Mya se réveilla en sursaut, avec un certain soulagement, elle remarqua qu’elle s’était encore une fois endormie sur son bureau. Deux fois, en une seule journée, un nouveau record. Ses vêtements étaient humides, imprégnés de sueur. C’était la première fois qu’elle faisait un cauchemar ce genre ou qu’elle avait de telles réactions. Mais en même temps, la scène qu’elle venait de vivre lui paraissait si réelle que s’en était bouleversant. Son cœur battait à une vitesse endiablée. Ses joues étaient trempées par une multitude de larmes. Elle pleurait ? Que lui arrivait-il ? Peut-être que le champagne ne lui réussissait pas si bien que cela, l’estomac vide, finalement. Elle avait beau essayer de se triturer les méninges, elle ne trouvait aucune raison valable pour faire un si mauvais rêve. La journée avait été parfaite et elle n’était pas anxieuse, car cauchemar rime avec anxiété. N’est-ce pas ?
Son corps reprit, petit à petit, un rythme normal et elle discerna que ses larmes se tarissaient. Mya maugréa et se dirigea vers la salle d’eau. Elle ouvrit le robinet et pour la deuxième fois de la journée se passa de l’eau fraîche sur le visage, ce qui la calma. Elle éteignit par la suite son ordinateur et attrapa ses affaires. Il était temps de fermer la boutique. Il n’était pas encore minuit mais son micro sommeil la chamboulait. Elle ne pouvait plus se concentrer après cet épisode. Il était plus sage de rentrer chez soi et de se reposer. Pourtant, l’étrange sensation d’être épiée s’empara d’elle au moment où elle clôturait son agence. Elle se figea aussitôt attentive au moindre bruit. Aucun son ne lui parvint. Peut-être était-ce du à son imagination débordante ? Pourtant, elle avait ce ressentit d’être en danger imminent. Elle se pencha, tourna la tête de tous les côtés, scruta l’horizon et ne vit personne. Mya souffla. Elle avait décidemment l’esprit retourné. Voilà qu’elle s’imaginait des choses à présent. Pire, elle agissait comme une paranoïaque !
Afin d’atténuer sa nervosité, elle opta pour une démarche rapide. Le long du chemin jusqu’à son domicile, elle jeta continuellement des regards par-dessus son épaule. Pourtant, personne ne la suivait. Elle était même, seule dans la rue, à cette heure si tardive.
Mya referma la porte d’entrée et s’appuya dessus quelques secondes. C’est à ce moment là qu’elle remarqua que son corps tremblotait. Il fallait vraiment qu’elle se détende. Au moins, à présent elle était en sécurité chez elle. Comme elle n’avait pas dîné, Mya subtilisa une pomme dans la corbeille de fruits sur la table de la cuisine. Elle croqua le fruit juteux et songea à cet homme énigmatique qui hantait ses songes.
Que faisait-il ici ? D’habitude lorsqu’elle rêvait de lui, un sentiment de plénitude s’emparait d’elle. Ils étaient seuls dans une forêt ou près d’un lac. Il ne se contentait que de la regarder ou de sourire. En général, l’atmosphère y était toujours idyllique. Cet étrange décor était, pour la première fois, déroutant et inquiétant. Cela n’augurait rien de bon. Un hospice d’aliénés… La signification ne pouvait qu’être sinistre. Mya ignorait la raison pour laquelle elle lui avait délibérément désobéit. Elle l’avait pourtant reconnu. Elle se repassa en boucle les phrases qu’il lui avait dites. Cela n’avait aucun sens. Que voulait-il dire par « tu es en danger, il t’a retrouvé » ? Mais la question à mille point était : qui est ce « il » ? Une bonne douche froide l’aiderait à se débarrasser de cette vision horrifique qui la préoccupait.
Le lendemain, Mya se réveilla avec la délicieuse odeur de cuisine qui parvenait à ses narines. Elle saliva et se prépara en vitesse affamée. Sa mère ne semblait pas l’avoir vue et surveillait la cuisson des crêpes impériales autrichiennes. La compote de pommes encore chaude était déjà répartie dans plusieurs ramequins. Mya plongea un doigt dedans et le mît à la bouche mais un raclement de gorge la rappela à l’ordre. Elle releva les yeux et remarqua que sa mère lui tendait, amusée, une assiette rempli de crêpes ainsi qu’une cuillère à dessert. Évidemment.
— Merci, dit-elle aussitôt, c’est excellent comme d’habitude.
Sa mère ricana et la suivit dans la salle à manger puis se servit une part de pâtisserie à son tour.
— Je me suis dit qu’il fallait fêter ce nouveau contrat dont Félix m’a parlé, déclara-t-elle, avec un sourire.
— Je vais tenter de signer des contrats tous les jours, dans ce cas, articula-t-elle entre deux bouchées.
— Gloutonne! Pourquoi n’inviterais-tu pas Félix à venir dîner ce soir ? ajouta sa mère comme si de rien n’était. Cela fait un sacré moment déjà que nous ne l’avons pas vu.
— Je lui en parlerais, promis. Je ne te garantis rien, tu le connais. Il a surement déjà des plans de prévus, mais je te tiendrais au courant. Oh, tu as vu l’heure ? Il faut que je file si je ne veux pas arriver en retard. Il ne manquerait plus que cela… Désolée et encore merci pour cet agréable petit déjeuner, maman.
Après une bise aussi légère qu’une plume sur la joue de sa mère, Mya se précipita hors de son domicile.
Lorsqu’elle arriva à son entreprise, elle eut l’agréable surprise de trouver Félix dans la salle de pause. Elle en profita pour lui faire part de l’invitation de sa mère qu’il accepta aussitôt avec joie. Prise d’une pulsion, Mya inspira et entrouvrit la bouche. Pourtant, aucun mot n’en sortit. Elle avait besoin de relater ce qu’elle avait vécu à quelqu’un. Est-ce que Félix était un choix judicieux ? Sa nuit avait été courte… Un avis extérieur l’aiderait à tourner la page. Elle se tortilla les mains, tête baissée, hésitante. Félix sembla comprendre que quelque chose la rongeait, puisqu’il s’approcha d’elle.
— Ça n’a pas l’air d’aller, dit-il avec une lueur d’inquiétude dans le regard. Tu sais que tu peux tout me dire. N’est-ce pas ?
—Je vais bien, ne t’en fais pas, le rassura-t-elle, puis je ne veux pas t’importuner avec un sujet aussi absurde.
— Commences d’abord par essayer d’en parler et je te dirais si c’est réellement de la stupidité ou pas, proposa-t-il intrigué.
Il s’assit à la table de la pièce le dos droit et l’invita par la même occasion à l’imiter, ce qu’elle fit timidement. Maintenant, elle angoissait, elle envisageait les pires scénarios. Et s’il se moquait d’elle ? S’il en parlait à Leny et que ce dernier le colportait dans tout le village ? Elle deviendrait la risée d’Hallstatt en deux trois mouvements. Elle hésita, mais quelque chose dans son regard l’incita à s’expliquer.
— Très bien. Hier soir, quand je fermais l’agence, vers minuit, j’ai eu l’impression que l’on m’observait, avoua-t-elle. Enfin, oublies ça, j’ai dû m’alarmer stupidement.
Félix soupira en se laissant tomber au fond de sa chaise. De toute évidence, il n’avait pas loupé une miette du débat qu’elle s’était fait mentalement avant de lui avouer ce qui lui pesait sur le cœur.
— C’est loin d’être aberrant, commença-t-il. Tu es une belle femme, jeune, intelligente et de surcroît célibataire. Dans un village rempli de touristes qui pour certains sont probablement mal intentionnés.
— À te croire, on dirait qu’il faut que j’aille au commissariat en courant, ricana-t-elle. Le problème c’est que je n’ai croisé personne, justement. J’ai du boire trop de champagne. Et…
— As-tu d’autres prétextes aussi insensés que l’alcool qui te viennent à l’esprit? s’enquit-t-il. Parce que sinon, laisses-moi juste le temps de me préparer. Enfin, pour ce qui est de la police, ta mère t’y traînerait à ma place, en effet.
— Que me conseilles-tu ? D’arrêter la psychose ? tenta de plaisanter Mya.
— Non, déclara-t-il sérieusement. À voir ton état, je suis persuadé que tu avais raison. Je ne veux pas t’effrayer, mais la personne en question a très bien pu se cacher quand il t’a vu te retourner.
— Je t’avoue que je n’avais pas pensé à cette hypothèse, marmonna Mya.
— En tout cas, tu as bien fais de m’en parler. Tu ne devrais plus te balader seule, le soir.
— Oh non, je ne t’ai pas dis tout cela pour en arriver à de telles extrémités ! s’exclama aussitôt Mya.
— Je sais bien mais ça me rassurerait, répliqua-t-il aussitôt. Puis, tu n’es pas n’importe qui. Allez, je retourne au secrétariat, et toi, ne penses plus à cela.
L’idée de ne plus rentrer seule chez elle, le soir, la rassurait. Félix sortit de la pièce dès la fin de sa tirade et ne lui laissa pas le temps de répliquer. De toute évidence, il croisa Leny dans le couloir puisque ce dernier s’introduisit à son tour dans la pièce. Il salua Mya qui était restée assise encore surprise par son échange avec son cousin.
— Félix est étrange aujourd’hui. Il m’a royalement ignoré cela ne lui ressemble pas.
— Il est convié chez mes parents pour le dîner. Il est surement dans ses pensées, suggéra-t-elle. Il ne vient jamais les mains vides donc…
Mya se mordit la langue. Elle n’avait pas pour habitude de lui mentir. Cependant, elle ne pouvait pas lui révéler la vérité. Il ne le fallait pas. Du moins, pas cette fois-ci. Elle ne supporterait pas de le voir la ridiculiser. Elle avait beau s’entendre à merveilles avec lui, elle savait que certains sujets étaient à éviter. Celui-là en faisait parti. Leny était le genre de personnes auxquelles un fait sans preuves n’était qu’un simple résidu d’affabulation. Il lui aurait sans doute fait une réflexion comme quoi une jeune femme tard le soir s’effrayait facilement. Et elle en aurait été vexée. Manifestement, cette journée se promettait étonnante.
— Que fais-tu, aujourd’hui ? Une visite dans la ville, comme hier ?
— En fait, non. Juste une simple randonnée avec un petit groupe pour la matinée. Par contre, si je ne me trompe pas Leny, la tienne est bien chargée.
— En effet. Mais on peut échanger si tu le souhaites.
Mya ricana, il n’en était pas question. Elle se dirigea vers l’armoire du personnel de la pièce et enfila ses chaussures de randonnée. Elle les laissait toujours à son office par peur d’oublier de les emmener les jours d’excursions.
Une bonne heure plus tard, une famille l’attendait au niveau de l’accueil. Elle apprit de leurs bouches que des amis étant venus, quelques mois plus tôt, leur avait recommandées chaleureusement son agence. Ce genre de propos la flattée. Plusieurs parcours de marche existaient à Hallstatt, mais celui qu’elle avait emprunté, était de loin son préféré et vu l’air comblé de ses clients, ils partageaient son avis.
Vers les coups de midi, elle retourna à sa firme et eut la surprise de voir que Félix posait le couvert pour deux. Elle lui tourna le dos afin de retirer ses chaussures et lorsqu’elle lui fit de nouveau face, elle le vit fouiller dans une de ses poches. Il lui lança un petit tube qu’elle rattrapa au vol avec dextérité. Un spray au poivre ! Mya releva les yeux vers lui, étonnée.
— Je me suis dis que cela te serais utile, la devança-t-il en lui faisant un clin d’œil. Au fait, j’ai commandé japonais, ça te convient ?
— C’est adorable de ta part mais tu en fais beaucoup trop. Ce n’est pas comme si l’on m’avait agressé.
— Et j’espère sincèrement qu’on en viendra pas jusque là. En tout cas, tu auras quelque chose pour te protéger du moins lorsque je ne serais pas là.
— Tu oublies que je sais me défendre, déclara-t-elle d’un ton sans appel.
— Certes, mais en réalité, sous le feu de l’action, on ne sait pas comment on réagit. Imagine un instant que tu te tétanises au lieu de t’enfuir…
—Tu n’avais pas d’autres tableaux à me dépeindre ? répondit-t-elle en gémissant. Même si, je te l’accorde, c’est une possibilité. Très bien, ce petit bijou ne me quittera pas.
Sur ces mots ils se régalèrent et ne firent plus allusions aux révélations de Mya.
Le reste de la journée défila rapidement, Mya était bien trop absorbée par ses différentes tâches. Le soir venu, Félix toqua à sa porte à l’heure de la débauche. Mya assimila le message et le suivit jusqu’à l’extérieur. Au moment de fermer la boutique, une étrange résonnance métallique parvint à leurs oreilles. Félix plaça aussitôt un doigt devant ses lèvres. Il lui fit silencieusement comprendre de rester sagement sur place, puis se dirigea vers un conteneur à ordures qui se trouvait un peu plus bas dans la rue. Il s’en approcha doucement, en fit le tour et râla avant de revenir vers elle. Une fausse alerte ! Pendant ce temps, elle ne l’avait pas quitté des yeux et en avait profité pour mettre la main sur son spray au poivre. Rassurée, elle alla à sa rencontre avant de prendre le chemin de son foyer où ils étaient attendus.
— C’était un satané chat, pesta-t-il énervé, un maladroit qui a fait tomber ce qui se trouvait au sol.
— Tu as dû le terroriser. Puis, tu peux me dire ce que tu aurais fais si ça avait été un humain ?
— J’aurais avisé le moment venu, dit-il calmement en haussant les épaules. Mais je préfèrerais que tu n’imagines pas ce que j’avais en tête.
— Les hommes et leur éternel besoin de dominance, railla-t-elle en levant les yeux au ciel. Vous ne savez vous exprimer que par la violence. C’est fou !
— Et j’ai droit au discours typique d’une féministe… Parce que tu aurais voulu que je lui offre des fleurs, toi ?
— Non, mais j’aurais aimé lire du soulagement, plutôt que de la déception dans ton regard, avoua-t-elle. D’ailleurs, si tu peux garder cette histoire pour toi, ce serait adorable. Rien que par cette fausse alerte, nous étions tous les deux sur le qui-vive. Je n’ai pas l’intention d’affoler tous le monde et encore moins mes parents.
— Ne t’en fais pas, j’ai bien vu que tu n’en as pas touché mots à Leny. Je suis passé à plusieurs reprises devant ta fenêtre aujourd’hui et sans vouloir te vexer, tu avais l’air dépassée par les évènements… J’ai même cru que tu allais avaler ton stylo à le mâchouiller comme une déjantée.
Mya repensa au moment auquel il faisait allusions avant de lui donner une tape amicale sur le bras. Ce n’était qu’une simple geste nerveux ! Geste qu’elle réalisait lorsqu’elle était agacée par certaines tâches spécifiques. De là à dire qu’elle ne savait plus ou en donner de la tête était absurde !
— Ce n’était qu’un mardi habituel… Je ne critique pas tes petites habitudes de déchirer le bas de tes pages pour en faire de petites boulettes quand tu es au téléphone !
— Ah non, il ne faut pas tout mélanger, dit-il amusé, ça, c’est uniquement lorsque j’ai des chinois au téléphone qui essayent de me parler en anglais... Leur accent est si prononcé que j’ai un mal fou à les comprendre ! Ce tic me permet juste de défouler ma colère passagère…
— Tu es dur avec eux, ce n’est pas un langage évident, le rabroua-t-elle, ils ont du mal à articuler certains sons !
— Je l’admets mais d’autres y arrivent très bien...
— Nous n’avons pas tous des aptitudes spécifiques au niveau des langues !
— Ça je ne te le fais pas dire, conclut-il rêveur.
Félix avaient les yeux qui pétillaient. À quoi pensait-il ? Mya le dévisagea, plusieurs scénarios se mettaient en place dans sa tête, elle hésita une seconde, incertaine.
— Rassure-moi, on parle toujours de prédispositions linguistiques, n’est-ce pas ? Pas de tes péripéties ou je-ne-sais-quoi...
— Je ne l’avais pas vu venir celle-là, dit-il avec une mine outrée, tu te dévergondes ma parole !
— Être en ta compagnie a du y jouer un rôle…
Ils s’esclaffèrent et entrèrent dans la maisonnée sous l’œil surprit et heureux des parents de Mya.
Eric, le père de Mya, leur tendit un verre d’apéritif, après que sa femme les ait débarrassés de leurs manteaux. L’ambiance était chaleureuse comme à son habitude. Plus la soirée évoluait et plus les anecdotes étaient amusantes. Mya charriait Félix de temps en temps et ce dernier le lui rendait bien. Perdue dans ses réflexions, elle déserta la discussion et fixa son verre vide. La relation de ses parents transcendait d’amour à souhait. Elle se demanda si un jour elle trouverait sa perle rare, sa tendre moitié dans un avenir proche. Elle n’osait pas l’avouer mais elle craignait de finir vieille fille. Le stéréotype typique : seule avec un chat, sa hantise. Peut-être était-elle trop exigeante ? Celui qui peuplait ses rêves était un apollon… Non, un adonis personnifié. Elle n’arrivait pas à le sortir de ses pensées.
Elle débordait d’imagination depuis son enfance, elle s’était souvent imaginée vivre dans divers autres univers, ce qui était bien évidement que pure fantaisie. À part Félix, tous ses amis étaient en couple. Un regard persistant la fit revenir parmi les siens dans le présent. Son père, de ses yeux gris, semblait la sonder comme s’il se doutait de quelque chose. Parfois, elle se disait qu’il avait raté sa vocation, détective lui seyait beaucoup plus qu’avocat, même s’il excellait dans ce domaine. Elle eut un léger rictus qu’il lui retourna avant de reprendre part à la conversation. Juste avant le café, Félix s’excusa pour aller aux commodités.
— Eh bien, on commençait à désespérer, murmura sa mère joyeusement. Ça fait plaisir de voir que vous pouvez agir enfin comme des cousins et non plus comme des étrangers.
Cette réflexion mit Mya mal à l’aise. Ainsi, ils n’avaient jamais été dupés par leur jeu d’acteur. Elle n’avait jamais douté qu’il était foncièrement mauvais, loin de là. Enfant, elle s’était évertuée à l’approcher mais il l’avait repoussée, et ce, à de nombreuses reprises. Elle en avait toujours ignoré la raison. Leur relation n’avait donc jamais été très amicale. Juste cordiale. Remplis de faux semblant pour ne pas froisser leurs familles respectives. Elle avait fini par s’y accommoder et avait prit exemple sur lui. Mais, à présent, il était là pour elle quand elle en avait besoin.
Ce changement radical la perturbait encore. Cependant, elle lui en était sincèrement reconnaissante. Elle l’avait su inquiet et ça la touché au plus profond de son être. C’était comme si la savoir en danger déclenchait en lui un profond lien d’attachement familial. Étrange mais rassurant à la fois.
Elle se rendit compte qu’ils attendaient une réponse. Une fois de plus, elle s’était laissée emportée par ses pensées et laissa échapper un petit rire de malaise.
— Vaut mieux tard que jamais, répondit-t-elle avec sincérité, n’est-ce pas ? Disons, qu’on est simplement aller de l’avant. Nous n’étions que deux enfants stupides à l’époque.
Elle sursauta lorsqu’elle entendit une voix provenir de son dos : Félix.
— Avoues plutôt que tu essaies de me flatter.
Elle tenta de camoufler sa surprise au mieux. Elle ne l’avait pas entendu revenir, à tel point qu’elle se demanda un court laps de temps, si ça n’avait été qu’une mise en scène. Était-il vraiment sorti de la pièce ? Le temps donné entre la question et sa réponse lui paraissait si court.
— Sans que tu ne sois présent dans la pièce ? Absolument ! J’ignorais que j’avais des yeux derrière la tête dans le cas contraire.
Ses parents avaient tous les deux les yeux moqueurs et se régalaient devant leur réparti, c’était comme s’ils étaient devant la meilleure comédie du siècle. Elle les imaginait bien avec un saladier de pop corn. Félix quand à lui arborait un sourire énigmatique. La soirée s’acheva finalement dans une hilarité générale.
Le soir suivant, alors qu’ils bavardaient gaiement, Félix se montra extrêmement vigilant. Il examinait le monde aux alentour, si bien que lorsqu’ils croisèrent un vieil ivrogne, sa réaction fut démesurée. Il la saisie par le bras et se positionna devant elle, la protégeant de son corps. On aurait cru qu’il allait bondir sur l’homme et Mya l’agrippa par son manteau afin de le retenir. Puis elle se mit devant lui, une main sur la hanche, l’autre pointant un doigt vers son visage.
— C’était quoi ça, le réprimanda-t-elle comme une mère le ferait avec son enfant, tu ne prends pas ton rôle, un peu trop à cœur ?
— Comment cela ? Tu ne vas tout de même pas me dire que tu n’as pas remarqué ses yeux rouges de drogués, déclara-t-il en pointant la victime du doigt. Il titubait et louchait sur toi.
— Attends ! Ce sont tes prétextes, ça ? dit-elle excédée. Mais ce vieillard était complètement saoul !
— Mes yeux se sont surtout posés sur la bouteille qu’il tenait à la main, marmonna-t-il. Une arme potentielle ! Mes réflexes ont fait le reste…
— Tu viens de le dire toi-même rien ne présageait une telle action de sa part. Puis, pour ta gouverne, j’ai surtout remarqué qu’il traînait son manteau derrière lui. Il chancelait, et toi, s’exclama-t-elle, avec tes pulsions de mâles dominant, tu as voulu lui refaire son portrait ! Qu’est-ce qui se serait passé, si je ne t’en avais pas empêché, d’après toi ?
Félix fixa le sol. Mya remarqua qu’il grattait les graviers avec un de ses pieds. À le voir ainsi, il ressemblait à un enfant prit en faute. Visiblement, il ne comptait pas lui répondre.
— J’aurais dût appeler les urgences et la police serait venu pour toi, ajouta-t-elle. Ce n’est pas que lui que j’ai protégé, ce soir, mais toi. En fait, cette histoire te travaille beaucoup plus que moi.
— Ça l’aurait dégrisé, articula-t-il faiblement.
— Est-ce que tu t’entends ? Tu n’es pas sérieux ! Si ca peut te rassurer, je sais me défendre contre un soûlard, surtout auprès d’un qui est dans ce lamentable état. S’il avait cherché à m’attaquer, je n’aurais eu qu’à courir. Il avait les jambes si flageolantes qu’il n’aurait jamais pu me suivre.
— D’accord, j’ai peut-être surréagi, concéda-t-il à contrecœur.
— Peut-être ? Je suis plutôt persuadée que tu aurais eu des remords, si tu avais mis en pratique tes plans.
— Quelle idée saugrenue aussi de boire jusqu’à plus soif un mercredi soir…
— C’est la meilleure ! Maintenant, tu râles, j’aurais tout vu, dit-elle excédée. Un alcoolique n’a pas de jour pour vider toutes les bouteilles qu’il croise sur sa route. Tu es bien placé pour le savoir quand on connaît ta mère.
Mya écarquilla les yeux et plaça une main sur sa bouche. Félix esquissa un sourire triste et acquiesça. Ces dernières paroles lui avait échappées. Le reste du trajet se passa dans un silence agonisant. Elle savait que ses réactions étaient disproportionnées, certes, mais elles partaient d’un bon sentiment. Elle par contre lui avait enfoncé un pieu dans le cœur sans raisons.
Trois jours. Cela faisait maintenant trois jours que Félix veillait sur Mya. Ce soir là, assise en tailleur sur son lit, elle était songeuse. Si elle avait été heureuse le premier soir de la protection de Félix, depuis elle commençait à s’agacer de ses agissements. Il tenait son rôle à la perfection, il n’y avait rien à redire. Mais elle n’allait pas vivre indéfiniment dans cette situation, ni lui.
Leny les avaient invités dans un bar à la fin de la journée pour célébrer une grande nouvelle. Il allait devenir papa et pour cela, il avait choisit son endroit fétiche. Comme tous les jeudi soir, ce dernier était rempli à craquer. Le vacarme était assourdissant.
Alors qu’elle savourait sa boisson, son regard se posa sur Félix. Elle s’était étranglée et avait avalé de travers lorsqu’elle avait remarqué qu’il jetait des regards noirs à tous les hommes du bar qui avaient le malheur de regarder dans leurs directions. Il était insupportable ! Il y avait quand même une sacrée différence entre la protéger et provoquer les autres. Leny, lui, n’avait rien remarqué, il s’était moqué d’elle et lui avait tapoté gentiment le dos. Mais la cerise sur le gâteau, fut que l’auteur du crime se tourna vers elle avec une œillade innocente. C’était le bouquet !
Au moins, il n’y avait pas eu de scène comme la veille. Elle se doutait qu’il avait du se retenir et l’en avait remercié mentalement. Dans le cas contraire, elle n’aurait pas su trouver une explication rationnelle à donner à Leny. Ce dernier devenait de plus en plus intrigué par la conduite irréprochable de Félix. Mais jusqu’à présent, elle avait feint l’ignorance totale.
Mya s’était résolue quant à la démarche à suivre et marchait à grands pas dans la rue. Les passants devaient sans doute s’imaginer qu’elle avait hâte de finir sa journée pour se prélasser durant son weekend. Pourtant, un tout autre débat se déroulait dans sa tête. Toute cette histoire était absurde ! Si quelqu’un cherchait à lui en vouloir, il aurait très bien pu agir de jour comme de nuit. Après tout, elle se rendait à son travail sans aucune compagnie. Témoins ou non n’y changeait rien… Elle ne souhaitait qu’une chose : rendre sa liberté à son cousin qu’elle monopolisait à cause d’un ridicule cauchemar. À son arrivée, elle entraina donc Félix à sa suite par le poignet.
— Tu n’as plus besoin d’agir comme un garde du corps, déclara-t-elle sûre d’elle, ça ne rime à rien. Nous savons toi comme moi que je peux rentrer seule chez moi.
— Que veux-tu dire par là ? s’enquit-t-il surprit.
— Je ne t’ai pas tout dit, je m’étais assoupi et j’avais la tête dans le brouillard, dit-elle en posant son regard partout sauf sur Félix. Et… Comme il n’y a absolument rien eu ces jours-ci…
— Peut-être que c’est justement parce que tu étais accompagnée, suggéra-t-il en haussant un sourcil.
— Les touristes ne restent pas longtemps ici, répliqua-t-elle d’un ton sans appel, c’est un petit village ! Il a dut partir… Maintenant, nous ne pouvons faire que des suppositions. La personne en question a juste du être surprise de me voir sortir si tard d’une agence de tourisme.
— Et… Il s’en serait caché pour quelles raisons ?
— Il a sans doute reprit sa route… Vas savoir… Peut-être même qu’il a tourné dans une allée ou qu’il est rentré chez lui.
— Tu avais l’air rongé d’inquiétude quand tu m’en as parlé mardi, finit-il par dire avec gravité.
— Parce que j’ai fini par me convaincre de ce que j’ai cru ressentir, conclut-elle désolée. Tu penses vraiment que quelqu’un de mal intentionné se lasserait aussi vite ? Parce que je n’ai pas eu l’impression d’être observé les jours suivants, même chaperonnée. Alors, tu n’as pas besoin de m’attendre ce soir. J’ai beaucoup de travail en retard et je risque d’y passer la nuit.
— Bien, tu es en train de me convaincre, affirma-t-il tout en grimaçant, mais je reste suspicieux.
— Si tu continues ainsi, tu vas finir par faire un infarctus, dit-elle pour le taquiner. Tu sais… Les effets du stress ne sont vraiment pas géniaux au niveau de la santé. Tu ne voudrais quand même pas avoir plein de cheveux blancs à ton âge ? Même si ca peut te rajouter un certain charme.
— Très drôle ! Je ne suis pas un grand fan de ton humour.
Elle était soulagée, elle avait obtenu facilement ce qu’elle désirait. Elle voulait qu’il profite de son weekend, elle lui devait bien ça.
Focalisée sur l’avancée de ses tâches, elle ne vit pas les heures s’écouler. Aussi, elle fut surprise par l’obscurité de la nuit qu’elle discerna de sa fenêtre. Satisfaite par son dur labeur, elle s’étira, prête à rejoindre son foyer. Elle ferma les lieux en toute insouciance, lorsqu’elle éprouva de nouveau le même malaise que le lundi soir. Durant une seconde, elle se dit que ce n’était qu’un effet imaginaire dû à la fatigue. Pourtant, du coin de l’œil, elle vit une ombre plus haut dans la rue qui paraissait venir vers elle. Elle ne bougea pas de suite se disant que ce n’était qu’un passant. Un simple homme rentrant tardivement chez lui. Puis, elle se mit à se mouvoir. Elle accéléra, lui, également.
Ce n’est qu’à ce moment là qu’une panique sourde commença à monter en elle. Elle lâcha son sac à main et chercha dans la poche de son manteau le spray offert par Félix. Rien ! Elle inspecta l’autre poche. Vide ! Elle avait du le faire tomber dans sa chambre lorsqu’elle s’était débarrassé de son manteau la veille quand elle l’avait jeté à travers la pièce, énervée. À croire que le destin s’acharnait sur elle… Plus qu’une solution : courir. Elle vit la forme humanoïde faire de même. Avec horreur, elle se rendit compte qu’il était trop rapide pour elle. Il la dépassa et lui barra la route. Si elle avait eu au départ un léger doute par rapport à ses intentions, à présent il n’y en avait plus. Il avait du réfléchir à un plan bien particulier pour ne l’attaquer que plusieurs jours plus tard. Il fallait agir et vite ! Elle tourna dans la plus proche ruelle. Zut ! Une impasse. Elle fit demi-tour malheureusement il s’y engagea à son tour. Elle recula, jusqu’à sentir la dure surface dans son dos. Il n’y avait plus aucune issue, elle était prise au piège, coincée et paniquée. Elle hurla afin d’attirer l’attention des villageois, du moins c’était le but de la manoeuvre. Elle repensa à sa conversation avec Félix. Quelle idiote ! Le psychopathe était toujours à Hallstatt. Que pouvait-elle faire ? Il semblait se délecter de la terreur qui s’emparait d’elle, il progressait lentement vers elle. Mya n’arrivait pas à voir la physionomie de ce déséquilibré. Il était caché par une large capuche.
Soudain, son sang ce glaça, un horrible bruit émanait de lui. C’était similaire, à celui de son cauchemar. Mya devait le faire rebrousser chemin. Elle se racla la gorge, inspira et s’apprêta à hurler la phrase qui allait tout changer..
— Je… J’ai…, bégaya-t-elle. J’ai appelé la police ! Elle ne devrait plus tarder !
Il n’avait pas cillé. Pas étonnant ! Elle ressemblait plus à un petit chaton effrayé qu’à autre chose. Elle était loin d’être convaincante. Bien, son plan avait échoué. Ne pas paniquer.
Mya analysa l’environnement qui l’entourait, il fallait qu’elle trouve quelque chose pour se défendre. N’importe quoi ! Enfant, elle avait apprit des gestes de self défense. Sa mère l’y avait inscrite contre son gré. Elle allait tenter de s’en servir.
Comme s’il avait lu dans ses pensées, son agresseur fit un étrange bond en avant. Elle réussit par miracle à l’esquiver. Elle poussa alors un hurlement aussi strident que possible. Peut-être avait-il voulu lui faire reprendre espoir, car soudainement, il l’envoya contre la façade. Mya était légèrement sonnée, elle s’était tapé la tête au passage. Il se pressa contre elle et lui enserra le cou de ses mains.
Elle comprit alors qu’elle ne pourrait rien faire contre lui. Elle lutta de ses deux mains, le griffa et tenta de le repousser. Mais il semblait avoir une force surhumaine. Peut-être, était-ce dû à une nouvelle drogue ! Après celle du mort vivant, qui était réputée pour avoir un effet léthargique qui provoquait des hallucinations et bien entendu en cas extrême qui poussait au cannibalisme. Tout était possible ! Elle avait une seule question en tête. Pourquoi elle ?
Il se pencha soudainement vers son visage et Mya se figea d’effroi. Un haut le cœur la prit lorsqu’elle senti une énorme langue râpeuse et visqueuse la lécher de la base de sa jugulaire à sa joue. Écœurant ! Immonde ! Il n’y avait pas d’autres mots… Elle se sentait crasseuse. Si elle survivait, elle s’éterniserait des heures sous la douche et se débarrasserait de cette souillure. Elle avait maintenant envie de vomir.
Soudain, elle remarqua quelque chose de brillant à son col, sans se l’expliquer, elle tira de toutes ses forces dessus. Mya l’arracha et le garda dans le creux de sa main. Son agresseur enserrait davantage sa prise et la vision de Mya commençait à lui faire défaut : elle voyait trouble. Elle repensa au débat qu’elle avait eu une fois avec Leny.
— Tu sais, cette citation comme quoi lorsque l’on s’apprête à mourir on voit sa vie défilé devant ses yeux. Tu y crois, toi ?
Elle se souvenait encore de sa réponse, elle lui avait dit que ce n’était que des sottises. Peut-être que c’était justement elle, l’arriérée de l’histoire. Elle pensa à sa famille les larmes aux yeux. Qui allait retrouver son corps ? Dans quel état serait-il ? Félix s’en voudrait tellement d’avoir céder à son caprice. Elle allait finir sa vie là, dans une misérable et sombre ruelle.
Elle n’avait jamais pris sa mère au sérieux et voilà que ses pires craintes se réalisées. Pitoyable ! Comme elle s’en voulait à présent. Ses forces lui échappaient. Elle eut un raisonnement à propos de ses séries télévisées criminelles dont elle raffolait tant. Elle était persuadée d’avoir son ADN sous les ongles. Au moins, la police retrouverait son assassin. Il irait en prison, elle serait vengée, puis elle commença à suffoquer. Ça y est c’était la fin…
Tout d’un coup, Mya aperçu à travers ses paupières close, une source luminescente. Une lampe torche ? Quelques instants plus tard, elle fut libérée. Elle tomba au sol sur les fesses et toussa à la recherche d’air. Ses poumons et sa gorge étaient en feu. Quelqu’un était venu la sauver ! Ses cris avaient fini par alerter du monde. Un bon samaritain venait de sauver la demoiselle en détresse qu’elle était devenue. Son héros ! Sans lui, à l’heure actuelle, elle aurait déjà rendu son dernier souffle.
Elle pouvait entendre les bruits de combat, tout près d’elle. Elle espérait que son sauveur soit plus fort et plus adroit que son assaillant. Elle n’osait bouger, sa vison était toujours aussi nébuleuse. Elle mit ce qu’elle avait arraché de l’encolure de son attaquant dans la poche intérieure de sa veste, par sécurité. Ça restait une preuve !
Elle distingua un objet qui étincela dans la main de son bienfaiteur, suivit de flammes à la place où se tenait son offenseur quelques instants plus tôt. Du feu ? Cette vision lui serra le ventre. Ou peut-être étais-ce du au trop plein d’émotions…
Elle eut tout juste le temps de se mettre à genoux avec difficultés, son estomac était devenu douloureux. Les yeux remplis de larmes, elle le sentit se contracter violemment pour finir par rendre son maigre contenu. De quel étrange phénomène venait-elle d’être témoin? Il n’avait pas pu l’immoler. Non, impossible ! Elle n’avait pas discerné l’atroce odeur de chair calcinée... Génial ! Elle avait à présent des hallucinations. Merveilleux…
Elle entreprit péniblement de se rasseoir et chercha à reprendre ses esprits. Elle sentit la fraicheur des pavés sous ses mains. Mya puisa dans ses forces et essaya en vain de se relever. Des pas hâtif se firent entendre qui venaient dans sa direction. Il l’aida et posa ses mains sur sa taille pour la soutenir. Sans qu’elle ne puisse se l’expliquer, le toucher lui paru familier. Elle lui devait des remerciements mais ne parvenait pas à s’exprimer. Elle était dans un état second. Elle l’entendait lui parler, mais le flot de paroles restait incompréhensible.
Puis soudainement, ses gestes se firent plus brusques. Que faisait-il ? Elle constata qu’il lui relevait le visage, il passa un doigt sous son menton et le tourna. Il écarta légèrement ses cheveux vers l’arrière, puis son pull vers ses épaules. Que cherchait-il ? Peut-être qu’il s’assurait qu’elle n’était pas blessée. Oui, ce devait être cela. C’était la seule raison logique, car visiblement il semblait s’attendre à trouver quelque chose. Puis, il arrêta sa brusquerie. Son geste se fit plus tendre, plus doux. Elle se laissa faire, traumatisée par ce qu’elle venait de vivre. Elle le fuyait du regard, honteuse.
— Veinarde, annonça-t-il visiblement soulagé, tu n’as pas été contaminée.
À quoi faisait-il donc allusion ? Enfin peut importait, il semblait rassuré, c’était le principal. Cette voix. Elle la reconnaissait. Non, impossible ! Pourtant, Mya ne pouvait se tromper. Elle était sûre d’elle ! Son esprit lui jouait-il encore des tours ? Courageusement, et avec difficulté, elle posa son regard sur lui.
À travers sa perception brumeuse, elle fit face à deux yeux bleu inquiets. Bleu foncés. Son inconnu. Mais alors… Il existait réellement ! Ce fut la dernière chose qu’elle ne vit, avant que son champ de vision ne se fasse envahir par les ténèbres. Elle avait perdu connaissance.