moi ! Mais mon rythme de publication risque de décroître parce qu’il faut que je continue à construire mon monde (j’avais déjà créé une base avant de commencer à écrire mais certains détails manquent encore) et je n’ai même pas commencé le chapitre 3 !
Je ferais tout de même de mon mieux pour livrer la suite dans les plus brefs délais !
Arthur
Posté le 08/10/2020
Hello ! J'ai relu avec plaisir ce chapitre, que je trouve très bon. Effectivement, il n'y a pas de "s" à l'impératif des verbes du 1er groupe ("Assieds-toi donc et manges"...). Et, surtout, les détails tels que l'odeur de clou de girofle sont bien trouvés, ils participent au réalisme du récit.
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