Se furent les rayons de soleil qui réveillèrent Mya. Ses paupières s’entrouvrirent agressées par cette luminosité soudaine. Elle se redressa légèrement et se mit à observer les lieux. Elle n’était ni dans sa chambre, ni seule. Un jeune homme blond était assis sur une chaise près d’elle, de toute évidence il était endormi si l’on se fiait à la tête retombant nonchalamment sur sa poitrine. Il avait sûrement du guetter son réveil. Elle ne pu s’empêcher de le détailler attentivement. Il paraissait exténué les cernes marqués le prouvait, mais ce qui attira le plus son attention fut l’étrange tâche sombre au niveau de son torse. Était-il blessé ? Mya se sentit fautive. S’il n’était pas venu à son secours, rien de ceci ne ce serait produit. Afin de ne pas le déranger, elle se remit à étudier la pièce.
Ainsi, après sa mésaventure, il l’avait emmené, ici, dans un motel. La couleur vert pâle des murs, les peintures murales, la télévision, le bureau au coin de la pièce et le petit réfrigérateur. Tout indiquait qu’elle n’était clairement pas dans une chambre d’hôpital. Étonnement, elle ne paniqua pas. Au contraire, sa présence la rassurait et elle ne pouvait se l’expliquer. Étais-ce du au fait qu’il l’avait arraché la veille à une fin tragique ou étais-ce car il hanté ses nuits? D’ailleurs, comment étais-ce possible ? Mya s’était persuadée qu’il sortait tout droit de son imagination. Pourtant, le fait qu’il soit près d’elle en prouvait l’inverse. Trop de mystères entouraient cet individu. Elle tâcherait de les découvrir mais plus tard. Chaque chose en son temps.
Elle avait soif. Terriblement. En fait, sa gorge en était même douloureuse, comme si elle était déshydratée. Elle posa son regard sur sa table de chevet et y vit l’objet de ses convoitises : une petite bouteille d’eau. Elle s’assit et émit des gémissements car elle essayait vainement de s’en emparer. Son dos et sa gorge lui faisaient horriblement souffrir. Son compagnon de fortune releva la tête subitement et créa un mouvement de recul de sa part. Il examina la scène rapidement, puis la devança. Il prit la bouteille entre ses mains, la décapsula et la lui tendit.
Mya qui avait été surprise par ses gestes vifs avait elle agrippé, par réflexe, le premier objet venu sans prendre la peine de le regarder. Elle le maintenait en l’air dans un geste de défense. Elle s’était sentie menacée mais la réaction de son acolyte fut surprenante. En effet, il la fixait amusé et tendit les deux mains face à elle pour lui signaler qu’il n’y avait aucun danger.
— Du calme, s’exclama-t-il doucement, j’ai juste voulu t’aider.
Mya fronça les sourcils, elle était sur ses gardes. Elle ne le connaissait pas. Elle hésita quelques secondes, puis s’empara vivement de l’objet de ses convoitises, avant de se désaltérer, heureuse. Cependant, son précieux bien lui fut arraché des mains. Elle lâcha un son de frustration et le foudroya, irritée. Qu’est-ce qui lui prenait, encore ?
— Ne bois pas trop vite ! Ne me regarde pas de cette façon, dit-il amusé, si j’avais voulu te faire du mal, je ne serais pas intervenu dans cette ruelle. Tu ne penses pas ? Et j’aurais encore moins pris la peine de te porter, jusqu’ici. Puis, entre nous, je n’aurais pas eu très mal avec ton cahier.
Mya décontenancée par ses dernières paroles, suivit ce qu’il pointait du doigt. Elle tenait dans sa main le carnet du chevet. Honteuse, elle ferma les yeux, s’insulta mentalement et le reposa à sa place. Elle n’aurait jamais pu s’avérer menaçante avec ça. Elle avait du paraître bien bécasse. Il avait, au moins, eu la sagesse de ne pas se moquer ouvertement d’elle. Mya avait des questions plein la tête et il était le seul à en connaître les réponses.
— Qui es-tu ? s’enquit-t-elle intrigué. Qu’est devenue l’autre personne ? Pourquoi ne suis-je pas à l’hôpital ? Bon sang, il va falloir que j’aille au commissariat ! Pourquoi les policiers ne sont pas là ? Ils ne devraient pas recueillir mon témoignage ?
Sa voix était rauque. Indubitablement du à la pression exercée la veille sur ses cordes vocales. Le jeune homme, passa une main dans ses cheveux blonds et les secoua légèrement, un rictus aux lèvres. Mya lui fit comprendre, d’un geste de la main, qu’elle attendait qu’il parle.
— Ça fait beaucoup de questions, avoua-t-il. Je ne sais pas par où commencer, mais tu as raison sur un point.
Il s’avança vers elle, main tendue, elle pressentait que la suite serait importante.
— Drake Snow, enchanté. Pour ce qui est de cette créature, j’en ai fais mon affaire, expliqua-t-il. Il ne t’importunera plus et je préfèrerais que tu gardes cette histoire pour toi. Il n’y a aucunes preuves à donner à la police puis nous n’avons pas l’habitude de partager nos histoires avec de simples terriens. Donc même si tu éventais ton aventure, ça ne rimerait à rien. Ils ne trouveraient pas de coupable donc l’affaire serait classée sans suite.
Elle tiqua sur le mot qu’il avait prononcé. « Terriens ». Pour qui se prenait-il ? Un extraterrestre ? Non. Elle en était dubitative. Il devait sans doute faire parti de la bourgeoisie et cela devait être sa façon de s’exprimer. Étrange, d’ailleurs. Elle haussa un sourcil et esquissa un maigre sourire.
— Tu es un drôle de personnage toi.
La phrase lui avait échappé des lèvres. Comment osait-elle être aussi familière avec lui ? Elle se pinça ses lèvres et s’évertua tant bien que mal à ne pas grimacer. Elle ne savait rien de lui à part son nom et elle venait de lui dire, ce qui s’apparentait le plus à une insulte.
— Pas plus que toi, répliqua-t-il avec un sourire. Écoutes Mya, il va falloir que tu me fasses confiance, nous devons partir ! Mallog va envoyer d’autres sbires jusqu’à obtenir ce qu’il veut, en l’occurrence, toi. Et, excuses-moi mais, tu n’es assurément pas prête physiquement à les combattre, sans vouloir te froisser.
Cela faisait trop d’informations à prendre en compte. Elle plissa les yeux, perdue dans ses réflexions, perplexe. Comment connaissait-il son nom ? Elle était certaine de ne pas le lui avoir dit. Avait-il fouillé dans son sac ? Enfin, il avait quand même eu le toupet de lui demander de s’en aller avec lui. Pour qui la prenait-il ? Elle n’était pas si naïve ! Mais elle devait bien admettre qu’il avait titillé sa curiosité. À quoi faisait-il allusion ? Elle n’avait rien de spécial. Se battre mais contre qui et pourquoi ? Comment devait-elle réagir ? Mya fixa Drake déterminée, elle avait avant tout besoin de réponses. Et suivant celles-ci, elle aviserait par la suite.
— En tout cas, je te dois des remerciements, sans toi je ne serais plus de ce monde à l’heure actuelle. Qui est ce Mallog, un dealer ? dit-elle, avide de curiosité. Comment savais-tu que l’on allait m’agresser ? En as-tu étais averti ? C’était programmé ? Pourquoi moi ?
— Doucement avec tes questions ! répliqua-t-il légèrement agacé. Un quoi ? Attends… Ne me dis pas que tu n’es pas au courant !
Cette fois, ce fut lui qui la fixa avec stupéfaction, il avait l’air décontenancé ce qui attisa la curiosité de Mya. De quoi lui parlait-il donc ?
— Eh bien, vu que tu sembles avoir les réponses, lança-t-elle sarcastiquement, tu pourrais peut-être éclairer ma lanterne ! Que suis-je censé savoir, d’après toi?
— Qui tu es Mya, dit-il, ou plutôt ce que tu es.
Mya entrouvrit la bouche sans prononcer un mot. Elle fit une étrange moue avant de lever un doigt comme si elle venait de comprendre quelque chose.
— Donc, tout cela m’est arrivé… À cause de la réputation de mon agence ? s’étonna-t-elle confuse. Mais enfin, ça n’a aucun sens, je n’ai pas de dettes ! Que me veut ce « machin » au juste ?
— Mallog ! Est-ce que tu essaies d’être comique ? Parce que tu as vraiment un humour douteux, dit-il en la dévisageant étrangement. Mallog est un démon supérieur ! La créature que j’ai éliminé hier n’était qu’un avant goût. Les prochains seront plus virulents ! Le message m’a paru clair : il veut ta mort. Pour le moment, tu es en sécurité dans ce monde bien que tu le sois davantage à Arkaley.
Mya se tétanisa sur place. Il avait tué quelqu’un de sang froid ! Elle n’avait donc pas été en proie à des hallucinations lorsqu’elle avait vu des flammes. Pourtant, elle n’avait rien senti, ce qui était contradictoire avec cette conception. Elle se mit à réfléchir à toute vitesse. Si elle se fiait à son absurde discours, elle se trouvait en compagnie d’un meurtrier. Voilà ce qu’il était, rien de plus! Elle devait se sortir de cette situation, rapidement, sans l’alarmer. Que devait-elle faire ? Comment agir ? Quoi qu’il avait l’air de lui parler d’un autre monde. Se pourrait-il que ce soit un drogué, bien qu’il n’en ait pas l’allure ? Peu probable. Mya le détailla du regard, elle fixa la salissure sur le haut de Drake, puis se calma instantanément.
Non, Drake délirait, il était, sans aucun doute, gravement blessé. C’était le raisonnement le plus logique ! Mya savait que lors de commotion cérébrale, le discours pouvait être déconcertant, voir incohérent. Il était donc normal qu’il divague, il avait du perdre trop de sang. Elle devait le tenir éveiller, quitte à rentrer dans son délire. Il n’y avait pas d’autres solutions ! Comme s’il avait lu dans ses pensées, il se détendit.
— Tu sais, dans le monde, il y a des personnes qui ont certaines aptitudes, commença-t-il, tandis que d’autres en sont démunis. Tu fais parti de ceux qui en sont dotés.
— Oui, j’imagine qu’on a tous des capacités dans un domaine donné, continua-t-elle, intrigué par ce qu’il allait lui dire ensuite.
— Quoi ? Non… Je te parle de compétences extraordinaires ! D’habilités que les personnes dépourvues appellent surnaturelles. Par exemple, les Terriens parlent de magie ou de pouvoirs.
— Une seconde… Tu es en train de me dire que je suis une sorcière, acheva-t-elle cyniquement, c’est cela ? Wow ! Et que vas-tu m’annoncer par la suite, que je vais entrer à Poudlard ? Sauf que si je ne m’abuse… La rentrée se fait à nos onze ans, pas après !
Mya avait perdu son sang froid, c’en était trop, tenir ses résolutions était une tâche plus difficile que ce qu’elle pensait ! Elle en avait trop entendu... Elle était de nature rationnelle : la magie n’existait que dans les contes, les histoires fantaisistes et les légendes. Si ça se trouve, elle était peut-être en compagnie d’un fou évadé d’un asile ou de quelqu’un qui avait tout simplement oublié de prendre ses médicaments et était en pleine crise de démence… Il n’y avait plus rien à faire pour cette pauvre âme brisée, ça lui enserra le cœur.
Pourquoi fallait-il toujours quelle soit attirée par les énergumènes ? Drake sembla remarquer son changement de comportement, il l’imita lorsqu’elle se leva, ce qui eut le don de l’excédée.
— Mais de quoi parles-tu donc ? protesta-t-il, l’air confus. Poux de lard ? Qu’est-ce que c’est ?
— Tu ne vas tout de même pas essayer de me faire croire que tu ne connais pas Harry Potter ? fulmina-t-elle. C’est tout de même un classique ! Puis, n’étions-nous pas, en train de nous amuser à celui qui sort la plus grosse énormité du siècle ? Je me suis prêté au jeu, tout simplement.
— J’étais et je suis, insista-t-il, ce qu’il y a de plus sérieux, Mya.
— Eh bien, dans ce cas, il va falloir que tu songes à aller consulter un spécialiste, renchérit-elle du tac au tac. Je vais fermer les yeux sur tes propos et nous allons tous les deux sagement oublier cette mésaventure. Maintenant, je vais sortir d’ici, sans toi. Pousse-toi de mon chemin !
— Tu es effrayée, c’est compréhensible. Crois-moi, je ne fais qu’essayer de te protéger. Ne me repousse pas !
Mya leva les yeux au ciel et tenta de passer près de lui mais Drake ne l’entendit pas de cette oreille, il lui agrippa le poignet, ce qui bloqua sa manœuvre. Agacée, elle se dégagea d’un léger mouvement de la main. Elle eut l’impression de ressentir un fourmillement descendre le long de son bras, mais n’y prêta pas attention et vit avec stupeur Drake voltigeait dans les airs avant de finir sa course contre la paroi à l’autre bout de la pièce. Il était étendu de tout son long, inconscient. Mya baissa la tête vers ses mains qui tremblaient. Que venait-il de se passer ? Qu’avait-elle fait et comment? Ses jambes ne la supportèrent plus, elle s’écroula au sol en pleurs, ses nerfs lâchaient à leurs tours.
Elle était un monstre, elle venait d’achever un homme blessé ! C’était elle la criminelle… Qu’allait-elle devenir, maintenant ? Sa famille subirait les conséquences de son action. La carrière de son père serait brisée, leur maison taguée d’insultes, mais ça ne s’arrêterait pas là, non… Les villageois s’acharneraient sur sa famille ! Ce serait l’enfer et tout cela à cause d’elle…
Sa vie était finie ! On allait la rechercher pour meurtre, elle irait en prison... Devait-elle fuir ? Mais où et comment ? Si elle prenait le ferry, la police la retrouverait bien trop vite, par contre, l’option du train se révélait meilleur. Elle pourrait se rendre en Allemagne, et de là, aller vers un pays sans extradition. Oui, ce plan était parfait ! Bien, il fallait agir et vite, c’était maintenant ou jamais. Plus elle s’attardait et plus les chances de la coincer, se resserraient autour d’elle.
Il n’y avait pas d’autre alternative. Même si elle envisageait de se rendre et d’avouer son crime causé par accident qui la croirait ? Personne ! Elle se ferait enfermé et serait drogué, camisolé, avec pour seule compagnie, des colosses vêtues de blanc. Non merci. Quel horreur !
Elle ne sut combien de temps elle resta, là, en état de choc, les yeux rivés sur le corps. La femme de chambre n’allait pas tarder à passer, il valait mieux qu’elle ne soit plus là. Elle empoigna ses affaires et atteignit la porte, blanche comme un linge. Alors qu’elle s’apprêtait à tourner la poignée, une pensée lui traversa l’esprit. Et si Drake était toujours en vie ? Ne serait-ce pas dans ce cas là, non assistance à personne en danger que de s’enfuir sans un regard en arrière ? Une simple vérification, elle pouvait le faire !
Mya prit son courage à deux mains, aspira une longue bouffée d’air et se dirigea vers lui. Elle s’accroupit et tendit un doigt à la hauteur du nez de ce dernier et patienta. Son cœur fit un bond dans sa poitrine, elle venait de sentir un léger souffle. Il était vivant ! Elle avait envie de hurler de joie. Fallait-il le déplacer ou non ? Délicatement, Mya le retourna afin qu’il soit sur le dos. Après réflexion, ce n’était sûrement pas le meilleur choix. La tâche sombre s’était propagée et semblait humide. La plaie avait du s’ouvrir sous l’impact !
Finalement, Drake n’était pas aussi siphonné qu’elle l’avait cru sinon un tel accident n’aurait jamais pu voir le jour… Elle l’attrapa sous les aisselles, puisa dans toutes ses forces et le traîna, péniblement, jusqu’au lit. Il avait beau être mince, il faisait son poids. Il avait prit soin d’elle, à son tour de faire de même, simple retour de procédés. Elle n’agissait pas que par remords, non, seul lui, avait la réponse à sa question. Qui diable était-elle ?
Elle eu envie de le réveiller mais n’en fit rien. Lorsqu’elle sortit du motel, elle précisa à l’accueil de ne pas le déranger. Son interlocuteur, lui jeta un regard rempli de sous-entendu. Il avait du voir Drake la porter inconsciente la veille et devait penser qu’ils avaient fini la nuit ensemble en état d’ivresse. Hallstatt était un minuscule village et bientôt une rumeur circulerait sur ses agissements. Tant pis ! Elle n’avait pas la tête à cela pour le moment. Soigner Drake était sa priorité ! Il lui fallait des habits de rechange, elle allait devoir en emprunter à son père, pourvu qu’il n’y fasse pas attention. Drake était l’unique fautif ! Il aurait pût réfléchir et lui annoncer tout cela en douceur. Enfin, elle se cherchait des excuses, car sa réaction aurait été exactement la même à coup sûr.
S’il avait refusé qu’elle aille à l’hôpital, il exclurait cette éventualité pour lui, également. Rester à l’hôtel était impensable ! Si elle l’emmenait chez elle, ses parents lui feraient subir un interrogatoire et appelleraient une ambulance malgré ses réticences.
Soudain, elle se frotta les yeux et soupira en secouant le visage. Quelle était stupide ! Pourquoi n’y avait-elle pas songé plus tôt ? Elle connaissait le lieu idéal : une petite maison abandonnée dans les montagnes ! Le chemin pour y aller serait pénible mais ils y seraient tranquilles…
Bien, elle avait réglé le problème des habits, des soins, et du logement… Mais… Il lui en restait toujours un et de taille ! Elle ne pouvait pas travailler et prendre soin de lui en même temps ! Drake aurait sûrement besoin de soins constants puis elle ne voulait pas qu’il s’enfouie sans qu’elle n’ait obtenue de réponses !
Elle pesta et se dirigea donc vers son agence afin d’y laisser un mot à l’attention de Félix et Leny. Elle leur expliqua qu’elle serait absente pour une durée indéterminée et qu’elle cédait les commandes à Leny le temps de son éloignement. Elle hésita avant de lui rappeler que bien qu’il soit provisoirement le supérieur de Félix, il ne devait en aucun cas abuser de son pouvoir envers lui. Précision inutile puisqu’il serait sûrement exécrable, pensa-t-elle. Si d’autres solutions étaient venues à elle, elle aurait choisit d’autres dispositions.
Plongée dans ses pensées, elle suivit étape par étape, ce qu’elle avait prévu de faire, sans croiser âmes qui vivent. Tant mieux ! Ses parents, l’auraient sans doute questionnée en la voyant partir avec un grand sac de sport, rempli au maximum et elle n’aurait pas su leur mentir.
Lorsqu’elle fut de nouveau au coté de Drake, celui-ci n’avait pas bougé. Elle vérifia sa respiration, puis apaisée commença à le traiter. Il transpirait beaucoup trop et était brûlant, faire de la fièvre n’était pas bon signe ! Mya humidifia un gant de toilette qu’elle trouva dans la salle de bain et entreprit de le lui passer sur le visage. Il reprit connaissance et agrippa son poignet avec un regard reconnaissant.
Elle l’aida à se relever en position assise et lui fit avaler un cachet afin d’atténuer ses douleurs. Il avisa du regard le sac de sport sur le bureau et tourna de nouveau la tête vers elle, intrigué. Elle lui tendit des vêtements comme si de rien n’était.
— Si tu te sens d’attaque, l’informa-t-elle doucement, il faudrait que tu ailles te doucher. J’ai emprunté quelques vêtements à mon père, je ne sais pas s’ils t’iront. Les tiens sont sales. Je connais un endroit ou tu pourras te rétablir en sécurité, c’est assez isolé.
— Serais-tu rongé par le remord ? dit-il étonné. Parce que tu agis totalement différemment.
Elle comprit qu’il la taquinait et le tapa gentiment au niveau de l’épaule avant de le regretter lorsqu’elle le vit se mordre la lèvre. Elle avait dut lui faire mal involontairement…
— Files te laver, ordonna-t-elle, avant que je ne décide de t’abandonner !
Et voilà qu’elle agissait comme une mère poule ! Drake se leva laborieusement puis se tourna vers elle, un rictus sur les lèvres.
— Impossible, chuchota-t-il, tu veux des réponses. Oh, une dernière chose ! Ne t’habitue pas à me donner des ordres.
Touché ! Une fois seule dans la pièce, elle laissa échapper l’air qu’elle avait retenu. Il avait un terrible effet sur elle, c’en était perturbant. Mais elle devait bien admettre qu’il avait raison. Elle ne pouvait pas se détourner de lui même si l’envie lui prenait à cause de cette impression de le connaitre. Comment pouvait-elle expliquer le fait qu’elle rêve si souvent de lui ? Ce phénomène n’était pas prémonitoire ! C’était plutôt, comme s’ils étaient connectés mentalement lorsqu’elle était assoupie.
Comme imaginé, le chemin pour parvenir à la petite cabane en bois paru interminable. La bâtisse n’était pourtant pas très reculée du village, mais l’état de santé de Drake avait considérablement ralenti leurs allures. Il avait tenté de dissimuler ses maux au mieux mais Mya l’avait remarqué. Elle avait ralenti le pas et était allé jusqu’à déposer son bras sur ses épaules afin qu’il s’appuie sur elle. Elle l’avait vu trébucher à plusieurs reprises ainsi que son teint blêmir. Elle avait eu peur qu’il ne perde connaissance et s’était giflée mentalement. La douche plus la marche n’avaient pas du arranger sa condition physique. Au contraire, c’était même déconseillé, elle en était certaine !
Lorsqu’ils arrivèrent enfin à leur destination, elle vit la surprise se peindre sur le visage de Drake. Il avait du s’attendre à des fenêtres éventrées, des tuiles manquantes sur le toit lorsqu’elle lui avait parlé d’endroit abandonné et il n’en était rien. Le chalet, qui se trouvait devant eux, était accueillant. En réalité, tout était entièrement fonctionnel : l’eau, le gaz et l’électricité. Mya connaissait le propriétaire, ce dernier était bien trop âgé pour s’y rendre, mais ne voulait en aucun cas se séparer de son bien. Il savait que des touristes la squattait parfois et avait tout laissé à leurs dispositions.
Mya entraîna Drake dans la chambre où elle l’allongea, il était à bout de forces. Elle souleva son pull pour le soigner, mais il tenta de l’en empêcher d’une main. Il finit par rechigner, mais se laissa ausculter quand elle lui expliqua fermement qu’elle était la seule infirmière présente étant donné qu’il avait refusé de voir les professionnels. Au final, la blessure n’était pas belle à voir : elle n’était pas si profonde que cela, mais rougie, gonflée et sanguinolente. Mya attrapa du coton et du désinfectant puis tamponna délicatement la plaie. Elle y apposa ensuite une crème cicatrisante, à l’aide d’un coton tige avant de déposer une gaze dessus et de rabaisser le haut. Même si elle avait paru déterminée, elle s’était sentie intrusive.
Il n’était vraiment pas facile de soigner quelqu’un qui nous trouble autant ! Si elle se fiait aux gouttes de sueurs qui dégringolaient de son visage : sa fièvre s’était elle aussi aggravée. Elle le redressa légèrement et lui fit avaler quelques médicaments contre : la douleur, l’infection et la fièvre. Mya le laissa se reposer après avoir déposer un gant humide sur son front. Il fallait qu’il limite ses déplacements au maximum durant les prochains jours. Du moins, jusqu’à ce qu’il n’est plus de fièvre.
Durant les jours qui suivirent, Mya avait une routine particulière. Lorsqu’elle ne prenait pas soin de son malade attitré, elle lisait un livre ou se baladait près de leur foyer. Elle n’osait pas s’éloigner de peur qu’à son réveil il ne se croit seul et ne fasse des bêtises. Bien qu’il soit assommé par les médicaments et par sa fièvre, elle essayait de lui parler mais les réponses semblaient tirées par les cheveux. Elle attendait donc qu’il se rétablisse…
Le quatrième jour, alors qu’elle faisait la vaisselle, elle se sentit observée. Mya fit un bond et fut à deux doigts de lâcher la casserole qu’elle tenait dans les mains. Drake, était assis, plus loin, le regard posé sur elle. Elle se dirigea vers lui et effleura son front et ses joues de ses mains. Si ce contact le perturba, il n’en montra rien. Il se laissa faire docilement, son regard ancré dans le sien. Les mains de Mya ne tremblaient pas, mais son cœur lui, s’excitait. Elle tenta de reprendre le contrôle sur ses émotions et voulu vérifier la plaie. Drake, hélas, fut plus rapide qu’elle, il lui emprisonna les deux bras dans une poigne douce mais ferme à laquelle elle ne réussit pas à se dégager.
— Que fais-tu déjà debout ? s’enquit-t-elle étonnée. Tu es censé te reposer !
— Mon infirmière, s’est bien occupée de moi, affirma-t-il, elle s’est assez rincée l’œil, à mon avis. Je vais bien, ça reste douloureux, mais c’est supportable ! Puis, tu dois avoir une multitude de questions… Je me trompe ?
Mya fut déstabilisée par le clin d’œil de Drake. Non, il n’avait pas tord. Mais qu’était-elle censé lui demander, là, de suite ? Drake la taquinait, elle le savait. Pourtant, elle sentit ses joues se réchauffer, elle rougissait face au souvenir du physique d’acier de Drake. Non, non, ce n’était pas le moment de repenser à ses abdominaux biens dessinés ! Comme s’il avait deviné le démêlé qui se déroulait dans sa tête, il la relâcha, lui releva le visage et glissa un doigt sous son menton. Décidemment c’était vraiment une drôle d’habitude ! Ce geste était si intime, si séducteur que s’en était déroutant.
— Écoutes, ne culpabilises pas, tu ne contrôles pas encore ton don, c’est normal. On t’apprendra à le maîtriser à Arkaley, tu verras. Puis, je me suis blessé avec mon arme, la dernière fois que c’est arrivé je n’étais qu’un enfant…
Un enfant ? Depuis quand les enfants utilisaient des armes ? Elle se retint de lui poser la question, craignant le mutisme de sa part. Drake semblait mal à l’aise comme si ses propos lui avait échappé. Elle devait subtilement changer le sujet de la conversation. Comment s’appelait l’endroit dont il avait parlé déjà ? Elle l’avait noté sur le bloc note dans sa chambre… Allez, réfléchis, ça y est, ça lui revenait !
— Dis-moi, à propos d’Arkaley, qu’est-ce que c’est au juste, un monde ou une ville ? demanda Mya avant de fixer ses chaussures avec intérêt.
— Ne baisse pas la tête, il n’y a pas à avoir honte. Eh bien disons que comme tous les autres mondes, Arkaley ne possède qu’une citée donc elle en porte le même nom. C’est leur particularité, ajouta-t-il nerveusement.
— Mais… Les autres mondes doivent être minuscules ! s’exclama-t-elle les yeux écarquillés.
— Détrompes-toi, répondit-il en s’esclaffant devant sa réaction.
— Là, je suis perdue..., marmonna Mya. Si chaque monde n’a qu’une ville… À moins qu’elle ne fasse la taille de la Chine…
— Tu verras bien en tant voulu ! lui répondit-il en s’esclaffant.
— Bien. La dernière fois, tu parlais de ce mongol… Magol…, dit-elle avec difficulté et vexée. Bref, tu m’as comprise ! Si les démons existent, les anges aussi ?
Drake avait levé un doigt, le balançait de gauche à droite pour lui faire comprendre qu’elle se trompait dans la prononciation du nom. Mya fronça les sourcils à chaque fois, il s’amusait comme un fou, c’était évident. Il en vint même à toussoter et tentait, vainement, de camoufler le début de son fou rire.
— Non, déclara-t-il en reprenant son sérieux, du moins, pas à notre connaissance. Les Terriens adorent inventer des mythes même si je dois admettre que beaucoup sont réels. Mallog, lui, est un Eidolon, un démon de sang pur qui change de forme.
— Quels genres d’aspects prennent-ils ? demanda-t-elle intriguée.
— Notre apparence, avoua-t-il avec regret, c’est ce qui les rend si dur à traquer.
— Ça veut dire que tu pourrais en être un, affirma-t-elle.
— En effet, mais si c’était le cas, ajouta-t-il amusé, je t’aurais déjà emmené auprès de mon maître. Tu ne penses pas ?
— Tu marques un point… Donc, ce démon cherche à m’éliminer, insista-telle. Pourquoi ?
— C’est compliqué, tout ce que je peux te dire, c’est que Mallog est invincible, il est craint de tout le monde.
— Si tu veux que je te suive, rétorqua-t-elle, il va falloir que tu fasses mieux que cela.
— Tu te souviens de celui qui t’a attaqué ? Le sans-âme ? s’enquit-il avant de la voir acquiescer. Avant, c’était un homme, comme toi et moi ! Nous ignorons de quelle manière Mallog a créé son premier monstre…En revanche nous savons comment nous pouvons éviter de le devenir. Si nous sommes mordus ou griffés, nous sommes contaminés. Au bout de quelques heures, notre morphologie change et nos pensées ne nous appartiennent plus.
— Oh bon sang, c’est terrible ! Et… Il n’y a pas d’antidote ?
— Jusqu’à présent, non. On transperce le cœur du contaminé pour stopper l’infection, dit-il naturellement alors que Mya grimaça. Je sais, dis comme cela, c’est barbare, mais nous n’avons pas d’autres choix. Mais ce qui est hallucinant c’est que ces monstres sont de plus en plus organisés et plus dur à vaincre.
— C’est ce que tu as fais vendredi soir, dit-elle alors qu’elle repensait à l’épisode de l’attaque, n’est-ce pas ?
— C’est exact.
— Pourtant, chuchota-t-elle, je jurerais l’avoir vu prendre feu.
— Tu n’as pas rêvé, concéda-t-il, c’est une réaction en chaîne. Une fois détruit, il n’en reste que des cendres.
— Deux secondes…, dit-elle tout d’un coup en écarquillant les yeux, c’est ça que tu faisais quand tu me tournais la tête de tous les côtés et que tu tirais sur mon haut ! Tu vérifiais si je n’étais pas devenu l’un d’eux ! Tu m’aurais tué ?
— Crois-moi, dit-il semblant hésiter sur le choix de ses mots, j’aurais détesté en arriver là ! Je n’aurais pas eu le choix... Le plus important c’est qu’il ne t’a rien fait !
— À part me lécher le visage, rétorqua-t-elle en détournant la tête, c’était répugnant !
Mya remarqua l’air étonné de Drake, à croire qu’elle lui avait sorti l’énormité du siècle !
— Excuses-moi, ce n’est pas que je doute de toi, mais… En es-tu certaine ? C’est bien la première fois que j’entends un témoignage pareil, constata-t-il.
— Oh, donc la confiance doit se faire à sens unique ! Il y a un début à tout !
— Ne te vexe pas ! Je n’ai pas dis ça…
— Prouves-le, s’exclama-t-elle, et si tu répondais à ma question ? Comment as-tu su qu’il allait m’agresser ?
— Nous avons un lien spécial mais tu as du déjà le remarquer. Je suis ce que l’on appelle un protecteur. Je protège et piste ceux que je recherche et sans me vanter, je suis le meilleur dans ce domaine. J’ai ressenti que tu étais en danger, donc j’ai réagit aussitôt. J’ai ouvert un portail inter dimensionnel pour arriver à temps. Tout simplement.
— Tout simplement, évidemment, répéta-t-elle. Un pisteur ? Qu’est-ce que c’est ?
— Eh bien, pour faire simple, je vois les énergies magiques des autres, elles sont différentes pour chaque personne. La tienne est puissante !
— Donc, tu peux retrouver n’importe qui, s’émerveilla-t-elle, un peu comme un chien renifleur, en somme.
— Je ne vais pas relever l’insulte, protesta-t-il, mais je peux te le montrer, si tu veux. Je te laisse une demi-heure d’avance. Amuses-toi, brouilles les pistes et tu verras bien.
Mya, amusée, se prit au jeu. Elle couru à l’extérieur, piétina ses propres empreintes, fit le tour de plusieurs arbres, marcha à reculons et finit par grimper dans un arbre. Perchée, camouflée par les feuillages, elle vit Drake sortir du chalet et suivre son parcours.
Tout d’un coup, elle le vit pointer un doigt vers l’arbre, puis vers elle. Elle redescendit prudemment et lui demanda de recommencer et ils continuèrent ainsi un moment. Mya s’avoua rapidement vaincu, elle pouvait marcher sur des rochers, sauter dans l’eau, à chaque fois, il la retrouvait. C’était ahurissant !
Trempée et épuisée, elle resserra sa veste près d’elle avant de sentir quelque chose de métallique la gêner au niveau de la poitrine. Elle plongea la main dessus et en retira un collier, celui du sans-âme. Elle l’avait complètement oublié ! Mya héla Drake qui revint sur ses pas, intrigué. Sans un mot, elle lui tendit son butin et le vit blanchir.
— Je l’ai arraché lors de ma lutte, avoua-t-elle. Est-ce que ça a une signification spéciale ?
Elle détailla Drake dont les mains tremblaient légèrement. Pourtant, la seconde suivante, il avait de nouveau ce masque impassible sur le visage comme si rien ne s’était produit. Ah, la fierté masculine ! Le seul détail qui trahissait ses émotions était son regard fuyant, il était mal à l’aise… Que lui cachait-il ?
— Ce n’est qu’une breloque sans importance, marmonna-t-il. Ce qui t’es arrivé n’est pas commun, les sans-âmes n’ont pas pour habitude de s’amuser avec leur proie. Ils les torturent avant de les tuer ou les infecter ! Celui-là devait avoir une mission particulière...
— Pourquoi ais-je l’impression que tu ne me dis pas tout ? insista-t-elle.
— Parce que c’est le cas, avoua-t-il, en toute franchise, j’ai une idée. Mais si elle s’avère fausse…
— Je comprends, concéda-t-elle, tu préfères être sur de toi, avant de m’en faire part.
— Exactement.
Un silence s’installa. Mya aurait aimé lui soutirer la vérité, car l’information qui lui avait sauté aux yeux, l’avait visiblement retourné. Elle voulait qu’il se confie mais ne pouvait pas forcer les choses. Au moment où elle allait entrer dans le chalet, Drake attrapa son poignet et se tourna vers elle l’air grave.
— Mya, je sais que ça va te paraître saugrenu, dit-il soudainement, mais un de tes parents, n’est pas ce qu’il prétend être.
— Et que sont-ils, alors ? ricana Mya.
— Pas des Terriens ! Les personnes comme toi et moi, qui avons des capacités, ne vivent plus sur Terre, expliqua-t-il. Ils l’ont déserté et se sont tous réfugiés dans nos mondes, être ici était devenu trop dangereux pour eux. J’imagine que tu as entendu parler de la chasse aux sorcières du Moyen Age.
Alors c’était eux qui avaient été chassés, torturés et assassinés ? Cette histoire paraissait abracadabrante ! Elle devait lui tirer les vers du nez !
— Il ne pourrait pas y avoir d’exception ? objecta Mya. Peut-être que j’ai des gênes de sorcières dans mon arbre généalogique... Ça a pu sauter des générations, non ? Enfin, mes parents sont normaux.
Plus Mya parlait et plus elle paniquait. Ses parents ne pouvaient pas lui avoir mentit, ce n’était pas possible !
— Calmes-toi, je sais que ça fais beaucoup à encaisser. On peut toujours aller les confronter.
— Tu ne sais rien du tout ! hurla-t-elle à bout de nerfs. Je vais te prouver que tu as tord ! Allons-y ! Suis-moi !
Ils prirent le chemin de la maison de Mya. Cette dernière se triturait les mains nerveusement. Drake qui lui jetait de petits regards furtifs, soupira, et fini par prendre une de ses mains qu’il serra légèrement afin de lui faire comprendre qu’elle n’était pas seule. Mya sentit des picotements remontait dans son bras qui semblaient venir de la main de Drake dans la sienne. Étais-ce normal ? Qu’était-elle censé faire s’arracher à son contact ou pas ? En fait, Drake était aussi étonné qu’elle, si bien qu’aucun d’eux ne remarqua qu’une paire d’œil les observait et les suivait à distance.
Une fois assise dans la canapé face à ses parents, Mya avoua sa mésaventure du vendredi soir. Plus elle donnait de détails sur son agression et plus Ambre blêmissait à vue d’œil. Son père, quant à lui, semblait captivé par son récit bien que l’on puisse discerner dans son regard de l’inquiétude. Mya sut instinctivement la vérité.
— C’est toi, déclara-t-elle subitement, n’est-ce pas, maman ?
Ambre qui avait comprit à quoi elle faisait allusion, acquiesça, les larmes aux yeux.
— Oui, je viens d’un autre monde comme Drake et toi.
Cette simple phrase venait de chambouler sa vie, Mya se sentit trahie. Elle l’avait dit si sereinement et son père n’avait pas bronché comme s’il était déjà au courant !
Bon sang ! C’était quand même le seul Terrien dans la pièce ! Sa mère venait tout juste de lui révéler qu’Eric n’était pas son père biologique, ce devait être pour cela qu’elle s’était arrêtée de parler et la fixer intensément ! Elle lui laissait le temps de digérer la nouvelle… Mais dans ce cas là, est-ce que sa mère avait fuit son véritable père ? Qui étais-ce ? Où était-il ?
— Drake m’a dit que personne ne résidait sur Terre, maintenant, continua-t-elle. Alors, comment se fait-il que nous soyons ici ?
— Nous venons d’Elyon, c’était un village paisible. Un jour, je me suis isolée comme j’en avais pris l’habitude… Mais pendant ce temps, une attaque a eu lieu… L’alerte s’est déclenchée et j’ai donné tout ce qui était en mon pouvoir pour arriver à temps… Mais…
Ambre ne put terminer sa phrase, elle se mordait les lèvres et luttait contre ses larmes. Son époux, posa sa main sur son épaule tendrement et prit la relève.
— Personne n’a survécu, ta mère est la femme la plus courageuse que je connaisse. Elle t’a trouvé endormi dans ton berceau et t’a sauvé en t’emmenant ici.
Mya entrouvrit la bouche, stupéfiée. Est-ce qu’il venait de dire qu’elle n’était pas sa fille non plus ? Non, elle avait mal dût interpréter ses paroles… Mais il venait de dire « trouver »… Elle tourna la tête au ralenti vers Ambre qui se racla la gorge après s’être mouchée.
— Je ne suis pas ta mère biologique, souffla Ambre.
Cette simple phrase acheva Mya : Ambre l’avait enlevée ! Quelles explications allait-elle pouvoir lui donner… Elle avait dit qu’elle venait d’Elyon… Peut-être qu’elle avait de la famille à Arkaley… Pourquoi l’avait-elle emmené sur Terre ? Pourquoi ici ? Elle avait besoin de réponses !
— Je ne sais pas comment on est arrivé ici, continua Ambre en voyant les larmes dévalaient les joues de Mya, une faille est apparue et je l’ai traversé avec toi dans mes bras. Je devais te protéger, Mya. J’ignorais où on allait… Je n’avais qu’une pensée en tête : fuir le plus loin possible ! Te protéger…
— Oh, ne dis pas ça, hurla Mya, tu as surtout cherché la facilité ! Tu n’as fais que me mentir !
— Mya…
— Est-ce que tu as fais quelque chose, pour bloquer mes pouvoirs ? Tu imagines ce qui se serait passé si ce n’avait pas été Drake mais un de mes clients ? J’aurais pu tuer ou pire, blesser quelqu’un !
— Je n’ai rien fais, je ne suis qu’une métamorphe ! lâcha-t-elle brusquement.
Mya fronça les sourcils, qu’est-ce que c’était que ça encore ?
— Je peux changer d’apparence à souhait, expliqua-t-elle. Quand je suis arrivée ici, j’étais terrorisée, je n’avais que dix huit ans.... Nous avions tout perdu…J’ai rencontré ton père qui m’a offert un toit pour la nuit et… Tu connais la suite, je n’en suis jamais reparti. Je lui ai avoué la vérité, notre histoire, une fois que les sentiments sont apparus. Nous n’avons jamais eu le courage de tout te raconter.
— Pourquoi ? explosa Mya.
— Je voulais que tu aies une vie normale, avoua sa mère au bord des larmes. J’avais peur qu’en t’avouant tout, tu ne cherches à les activer et que des sans-âmes débarquent ici pour finir leur mission.
À cette phrase, Mya senti son sang ne faire qu’un tour, la colère montait crescendo en elle.
— Oh mais je croyais être normale ! cria Mya les larmes aux yeux et de pointer un doigt vers Drake. J’ai prit Drake pour un psychopathe avant de penser que j’étais une criminelle ! J’ai voulu fuir pour vous protéger en pensant que vous ne me croiriez jamais… Si j’avais réussit vous ne m’auriez jamais revu ! Je n’aurais jamais osé reprendre contact avec vous uniquement pour que l’on ne vous accuse pas de complicité ! Est-ce que vous vous rendez compte que j’ai totalement paniqué à cause de tous vos non-dits ? Que cet incident n’aurez jamais dût voir le jour ? Oh, mais non… Bien sûr que non ! C’est tellement plus simple de tout garder pour soi et de croiser les doigts pour que rien ne se passe !
Mya savait que le couple face à elle souffrait du venin qu’elle leur crachait au visage, mais elle avait besoin d’extérioriser sa souffrance… Elle ne pouvait tout bonnement pas rester sagement en place alors qu’elle ressemblait à une cocotte minute prête à exploser ! Ses parents devaient comprendre que la comédie avait assez durée !
— Tu as peut-être réussi à te fondre parmi les terriens mais je suis dangereuse…, renchérit-elle la voix brisée, il faut que j’apprenne à me maîtriser.
— Mya… commença Ambre le cœur serré, comprenant où elle voulait en venir.
— Non ! J’en ai marre des mystères ! rétorqua-t-elle furieuse. Maintenant, je veux en apprendre davantage sur mes origines... J’ai milles et unes questions en tête ! Et tu te doutes très bien des quelles ! Comme tu le dis sans arrêts tu me connais sur le bout des ongles !
Ambre pleurait dans les bras d’Eric qui n’en menait pas large. Mya était à la limite de la crise de nerfs. Elle ne voulait plus poser leurs yeux sur eux et tourna la tête de tous les côtés, tout lui semblait fade. Elle se sentait comme une étrangère dans sa propre maison. Elle n’y avait plus sa place et cette réflexion lui fit avoir un goût amer en bouche.
Elle pensa à son entreprise, puis à Elyon et Arkaley. Si sa mère refusait de lui en dire plus, il n’y avait qu’un seul choix réalisable ! Elle regrettait déjà ses paroles, mais elle ne comptait pas s’excuser pour autant… Rester ici, leur faire face tous les jours seraient insoutenable ! Invivable !
Ses parents se sentiraient trop mal à l’aise pour agir normalement, ils la regarderaient sans aucun doute avec des regards chargés de regrets et de larmes… Leur vie ne serait plus jamais comme avant… Afin d’éviter tout cela, Mya savait qu’elle ferait en sorte de ne rentrer chez elle que très tard le soir pour ne pas avoir à les croiser… Non, elle ne voulait pas en arriver à ce stade !
Lorsqu’elle posa son regard sur ses parents, elle sut qu’Ambre savait ce qu’elle s’apprêtait à dire. Il n’y avait pas de retour en arrière possible ! C’était la plus sage des solutions…
— Je ne te remercierais jamais assez pour ce que tu as fais, mais je vais accepter ton offre Drake, continua-t-elle en tournant la tête vers lui, on va partir à Arkaley, ce soir. Je suis désolée, c’est la meilleure solution, pour nous tous. J’espère que vous me comprenez… Vous serez toujours les bienvenus là bas et je viendrais vous rendre visite dès que je le pourrais.
Mya se leva, les enlaça, camoufla au mieux ses émotions et se dirigea vers la porte d’entrée. De là où elle se tenait, elle put entendre l’échange entre Drake et ses parents qui lui réchauffèrent le cœur.
— Je te la confie, Drake, murmura Ambre. Veilles sur Mya. Ne la lâche pas des yeux, d’accord ?
— Je vous le promets, madame, ne vous inquiétez pas. La colère se dissipera rapidement, elle reviendra vers vous…
Lorsque Drake la rejoignit, il la dévisagea avant de lui ouvrir la porte d’entrée. Une fois sorti, il se pencha vers elle et murmura.
— Tu nous as entendus, s’enquit-il. N’est-ce pas ?
— J’ai l’impression que tu lis en moi comme un livre ouvert, avoua-t-elle. Dis-moi, combien de monde y a-t-il au juste ? Parce qu’avec Arkaley et Elyon en plus de la Terre, ça fais trois.
— Oh, tu sais compter, ricana-t-il avant qu’elle ne lui mette un coup dans l’épaule. Figures-toi que je me demandais quand tu me poserais enfin la question. Est-ce que tu connais la fameuse découverte d’Aristote, à propos des cinq éléments ?
— Celle selon laquelle il y a l’eau, la terre, le feu, l’air et l’éther. Oui, pourquoi ? Quel est le rapport avec…, commença Mya alors qu’il lui posa un doigt sur les lèvres.
— En réalité, il faisait référence aux différents mondes, chacun est relié à un élément.
— Donc il en manque deux autres ! Lesquelles ? s’enquit-elle curieuse avant de remarquer qu’il se mordait les lèvres comme pour s’empêcher de lui répondre.
Vraiment ? Il ne lui dirait rien de plus ? Est-ce qu’il voulait qu’elle se documente par elle-même ou la raison était autre ?
— Laisses-moi deviner, marmonna-t-elle, j’en apprendrais davantage à Arkaley ?
Un doux son parvint à ses oreilles, le rire mélodieux de Drake puis, il s’arrêta brusquement pour observer son environnement.
— Exactement ! Viens dans cette ruelle, ajouta-t-il en ricanant. Je vais ouvrir un portail inter dimensionnel, ça demande beaucoup de concentration et c’est une manipulation très risquée. Il faut que tu saches que lorsqu’on le passe, on a la sensation de tomber dans le vide, l’atterrissage peut-être difficile, les premiers temps.
— Au moins, je sais à quoi m’attendre. Pourquoi est-ce si dangereux ?
— Eh bien, en toute franchise quand tu ouvres un portail sans connaitre le lieu où tu vas, tu restes coincé dans les limbes.
— Pas très glamour, railla-t-elle.
— Pas vraiment, non, renchérit Drake.
— Donc tu es déjà venu ici ?
— On en parlera plus tard.
Le ton était sans appel, aussi elle préféra abdiquer, du moins en apparence, car elle avait bien l’intention de découvrir la vérité tôt ou tard.
Drake agita ses bras et psalmodia des paroles incompréhensibles à l’aide d’une pierre qu’il tenait au creux de sa main. Puis, elle vit une sphère étincelante apparaitre et grossir dans le mur. On pouvait discerner des formes floutées au travers. Quelque chose qui ressemblait à une forêt. Drake lui sourit et passa en premier pour la rassurer.
Mya respira profondément, passa une jambe dedans avant de sentir qu’on l’agrippait et tirait en arrière. Effrayée, elle se débattit, se jeta instinctivement en avant et sauta à travers le portail. L’intrus toujours accroché fermement à elle.