Chapitre 2 : Ysalis - Harcèlement

Ysalis attrapa la brosse et la plongea dans le seau d’eau froide. À genoux par terre, elle frotta avec régularité le sol carrelé. L’activité n’avait rien d’agréable mais au moins la fillette était-elle tranquille, seule dans les toilettes dont elle avait la charge.

Églantine s’arrangeait toujours pour qu’Ysalis se retrouve avec les corvées les plus dures. Ysalis subissait, impuissante, la disgrâce et les moqueries, les insultes quotidiennes, les ricanements, le rejet, le mépris. Elle aurait tant voulu faire partie du groupe, être acceptée, rire et jouer avec les autres. Ils ne voulaient pas d’elle. Tout ça à cause de Bramamm. Elle aurait voulu la voir disparaître. Elle ne pouvait pas. Elle serait là, pour toujours.

Elle frotta rageusement, ses larmes se mêlant à l’eau de la source. L’injustice de sa situation la frappait de plein fouet. Rejetée des siens. Traquée par le reste du monde. Elle devait accepter de faire le dos rond, de courber l’échine, de se soumettre. Elle serra les dents de rage.

- Ysalis ? Yvan te réclame ! annonça Amlis en passant la tête à travers la porte. Églantine m’a demandé de te rappeler que cela ne te libérait d’aucune de tes corvées de la journée.

Amlis fit une moue désolée avant de disparaître dans le couloir. Ysalis plaça son seau et sa brosse sur le côté, épousseta sa tunique après s’être redressée puis se dirigea vers le bureau du superviseur. Le vent la percuta de plein fouet lorsqu’elle sortit du quartier des travailleuses.

L’esplanade proposait une vue magnifique sur la vallée et les monts environnants mais Ysalis, habituée, n’y porta aucune attention. Elle traversa en soupirant, ne s’arrêtant que pour frapper à la porte du bureau d’Yvan. Un simple « Entre » lui répondit. Elle fit coulisser l’ouverture pour pénétrer à l’intérieur et referma bien derrière elle. Le vent aurait pu réduire à néant un éventuel tri de documents.

Ysalis découvrit la pièce où elle entrait pour la première fois. Très haute de plafond, elle proposait un bureau derrière lequel se trouvait Yvan, assis sur un tabouret. Les pieds du superviseur s’appuyait sur une barre entre deux pieds de son assise, le surélevant énormément par rapport au sol. Cela donnait une impression de supériorité. Cependant, même si cet élément était apprécié, il n’était pas le but premier.

En effet, cette assise permettait un décollage aisé de l’être ailé. Ses deux excroissances sortant de son dos étaient pour l’heure repliées sous sa tunique ocre. Pour les avoir déjà vues, Ysalis les savait d’un mauve soutenu. Si un ignorant avait observé Yvan, il n’aurait jamais imaginé qu’il put voler. Il ressemblait à n’importe qui : un visage carré à la barbe bien taillée, des cheveux sombres, des yeux bruns, une peau mate. Il portait un pantalon de toile, des chaussures fines et une tunique qu’Ysalis savait percée de deux ouvertures verticales dans le dos. Des replis permettaient de protéger le porteur du soleil et de la pluie.

Les ailées apprenaient tôt à enfiler ces habits puis s’exerçaient, enfants, à protéger leurs ailes et à les déplier. Il n’était pas rare qu’un adulte s’empêtre dans les couches de tissu et se retrouve cloué au sol. Il s’agissait d’une grande source de moquerie. Les ailées passaient ainsi beaucoup de temps à s’entraîner et apportaient beaucoup d’importance à la qualité de l’habit. Il ne fallait pas qu’une mauvaise couture complique le déploiement, surtout auprès des soldats, ce qu’Yvan n’était pas.

Il leva les yeux sur Ysalis avant de lui faire signe de le rejoindre. Il désigna le tabouret à côté du sien. Ysalis dut un peu grimper pour s’y installer mais finalement, elle se retrouva derrière le bureau. Ses jambes trop courtes n’atteignaient pas la barre horizontale. Tant pis, ses pieds flotteraient dans le vide. Yvan posa devant elle des feuilles, une plume et de l’encre.

- Écris, ordonna-t-il. Et pas une faute, hein !

Il commença à dicter. Ysalis resta immobile. Il osait se servir d’elle comme d’une vulgaire secrétaire ! Il ne pouvait pas l’écrire lui-même, son fichu compte-rendu ?

- Écris ! répéta Yvan d’un ton sec.

- Non, dit Ysalis. Je ne suis pas…

- Tu feras ce que je t’ordonne ! gronda-t-il en retour. Ce n’est pas une gamine qui va faire la loi. Prends la plume et écris.

- Non ! insista Ysalis.

Sa façon de les utiliser la révulsait. Yvan n’hésita pas un instant. Il saisit la rebelle par les cheveux et la traîna dehors. Ysalis hurlait en se débattant. Plusieurs travailleuses se tournèrent vers elle. Aucune n’intervint ou ne s’interposa. Ysalis se retrouva attachée à une croix en bois lourde, poignets entravés, face à son agresseur. Ysalis le vit attraper le fouet pendu et se tendit. Yvan arma son bras. Ysalis eut beau hurler et pleurer, rien ne fit cesser. La lanière de cuir percuta le ventre, les jambes, le torse de la gamine en larmes.

Finalement, Yvan raccrocha l’arme avant de faire signe à une autre travailleuse de le rejoindre dans son bureau. Elle accepterait, elle, d’écrire son fichu compte-rendu. Ysalis la vomissait. Églantine apparut dès Yvan enfermé dans son antre.

- Encore à te faire remarquer, ricana la doyenne. Tu n’en as pas marre ?

- Libère-moi, Églantine. S’il te plaît ! supplia Ysalis.

La doyenne en avait le droit. Seules les travailleuses libéreraient leur compagne. Yvan ne viendrait pas le faire lui-même, tous le savaient. Églantine savoura ce pouvoir entre ses mains.

- Non, dit Églantine. Tu vas apprendre que tu n’es pas supérieure à nous.

- C’est ta tâche d’écrire pour lui, accusa Ysalis.

- Je suis trop vieille. Ma vue baisse. Je n’y arrive plus. C’est normal que d’autres prennent le relais.

- Pourquoi moi ?

- Pourquoi pas ? Tu es trop jeune pour d’autres corvées mais celle-là t’est largement accessible. Tu dois apprendre, Ysalis, que tu ne vaux pas mieux que nous.

Ysalis lui envoya un regard noir. Bien sûr qu’elle valait mieux qu’elles. Qu’avaient-elles accompli ? Rien. Tandis qu’elle…

- Je ne suis pas son larbin ! Yvan nous utilise ! Les travailleurs éduqués sont rares et certainement pas destinés à une fin de ligne comme Mathias. Yvan profite de nous !

- Yvan nous protège. Il nous permet de survivre, rappela Églantine. Sans lui et les autres comme lui, notre lignée serait éteinte depuis longtemps.

- En échange de quoi nous devons lui obéir, quoi qu’il demande, nous soumettre à ses moindres caprices. Nous sommes une main d’œuvre inespérée pour lui, rien de plus.

- Yvan est respectueux, répliqua Églantine. Il ne demande jamais trop. D’autres sont bien moins généreux. Estime-toi heureuse d’appartenir à cette maison.

- Je refuse de me soumettre.

- Évidemment, ricana Églantine. Bramamm parle par ta bouche.

- Je ne suis pas Bramamm ! s’énerva la fillette.

- Prouve-le, articula Églantine.

Ysalis garda la tête fière et le regard hautain. Jamais elle ne s’abaisserait !

- C’est bien ce qui me semblait, termina Églantine avant de s’éloigner, laissant la gamine effrontée attachée à la croix.

Ysalis observa la danse des nuages dans le ciel. Le soleil passa au-dessus du mont Sharna puis éclaira la vallée de l’Aemel. Ysalis vit Amlis s’approcher d’elle en observant partout autour d’elle.

- Tu es sûre que tu veux faire ça ? demanda Ysalis. Je ne veux pas t’apporter de problème.

- Ton travail doit être fait. Sinon, c’est moi qui me le tape. Va finir tes corvées, Ysalis, ou je te jure que je te fais bouffer ma merde !

La fillette détachée retourna dans les toilettes et reprit là où elle s’était arrêtée. Elle lava le linge, frottant dans l’eau froide du lavoir puis l’étendit sur les cordes. En plein vent et sous un beau soleil, il sécherait rapidement. La cloche du repas du soir sonna. Ysalis se rendit dans le réfectoire.

- Tu as fini tes tâches ? demanda Églantine alors que la gamine venait de mettre un pied dans l’immense pièce à la délicieuse odeur de pain et d’épices.

- Non, répondit-elle. Je finirai après.

- Non, cingla la doyenne. Tu finis d’abord. Tu manges après.

Ysalis recula et disparut dans le couloir sous les rires des autres utilisateurs de la pièce. La petite fille récura, rangea, frotta, lava, rinça, essora, dépoussiéra. Lorsqu’elle retourna au réfectoire, la nuit était bien entamée. Il était vide. Nul ne lui avait gardé une part de nourriture.

En soupirant, elle s’éloigna, son ventre gémissant. Encore un repas sauté. Ce n’était pas le premier. Ça ne serait pas le dernier. Ysalis aurait dû rejoindre le dortoir mais elle préférait attendre que tout le monde dorme. Elle s’approcha du bord de la plateforme. Celle-ci ne proposait aucune rambarde. C’était voulu, une manière de rappeler aux travailleuses leur statut, leur infériorité, leur faible latitude de mouvement. Le sol se trouvait à plusieurs centaines de mètres plus bas. Seuls les ailées pouvaient quitter la plateforme sans mourir et ainsi rejoindre le reste de la ville.

Ysalis observa les plateformes voisines. Au-dessus se trouvaient les quartiers d’Yvan et encore plus haut, ceux de Mathias, le maître des lieux. La demeure se trouvait presque dans la vallée, preuve du faible statut de Mathias, professeur de talent à la prestigieuse université centrale.

Ysalis leva les yeux vers la montagne et les nombreux autres domaines. Les plus hauts, ceux des dignitaires, lui étaient invisibles. Il aurait fallu être fou pour grimper un tel abrupt. Ysalis s’approcha de la paroi, la suivit sur quelques pas puis s’accrocha à une minuscule fissure, ses pieds reposant sur un léger rebond. Le vide sous elle ne la dérangea pas. Ysalis n’avait jamais eu le vertige.

Elle contourna rapidement le rocher. L’habitude rendait le trajet aisé. Le temps magnifique lui offrait une pierre rugueuse. Elle maudissait les jours de pluie la privant de son coin de repli. De l’autre côté, une petite corniche lui offrait l’intimité tant espérée. Elle s’assit là, les cuisses contre son torse, le menton sur les genoux, observant la ville sur le versant de l’autre mont en face du sien. Son corps lui faisait mal, souvenir des coups de fouet autant que du travail dur pour ses membres d’enfant.

Tu vas grandir et te fortifier.

- Ta gueule, gronda Ysalis.

Je ne cherche qu’à te réconforter.

- Ta gueule ! cria Ysalis et le vide devant elle avala sa voix.

Enfin, Bramamm se tut. Ysalis fondit en larmes. Elle aurait tant voulu avoir la possibilité d’être elle-même, de ne pas subir l’intrusion des autres. Leur présence permanente lui donnait envie de se jeter dans le vide.

Pas avant d’avoir transmis les connaissances.

- Ta gueule ! hurla Ysalis encore plus fort en se tenant la tête dans les mains.

Faible. Sans valeur. Inutile. Déshonneur. Dégoût. Mépris.

La fillette sanglota. La lune était haute lorsque le froid l’amena à revenir à l’intérieur, dans le dortoir chauffé. Elle s’endormit, ses larmes trempant sa couche.

Yvan la réclama de nouveau le lendemain. Ysalis refusa d’écrire. Elle reçut de nouveau le fouet et fut privée de souper par une Églantine aux anges.

Le lendemain, la petite fille attrapa la plume et traça les symboles sous la dictée d’Yvan.

- Tends ta main, ordonna-t-il une fois l’écrit terminé.

Une violente douleur cingla la paume de la fillette sur laquelle Yvan venait d’abattre une canne en bambou.

- Tu recommences en t’appliquant, cette fois !

Ysalis serra la main contre elle tout en lui lançant un regard noir.

- Tu refuses ?

Tu es trop jeune pour lui tenir tête.

- Ta gueule ! cracha Ysalis d’un ton glacial.

Yvan attrapa Ysalis par les cheveux pour la traîner dehors. La gamine tenta de s’excuser, d’expliquer que les mots ne lui étaient pas destinés, qu’elle ne le pensait pas. Elle essaya de supplier mais les sons, entrecoupés de cris de douleur et de sanglots, furent inintelligibles.

Lorsqu’elle fut liée à la croix, le regard brûlant de haine d’Yvan la rendit muette. Le visage du superviseur était tordu dans un rictus hideux. Il se saisit du fouet et arma son bras. Ysalis reconnut une prise bien meilleure, un élan plus puissant et les muscles bandés saillaient. Il comptait frapper fort, vraiment fort. Elle l’avait mis hors de lui.

Ysalis sut que c’était trop tard pour s’expliquer. Aucune supplication ne passerait la barrière infranchissable de pure haine qui parcourait les veines du superviseur. Elle ouvrit la bouche, prête à subir et hurler.

- Aide-moi, Elydriel, murmura la petite.

Il est parti, ma chérie. Ta gueule, il en a rien à foutre.

Le fouet déchira la tunique et la peau en-dessous. Ysalis hurla tandis que son sang coulait sur ses cuisses.

Je suis consciente que ça ne changera rien, mais je suis désolée.

Ysalis n’avait plus la force de lui répondre. Le coup suivant déchira les cuisses. Un troisième suivit et même un quatrième. Ysalis ne tenait plus debout. Yvan frappa pourtant une cinquième fois. Il s’approcha ensuite. Il attrapa la gamine, enserrant sa main autour de son cou pour la soulever, poids plume face à cet adulte à la carrure puissante.

- Je sais très bien ce que tu es… et qui tu es, précisa Yvan d’une voix sifflante. Je vais te mater. Tu peux me croire !

Il la lâcha et Ysalis avala goulûment l’air qui lui manquait. Le superviseur retourna dans son bureau, suivi par une travailleuse avide de rédiger son courrier pour lui.

- Tu n’apprends jamais, ricana Églantine en se portant à sa hauteur.

- Va te faire foutre !

Oh ! Je ne pensais pas qu’il te restait assez de cran pour faire ça. Bravo !

- Tu vas ramper, ma chérie. Tu vas baisser les yeux et servir, comme les autres, susurra la doyenne.

Qu’elle crève, ça nous fera de l’air.

Ysalis se sentait tellement lasse. Prise au piège d’un règlement de compte qui ne la concernait pas, elle détourna le regard et murmura :

- Elydriel, libère-moi, par pitié.

Églantine frémit et se recula, comme giflée. Une larme coula sur la joue de la doyenne et elle détacha l’enfant qui s’écroula comme une marionnette dont on coupe les fils. Ysalis resta au sol, incapable de bouger, le corps en miettes. Elle s’endormit à même le sol sous la croix. Nul ne l’approcha, même lorsque le soleil se leva.

- Debout, ordonna une voix dure masculine.

Yvan, reconnut Ysalis. Si elle désobéissait, que ferait-il ?

- Mes prochains coups de fouet viseront ton dos, menaça Yvan.

Tout, mais pas ça ! hurla Ysalis en pensées. La fillette s’en pissa dessus de terreur. S’il frappait son dos, elle n’y survivrait pas, elle en était certaine. C’était trop tôt. Ces blessures-là mettraient du temps à cicatriser et son dos resterait sensible toute sa vie, elle le savait.

Laisse-moi le contrôle.

- Non, murmura Ysalis.

Yvan ricana. La fillette comprit que le superviseur avait pris son mot pour une supplication.

Fais pas l’idiote. T’as pas la capacité de surmonter cette douleur. Moi si. J’ai reçu la formation nécessaire. N’aie crainte. Je promets de te rendre le contrôle. Laisse-moi faire. J’écrirai ses putains de rapport et je ferai tes corvées. Je te rendrai le contrôle demain matin. Aucun risque que je vive ta vie pourrie, crois-moi ! J’en soupe déjà assez en spectatrice.

Ysalis, le corps et l’esprit en miettes, lâcha l’affaire.

Elle s’éveilla dans le dortoir, sans le moindre souvenir de s’y être rendue. Son corps hurlait de douleur mais elle parvint à se dresser. Elle se rendit à la salle de bain. L’eau froide courrait dans une rigole depuis le sommet. Ysalis retira sa tunique, constatant par là-même qu’elle était neuve. Dessous, des bandages enserraient ses blessures.

Il te faut nettoyer tes plaies. L’une d’elle est vraiment moche.

Ysalis gémit en retirant les bandages, lava consciencieusement puis banda deux blessures qui en avaient encore besoin. Elle fit ses besoins puis se rhabilla, avant de retrouver les autres à la cuisine. Églantine lui désigna, comme d’habitude, les tâches les plus ingrates mais au moins put-elle manger un peu. La fillette se rendit ensuite au lavoir avec le linge sale.

- Tu m’as épatée, hier. Quel courage !

Ysalis se tourna vers Amlis qui venait de dire ces mots.

- Ce n’était pas moi, maugréa Ysalis. C’était Bramamm.

Amlis fronça les sourcils et cracha par terre avant de lui tourner le dos et de s’en aller.

Pourquoi tu lui as dit ? T’es vraiment conne, tu sais ?

- Ta gueule.

Même pas un merci pour mon aide hier ?

- Va te faire foutre, gronda Ysalis.

Et si tu permettais à sa mère de lui parler, peut-être qu’elle…

Seuls les accomplis ont le droit à la parole. Elle a accompli quoi, sa mère ? Que dalle ! Invisible, voilà ce qu’elle a été alors viens pas me faire chier !

Le silence se fit dans la tête d’Ysalis qui soupira d’aise. S’ils pouvaient bouder plus souvent, ça lui ferait de belles vacances. Elle sourit pendant ses lessives, ravie de cet état de sérénité.

- Amlis m’a dit que tu avais laissé le contrôle à Bramamm hier ?

Ysalis leva les yeux sur Églantine pour découvrir un visage triste et concerné. Ysalis hocha la tête en pleurant.

- Ça n’aurait jamais dû se produire, indiqua Églantine à s’accroupissant, se mettant ainsi à la hauteur de la fillette. Ne lui laisse plus jamais le contrôle. Et si elle décidait de le garder ? Tu mourrais, tu comprends ? Tu n’es pas Bramamm. Tu dois vivre ta vie, ma chérie. Elle est trop courte pour être gâchée.

Ysalis fondit en larmes. Une douce chaleur l’enveloppa alors qu’Églantine la prenait dans ses bras, geste impensable la veille encore. Ysalis n’en revenait pas. La doyenne faisait preuve de compassion envers elle ? Inimaginable ! Églantine s’éloigna rapidement avant de partir en toute hâte, comme si elle craignait que son ombre ne lui rappelle le geste qu’elle venait de réaliser.

Ysalis se retrouva seule. Les seuls mots des travailleuses croisées en chemin vers elle furent des insultes. Les seuls regards furent méprisants et haineux. Elle les ignora sans parvenir à ne pas s’en trouver blessée. Elle avait l’habitude pourtant mais ne désirait qu’un peu de gentillesse et de contact humain.

Ysalis soupira, ne laissant ses larmes couler qu’une fois certaine d’être seule. Lorsque Yvan la réclama, Ysalis se rendit dans son bureau et obéit en tous points au superviseur, s’appliquant et faisant de son mieux.

- Je suis satisfait de ton service, indiqua finalement Yvan. Tu peux retourner à tes occupations.

Ysalis sortit sans un mot. Après le dîner, elle se sentit assez en forme pour retrouver son coin de tranquillité. Elle se fit très peur, son ventre collé à la paroi la lançant. Elle avait failli tomber. Une fois sur la corniche au-dessus du vide, Ysalis savoura le silence environnant.

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blairelle
Posté le 22/09/2023
Au premier chapitre je pensais que les humains étaient perçus par les ailés comme des animaux de labeur, visiblement ce n'est pas le cas, c'est plutôt des esclaves / sous-hommes ?
Et Ysalis est possédée ?
Nathalie
Posté le 23/09/2023
Je pense que le terme le plus proche serait esclave mais il n'apparaît nulle part dans le roman et c'est voulu. En effet, "Colorés" n'est pas un monde capitaliste. Il n'y a pas d'argent, pas de monnaie. Personne ne peut vendre ou acheter. Des choses s'échangent et on peut manger en échange d'un travail communautaire. Chacun reçoit une part (plus proche d'un système communiste donc). Sauf que clairement, certains sont moins lotis que d'autres en contrepartie. Les humains donnent beaucoup et reçoivent peu. Ils ont également très très peu de liberté personnelle. On peut donc les considérer, dans notre esprit capitaliste, comme des esclaves.

Ysalis est-elle possédée ? Bonne question. Tu me diras à la fin ce que tu en penses.

Bonne lecture !
Lilisa
Posté le 19/09/2023
Bonjour,

Un très bon deuxième chapitre qui nous fait le deuxième personnage de cette histoire, qui lui est du "mauvais" côté de la barrière puisqu'Ysalis n'a aucune liberté, à part celle de choisir de servir les ailés ou de se faire punir en tentant de se rebeller.

Je viens de remarquer que tu as un peu changé ton format d'écriture, non ?
Si je me souviens bien, dans Destins croisés, le Prix de la liberté ou Sacrifice, tu sautais des périodes entières pour arriver aux moments intéressants et importants, alors qu'ici, tu nous fais voir tous les passages de ce livre. Y-at-il une raison à ce changement.

Oh pauvre Ysalis ! Ca ne doit pas être facile de se voir rejeter de son peuple alors même qu'elle est dans la même situation qu'eux, c'est-à-dire "travailleuse soumise aux ailés" ( pour ne pas dire esclave ). Je trouve que les autres travailleurs manquent quand même un peu de compassion. J'imagine bien que si l'histoire se déroulaient de leur point de vue, je penserai sans doute l'inverse, mais quand même ce n'est qu'une enfant !

Mais bon, je cesse de blablater sur ce chapitre et cours lire le suivant !
Nathalie
Posté le 19/09/2023
Salut Lilisa,

Je ne suis pas certaine d'avoir un "style" d'écriture. J'aime bien varier. Dans "Diophène", j'ai testé un truc totalement différent. Dans "Le prix de la liberté", c'est encore une autre manière de faire les choses. Je change, je varie, j'observe ce qui plaît et ne plaît pas, ce qui m'amuse ou ne m'amuse pas. C'est important pour moi de garder le sourire quand j'écris et de me lancer des défis, comme dans "Magia" où j'ai pris le risque d'écrire des poèmes.

Tu vas comprendre pourquoi ils sont aussi durs avec Ysalis. J'espère que la suite te plaira.

Bonne lecture !
Lilisa
Posté le 19/09/2023
Salut Nathalie,

Pour Diophène je ne peux pas juger puisque c'est interdit aux mineurs, mais je te crois, cependant j'avais constaté que dans plusieurs histoires tu faisais comme dans Destins Croisés, et je t'avoue que j'aime bien comme ça. Je pense que je préfère ce format à celui de Colorés même s'il est très bien aussi.
Nathalie
Posté le 19/09/2023
Salut Lilisa

C'est amusant car mes sautes temporelles deroutent souvent mes lecteurs plus qu'ils n'apprécient mais je suis ravie que ça plaise. Il y aura des sautes temporelles dans ce roman même si moindres que dans "destins croisés"

Bonne lecture !
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