Chapitre 21

Par Saphir

L'homme s'élance vers moi à une vitesse sidérante. Il m'attrape la gorge et me plaque violemment au sol. Je crache de la salive rougeâtre, mêlée de sang. Puis il me donne un coup de pied dans l'estomac. Je hurle et m'effondre sur le sol, le souffle coupé, les larmes aux yeux.

Tu ne peux pas abandonner ainsi, murmure une voix dans ma tête. Voix qui n'est pas celle de Karan. Je la reconnais immédiatement. C'est celle d'Orinn. Pourtant, je n'arrive toujours pas à y croire. Ou alors, c'est que je n'arrive pas à me faire au fait que mon âme soit celle de quelqu'un d'autre.

"Ce n'est pas totalement quelqu'un d'autre, puis tu es sa réincarnation, intervient Karan."

Honnêtement, je pense que ce n'est pas mieux. Enfin, du moment que Orinn n'est pas mon ennemie…

Je me relève en titubant.

Non, je ne le suis pas. Je suis là pour t'aider. Enfin, je ne peux pas réellement faire grand chose. Mais je peux te guider.

J'essuie mes vêtements poussiéreux et tends l'oreille, tout en restant attentive aux mouvements de l'homme, debout plus loin.

"Nous sommes en supériorité numérique, affirme Karan."

N'oublie pas que nous n'avons qu'un seul corps.

– Et n'oubliez pas que c'est le mien, je siffle entre mes dents.

Cela faisait longtemps, Karan, continue Orinn, m'ignorant.

"On parlera de ça plus tard."

Tu as raison. 

Avec plaisir.

Nausicaa, écoute moi bien. Si j'utilises mon énergie magique maintenant, je ne pourrai plus te parler avant un petit moment. Mais on n'a pas d'autre solution, donc tu devras patienter encore un peu pour avoir des réponses.

J'acquiesce malgré moi.

– Pour le moment, nous devons battre ce type, ou il me tuera.

Ferme les yeux. Oublie ce qui t'entoure et concentre toi sur ton âme.

Même si je ne sais pas du tout comment m'y prendre, je m'exécute. Je ferme les yeux.

Inspire.

J'inspire.

Expire.

J'expire.

Visualise une flamme brûlant au fond de ton cœur, au fond de ton âme.

"Ce n'est pas le moment de faire de la méditation…"

Karan, s'il te plaît… Nausicaa, imagine cette flamme grandir, t'envelopper toute entière. Sens-tu sa chaleur protectrice ?

– Oui, je souffle, interloquée. Oui, je la sens…

Mon corps se réchauffe doucement, au fur et à mesure que le feu grandit dans mon esprit. Je sens son énergie couler dans mes veines.

Parfait. Rassemble cette énergie dans tes mains et tends les devant toi. Canalyse ta magie.

Lentement, je sens la chaleur se déplacer de ma poitrine jusqu'à mes mains. 

C'est très bien !

Je rouvre les yeux, doucement, et une chaude lumière brille vivement devant moi. Je découvre avec stupeur un mur de flamme géant. 

 

Interloquée, je ne peux pas faire un mouvement.

– C'est moi qui a fait ça ? je demande dans un murmure.

Bien sûr. Tu te souviens de ton affrontement avec Shadow, j'imagine.

"Oh non, pas lui, pitié…" grogne Karan.

– Oui, je me rappelle, je siffle, amère.

C'est ce jour-là que Vanille est morte. Heureusement, la petite plume blanche est toujours avec moi. Je plonge la main dans la poche de ma toge et l'effleure des doigts, puis me reconcentre sur le moment présent.

Les flammes m'entourent. Je suis protégée, mais je ne sais pas ce que fait l'homme à l'extérieur.

Oui, nous sommes à l'abri.

Mais…. Et Rafael ?

Rafael ?

– Mon ami. Il est hors du mur. L'homme pourrait l'attaquer…

Ne t'en fais pas, tu peux aller le chercher. Ensuite, nous tuerons notre adversaire.

Je n'ai pas besoin de ton accord. Aux dernières nouvelles, c'est moi qui suis aux commandes. 

Je pousse un soupir. Orinn ne répond rien.

 

Puis soudain, un hurlement me fait sursauter. Je regarde bêtement autour de moi, sur le qui-vive. Puis je vois quelque chose qui me fige sur place. L'homme est en train d'essayer de traverser mes flammes et vient de plonger son bras à travers, malgré les brûlures que ça lui cause. Horrifiée, je prends conscience qu'il est en train de me piéger dans ma propre barrière. Je ne sais pas comment la faire disparaître ! 

J'essaye de me calmer. Orinn ne répond plus, et Karan ne va sûrement pas m'aider. Je dois me débrouiller seule.

Je me concentre, ferme les yeux et oublie ma peur. J'imagine le mur de flamme disparaître doucement. Puis je rouvre les yeux et je remarque que ça fonctionne !

L'homme s'en rend également compte et retiré rapidement son bras, déjà bien abîmé.

 

Les pouvoirs de Orinn sont étonnamment faciles à manipuler.

C'est normal. Ce sont les tiens, depuis ta naissance. Je suis morte depuis longtemps.

"Hé, attention !" hurle Karan. Par réflexe, je recule rapidement, mais, déstabilisée, je trébuche. Je ferme les yeux, me préparant à la douleur, mais elle ne vient pas.

Je rouvre prudemment les paupières, et découvre avec stupeur un pic sombre transperçant l'abdomen de mon adversaire. Ça ressemble beaucoup à la magie que Shadow utilisait. Ça y ressemble beaucoup trop.

–...Karan ? C'est toi…?

"Oui. Mais ça ne va pas tenir longtemps. Donc dépêche toi de te relever."

Je m'exécute aussitôt.

– Je pensais que tu n'allais pas m'aider…, je murmure.

"Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis."

Déjà, je remarque que les pics commencent à se dissiper, comme la forme de chat de Karan tout à l'heure. Cependant, l'homme est à terre, et il ne bouge plus.

Profitant du moment, je cours vers Rafael et m'accroupis à ses côtés. Je lui attrape l'épaule et le secoue. Il ouvre lentement les yeux, l'air hagard, puis il me reconnaît, se relève rapidement et prends conscience de l'endroit où il se trouve.

– Ah, ma tête… 

– Viens, il faut qu'on parte.

Mais mon compagnon ne me regarde pas. Apeuré, il fixe l'homme, là-bas. Ses pupilles brillent d'une vive lueur dorée, et je devine qu'il peut voir sa magie.

– Il…

– Je ne sais pas s'il est mort, je le coupe. Mais il ne bouge plus. On doit en profiter pour partir.

Le rouquin se tourne vers moi, la bouche déjà ouverte pour dire quelque chose, mais rien ne sort de sa gorge. Il écarquille les yeux en me regardant.

– Ton âme, Nausicaa… Elle… elle brûle.

Je cligne des yeux, interdite, mais me reprends. On n'a pas le temps pour ça. Je me redresse et lui attrape le poignet pour l'aider à se mettre debout.

 

Derrière nous, j'entends un grognement. Je me retourne et je vois l'homme qui se relève, alors qu'il a un trou béant dans l'estomac.

– Merde…

Je me mets à courir sans réfléchir, Rafael sur les talons. Je cherche des yeux le tunnel par lequel je suis arrivée et me précipite dedans.

– Je vais faire exploser la grotte, je lance sur un coup de tête.

– Quoi ? Comment ? s'exclame Rafael.

– Tu verras. Pas le temps pour les questions.

Je prends une grande inspiration et me concentre pour imaginer une gigantesque boule de feu au milieu de la grotte. Je la visualise grandir peu à peu.

Rafael, sidéré, fixe le feu qui vient de naître dans la caverne.

– C'est incroyable…, souffle-t-il.

– Allons-y, vite.

Nous avançons dans le tunnel, vers la sortie. Nous nous éloignons le plus possible de l'homme puis attendons, le temps d'entendre l'explosion.

 

Elle ne tarde pas à arriver. Un bruit sourd résonne tout autour de nous et les parois tremblent. Des petits cailloux nous tombent dessus, mais rien de très gros. 

Puis tout s'arrête. Nous ne bougeons plus pendant encore quelques secondes, puis décidons d'y aller, déterminés à sortir.

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