Chapitre 20 : Admiration

Le lendemain, Marlène retrouva Lycronus au déjeuner.

- J’ai mon DM3, annonça le jeune homme. Ça y est, j’ai enfin réussi à maîtriser toute la magie intra.

Marlène en fut soufflée. Elle en était encore loin.

- Comment tu fais ?

- Je bosse, Marlène. Je bosse. Pour information, j’ai aussi mon DM4.

- Quoi ? s’exclama Marlène.

- Je n’ai pas tout à fait réalisé les choses dans l’ordre. De ce fait, j’avais déjà validé les compétences pour obtenir le DM4 avant de valider celle restante du DM3. Du coup, j’ai reçu les deux en même temps.

Marlène en fut verte de jalouse et très heureuse pour son ami.

- Tu vises le DM5, comprit-elle.

- Non, la contra-t-il.

- Pourquoi es-tu encore là alors ?

- Ma présence te déplaît à ce point ?

- Non ! Évidemment que non ! s’exclama Marlène.

Lycronus se replongea dans son déjeuner sans rien dire de plus et Marlène n’insista pas. Après tout, le jeune homme avait le droit de ne pas tout dire à son amie.

- L’énigme de monsieur Toupin ? demanda Lycronus.

- Je suis une tombe, répondit Marlène. Tu n’en sauras rien.

Marlène avait laissé le bonbon dans sa chambre car l’avoir dans sa poche risquait de faire réagir le jeune homme, hyper sensible. Lycronus la caressa des yeux puis sourit. Au cours suivant, Marlène dut admettre son ignorance.

- Je n’ai pas trouvé ce que sont les deux derniers éléments. Acceptez-vous de me donner la réponse et un autre objet magique à étudier ?

- Comme tu n’as pas trouvé, tu as eu la prudence de ne pas l’activer en le mangeant, répondit monsieur Toupin.

Marlène acquiesça.

- C’est un énorme pas. Je te le félicite. Les deux éléments forment un poison qui t’aurais rendue sacrément malade, annonça monsieur Toupin.

Marlène hocha la tête.

- J’enregistre ces signatures comme étant mauvaises, annonça Marlène.

Monsieur Toupin approuva d’un geste avant de lui tendre un pot de fleur. Marlène reconnut de l’argile. Elle sortit de classe pour aller demander à madame Rose les effets possibles de cette matière. La néomage préférait l’entendre que le lire et madame Rose ne refusait jamais une petite leçon particulière à un élève motivé.

- Lycronus, dit Marlène au déjeuner.

- Hum ? dit-il en levant les yeux sur elle.

- Tu me manques, dit-elle.

Le jeune homme sourit.

- Tu n’es plus dans la réserve, l’accusa-t-elle tendrement.

- Le professeur Pommier ne m’est plus d’aucune utilité. Je préfère travailler dans une salle vide.

- On peut étudier dans la même pièce ou ce que tu fais est tellement secret que je ne peux pas être là ?

Lycronus rit.

- Tu peux être à côté de moi. Tu ne me déranges pas.

- Cool ! s’exclama Marlène, ravie.

Le soir, Amanda lança :

- Tu passes tes journées avec monsieur Stoffer, hein !

Le sous-entendu était évident.

- Amanda ! On bosse, c’est tout ! s’exclama Marlène. Il est d’une concentration hors du commun. Il ne bavarde jamais, ne se détourne jamais. C’est un mur ce mec. Quand je bossais avec vous, ça ne durait jamais plus de dix minutes. Avec lui, les heures passent et je suis obligée de rester concentrée parce que de toute façon, il ne se détournera pas de son objectif, même pour moi.

- Tu fais autre chose que bosser avec lui ?

- Que sous-entends-tu ? s’exclama Marlène qui n’aimait pas bien la remarque déplacée de son amie.

- Qu’une sortie au ski ou…

- Je ne sortirai pas de l’école avant de savoir me défendre, gronda Marlène.

Amanda comprit que le sujet était sensible.

- Du sport alors ? proposa-t-elle.

Marlène considéra la question. Pourquoi pas après tout ? Le lendemain, elle proposa un match amical de tennis à Lycronus qui accepta volontiers. Il était nul ce qui permit à ce moment d’être très agréable pour tout le monde. Ils renouvelèrent souvent l’expérience, passant ainsi presque tout le temps ensemble.

- Alors ce pot, Marlène ? demanda monsieur Toupin.

- Il est lié à la terre, mais bon ça, c’est évident, indiqua Marlène sous l’oreille attentive de son professeur. Il est fait en argile, or l'argile a de nombreuses propriétés. Sous cette forme, il peut retenir l'eau pour la diffuser lentement ensuite, changer de forme en présence de chaleur, changer de couleur, rendre l'objet incassable ou fertiliser la terre présente à l'intérieur du pot. A priori, aucun de ces effets n'est dangereux, donc, déterminer le fonction exacte n'est pas utile.

Monsieur Toupin plissa les paupières.

- J’ai quand même poussé un peu plus loin, indiqua Marlène.

Les yeux de monsieur Toupin se mirent à briller à cette phrase.

- J'ai trouvé que l'action de l'objet dépend du type d'argile dont il est fait. Il existe plusieurs sortes d'argile : la kaolinite, l'halloysite déshydratée, l'halloysite hydratée, la montmorillonite, l'illite et les vermiculites.

Marlène était entré dans son volcanisme cérébral pour être en mesure de citer ces mots. Monsieur Toupin transperçait Marlène d’un regard brillant de fierté.

- Ne connaissant pas les signatures de ces argiles – et n’en ayant pas trouvé à proximité - je me suis basée sur la formule chimique de ces différentes argiles pour déterminer lequel entrait dans la composition de ce pot et il s'agissait d'illite. Les propriétés magiques de l'illite sont de fertiliser les terres qu'elle touche. Donc, l'action de ce pot est de fertiliser la terre qu'il contient.

Monsieur Toupin passa sa main au dessus de l’objet.

- Ce pot n’a pas été activé, annonça-t-il. Monsieur Stoffer t’a-t-il aidé ?

- Non, monsieur. Personne ne m’a aidé. J’ai tout fait toute seule.

Le professeur hocha la tête, les lèvres étirées au maximum. Son regard brillait. Marlène le comprit sur le point de pleurer.

- Hé bien tu viens de gagner ton DM3, annonça monsieur Toupin.

- Je n’ai pas passé les épreuves écrites, le contra Marlène qui savait que désormais, pour obtenir son DM3, il fallait avoir la note maximale à un examen proposé par monsieur Toupin.

- Je fais ce que je veux, balaya monsieur Toupin.

- Je vous remercie, monsieur. Pourriez-vous me donner un autre objet, s’il vous plaît ?

- Pourquoi ? demanda monsieur Toupin en plissant les paupières.

- Je veux m’assurer que je n’ai pas juste eu de la chance, monsieur, indiqua Marlène en regardant le professeur dans les yeux.

Monsieur Toupin donna à Marlène un nouvel objet. Ayant obtenu le DM3, elle ne se rendit plus au cours d’utilisations des objets magiques et ne se rendit auprès du professeur qu’une fois la fonction de l’objet découverte, désireuse que ce temps soit le plus court possible. Mais comment Lycronus faisait-il pour déterminer ça en quelques secondes ? Cela demandait tellement d’efforts à la néomage. Elle le jalousait et l’admirait en même temps.

Tandis que Marlène commençait à travailler sa magie inter, Lycronus faisait… quelque chose, mais quoi, dans la même salle qu’elle. Parfois, ils faisaient un tennis ou lisaient ensemble à la bibliothèque. Les deux jeunes gens ne se touchaient jamais. Ils restaient l’un près de l’autre, appréciant leur présence mutuelle.

Dimanche, elle parvint même à amener Lycronus avec elle voir un match de PBM. Si le jeune homme peina à s’intéresser au jeu, il admit que l’ambiance dans les gradins était agréable.

- Je suis fière de toi ! s’exclama Didier qui venait de recevoir le DM3 de sa fille.

- Tu les obtiens drôlement vite. À ce rythme-là, tu auras terminé tes études magiques d'ici la fin de l'année, fit remarquer Henriette d’une voix surprise et inquiète.

- Tout dépend en fait à quel niveau je veux m'arrêter. La plupart des élèves s'arrêtent au DM3 et l’obtiennent avant Noël. J’ai donc trois bons mois de retard. Le DM4 n’est accessible qu’à un petit nombre. J’en ai déjà validé la moitié.

- Déjà ? s’exclama Henriette.

- Tu travailles, ma fille. J’en suis très heureux.

Marlène devait admettre que la présence de Lycronus était une bénédiction. Elle avait appris à se concentrer à ses côtés. Il avait été son élément déclencheur, son catalyseur.

- Tu vises quel diplôme ? demanda Henriette.

- L’école ne monte que jusqu’au DM5, indiqua Marlène.

- Vu la vitesse à laquelle tu vas, tu auras terminé avant la fin de l’année, fit remarquer Didier.

- Non, papa car les diplômes de niveau 4 et 5 sont très difficiles à obtenir et plus ça va, plus c’est difficile.

- Je comprends, dit Didier.

Elle ne leur parla pas de Lycronus. Son père lui aurait interdit de voir ce garçon. Il considérait les relations filles/garçons comme néfastes pour les apprentissages alors elle préféra taire sa présence à ses côtés. Auprès d’Amanda, elle put s’étendre plus largement et cela lui fit le plus grand bien.

- Je suis super contente pour toi, assura Amanda. Et je suis rassurée que tu saches reconnaître les objets magiques. Je m’inquiétais vraiment.

- T’inquiète, j’ai compris.

Marlène récupéra la nuit des réserves perdues en regardant le match de PBM.

- Marlène ? lança Lycronus le lendemain matin alors que les deux jeunes gens travaillaient silencieusement dans une salle vide.

Lycronus ne rompait jamais le silence. Il travaillait. Cet appel surprit beaucoup la néomage.

- Oui, Lycro ?

- Ma question est très indiscrète alors n’y répond pas si ça te dérange.

Marlène hocha la tête.

- Le match de PBM d’hier, tu as puisé dans tes réserves personnelles pour le regarder. Tu n’as pas utilisé le grès fourni par l’école, n’est-ce pas ? demanda Lycronus.

Marlène acquiesça.

- Ça t’a pris beaucoup de tes réserves ?

- Non, répondit Marlène. C’est juste la gnosie. Maintenant, je maîtrise, pourquoi ?

- Parce que je ne te vois jamais méditer, indiqua Lycronus. Tu travailles la magie inter, qui est très gourmande en énergie, du matin au soir. Tu ne fais que ça. Je veux bien que tes réserves soient énormes mais pas illimitées non plus.

Marlène voyait régulièrement Lycronus méditer. Il le faisait plusieurs heures par jour avant de reprendre ses entraînements. Elle n’avait pas la moindre idée de la quantité d’énergie qu’il pouvait utiliser ne comprenant pas ce qu’il faisait. Ce qui était certain était qu’il travaillait toute la journée – en dehors des quelques heures de méditation – et qu’il ne semblait jamais arriver au bout de ses réserves. Marlène en avait conclu qu’il rentabilisait bien mieux qu’elle son usage de la magie. Encore une raison de le jalouser et de l’admirer.

- Je me régénère la nuit, Lycro, expliqua-t-elle.

- Et tu dors quand ?

- Je me régénère en dormant, indiqua Marlène.

- Comme tout le monde, répliqua Lycronus. Sauf que la régénération non contrôlée ne…

- Je la contrôle, le coupa Marlène. Je dors tout en créant volontairement de la magie.

- Comment fais-tu ça ? demanda-t-il, ahuris.

Marlène baissa les yeux. Revenir à l’origine de cette capacité la ramenait à un endroit où elle aurait préféré ne jamais revenir.

- Je comprends que tu ne veuilles pas me répondre. C’est perso.

- Ce n’est pas…

Marlène se sentit mal.

- Mais tu pleures ! Marlène !

Il la prit dans ses bras, premier contact physique entre les deux adolescents. Marlène en ronronna de plaisir. Qu’il sentait bon ! Que sa chemise était douce ! Un vrai bonheur. Il s’éloigna trop vite.

- Les gens… qui m’ont enlevée… bafouilla Marlène. Ils me forçaient… à créer de la magie… en permanence… jour et nuit… sous peine de souffrance. Je… ne sais pas… comment j’ai fait. J’étais épuisée. J’avais mal. Ça s’est fait. Voilà.

Lycronus hocha la tête.

- Merci de ton partage, dit-il avant de lui déposer un doux baiser sur le front.

Marlène sourit bêtement à ce contact.

- J’ai une autre question, précisa-t-il.

- Hum ?

- Tu vas en faire quoi, du pot de fleur que monsieur Toupin t’a donné ?

- Rien, dit Marlène. Le jeter je suppose. Je n’en ai pas l’utilité et mes parents non plus. Pourquoi ?

- Ça t’embête de me le donner ?

- T’en as pas assez ? ricana Marlène. Tu les as pas déjà tous gagnés en début d’année ?

- Je fais collection, sourit Lycronus.

Le soir même, Marlène frappait à la porte de Lycronus pour lui donner le pot de fleur. Chaque mercredi et chaque samedi, Marlène offrait sa récompense à son ami et recevait en échange un sourire merveilleux.

La saison de PBM commença et Lycronus refusa l’invitation de Marlène à venir regarder avec elle. Il préférait travailler et Marlène ne tenta pas de l’en dissuader.

Lundi soir, Lucioles contre Matador : la plupart des salles de visionnage étaient vides. Marlène parvint à en trouver une avec un groupe de garçons. Elle leur demanda s'il connaissait la raison de la présence d'aussi peu d'élèves pour ce premier match.

- Les Lucioles perdent toujours contre les Matador. L'équipe espagnole est très puissante. Ils ont un néomage et notre équipe, comment dire… nos joueurs n'ont pas cette chance, quoi… répondit l'un des garçons.

- Demain, Lucioles contre Knights. Tu verras, les salles seront pleines à craquer ! dit un autre garçon.

- Les Lucioles vont gagner ? demanda Marlène qui avait des difficultés à croire qu'on pouvait aussi facilement déterminer à l'avance l'issue d'un match de PBM.

- On n'en sait rien, justement, expliqua le garçon. Les deux équipes ont des magiciens de même puissance. Donc, le match promet d'être très intéressant.

Marlène hocha la tête avant de s’asseoir près du groupe du garçons qui ne la repoussa pas. Comme prédit, les Matador gagnèrent sans grande difficulté contre les Lucioles.

- Quand Miraël les aura rejoints, lança Sam, l'un des garçons, à la fin du match, tout cela changera.

- Carrément ! Miraël fera gagner les lucioles ! dit Melan.

- J'imagine que tu comptes rejoindre l'équipe de France, souffla Alain à Marlène.

Surprise que les garçons lui parlent, Marlène mit une seconde avant de se rendre compte qu'il s'adressait à elle. Elle vit leurs yeux briller. Ils n’avaient pas accepté la présence de la néomage stupide, mais de la future joueuse de PBM. Marlène comprit que pour se faire un peu apprécier, elle n’aurait d’autre choix que de mentir.

- Oh, tu sais, j'en suis encore très loin. Je débute à peine la magie inter. Le PBM, je n'y pense pas encore. Ceci dit, continua-t-elle après avoir fait mine de réfléchir une seconde, oui, je suppose que lorsque j'en serai là, je choisirai de jouer pour l'équipe de France, s'ils veulent bien de moi.

- Avec Nicolas Patriol, ça fera deux néomages dans la même équipe. Les américains n'auront qu'à bien se tenir ! s'exclama Alain.

Les garçons hochèrent la tête avant de s'éloigner vers leur chambre après avoir salué Marlène. La jeune femme rêva de PBM toute la nuit et le lendemain, elle avait du mal à ne pas y penser.

- Tu es dans la lune, fit remarquer Lycronus.

- Tu as raison. Je vais me concentrer.

Grâce à Lycronus, Marlène put maintenir son niveau de travail malgré la saison de PBM.

- Au fait, dit Lycronus.

- Oui ?

- Merci.

- Pour ?

- Je me recharge la nuit maintenant, indiqua Lycronus.

- Super ! Trop bien !

- Je gagne un temps fou !

- J’en suis ravie pour toi, assura Marlène.

Le lendemain, l'ambiance était folle dans les salles de visionnage et elle explosa lorsque le dernier joueur des Knights toucha terre, faisant gagner les Lucioles. Le match avait été incroyable mais surtout, il avait été long. Tous les élèves partirent se coucher bien après minuit.

Les Lucioles, l'équipe d'Italie, perdirent contre les Tuniques rouges, l'équipe de France. Samedi soir, le match dura longuement. La Pobeda, de Russie, se battait en demi-finale contre les Black Star américain. Ces deux équipes étant les meilleurs au monde, le match attirait davantage les foules que ne le ferait la finale, forcément, moins intéressante. Les Black Star gagnèrent, comme toujours, mais la Pobeda se battit avec courage, puissance et stratégie.

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