Chapitre 20 - Blaine

De nouveau, Kate m’avait relancé pour sa fête du Nouvel An. Si j’avais le choix, j’aurais probablement refusé de suite, mais je n’avais clairement pas envie de le passer dans la même pièce que mon père et d’autres personnes dans le même genre. 

Puis j’avais appris que Charlie y allait et j’avais finalement cédé. J’allais passer la soirée sans pouvoir l’approcher et faire comme si je la détestais. Je ne savais pas ce qui était le mieux entre ça ou le fait de ne pas du tout la voir. 

J’avais fait l’effort de prendre un beau costume et même de sortir la cravate. Kayla m’observait en train de nouer celle-ci. 

— Je valide totalement cette tenue, rétorqua-t-elle en me levant son pouce. Je crois que Charlie va bien apprécier. 

— Tu sais qu’elle y sera ? 

— Évidemment ! Elle m’en a parlé et je sais même comment elle va s’habiller, mais tu découvriras ça par toi-même. 

— Mais qu'est-ce que vous vous êtes dit ? 

Un petit sourire malin se dessina sur son visage. Elle mourrait d’envie de me distiller quelques informations juste pour me titiller. 

— Je sais qu’elle espérait que tu viennes à cette soirée, sinon elle n’y serait jamais allée, répondit-elle en croisant ses bras. 

— Ce pour quoi elle m’en a parlé alors que je ne savais même pas si j’y allais jusqu’au dernier moment. 

Kayla eut une expression de visage très claire tout en haussant les épaules, comme si elle me disait « bah oui, c’était évident ». 

— Et toi... Ça va depuis ?

Elle passa brièvement sa main dans les cheveux et esquiva mon regard un instant. 

— Je suis pas sortie depuis... J’ai peu de chance de le recroiser... Mais... J’ai peur de ce qu’il pourrait me faire. 

— Prends le temps qu’il te faut et protège-toi. Mais peut-être qu’il y a moyen de l’arrêter...

— Je veux juste être en paix...

Naturellement, je vins la prendre dans mes bras et elle laissa échapper quelques larmes sur mon épaule. Elle s’excusa aussitôt de « salir mon beau costard » selon ses dires. 

— Ne t’en fais pas, ce ne sont que des larmes. 

Elle me relâcha et essuya ses larmes. Néanmoins, un petit sourire se dessina sur son visage. 

— D’ailleurs... Je devrais retirer la cravate. Ça fait peut-être un peu trop...

— Oh non ! Je pense que ça pourrait très bien plaire à une certaine personne !

— Pardon ?

Un grand sourire vint illuminer sa mine jusqu’alors assez triste. Elle se mordit les lèvres et haussa les épaules. Elle n’avait pas besoin d'en dire plus pour que je comprenne son sous-entendu. Et elle se mit à rire en quittant ma chambre, sans rien dire de plus. 

Je ne pus m'empêcher de secouer la tête face à de telles gamineries. Mais j’appréciais beaucoup trop ces gamineries pour les critiquer... Ça faisait un peu de bien dans un foyer aussi restrictif. 

 

*

 

Lorsque Kate m’ouvrit, je constatai que la fête avait déjà commencé depuis quelque temps. Avant de me faire entrer dans le salon, elle me retint sur le palier. 

— Tu es vraiment très élégant ce soir, me fit-elle remarquer. 

Je la remerciai simplement et lui retournai le compliment pour satisfaire son ego. Un grand sourire se dessina sur son visage. Après tout, ce n’était pas entièrement faux. Kate avait beau être aussi détestable qu’on le pense, elle avait un certain talent dans la mode. 

Ce soir, elle portait une robe noire bustier aux bretelles épaisses qui se noyaient à chacune de ses épaules. Celle-ci était ensuite fendue entre ses deux jambes sans rien laisser apercevoir. Quant à sa longue chevelure blonde, elle avait fait simple et les avait juste lissés, mais c’était probablement pour atténuer son rouge à lèvres noir. 

— Je suis vraiment contente de te voir Blaine, je ne pensais pas que tu viendrais, me dit-elle dans ce qui pourrait se rapprocher d’un murmure. 

— Moi non plus, à vrai dire...

Un petit sourire malin se dessina sur son visage et elle plongea son regard dans le mien. Malheureusement, je savais exactement ce qu’elle voulait sous-entendre et me proposer, mais je n’avais vraiment plus le temps pour ces conneries. 

Heureusement, elle s’arrêta quand Charlie s’approcha d’elle. 

— Je crois qu’on n’a plus de champagne, lui annonça-t-elle simplement. Est-ce que c’est possible d’en avoir d’autres ?

— Hum... Bien sûr. 

Elle détestait probablement Charlie pour l’avoir interrompu, mais elle fit comme si de rien n’était et quitta le hall pour exécuter la demande. 

Charlie se tourna alors vers moi, un sourire sur les lèvres. Elle était dos au salon et pouvait facilement me montrer n’importe quelle expression faciale sans être vue. 

Nous ne pouvions pas non plus rester aussi proches éternellement. Aux yeux de toutes les personnes présentes ici, nous nous détestions depuis des années et nous ne pouvions pas prendre le risque de dévoiler notre relation. 

Alors, sans dire un mot, elle rejoignit le salon et je la suivis silencieusement. Elle échangea naturellement avec quelques personnes de tout et de rien. Puis je remarquai Tyler, posé dans un coin de la salle et assez isolé du reste du groupe. Son regard se leva et croisa le mien, puis chacun de nous sourit. 

Même si j’avais encore du mal à tourner la page sur ce qui avait pu se passer entre nous, je n’avais plus envie de l’éloigner à ce point de ma vie. Alors, je viens m’asseoir à ses côtés. 

— Je ne savais pas que tu venais, lançai-je, la voix légèrement tremblante. 

— J’avais besoin de me changer les idées... Je vais fumer, tu m’accompagnes ?

J’acceptai et le suivis sur le perron. Il me proposa une taffe en me précisant que ce n’était pas que de la cigarette. Je refusai, j’allais probablement déjà pas mal abuser sur l’alcool. 

— Tu t’es plutôt bien habillé pour la soirée d’une fille que tu n’apprécies pas vraiment aux dernières nouvelles, me taquina-t-il entre quelques bouffées de sa clope. 

— Je ne m’habille pas pour ses beaux yeux, rétorquai-je simplement. 

Il m’adressait un bref sourire et laissa un bref instant avant de reprendre :

— Et sinon, ça va mieux depuis la dernière fois ?

— Beaucoup mieux, je crois... C’est loin d’être parfait, mais je vis un peu mieux... sa mort. 

— Ça vient petit à petit, mais tant que tu es sur la bonne voie, c’est tout ce qui compte. 

Je vis que j’avais reçu un message de Charlie. Elle en avait déjà marre de faire semblant et voulait qu’on trouve un endroit au calme pour se rapprocher, même si ce n’était que pour quelques secondes. Je lui proposai de le faire dès que j’aurais fini ma discussion avec Tyler. 

— Je ne sais pas ce qui te fait sourire à ce point, mais ça avait l’air assez drôle, me fit-il remarquer. 

— Je répondais juste à un message...

À en voir son petit air curieux, il n’avait pas envie de lâcher l’affaire. 

— Tu sors avec qui de cette soirée ?

— Pardon ?

— Alors, je tente un peu au bluff, mais je suis sûr que tu vois quelqu’un. Après, que cette personne soit ici ou pas, j’en sais rien. 

J’avais bien envie de lui dire qu’il s’agissait de Charlie. Nos histoires de famille lui étaient toujours passées par dessus la tête et il s’était continuellement demandé pourquoi on se faisait à ce point la guerre. Pour lui, ça avait toujours été assez aberrant, mais en voyant mon refus catégorique de l’écouter à cette époque, il avait gardé son opinion pour lui. Heureusement, depuis, j’avais réussi à me détacher un peu de l’emprise de mon père. 

— J‘ai bien quelqu’un, finis-je par avouer. 

Il arqua un sourcil et attendait désormais impatiemment la suite de mes révélations. 

— Mais on n’a pas envie de rendre ça public pour diverses raisons... 

— Je comprends. 

J’étais persuadé qu’il avait immédiatement déduit qu’il s’agissait d’un homme et peut-être que ce n’était pas plus mal ainsi. 

J’hésitais encore terriblement à tout lui dire. J’avais toujours été proche de lui avant le décès de Wade et je savais qu’il était capable de garder n’importe quel secret. Mais j’avais encore peur que cette relation soit découverte par tout le monde. 

En même temps, j’avais vraiment envie de renouer le contact avec lui et de tout lui raconter comme avant. 

Comme toujours, il y avait un risque...

— C’est Charlie, confessai-je en détournant mon regard. 

Il manqua de s’étouffer en tirant brièvement sur sa taffe. 

— Charlie Sullivan ? Cette fille qui fait partie de la famille que tu considères comme ennemie ?

— Oui, ça paraît complètement ridicule... Tu n’as pas besoin de me le rappeler. 

Il laissa échapper un petit rire. 

— Toi et Charlie... Alors que vos deux familles vous détestent. Je ne peux pas m’empêcher de trouver la situation assez comique. Surtout que tu y donnais de l’importance à ce conflit. 

— Je sais ! Je détestais sa famille parce qu’on m’avait dit de le faire... Et je n’ai jamais remis en question ça jusqu’à ce qu’elle me prouve le contraire. 

Il tira la dernière taffe de sa clope qu’il écrasa au sol. 

— J’espère juste que ça va pas t’amener trop de problèmes et que ça se passera bien. 

— J’espère aussi... 

— Tu sais ce que tu risques si ta famille l’apprend ?

— Si mon père le sait, je vais prendre cher, ça c’est certain. Mais jusqu’à quel point ? Aucune idée. 

À en voir sa mine contrite, il compatissait pour moi, sans le moindre jugement. J’avais bien fait d’avoir pris le risque de lui faire confiance. C’était un peu rassurant d’avoir des personnes proches à qui je pouvais me confier sur ma relation avec Charlie. 

Il me proposa de retourner à l’intérieur et j’acceptai. 

Dès notre entrée dans le salon, Kate m’aborda en me tendant une coupe de champagne. Je la pris en la remerciant par un simple sourire. J’avais déjà l’impression d’en faire trop avec elle et qu’elle allait utiliser ça contre moi — comme toujours. 

J’échangeai un bref regard avec Charlie et je ne pus m’empêcher de lui sourire, peut-être un peu trop amoureusement. Mais faire semblant à ce point n’était pas aussi possible que je ne l’aurais cru. Je mourrais d'envie de la serrer contre moi et de passer la soirée à ses côtés. Au lieu de ça, je devais me contenter de quelques regards sans trop en abuser pour ne pas éveiller les soupçons.

Je lui envoyai alors un bref message pour relancer sa proposition en lui indiquant qu'il y avait probablement une chambre libre à l'étage pour quelques minutes d'intimité. Elle accepta aussitôt et je quittai le salon en évitant son regard. 

Je craignis que Kate me retienne, mais heureusement, elle avait une réputation à tenir et une conversation tournée autour d'elle-même à entretenir. 

La chambre que je rejoignis était une des nombreuses chambres d'amis de cette maison. À force de venir ici pour diverses raisons, j'avais commencé à apprendre tous les moindres recoins. Cette chambre en faisait partie. Parfois, nous avions eu quelques ébats sexuels sur ce lit, parce qu'elle refusait parfois que ça se passe sur son lit.

J'eus à peine le temps de me rappeler de tous les détails de cette pièce que Charlie venait tout juste d'entrer. Elle se jeta sur moi pour m'embrasser fougueusement et je répondis aussitôt à cet échange de plus belle. Je plaquai son corps contre le mien et elle entrelaça ses mains derrière ma nuque, rapprochant ainsi mon visage du sien. Puis nous nous arrêtâmes un instant pour nous regarder, sans dire un mot, juste pour apprécier ce moment.

— C'était une terrible idée cette soirée, souffla-t-elle, exténuée. On aurait mieux fait de trouver n'importe quoi, éloigné de tout le monde, juste dans notre petit monde.

— On peut toujours faire ça une prochaine fois... J'ai une voiture, on peut aller n'importe où.

Elle me lança un regard en coin et elle m'embrassa de nouveau, ne laissant le temps à personne de rajouter quoi que ce soit. Ses mains descendirent sur ma cravate qui lui servit pour me rapprocher d'elle. Elle détacha ses lèvres des miennes et son regard se posa sur ce bout de tissu avec lequel elle jouait entre ses mains. Elle mordit sa lèvre inférieure.

— Tu es si bien habillé ce soir, me complimenta-t-elle.

— Toi aussi... Tu es magnifique. 

Elle portait un adorable chemisier d’un blanc cassé avec une jupe rose clair au tissu proche du daim. Cette tenue mettait délicatement sa taille en valeur et mes mains s’étaient alors perdues sur celles-ci pour plaquer son corps contre le mien. 

Ses lèvres se posèrent un instant sur mon cou pour l’embrasser d’une manière presque chaste. Puis elles étaient remontées jusqu’à mon oreille et sans même faire plus que respirer sur ma peau, elle stimulait déjà beaucoup trop de sens. 

Une de mes mains se glissa alors sous sa jupe pour remonter sur sa cuisse. Elle s’empara de ma main pour la poser sur son entrejambe que je pus caresser lentement tandis qu’elle m’embrassa de plus belle le lobe de mon oreille. 

Elle me posa sur le lit pour que je m’y assoie sur le rebord et elle se saisit de mes lèvres pour les sceller avec les siennes tandis que mes mains caressaient généreusement ses cuisses. 

Aucun d’entre nous n’avait envie d’arrêter maintenant malgré le danger que ça représentait. Ce n’était pas non plus le lieu idéal. Mais les moments où nous pouvions nous retrouver tous les deux étaient si rares que ça en devenait explosif. 

Elle s’arrêta un instant pour me prendre dans ses bras et ma tête se posa sur sa petite poitrine. Elle passa sa main dans mes cheveux en respirant lourdement. 

Notre petit moment de calme fut alors interrompu brusquement par le grincement léger de la porte et la lumière émanant du couloir. Avant même de voir quoi que ce soit, nous nous éloignâmes mutuellement.

Nos yeux distinguèrent petit à petit la silhouette de Kate dans l’entrebâillement de la porte. Sa réaction fut immédiate en croisant nos regards. 

Elle non plus ne s’y attendait pas.

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