Les hommes des lacs étaient devenus fainéants depuis une dizaine de générations. Leurs barques ne passaient qu’une fois par jour, toujours à la même heure, en début de soirée. C’est vrai que Floritane était sous son meilleur jour lorsque le soleil commençait à décliner. Elle aimait sentir l’ombre des montagnes se déployer sur elle comme une couverture protectrice. L’eau du lac tout autour d’elle cessait alors de scintiller et sécrétait une apaisante odeur d’algues chaudes. L’espace de quelques minutes, Floritane essayait de s’imaginer qu’elle était dans un sous bois délicatement saupoudré de bruine, et emportée par cette pensée revigorante, elle se laissait parfois aller à roucouler ou à esquisser un petit battement d’ailes. Cela faisait plusieurs années cependant qu’elle ne s’y était pas risqué, car une trop grande démonstration de vitalité lui valait à coup sûr les réprimandes des hommes des lacs, qui faisaient flotter vers elle des bidons remplis de tissus en combustion lente, et la fumée qu’ils dégageaient empestait et asséchait sa peau pendant toute la nuit. Elle pouvait le supporter, comme tout le reste, mais il était hors de question qu’elle fasse subir cela à ses trésors.
Depuis dix-sept ans et quatre mois, Floritane avait un secret. Un secret qu’elle gardait de toutes les forces qu’il lui restait. Un secret qu’elle préservait encore plus jalousement que le petit pissenlit aux feuilles si revigorantes qui avait poussé dans une faille de la roche, au centre de cette minuscule île de roches plates et stériles, sur laquelle il est si dur de cacher quoi que ce soit.
Dès que les bateaux eurent tous disparu au large, la dragonne souleva son aile gauche qui traînait au sol, et qui camouflait ses trésors, puis elle entreprit de les déplacer le plus délicatement possible afin de n’éveiller aucun soupçon au prochain passage des barques. À l’aide de treize petits galets qu’elle gardait précieusement, elle reproduisit un cercle au sol et y cala doucement ses trésors. Ses trois petits trésors. Trois beaux œufs, tous en pleine santé. Et ils avaient commencé à éclore.
C'est intéressant ce que tu me dis, je ne l'avais pas remarqué. Les dragons des forêts ne volent pas dans cet univers, donc peut-être que je n'ai pas utilisé au meilleur moment de l'histoire ce champ lexical, je vais y réfléchir.
Très joli chapitre ! J'ai mis du temps à comprendre que Floritane était une dragonne, mais quand j'en ai eu la confirmation, j'étais presque sûre que son trésor, c'étaient des oeufs ^^. 17 ans à couver, c'est long, et quand et comment a-t-elle pu être fécondée ? On a deux dragons déjà apparus et une naine intrépide. J'ai hâte de savoir la suite ! A bientôt
Alors c'est une très bonne question, la réponse arrivera progressivement vers la fin du tome. Je voulais que les dragons restent des créatures assez mystérieuses, les humains se sont assez peu posés de questions sur eux en dehors de la manière de les capturer et de les affaiblir.
Bonne lecture et bonne écriture :)