Chapitre Deux : Retrouvailles explosives
Le soleil était levé depuis longtemps lorsque Gabrielle s’étira comme un félin. Elle avait bien dormi, et ça se voyait par son sourire. Cependant, elle se sentait bizarre. Elle se sentait nue sous le drap. La jeune femme jeta un petit coup d’œil sous le tissu et s’aperçut qu’elle l’était vraiment. Elle ne comprenait pas pourquoi ; elle avait l’habitude de dormir en chemise de nuit. Sans trop savoir comment, elle sentait au fond d’elle que quelque chose ne tournait pas rond. Elle avait beaucoup mal à la tête, et elle conclut rapidement, au vu du peu de souvenirs qu’il lui restait, qu’elle avait bu. Pourtant, elle n’était pas certaine d’avoir fait une bêtise. D’un premier abord, rien n’indiquait qu’un homme avait été dans les parages. Mais Gabrielle trouva un cheveu blond et une odeur particulière sur son oreiller. Et elle fondit littéralement en larmes.
Elle décrocha son téléphone et appela Jessica. Celle-ci devait encore dormir puisqu’elle était d’humeur maussade.
- Je te réveille ?
- Bah, c’est pas grave. Mais…je suis pas seule, tu sais.
- Ah, oui, je m’en doute, fit Gabrielle, gênée.
- Bon alors, raconte. C’était comment ?
- De quoi ?
- Bah, t’as bien couché avec lui, non ?
La jeune femme ne répondit pas. Elle se retenait pour ne pas ressembler à une fontaine.
- Gabrielle ? Ça n’a pas l’air d’aller…
- Non, ça ne va pas. Ça ne va pas. Du tout.
La tristesse avait fait place à la fureur.
- Si je retrouve ce petit con, je le tue Jessica, tu m’entends ! Je le tue ! Je fais un meurtre ! hurla-t-elle.
- Pas la peine de crier, je t’entends. Mais pourquoi tu te mets dans ces états-là ?
- Mais parce que ! brailla Gabrielle.
- Il t’a fait du mal ?
- Je sais plus ! Non ! Mais…c’est juste que j’ai couché avec quelqu’un que je ne connaissais pas ! Et voilà !
- Au moins, le truc bien, c’est que tu auras couché avec quelqu’un.
- Jessica !
- Quoi ?
- Je ne rigole pas, c’est sérieux. Ça m’énerve d’avoir fait ça. C’est dégoûtant !
- Mais non ! Tu auras vite oublié Gabrielle.
- Tu crois ?
- Mais oui, ne t’inquiètes pas.
- Je ne sais pas ce qui me retient pour amener le cheveu que j’ai trouvé au labo. On pourrait retrouver l’ADN et…
Jessica soupira. Elle savait que Gabrielle était absolument capable d’enquêter sur l’homme avec qui elle avait passé la nuit. Elle savait aussi qu’elle pourrait avoir l’audace de le suivre à la trace, et de lui rendre la vie infernale, rien que pour se venger. Son amie était très rancunière.
- Laisse tomber Gab’ ! Travaille, fais quelque chose d’utile, mais arrête avec tes conneries !
- Oui, je pense que c’est ce que je vais faire.
- Génial. Je dois te laisser.
- D’accord…
- Ciao ma poule !
Gabrielle retomba sur son lit. Jessica avait raison. Il fallait qu’elle oublie. Et sa façon d’oublier, c’était de travailler, faire ce qui lui plaisait. Elle composa un nouveau numéro.
- Oui Anthony ? C’est moi. Tu peux me dire ce qu’ont donné les résultats de l’enquête de voisinage ?
Le week-end avait passé trop vite. C’était ce que pensait Valentin lorsqu’il quitta son appartement le lundi matin, pour aller travailler.
- Et mes amis, quel week-end ! soupira-t-il.
Un sourire de chat, un regard sombre mais jamais triste, une peau bronzée par le soleil, un visage fin, Valentin était beau comme un rosier fleuri, et il le savait. À bord de sa voiture, il s’aventura sur l’un des nombreux ponts qui enjambaient la Seine. Il faisait beau et il avait mis ses lunettes de soleil. Il avait descendu sa vitre pour pouvoir s’y accouder.
- J’espère que tu te tiendras tranquille en automne. J’ai pas envie que tu débordes, je tiens trop à ma bagnole, fit-il en regardant l’eau calme.
Une grande forteresse apparut dans son champ de vision. Le jeune homme ralentit aussitôt. Il passa doucement devant le vieux bâtiment et l’observa. Il bordait le fleuve parisien. Sur la façade, de grandes vitres anciennes découpaient les murs. Toutes les trois fenêtres, il y avait des statues coiffées de couronnes de lauriers et qui regardaient les voitures passer d’un air absent. Certaines statues représentaient des femmes nues, le bras levé vers le ciel ; d’autres tenaient des livres ou la balance de la Justice. Il y’avait des sculptures gravées en haut des murs. Le toit était fait d’ardoise ; c’était un toit typique des maisons du Nord de la France. Des cheminées plates et des grandes antennes s’y dressaient fièrement. On aurait pu comparer cette forteresse à un petit château de la Loire. Non loin de là, un vieux panonceau bleu marine accroché au mur indiquait le nom de l’endroit : « Quai des Orfèvres ».
- Pas de place pour se garer…comme par hasard ! Place de parking de merde…Quartier de merde…Ville de merde…
Le ciel se couvrit subitement de nuages, menaçant de pleuvoir à tout instant.
- Et…temps de merde…
Lorsqu’il réussit à trouver une place, il éteignit le contact et ôta aussitôt ses lunettes de soleil. Ses yeux noirs brillaient de milles feux. Il sortit de sa voiture, mit ses clefs dans sa poche et traversa la rue en courant en direction du 36. Il franchit une petite cour pavée et pénétra à l’intérieur de la forteresse.
- Excusez-moi, je cherche la Crim’, dit-il à une standardiste en uniforme.
- Escalier A, troisième et quatrième étages.
- Troisième et quatrième ? Vous pouvez me préciser où je pourrais trouver le chef de la brigade ?
- Troisième.
- Merci.
Valentin gravit les 148 marches recouvertes d'un antique linoléum noir qui le conduisait à son rendez-vous. C’était bien l’un des plus grands inconvénients du 36, quai des Orfèvres. Il n’y avait pas d’ascenseur.
Le jeune homme était sur Paris depuis lundi dernier. Il ne connaissait presque pas la ville et avait encore du mal à s’y repérer. Pour son premier jour de boulot dans la Police judiciaire de la capitale, on l’avait fait venir à 10 h 00 (à son grand désespoir, parce qu’il adorait les grasses matinées) de façon à l’accueillir dans les meilleures conditions.
Au troisième étage, il cherchait son chemin lorsqu’un jeune en uniforme lui rentra dedans.
- Excuse-moi vieux, je t’avais pas vu !
- Ça va, je ne suis pas si vieux ! protesta Valentin, dont le sujet mettait de mauvaise humeur.
- Oh je plaisantais ! Fais pas la gueule ! C’est toi le nouveau ?
- Ouais.
- Ah, super, je t’attendais.
- Mais…t’es qui ?
- Anthony Cavelier, Gardien de la Paix, répondit le jeune homme, d’un ton professionnel.
Un peu trop professionnel d’ailleurs, ce qui permit à Valentin de douter du métier de sa nouvelle connaissance. À première vue, Anthony semblait être beaucoup plus jeune que lui. Il était aussi un peu plus petit, châtain clair avec des yeux verts d’eau, et son visage ovale était parsemé de tâches de rousseur.
- T’es pas un peu jeune, pour être gardien de la paix ?
- Bon, ça va, ça va, grogna Anthony, mécontent. Je suis « élève » gardien de la paix. Mais c’est pareil, non ?
- Non.
- Pouh… Si je dois être ton élève, faudra que tu sois plus sympa avec moi !
- Hein ? On m’avait pas dit que j’allais avoir un élève ! C’est quoi ce système merdique ?!
- En fait, à la base, t’en as pas, mais comme je suis l’élève de ta collègue de travail, alors, je suis le tien aussi. Capich’ ?
- Hey, hey, mais attends un peu là ! paniqua Valentin. Comment ça « ta collègue de travail » ?! C’est une femme ?!
- Ouais. Mais t’inquiètes, elle est cool. Quoique…c’est vite dit, mais elle n’est pas méchante. Bizarre, certes…mais inoffensive. Pas de panique !
- Elle est belle au moins ?
- Très. Pour ma part, j’ai rien tenté, parce que j’ai déjà une petite amie. Sophie. Elle est étudiante dans la pharmaceutique, et elle est d’origine italienne, et elle…
- Ouais, bon ça va, on passe. Autre chose ?
- Ouais. Le bureau du chef, c’est au fond du couloir, à droite.
- Merci Anthony !
- De rien. Hey, comment tu t’appelles ?
- Valentin, claironna joyeusement le jeune homme en suivant la direction qu’on lui avait désigné.
- Okay ! Hey, tu m’amèneras sur le terrain, hein ? Hein ? Tu promets, hein ?
- On verra !
- Oh allez, sois sympa ! Elle, elle ne veut jamais !
Valentin n’entendit pas la dernière phrase d’Anthony : il avait déjà disparu au bout du couloir. Il trouva le bureau du commissaire divisionnaire, et après avoir frappé à la porte, il pénétra à l’intérieur.
- Ah Monsieur Levesque ! Je vous attendais ! s’exclama le vieil homme en se levant de son fauteuil. Je vous souhaite la bienvenue au 36 !
- Merci, fit Valentin, en lui serrant la main avec énergie.
- Il ne manque plus que votre collègue, qui ne devrait plus trop tarder. J’ai chargé Anthony de la prévenir.
- Il m’a dit qu’il serait mon élève…
- Certes, et je pense que c’est une bonne chose. Vous verrez, c’est un passionné. Un peu trop d’ailleurs, il se fait pas mal d’illusions, mais c’est un bon petit. Enfin, concernant vos fonctions, je pense que vous savez déjà ce que vous devez faire au sein de la Brigade Criminelle.
- Oui.
- Je vous demanderai simplement de me remettre chaque semaine un rapport qui résume tout ce que vous avez fait, ainsi que vos résultats. Martine Monteil tient à suivre toutes les affaires de très prés. Elle transmet régulièrement les évolutions des enquêtes au Préfet de police (de façon générale, tous les lundis). Donc, tenez-vous à ça, et soyez efficace. Bon, c’est pas tout, mais vous voulez bien signer ce papier, s’il vous plaît ?
- Gabrielle ! Gabrielle !
À peine arrivée sur le palier du troisième étage, la jeune femme fut interpellée par Anthony, son élève, qui gesticulait dans tous les sens.
- Qu’est-ce que tu veux ? demanda-t-elle, de mauvaise humeur.
- Le commissaire divisionnaire veut te voir dans son bureau !
- Ah bon ? Pourquoi ?
- T’as un nouveau collègue de travail !
- Oh non, c’est pas vrai ! Je lui avais pourtant dit que je ne voulais pas !
- Ça va, je l’ai vu et il est super sympa ! Tu dois te dépêcher !
- Oui, oui, je vais y aller…
Gabrielle fit un détour par son bureau pour y déposer son sac et ses dossiers, et prit ensuite le chemin de celui de son supérieur. Elle frappa à la porte.
- Ah la voilà ! Entrez Mademoiselle !
La jeune femme s’exécuta. Elle ne fit pas deux pas qu’elle resta pétrifiée lorsqu’elle reconnut Valentin debout devant sa chaise. Elle aurait pensé le voir dans n’importe quel cabinet médical, mais surtout pas dans le bureau de son patron. Il parut d’abord très surpris, puis visiblement amusé par la situation. Au contraire, Gabrielle était loin de rire.
- Mademoiselle de Caumont, je vous présente votre nouveau collègue, Monsieur Levesque, qui prend ses fonctions de lieutenant dès aujourd’hui.
Gabrielle était encore figée ; elle n’eut pas la force de répondre. Après que le commissaire l’ait priée de faire visiter l’établissement à Valentin, elle sortit du bureau en silence, suivie du jeune homme. Ils n’étaient pas au milieu du couloir lorsqu’elle se retourna vivement, et le gifla de toutes ses forces. Anthony, qui passait par là et qui avait vu la scène, en fut presque traumatisé.
- Ouah ! fit-il, émerveillé, tandis que Valentin massait sa joue endolorie.
- Anthony ! Retourne travailler ! aboya Gabrielle.
L’élève obéit et se rua dans le premier bureau venu. Il n’avait pas très envie de subir la colère de la jeune femme.
- Non mais ça va pas ?! s’exclama Valentin, furieux.
- Vous, fermez-la ! Vous l’avez bien mérité !
- Vous n’allez quand même pas faire tout un fromage simplement parce qu’on a…
- Taisez-vous !
- J’ai pas commis un crime ! insista le jeune homme.
- Presque !
- Faîtes-moi visiter les locaux plutôt que de déconner !
- Allez vous faire foutre ! cracha Gabrielle, en prenant la fuite vers son bureau.
Valentin soupira. Il resta seul dans le couloir jusqu’au moment où Anthony réapparut, suivi d’un autre gardien de la paix.
- Ah Berthier ! Tu ne vas pas me croire ! Elle a giflé le nouveau ! s’exclama l’élève, toujours ébahi.
- C’est pas vrai ?!
- Si !
- Bon, ça va, hein ! grogna Valentin.
- J’aurais jamais pensé qu’elle puisse en arriver là, avoua le dénommé Berthier. C’est vrai que ses relations avec les hommes ne sont pas au mieux, mais jusqu’à ce point…
Corentin Berthier avait une fonction dans la Police judiciaire depuis seulement un an, et il faisait partie aussi du groupe de musique des Gardiens de la Paix. Généralement, les autres flics préféraient l’appeler par son nom, sous prétexte que ça sonnait mieux.
- Tu commences bien ta journée, fit-il remarquer à Valentin.
- Putain, t’as raison…
- Bon, on va te faire visiter, décida Anthony.
- Non, avant, on va te faire une petite mise en bouche ! commença Berthier. En bas, dans la cour, à droite, t’as l’Identité Judiciaire.
- C’est les flics qui identifient nos nouvelles recrues, rajouta l’élève, fier de pouvoir montrer ses connaissances.
- Donc, au 36, y’a la Crim’, la Brigade de Recherche et d’Intervention (on dit aussi la B.R.I. ou l’antigang, ça va plus vite), et la Brigade des Stupéfiants, qui se trouve sous les toits, au dernier étage.
- Oui, ça, je sais, ne put s’empêcher de dire Valentin.
- J’espère pour toi, car j’en connais un qui ne le savait pas lorsqu’il est arrivé ici, n’est-ce pas Anthony ? plaisanta Berthier.
- Oh ça va, je m’étais pas informé, c’est tout ! Pas de quoi en faire un drame !
- Bien sûr. Donc, les autres brigades comme la Répression du Banditisme et la Répression du Proxénétisme se trouvent pas loin d’ici (tu verras, c’est de l’autre côté de la Seine), à la rue de Lutèce, et la Protection des Mineurs, au quai de Gesvres.
- Y’a plein d’autres brigades, mais elles sont moins importantes, ajouta Anthony.
- Oui, mais après, c’est la Sous-Direction des Affaires Économiques et Financières qui les regroupe, expliqua Berthier. Et on n’en a rien à faire, théoriquement.
- Ensuite, t’as des p’tits restos et des snacks sympas dans la rue, pour pouvoir manger.
- On a aussi un self, mais la bouffe est dégueulasse. C’est pour ça que les restos, c’est super.
- Euh…y’a quoi d’autre Corentin ?
- Bah…à part le Palais de Justice et la Préfecture de Police qui sont juste à côté aussi, y’a rien d’autre, je crois.
- Et Notre-Dame, compléta Anthony, fier comme un pape.
- Okay, merci beaucoup, fit Valentin, pas sûr d’avoir tout retenu.
Il allait partir on ne sait où, mais les deux compères le retinrent.
- On t’a déjà parlé de…commença Berthier.
Il ne put continuer sa phrase car une femme en tailleur et quinquagénaire s’approchait d’eux. Valentin jugea qu’elle devait avoir une place importante pour que Corentin se taise si vite. Seul Anthony n’avait pas perdu son sang froid et sa naïveté.
- Salut Martine ! claironna-t-il joyeusement. Comment ça va aujourd’hui ?
- Putain mais il n’est pas possible ce gosse ! s’énerva Berthier, en donnant une tape sur le crâne de l’élève.
La femme en tailleur éclata de rire.
- Excusez-le Madame. Déjà un an qu’il est là, et il n’a toujours pas appris la politesse.
- Oh hey, m’en voulez pas Martine, je plaisantais !
- Laissez Berthier, laissez. Bien sûr que non, ça ne me dérange pas Anthony. Un peu de jeunesse n’a jamais fait de mal ici, vous savez…et on en manque bien.
Elle se tourna vers Valentin et le dévisagea lentement.
- Vous êtes le nouveau lieutenant ?
- Oui. Je commence aujourd’hui et…
- Martine Monteil, Directeur Générale de la Police Judiciaire de Paris, coupa-t-elle pour se présenter.
Comme tous les autres flics qui l’avaient appris avant lui, Valentin en eut le souffle coupé. Comment une femme pouvait détenir le poste le plus haut de la Police ? Ce qu’il ne savait pas, c’était qu’elle était bien la première à posséder ce titre. Lorsqu’elle avait été nommée, le Premier Ministre avait clairement annoncé aux médias qu’aucun des autres candidats ne lui arrivaient à la cheville. Et c’était vrai.
- Et vous ne travaillez pas ? demanda-t-elle, soupçonneuse.
- Euh…ben…en fait…je ne sais pas sur quoi je suis censé bosser en ce moment et…
- Un homme qui a tué douze petites filles, intervint Anthony, redevenu sérieux.
- Oui, douze petites filles…soupira Martine, en prenant soin de détacher chaque mot pour leur donner plus d’importance. Mais je crois que votre collègue a bien avancé sur l’enquête, elle m’a donné son rapport vendredi. Vous devriez aller la voir et vous concerter avec elle.
Valentin doutait qu’une telle chose soit possible avec Gabrielle, et Anthony semblait bien de son avis. Martine Monteil jeta un petit coup d’œil à sa montre et s’affola.
- Bon, je dois y aller, je risque d’être en retard à la Préfecture. Au revoir Messieurs ! lança-t-elle en s’éloignant à pas rapides.
- Ciao Martine ! hurla Anthony, content d’avoir une certaine complicité avec la Directrice.
- Fais gaffe, les apparences sont trompeuses, expliqua Berthier à Valentin. Cette femme super sympa que tu as vu là a viré le numéro trois de la Brigade des Stupéfiants et le numéro deux de la Brigade de la Répression du Banditisme lorsqu’elle a découvert leurs liens avec des délinquants. Tu peux me croire, avec elle, les têtes sont tombées.
- Ouah…fit Valentin, époustouflé.
- Pourquoi tu t’entends pas avec de Caumont ? demanda Anthony, pour changer de sujet de conversation.
- Ça ne te regarde pas.
- Tu la connaissais avant ?
- Ouais, mais j’ai pas envie d’en parler.
- Okay, comme tu veux. Hey les mecs, on va se boire un petit café ?
- Non, refusa Berthier, j’ai de l’huile sur le feu.
- De l’huile sur le feu ? répéta Valentin, qui n’avait pas compris.
- Du boulot, corrigea le policier.
- Sois plus précis ! Moi, je vais aller voir ma très chère « collègue de travail ».
À sa tonalité, Corentin et Anthony voyaient bien qu’il n’en avait pas la moindre envie.
- Tu veux que je t’accompagne ? Je pourrais te soutenir durant le chemin si tu veux. Bon, son bureau est à côté, mais c’est toujours ça de pris, non ? demanda l’élève.
- Toi, tu vas travailler, sinon je te colle mon pied au cul, menaça Valentin.
Anthony s’exécuta, pris de panique. Il suivit Berthier jusque dans leur bureau, laissant seul leur nouvel ami chercher celui de Gabrielle. Le jeune homme colla son oreille à plusieurs portes, mais il n’entendait que des voix fortes, des voix d’hommes. Persuadé que Gabrielle travaillait dans un milieu calme et silencieux (et sans présence masculine, si possible), il écouta encore aux portes jusqu’à ce qu’il trouva un bureau où il n’y avait pas de bruit. Il toqua doucement contre le bois verni, mais personne ne répondit. Valentin entrouvrit doucement la porte et vit la jeune femme derrière son bureau, la tête couchée sur un dossier épais et les yeux fermés. Son ordinateur ronronnait et une tasse de café était posée à côté d’elle. Il n’y avait personne dans la pièce, et il constata qu’elle avait la grande chance d’avoir un bureau pour elle seule. Il pensait qu’elle dormait. Non. Gabrielle ne dormait pas. Elle enrageait, elle fulminait. Elle était très en colère. Et très triste. Lorsqu’elle releva la tête pour regarder Valentin droit dans les yeux, elle ne pleurait pas. Loin de là.
- Foutez-moi la paix !
- Minute ! J’ai besoin du dossier !
- Dehors ! s’écria Gabrielle.
- Le dossier ! hurla le jeune homme.
- Non ! brailla-t-elle, encore plus fort.
Ils se foudroyaient du regard. Il croisait les bras, signe de lassitude. Elle serrait la poche de tissu contre elle, de crainte qu’il le lui enlève.
- Vous m’aviez dit que vous étiez médecin, reprocha Gabrielle, un peu calmée.
- Vous m’aviez dit que vous étiez vétérinaire, riposta Valentin, malicieux.
- Oui, mais moi, c’était pas pareil. Si je dis que je suis flic, ils prennent tous la fuite !
- Moi aussi. Vous me voyez arriver et dire « Salut ma belle, je suis flic, on couche ensemble ? » ?
- Je…je n’étais pas dans mon état normal.
- Merci, j’avais remarqué.
- Enfin, ça ne vous regarde plus. Sortez d’ici, je ne veux plus vous voir.
Elle essayait de rester calme mais elle avait grande envie de jeter la cafetière sur son visage, même beau soit-il.
- Je vous ai dit que je suis venu chercher quelque chose.
- Et vous ne l’aurez pas !
- Mais je vais juste faire une photocopie, et je vous le rends juste après ! Je vais pas le manger votre dossier !
- Non, je ne veux pas vous le donner ! J’ai travaillé plusieurs mois dessus, j’ai bientôt bouclé l’affaire, et je n’ai pas envie que vous vous attribuez tous les mérites !
- Ce qu’il ne faut pas entendre…marmonna Valentin.
- Sortez ! Allez ! Dégagez !
Le jeune homme décida de sortir du bureau. Juste avant de partir, il se tourna vers Gabrielle, l’œil et le sourire malicieux.
- Maintenant que Martine me posera la question, je saurais quoi lui répondre…
L’après-midi, ce ne fut pas Martine Monteil qui convoqua Gabrielle dans son bureau pour la gronder, ce fut le même commissaire divisionnaire qui avait accueilli Valentin. Et ce vieux monsieur n’était pas content du comportement de la jeune femme, mais alors…pas du tout.
- C’est inadmissible ! Inadmissible !
- Monsieur, je…
- Avez-vous seulement une connaissance sur la signification du mot « cohésion sociale » ?
- Oui, mais…
- Cours de première année ! S’il y’a une bonne cohésion sociale dans une organisation, alors les employés seront plus efficaces ! L’esprit d’équipe, Mademoiselle de Caumont ! L’esprit d’équipe ! Ça vous dit quelque chose ?! Comment voulez-vous avancer dans une enquête si vous ne vous entendez pas avec votre partenaire ? Hein ?
- J’ai des problèmes personnels en ce moment, et…
- Ce n’est pas une raison ! Quand on va travailler, on laisse ses soucis chez soi, et on les récupère le soir ! Vos problèmes ne doivent en aucun cas influencer sur vos enquêtes, et je vous rappelle que vous étiez prévenue d’avance sur ce qu’on attendait de vous dans ce métier ! Et si ça ne vous convenez pas, il fallait faire autre chose !
- Mutez-moi, placez-moi ailleurs, mais je ne veux pas travailler avec cet homme !
- Et bien justement, non ! Tant que vous n’aurez pas compris le sens de l’expression « esprit d’équipe », tant que vous ne travaillerez pas efficacement avec votre partenaire, vous pouvez être certaine que je ne vous changerai pas de poste, ni de brigade ! Donc, ce que je veux maintenant, c’est que vous partagiez votre travail, et que vous m’arrêtiez ce type ! Compris ?
Lorsque la jeune femme sortit du bureau du commissaire, la rancune qu’elle avait contre Valentin avait reçu une bouchée double. Celui-ci l’attendait au bout du couloir, et visiblement, il s’en voulait de s’être plaint à son supérieur. Durant l’après-midi, Gabrielle n’était plus Gabrielle. Elle ne parlait plus (elle parlait déjà peu avant l’arrivée de Valentin) et elle restait tapie dans l’ombre. Quand Berthier lui avait annoncé qu’ils avaient retrouvé les coordonnées de l’homme qu’ils recherchaient depuis des mois, elle n’avait eu aucune réaction. Son collègue, lui, s’était redressé comme un ressort et n’attendait plus que le moment où il sortirait les menottes de sa poche. Elle, elle était comme morte.
- Hey, tu m’amènes ? implora Anthony, qui voulait participer à l’arrestation.
- Non, répondit Gabrielle, d’une voix glaciale.
- On l’amène, riposta Valentin.
- Non, répéta la jeune femme. Il n’est pas préparé.
- Et bien, il apprendra à se préparer en cours de route. On est tous passé par là ! Anthony, tu viens avec nous !
- Ouais, génial !
- Mais…protesta-t-elle.
- Ça ne lui apportera que des bonnes choses, et surtout de l’expérience !
Gabrielle fronça les sourcils. Elle se rendit compte qu’elle n’avait plus son mot à dire. Valentin faisait tout ce qu’elle n’avait pas envie de faire. Il était protégé par les chefs, et même par Martine Monteil. Et il faisait ce qu’il lui chantait, sans être réprimandé. Quant à elle, depuis deux ans déjà au 36, plus personne ne l’écoutait.
Elle suivit donc, contre son gré, Valentin et Anthony, qui étaient fous d’impatience. Ils se languissaient tous les deux d’être sur le terrain. Là aussi, Gabrielle ne réagit pas. Elle monta dans la voiture, n’écouta pas les deux hommes bavardaient joyeusement entre eux et se laissa conduire. Lorsqu’ils s’arrêtèrent dans une petite rue, elle n’avait encore aucune réaction.
- C’est au 6, fit Anthony.
- Okay, bon, on va lui faire une gentille visite à ce monsieur, ironisa Valentin.
C’est à ce moment-là que Gabrielle sembla reprendre conscience. Elle écarta brusquement les deux hommes du passage.
- Poussez-vous, ordonna-t-elle.
Elle sonna à la porte. Un homme ouvrit ; c’était le coupable. Il n’eut pas le temps de dire, ni de faire quoique ce soit que Valentin et Anthony se jetèrent déjà sur lui. L’un le poussa contre le mur, tandis que l’autre lui enfilait les menottes. Gabrielle n’avait pas bougé, elle était restée debout sur le palier. Elle avait mis des mois à retrouver cet homme, et maintenant, elle se faisait un plaisir de lui tirer les cartes de l’avenir.
- Vous êtes en état d’arrestation pour homicide volontaire sur douze petites filles. Vous n’avez pas le droit à la parole. Vous ne pourrez vous exprimer seulement en présence d’un avocat, et lorsqu’on vous posera des questions. Maintenant, fit-t-elle en désignant Valentin, en route.
Elle avait presque oublié ce que le commissaire lui avait dit l’après-midi. Ce dont elle était certaine, c’est qu’elle ne laisserait pas Valentin empiéter sur ses enquêtes et sur sa vie. Bien entendu, elle travaillerait avec lui puisqu’elle n’avait pas le choix. Mais elle serait tellement exaspérante qu’il voudra changer de poste, elle en était certaine. Avant de remonter dans la voiture, elle le regarda un court instant d’un air supérieur, simplement pour lui prouver qu’elle était l’un des meilleurs éléments du 36, et qu’elle ne se laisserait pas abattre.
Non je ne suis pas Comme…comme…comme toi ! Mais pas cette fois Comme…comme…comme toi ! Cracher des mots d’amour Sur celui que l’on aime Verser dans son discours Un parfum de haine… Jouer des mauvais tours, Se prendre pour la reine, Chercher à rendre fou, Quand on perd haleine Tout contre toi pour exister, Je m’imprégnais non sans regrets De tout ce mal que tu m’as fait… Mais je ne suis pas Comme…comme…comme toi ! Mais pas cette fois Comme…comme…comme toi ! Comme toi…
J’effacerai pour toujours Ton âme de la mienne Et quand naîtra ce jour Je ne serai plus la même Tout contre toi j’irai briser, Les miroirs où se reflétait Ton regard qui me poursuivait Mais je ne suis pas Comme…comme…comme toi ! Mais pas cette fois Comme…comme…comme toi ! Comme toi…
Cracher des mots d’amour Sur celui que l’on aime Chercher à rendre fou Quand on perd haleine… Qu’importe que reviennent, Ces pensées qui m’aliènent… Je saignerai me veines pour soigner mes peines
Comme…comme…comme toi…
Mais je ne suis pas Comme…comme…comme toi ! Mais pas cette fois Comme…comme…comme toi ! Comme toi…
Je suis bluffée par l'univers que tu mets en place. Les descriptions du 36, que ce soit des lieux ou des personnes travaillant là-bas, sont vraiment très bien menées. Ca a dû te demander une sacrée documentation et je suis d'autant plus admirative que cette partie de l'écriture prend toujours un temps monstre. Mais pour un tel résultat - chapeau :))
Moui, il a fallu que je me documente un peu partout (télé, magazines, bouquins...), mais rien ne m'a fait d'autant plus plaisir, parce que tout ce que je dénichais était vachement intéressant. Au fur et à mesure, je suis tombée amoureuse du 36. ^^
Bref, sinon, merci beaucoup pour ton commentaire ! ^^ J'espère que la suite continuera de te plaire. XD
Kâââlins !
Tes personnages sont vraiment très attachant. Le petit Anthony m'a beaucoup plu.
Je sens que la relation entre Gabrielle est sont coéquipier va être explosive.
Je suis désolé je ne dis rien sur ton écriture car je la trouve tout simplement parfaite. Je n'ai aucun reproche à faire. Je me contente de lire avec plaisir ton histoire.
Par contre, petite coïncidence amusante, quand je suis arrivée à la fin du chapitre, la chanson qui passait en arrière fond sur mon ordinateur était la même que celle dont tu as écrit les paroles. Je ne sais pas si c'est un signe, mais une chose est sûre, je vais continuer à lire cette sympathique histoire ! :)
En tout cas, merci beaucoup pour ta reviews, je suis très très très contente que cette histoire te plaise. :)
Tu penses bien : Gabrielle n'est pas prête de perdre son caractère (Valentin non plus, à vrai dire), mais au fur et à mesure, une certaine entente va s'installer pour une "meilleure" collaboration.
Sinon, pour le décor, le 36, les flics, la police...je dois tout à mes recheches, aux livres et aux documentaires et reportages. C'était un vrai plaisir de me plonger là-dedans. xD
Bref, je te remercie encore.
Bien des bisous et...*lorgne l'onglet du Mythe* à tout à l'heure ! ;)
Je te fais de gros bisous, encore merci. En espèrant que la suite te plaise aussi.
Enfin, je suis contente que ça te plaise !
Bizooooo