Solomon Chevallier attendait patiemment dans le grand salon du château. Le ciel gris ne laissant pas ou peu paraître les terribles rayons de soleil, le maître de maison avait choisi de partir à la chasse. Solomon n’avait donc eu d’autre choix que d’attendre son retour.
Une femme de garde était postée à chaque entrée de la vaste pièce. Armée d’une ceinture de couteaux et d’un étui à revolver, chacune d’elle dévisageait le jeune homme avec mépris.
Honteux, Solomon baissa ses yeux verts sur sa main gauche. Il lui manquait l’annulaire, qu’Ambroise De Guise avait fait tranché en ramenant son soldat chez lui après le désastre de la transaction avec le Vicaire de Saint-Cyr.
Furieux, le directeur de la branche Française avait ainsi puni son jeune larbin. Il avait affirmé que la seule raison pour laquelle il avait épargné Solomon, alors qu’il avait fait décapiter ses autres hommes, était parce qu’il s’agissait de l’un de ses plus fidèles serviteurs.
Honoré, Solomon Chevallier s’était donc juré de ne plus jamais décevoir cet homme qui l’avait recueilli alors qu’il n’était qu’un gamin des rues, et qui l’avait enrôlé dans son armée criminelle en lui offrant tout ce dont il avait toujours manqué.
Au dehors, on entendit des bruits de sabots, des aboiements de chiens. Les cinquante Saint-Hubert du patron avaient dû rapporter beaucoup de gibier, comme à leur habitude.
Solomon fit mine de se lever, mais le regard noir que lui décocha une soldate l’en dissuada, et il se rassit sagement.
Il fallut encore une vingtaine de minutes pour qu’enfin Ambroise De Guise fasse son apparition dans le salon.
Le comte avait troqué sa tenue de chasse pour une queue de pie bleue aux motifs de fleur-de-lys, un foulard en soie gris enroulé autour du cou. Loin d’être vieux, Ambroise De Guise avait pourtant des cheveux entièrement blancs, dû à une anomalie rare.
Le maître des lieux se dirigea vers Solomon Chevallier, s’appuyant sur une canne noire au pommeau d’azur.
Prenant place en face de son serviteur, il posa ses yeux d’un bleu presque blanc sur le jeune homme. Ce dernier, qui s’était levé à l’entrée de son protecteur, se rassit sur le bord de son fauteuil. Il baissa la tête en signe de respect, attendant qu’on lui offre le droit de s’exprimer.
Mais, face au silence qui s’étirait, il finit par lever les yeux, curieux.
Ambroise De Guise continuait de l’observer sans rien dire, le visage impassible.
- Vous... vous avez demandé à me voir, monsieur ? Osa demander Solomon.
- J’ai abattu un renard, répondit simplement le maître de maison. Mais j’ai eu comme... une illumination, au moment où je lui ai décoché une balle entre les deux yeux. Souhaites-tu que je te raconte ce à quoi j’ai bien pu penser ?
- Oui, monsieur, s’il vous plaît.
- J’ai repensé à cette histoire avec Victoria Boleyn, que Jehan voulait offrir en mariage au Duc Falk. Quand Falk a apprit que Dame Victoria avait empoisonné sa propre mère, il a rompu tous ses contrats avec Jehan, car il a pensé que c’était là une tentative d’assassinat raté envers lui. A ce moment là, je me fichais bien de ce qui se tramait entre ces deux là. Tu sais que je privilégie davantage mes affaires en Angleterre qu’en Suède. Mais, maintenant que Jehan m’a trahi à mon tour, en laissant le Vicaire offrir plusieurs de mes hommes à la police, j’ai ouvert les yeux. Ne dit-on pas “l’ennemi de mon ennemi est mon ami” ?
Solomon hocha vivement la tête, comme un écolier écoutant sagement son professeur. Ambroise De Guise poursuivit :
- Il est temps d’entrer en contact avec le Duc Falk, mon jeune ami. Et c’est à toi que j’ai décidé de confier cette tâche. Je n’ai jamais vu ce Suédois en vrai, aussi ne puis-je te prévenir sur ce qui t’attend là-bas, dans les terres du duc. Tu dois le convaincre de se rallier à mes côtés, afin de faire s’effondrer l’empire de Saint-Cyr. Alors, nous pourrons récupérer ses contrats et toutes ses affaires qui valent une fortune. Ses contacts haut-placés deviendront nos locuteurs privilégiés. Notre organisation n’en sortira que plus puissante, si nous provoquons la chute de Saint-Cyr.
- Je ferai ce que vous m’ordonnez, monsieur.
- Bien. Tu n’as qu’à emmener Eveline avec toi.
En entendant son nom, une soldate à la longue chevelure rousse releva la tête, une lueur de fierté dans le regard.
- Je n’ai pas besoin que l’on m’accompagne, monsieur, s’empourpra Solomon.
- Crois-moi, il vaut toujours mieux laisser une femme nous accompagner dans les aventures que constituent notre vie. Ces créatures du paradis valent bien mieux que nous, pauvres pécheurs masculins. Avec une femme à tes côtés, rien ne t’arrêtera. J’aurais mieux fait d’envoyer une femme pour effectuer la transaction avec le Vicaire. Je n’aurais peut-être pas perdu autant de temps, d’argent et d’hommes...
Sentant une pointe d’accusation dans la voix de son supérieur, Solomon baissa les yeux, honteux.
- Tu peux disposer, annonça De Guise. Pars au plus vite, et reviens-moi tout aussi vite.
- Bien, monsieur.
Solomon Chevallier sortit du Château des Saint-Hubert, Eveline Baron sur les talons.
Si la mission que lui avait confié Ambroise De Guise pouvait paraître simple, Solomon craignait pourtant ce qui l’attendait là-bas, en Suède. Le Duc Falk avait bel et bien la réputation d’un homme cruel...
J’ai lu avec grand plaisir ce nouveau chapitre, d’autant plus qu’avec l’exposition des plans du Comte, j’ai eu l’impression de voir l’épisode d’une série des années 70, ou d’un James Bond, complètement dans les codes du genre ! Je lui pardonne donc sans regrets le « lâcher massif d’informations », tant la lecture est sympathique :)
(Et, tout pareil que pour le chapitre 1, dis-moi si tu es intéressée par des petites suggestions /corrections d'erreurs)
Le lâcher massif d'informations servait surtout à rappeler les évènements des récits précédents mais comme tu commences par le 5 ça devait faire un peu étrange comme discours de la part du comte😅
Merci beaucoup pour les comparaisons auxquelles tu associes le récit, ça me fait très plaisir ! J'espère que tu aimeras tout autant la suite !😇
Et oui, tu peux toujours me dire les suggestions et les coquilles, je suis preneuse !
- alors qu’il avait fait [décapiter] : le second verbe après un verbe conjugué est à l'infinitif
- "Il avait affirmé que la seule raison pour laquelle il avait épargné Solomon, (...) était (parce*) qu’il s’agissait de (...)".
- des cheveux entièrement [blancs]
- ce à quoi j’ai bien pu [penser]
- pauvres [pécheurs] masculins : pas d'accent circonflexe
- Je n’[aurais] peut-être pas perdu autant de temps
Voilà, je lis la suite dès que possible !