Lyk s’éveilla lentement, l’esprit totalement embrumé. Ses pensées étaient confuses. Impossible de faire le point sur la situation. Où était-il ? Que faisait-il ici ? Pourquoi avait-il une sensation de légèreté ? Une sorte d’oppression générale s’immisçait en lui.
Il tenta d’ouvrir les yeux. Aucune réponse. Le druide, pris de panique, voulut se mettre debout. Son corps ne bougea pas d’un millimètre. Lui avait-on jeté un sort ? Il était prisonnier dans sa propre chair.
Son œil droit s’ouvrit enfin. Sans avoir le contrôle de ses mouvements, le jeune homme était spectateur de cette scène. Il faisait nuit, mais Lyk voyait distinctement son environnement. Devant lui se trouvait une maison à plusieurs étages, toute blanche, aux poutres apparentes. De nombreuses persiennes étaient fermées. Les lumières de certaines chambres étaient allumées. Une lanterne rouge s’agitait au-dessus de la porte d’entrée.
Le second œil s’activa. Soudainement, quelque chose remua dans son champ de vision. Une fine patte velue, noire, vint se placer sous ses yeux. Dans sa bouche, un goût amer lui inonda la langue. Le membre poilu faisait des va-et-vient à un rythme régulier. Le druide comprit enfin qu’il était dans la peau d’un chat noirâtre.
Un long gémissement d’extase d’une femme fut la première chose qu’il entendit. À l’intérieur d’une chambre au premier étage, la lumière devint plus intense. Le chat cessa sa toilette et fit quelques pas sur la corniche en pierre froide, pour mieux voir. Un nouveau geignement de plaisir intense suivi de petits cris étouffés. Lyk vit une femme nue, aux cheveux de feu, un corps divinement sculpté, se lever gracieusement. Abandonnant ses deux amants essoufflés, sur le lit. Une aura flamboyante l’entourait, masquant les traits de son visage. L’inconnue sortit de la pièce sans même s’habiller. Une légère volute de fumée s’échappait de son corps.
La seconde suivante. Le jeune homme était dans une ruelle sombre, lugubre, les yeux fixés sur deux personnes. La femme à l’aura flamboyante, maintenant vêtue, faisait face à un inconnu encapuchonné. L’individu chimérique semblait se fondre dans le décor. Seuls ses iris arrivaient à le distinguer complètement. La tension était palpable. Brusquement, les oreilles du chat perçurent le danger. À quelques mètres d’eux, des bruits d’épées qui s’entrechoquaient, des hurlements retentissaient. Le druide entendit sa propre voix quand le félin cracha et feula. Il sentit ses poils se hérisser. L’animal courut puis sauta.
De nouveau plongé dans le noir le plus total. Lyk ne comprenait rien. Pourquoi était-il paralysé ? Privé de son libre-arbitre, de sa vue et de ses autres sens. La folie s’emparait-elle de lui ?
À présent, il se sentait entièrement vidé de son énergie et de son mana. Un bruit d’eau résonna dans ses oreilles. Un clapotis incessant. Ses paupières se levèrent avec douleur.
— Attention ! cria-t-il. Sans émettre de bruit.
Le cou du jeune homme se retrouva soudainement pris dans une étreinte ferme. Une main puissante, écailleuse, venait de le soulever du sol. Ses yeux se levèrent, permettant d’apercevoir son assaillant. Un homme lézard lui sourit, le regard rempli de haine. Il portait une robe de mage, rouge vif, de petits glyphes argentés étaient brodés sur le bout de ses manches. De petits os perçaient sa peau, formant une ligne sur son crâne, deux grandes cornes confirmaient l’aspect reptilien. Derrière le saurien, se trouvaient un nain et un humain de grande taille qui pouffaient de rire.
La douleur fut tellement intense et rapide que Lyk ne comprit pas d’où elle venait. Un coup dans le plexus solaire lui coupa net la respiration. Sa vision se troubla.
Le druide aperçut une main. La sienne. Il était lui-même, un homme. Son corps était à terre. Un goût métallique dans la bouche. Du sang, sûrement. Des ombres dansaient au-dessus de lui. Un bruit proche de l’arbre qui rompt durant la tempête brisa le flot de jurons qui fusait. Puis le silence.
Une sensation étrange de légèreté illusoire. Une odeur de musc. Un sentiment de tristesse profonde.
Un gargouillis, des bruits osseux, une puanteur morbide. Pourtant, nulle peur dans le cœur du jeune homme. Devant ses yeux, une scène onirique, cauchemardesque. Une horde de squelettes, de goules et de morts-vivants en cours de décomposition apparut. Cependant, nulles craintes en lui.
Il sentait la puissance en lui. Sa taille était bien supérieure à celle de ses adversaires. Le premier mort-vivant qui plongea sur lui portait encore des guenilles blanchâtres, en lambeaux, ensanglantées. Lyk fut surpris par sa propre rapidité d’exécution. Une patte énorme, au pelage marron et aux griffes acérées, surgit du néant. Frappant si violemment la tête du mort, que celle-ci se décrocha et vola en une multitude d’éclats.
Courant à présent sur quatre pattes, attendant le dernier moment pour réagir. La seconde cible se déplaça trop lentement et fut percutée puis éjectée dans les airs. Un rugissement guttural en signe de défi. Rien ne pouvait l’arrêter.
Des griffes s’enfoncèrent dans son dos. Rien de grave, il le savait. L’attaquant, une goule verdâtre, rachitique, aux dents pointues et tranchantes, chercha à le mordre au cou. Ses pattes surpuissantes saisirent les pieds et la tête de l’ennemi. Il n’eut aucune résistance, la goule se disloqua sous la pression. Laissant apparaître boyaux et organes sur le sol terreux.
Le druide mit du temps à comprendre ce que faisait la bête immobile qu’il incarnait. Elle cherchait quelque chose de précis. Ses mouvements oculaires s’arrêtèrent. Là. Deux personnes au corps identique, les cheveux blond lumineux, étaient dos à dos, encerclées.
— Je dois les sauver ! songea-t-il intérieurement.
Ses paupières se fermèrent. Son esprit perdu dans le vide, voguant vers les fantômes de la nuit. Bercé par les flots du subconscient.
Il s’éveilla une énième fois. Sans le contrôle de lui-même, Lyk courait à en perdre haleine. Ses pattes antérieures fendaient l’air, celles de derrière fournissaient l’énergie. Son flanc droit était extrêmement douloureux. De plus, il sentait un liquide chaud et visqueux se répandre sur ses côtes.
Son museau cherchait activement la trace olfactive d’une personne importante. Il le ressentit au fond de son âme. La piste s’arrêta net devant une rivière tumultueuse. Le brouhaha de l’eau l’empêchait de repérer sa voix. Ses yeux s’écarquillèrent. Le druide vit un jeune géant des montagnes, fou de rage. La brute grisâtre, d’au moins cinq mètres de haut, était couverte d’entailles rougeâtres. Un filet de bave s’écoulait de sa bouche déformée. Le monstre empêchait quelque chose de refaire surface.
Tout disparut. Seul le clapotis de l’eau persistait.
Lyk sentit un métal tiède sous sa paume. Deux cœurs battants à l’unisson.
— Rassure-toi, ami loup, mon âme-sœur ne mourra pas ! répliqua une voix féminine. Je ne le permettrai pas !
Un doigt.
Puis un second.
Enfin, le jeune homme put remuer sa main, par sa propre volonté. Il se hasarda à réitérer l’expérience avec ses pieds. Ce fut moins glorieux. Cependant, il récolta seulement des fourmillements. S’apprêtant à sortir de cette torpeur, une dernière vision vint à lui.
Des cendres et de la poussière tombèrent sur son visage. Le druide tenait à peine debout, caché derrière une colonne en marbre partiellement détruite. Il y avait des gravats à perte de vue. Le fils d'Adam n’était pas seul dans ce chaos. Plusieurs silhouettes, comme Lyk, se mettaient à couvert. Une femme à la voix haletante réussit à se faire entendre.
— Il faut gagner du temps ! hurla la femme aux cheveux écarlates. Ne bougez pas, je vais l’attirer vers moi.
Une vague de chaleur ardente inonda le champ de bataille.
— Je vais la contourner et la prendre à revers, annonça une seconde femme.
Elle disparut en se glissant dans l’ombre d’un cairn.
— Mon âme-sœur, calme-toi, nos cœurs doivent battre ensemble, au même rythme, expliqua une voix mystérieuse.
Un immense orc était à genoux, la main posée sur son épée géante.
— Ma sœur est inconsciente ! cria un elfe aux cheveux blonds. Je ne peux pas protéger le druide et la sauver simultanément.
Alors, il posa son bâton sur le corps inerte d’une jeune elfe, tenant toujours fermement son arc dans la main.
— Je le protégerai ! grogna un nain en armure. Plus personne ne mourra sous ma protection !
Il s’avança sans peur devant le druide, un grand bouclier de métal aux reflets orangés fixé au dos et son marteau de guerre à double tête dans les mains.
Le druide balaya la pièce d’un nouveau regard. S'arrêtant devant le pavise du nain, rectangulaire, parfaitement polie.
L'homme vit enfin son reflet. Des écailles commençaient d'apparaître sur son visage. Deux cornes perçaient le haut de son crâne. Une fente serpentine en guise de pupille.
La transformation était débutée.
Lyk s’éveilla au monde réel. Il débordait de mana. Les six jours passés à dormir avaient laissé son corps, fatigué, affaibli et affamé.
J'avoue au début j'étais un peu perdu mais au fur et à mesure j'ai commencé à comprendre ce que tu voulais faire de ce chapitre et personnellement vers le milieu j'ai arrêté de chercher à comprendre et j'ai lu en prenant les infos et en me disant qu'on aura les réponses plus tard. Le rêve fonctionne bien je trouve.
Par contre j'avais de faute à corriger :')
Juste un retour de forme pour chipoter (et que je perde pas mon emploi) :
"Laissant apparaître, boyaux, organes sur le sol terreux." -- peut-être mettre "boyaux et organes"
A plus :)
Il fait moins le malin le dictionnaire sur pattes s'il n’y a pas de fautes ! Mouahahahahahah ! Rire !
Merci beaucoup de tenir et de continuer mon histoire. Ce chapitre était complexe à écrire. Je voulais vraiment retransmettre cette sensation chaotique que peuvent être les rêves.
Tu as raison, dans certains des chapitres suivants, tu verras apparaître les passages que j’ai décrits.
À bientôt, dans ton univers.
Zao
Ca m'apprendra à ne pas me relire avant de publier.
Merci d’être revenu me lire.
Je ne souhaite pas donner plus de détails à mes personnages. Je veux garder un voile de mystère sur qui ils sont pour l’instant. Et je veux aussi que tu te dises en les découvrant, « ah, d’accord, je comprends mieux ! ». Je cherche aucunement la clarté dans ce chapitre.
Idem pour les possibles formes de Lyk. Je vous laisse imaginer. Je trouve ça plus intéressant de laisser un doute.
Et pour ta dernière question, oui, c’est bien la même personne, mais ce n’est pas une erreur de ma part. Je te laisse découvrir pourquoi ! ;)
Zao
C’est un chapitre très dense, où on sent ton envie de retranscrire quelque chose de chaotique, à la fois intérieur et onirique.
Le choix d’un rythme haché et des enchaînements rapides fonctionne bien dans l’idée, même si ça rend parfois la lecture un peu difficile, surtout pour suivre les détails visuels ou comprendre qui fait quoi.
J’ai trouvé certaines scènes vraiment percutantes, notamment celle avec la goule et le combat contre les morts-vivants. Peut-être que quelques coupes ou respirations rendraient l’ensemble plus fluide, mais je comprends aussi que tu aies voulu garder ce rythme fiévreux. On sent que quelque chose se passe en profondeur chez Lyk, et ça intrigue pour la suite.
Petite remarque purement typographique : pense à mettre un espace après le tiret des dialogues, mais là je pinaille.
Merci beaucoup pour ton commentaire.
Je crois que pour comprendre ce chapitre, il faut justement ne pas essayer. Juste se laisser porter par le flot des mots. C’est un peu hasardeux comme raisonnement, mais ce n’est qu’un rêve après tout.
Tu as sûrement raison pour la typographie de mon texte. Je modifierai plus tard, je pense.
Merci encore d’être venue dans mon univers !
À bientôt, j’espère !?
Zao
Je passe au chapitre suivant, hâte d'en savoir plus ^^
Joseph
Les avis que vous me donnez m’aident vraiment à m’améliorer et me donnent envie de continuer mon histoire. J’ai énormément de choses à dire, ou plutôt à écrire. J’aimerais vous présenter les autres personnages. Un projet très ambitieux pour le novice que je suis !
Zao
C'est le risque à commenter par chapitre...
Bonne ambiance sur ce chapitre, rien de problématique au fait que ça parte dans tout les sens, c'est comme ça que fonctionne les rêves (et potentiellement les délires liés aux drogues mais je manque d'expérience à ce sujet).
Je me pose la question de savoir si toutes ces scènes sont liés à son passé, une vision d'ailleurs ou juste à son esprit qui invente tout ça dans un grand méli mélo.
Je me questionne aussi sur le mana s'acquiert et se consomme dans ton univers. L'avenir me le dira potentiellement !
Tant de questions… Je vais tenter d’y répondre en gardant une part de mystère.
Les visions de Lyk sont prémonitoires. C’est-à-dire que dans les prochains chapitres, vous verrez apparaître la continuité de ses minies scènettes. Difficile à expliquer, j’en suis désolé… Chaque minie scène décrite, sera un point de vue additionnel à l’ensemble. Je m’embourbe là…
Dès le prochain chapitre, tu comprendras mieux ce que je tente d’expliquer en vain. (Il reste encore une 3eme partie pour clôturer ce chapitre.).
Merci d’être venue me lire. Ça me touche énormément.
Et pour répondre à ta dernière question sur le mana. Certains individus sont capables d’utiliser le mana (de diverses manières) et chaque personne a sa propre réserve de mana.
Hâte de pouvoir de nouveau échanger avec toi !
Zao
J'expose mes questions pour montrer que tout ceci suscite de la curiosité chez moi ce qui est plutôt sain! Quand on est curieux on poursuit la lecture pour satisfaire ce soit disant vilain défaut.
Ceci étant, maintenant que je sais que c'est prémonitoire ça donne une autre dimension à cette partie!
Je poursuis ma lecture avec un troisième chapitre encore une fois très différent des deux autres. Pour l'instant, je suis vraiment séduit par le début de ton histoire. Tu nous proposes des rythmes et des ambiances variés mais qui fonctionnent bien ensemble : on passe du prologue effréné plein d'action et de suspense à un chapitre presque méditatif où Lyk se repose et où l'on découvre sa relation profonde avec les animaux, à ce tourbillon onirique dans lequel on a plaisir à se laisser emporter.
Car en dépit de ton avertissement, j'ai trouvé ce chapitre très réussi. Certes, il y a de nombreuses césures et tu nous projettes abruptement d'un endroit à l'autre avec des décors, des personnages qui défilent et on ne comprend pas tout ce qui se passe. Mais la qualité de ta plume rend la lecture fluide ; une fois qu'on a accepté l'idée que cette avalanche d'informations est voulue et qu'on ne doit pas tout chercher à analyser, on se laisse porter avec plaisir dans ces rêves prémonitoires. J'irai même jusqu'à dire que cette effet de confusion que tu craignais est en fait le véritable point fort de ce chapitre, car tu nous projettes en temps que lecteur dans les errances oniriques de ton personnage et on ressent la même chose que lui. Question procédé d'écriture, c'est hyper efficace. D'autant que les transitions entre un rêve et l'autre sont très bien faites, à la fois brutales pour Lyk et tout en finesse pour le lecteur.
J'ai beaucoup aimé aussi l'idée d'adopter à chaque fois le point de vue d'un animal, ça donne une cohérence à l'ensemble et ça vient renforcer l'osmose qui existe entre le druide et la nature. C'est vraiment malin.
Alors certes, il y aura sans doute quelques retouches à apporter ici ou là, mais j'ai vraiment le sentiment que tu as déjà une très bonne première version de ce chapitre. C'était une vraie bonne idée de le publier à part, d'ailleurs, car comme je le disais le rythme et l'ambiance diffèrent complètement du précédent.
Une petite remarque : attention à l'emploi du mithril quand tu décris le nain, ce terme renvoie à l'univers de la Terre du Milieu de Tolkien et, bien qu'il soit assez communément employé dans la communauté des adeptes de fantasy, ça pourrait choquer certains lecteurs. À toi de voir si tu souhaites le remplacer par autre chose ou non.
Au plaisir,
Ori'
Mille mercis pour ton commentaire mon cher Ori !
Je suis aux anges. Cette avalanche de gentils compliments, je ne suis pas sûre de tous les mériter.
N’hésite pas à me guider dans mes retouches. N'étant pas un expert, je ne vois pas mes erreurs.
Pour le mithril, je ne savais pas que c’était une invention de Tolkien. Je vais trouver une parade. Je vais inventer le mien ou devenir un maître forgeron.
Zao
Content que mes compliments te fassent plaisir, cesse de te dévaloriser alors que tu as dans l'ensemble des retours plutôt positifs de tout le monde sur le début de ton roman !
Ce que tu écris n'est pas parfait (quel texte l'est, de toute façon ?) mais c'est déjà de très bonne qualité, et comme je te l'ai déjà dit à plusieurs reprises, je pense vraiment qu'après quelques corrections tu auras une jolie gemme entre tes mains :)
Concernant les retouches, je t'ai déjà répondu à ce sujet sur le chapitre précédent, je ne vais pas me répéter ici ^^
Au plaisir,
Ori'
J’ai tenté en vain de rentrer en contact avec toi. Impossible de t’envoyer un message via ta page de présentation…
Je voudrais te demander ton avis et ton opinion sur mes nouveaux chapitres. Grâce aux remarques, j’ai réussi à améliorer mon style, mais j’aimerais me distinguer d’une personne lambda.
Tu m’avais proposé ton aide il y a quelques semaines. Alors, si tu as un peu de temps libre, pense à moi.
Connais-tu un moyen de rentrer en contact ? De préférence par message, car je ne suis disponible que la nuit ( et le milieu où je travaille est extrêmement bruyant… )
Zao