Kate nous dévisageait à tour de rôle. Il n’y avait aucun doute sur ce qu’elle avait pu déduire de cette situation. N’importe qui aurait compris ce qui était en train de se passer.
Silencieusement, elle ferma la porte derrière elle et alluma la lumière. Son regard ne nous quittait pas et elle s’approcha lentement de nous. Elle finit par s’asseoir à côté de Blaine et fixait d’un air vide le sol. Elle repoussa ses cheveux derrière ses oreilles et sa respiration devint lourde.
— Je comprends mieux pourquoi tu me repoussais, finit-elle par sortir en levant sa tête vers mon copain.
Blaine laissa échapper une brève expression de tristesse tandis que je venais simplement d’apprendre quelque chose à propos de leur relation.
— Ça n’a rien à voir, la contredit-il d’une douce voix.
Elle se tourna alors vers moi, l’air dépité et désemparé par la situation :
— Je croyais que vous vous détestiez... Comment ça a pu arriver ?
— C’est plutôt nos familles qui se détestent... Et c’est arrivé un peu par hasard, expliquai-je brièvement. Ils ne sont pas au courant. Personne ne l’est.
D’habitude, les expressions sur le visage de Kate étaient toujours très fermes et déterminées. Désormais, je voyais une autre facette d’elle. Elle nous montrait une part de vulnérabilité sans que je comprenne exactement pourquoi.
— Je n’aurais jamais cru vous voir ensemble de toute ma vie. Je pensais même que ça finirait par me poser problème de vous inviter tous les deux...
Je m’assis en tailleur devant eux, par terre. Je n’avais jamais vu Kate dans un tel état. C’était comme si son masque venait de se fracturer. Mais j’avais l’impression d’extrapoler. Pourquoi ce serait maintenant et dans une telle situation ? Kate avait toujours été extrêmement douée pour jouer avec les apparences.
— Ça fait depuis combien de temps ?
Blaine et moi échangeâmes un regard. Visiblement, aucun d’entre nous n’avait réellement compté. En soi, ça faisait très peu de temps, mais c’était comme si ça faisait une éternité. Nous nous étions rapidement habitués à cette routine.
— C’est très récent, répondis-je simplement.
Blaine prit ma main et j’avais comme l’impression que ce simple contact la brisa davantage. Mais que se passait-il dans sa tête ?
— Je suis désolée, lâcha-t-elle dans ce qui ressemblait à un murmure à Blaine.
C’était bien la première fois que je l’entendais prononcer ces mots. Ça n’avait jamais été son genre de dire ce genre de choses, au contraire.
— J’irai pas vous balancer, je vous rassure tout de suite. Je peux vous couvrir autant que vous voulez...
— Mais... Pourquoi ? demanda-t-il d’une petite voix.
Ses yeux s’humidifièrent et elle se battait contre ses larmes qui menaçaient de couler à tout moment. C’était en train de réveiller quelque chose de très profond en elle sans que je ne sache quoi, parce que je n’aurais jamais cru que quelqu’un comme Kate puisse avoir été brisée un jour dans sa vie.
— Parce que mes parents ne me comprendront jamais.
J’avais comme l’impression qu’elle aussi avait à subir des conflits familiaux, mais je n’en avais jamais entendu leur existence jusqu’alors.
— On peut te couvrir aussi, tentai-je de la rassurer.
Elle leva les yeux au ciel et tenta d’éponger ses larmes du bout de ses doigts sans toucher à son maquillage.
— Je vous en prie, ne le répétez à personne... Ma famille me tuerait s’ils l’apprenaient.
— Je te le promets, affirmai-je d’une voix à la fois douce et ferme.
Blaine prit silencieusement sa main tout en lui assurant la même chose que moi via un simple regard.
Et ce fut le moment où Kate s’ouvrit. Ça se voyait sur son visage. Elle n’était plus une poupée de cire comme elle avait l’habitude d’être. Désormais, elle nous dévoilait toute son humanité, une part d’elle dont nous avions commencé à douter de son existence.
Peut-être qu’elle avait dû masquer ses plus grandes douleurs du mieux qu’elle pouvait, comme j’avais pu le faire de mon côté, quand bien même ma famille pouvait être très compréhensive.
— Je suis lesbienne, avoua-t-elle.
Immédiatement, les sourcils de Blaine se soulevèrent et il semblait vraiment tomber des nues. J’ignorais tout de leur relation, mais j’aurais probablement eu la même réaction à sa place.
— Je peux coucher avec des hommes, ça me gêne pas. Mais c’est pas ce dont j’ai vraiment envie... Je ne tombe amoureuse que de femmes. J’espérais que ça finirait par passer et que je pourrais convenir au modèle de mes parents. Que j'arriverais à tomber amoureuse d'un homme...
Elle tenta de retenir une énième fois ces larmes, sauf que ce fut vain, l’une d’entre elles dévala sa joue et s’écrasa sur sa main.
— Et j’avais un crush sur toi Charlie, continua-t-elle. Tu as toujours dit clairement à tout le monde que tu es bi, alors ça me rassurait et je me disais que j’aurais peut-être mes chances avec toi.
Je posai ma main sur la sienne qui tenait fermement celle de mon copain. Je ne savais pas vraiment quoi lui dire. Heureusement, je n’avais jamais connu la pression de la norme hétérosexuelle grâce à ma famille. Mais visiblement, j’avais été extrêmement chanceuse.
— Mes parents non plus ne savent pas que je suis bi, confessa Blaine.
Les yeux de Kate se levèrent immédiatement et sa lèvre inférieure tomba légèrement.
— Tu es bi ? demanda-t-elle à demi-voix.
— Oui. Et je l’ai toujours caché à mes parents. Je leur ai aussi toujours caché ma relation avec un mec. Tyler.
— Quoi ? Vous êtes sortis ensemble ?
Son visage commençait à s’illuminer, probablement parce que, soudainement, elle se sentait moins seule. Désormais, elle avait quelqu’un dans la même situation qu’elle. Alors qu’elle pensait que nous la rejetterions pour qui elle était, nous l’acceptions davantage.
— Ça fait un bon bout de temps maintenant. On s’est séparés un peu après la mort de Wade.
Même s’il semblait le dire avec beaucoup plus de facilités maintenant, je sentais encore sa gorge se nouer à l’évocation du nom de son défunt meilleur ami.
Soudainement, elle prit Blaine dans ses bras. C’était comme un contact de reconnaissance tout en murmurant un petit « je suis désolée ».
— Ce n’est pas grave. Tu as fait comme tu pouvais dans cette situation qui ne te convenait pas toi non plus, tenta-t-il de la rassurer calmement.
Elle le relâcha et laissa couler quelques larmes en se fichant désormais de son maquillage. Et malgré les pleurs, celui-ci restait presque intact.
— J’espérais pouvoir « devenir » hétéro, nous confia-t-elle. J’espérais que ça marcherait avec toi, Blaine. En plus tu plaisais bien à mes parents. Mais j’y arrivais pas. J’ai essayé encore et encore, mais c’était vain...
Tout son corps tremblait autant que sa voix. Parce qu’elle se mettait complètement à nue. Parce qu’elle exprimait ses plus grandes peurs. Parce qu’elle faisait part de la pression qu’elle subissait continuellement de sa famille.
Elle savait également qu’elle avait très mal agi, mais elle n’avait pas eu le choix. Elle avait juste voulu survivre.
— Je suis désolé, lâcha maladroitement Blaine. J’ai insisté de mon côté parce que je croyais que tu jouais avec moi... Je n’ai pas compris que tu étais en pleine souffrance.
— Ne t’excuse pas... Tu ne pouvais pas savoir. Personne n’aurait pu savoir.
Je voyais tous les regrets se former dans le regard de Blaine. Ses yeux s’humidifièrent et c’était désormais la culpabilité qui prenait le dessus. Malheureusement, je connaissais le rapport de mon copain aux remords et il plongeait très facilement dedans.
Le visage de Kate était désormais si différent. Je l'avais vu passer du désespoir au soulagement et c'était bien la première fois que je voyais un tel sourire sur son visage. Elle était sincèrement dans un meilleur état, parce qu'elle savait que, maintenant, elle ne serait plus jamais seule.
— Si vous voulez, je peux vous laisser un peu seuls, nous proposa-t-elle.
— Tu n'es pas obligée de partir...
— Je vous ai un petit peu interrompue, lâcha-t-elle avec un petit rire nerveux.
Blaine et moi échangeâmes un simple regard assez gêné. Nous nous étions rapidement emballés, mais en même temps, nous avions tellement peu d'occasions pour être aussi proches physiquement que nous avions du mal à nous contenir. Et ce serait mentir que de dire qu'il ne m'excitait pas du tout.
D'habitude, je n'avais pas une libido aussi élevée et c'en était toujours aussi perturbant. Malheureusement, je ne pouvais pas calmer aussi facilement mes désirs.
— Vous galérez pas un peu pour vous voir tous les deux ? nous demanda-t-elle, presque amusée.
— Si ! Complètement ! répondit immédiatement Blaine.
— C'est vraiment la galère, ajoutai-je en riant.
— Vous savez à quel point ça serait la merde si vos familles l'apprennent ?
— J'ose même pas imaginer, rétorqua-t-il aussitôt. Mon père me déteste déjà pour plein de raisons et je pense que là, ça serait la goutte d'eau qui ferait déborder le vase.
Kate se tourna vers moi en remarquant mon bref mutisme.
— Je ne sais même pas comment ils réagiraient... Ils sont ouverts à tout. Sauf à la famille de Blaine. Et je les ai jamais vus autrement que dans l'acceptation et la bienveillance...
Mes parents m'avaient toujours préservé de la colère et ne l'avaient jamais dirigée à mon égard, mais cette fois-ci, je risquais probablement d'en payer les frais. L'image de fille parfaite qu'ils avaient de moi allait se briser en mille morceaux. Et encore, j'ignorais ce qui serait le pire comme révélation pour eux entre ma relation avec Blaine et mes troubles de l'humeur qui m'avaient silencieusement bouffée tout au long de ma vie.
— Si vous voulez, je peux vous aider à vous cacher, nous proposa-t-elle.
— Si on se retrouve constamment avec toi, ça se verra, la contredit Blaine. Nos parents sont très proches, ils vont finir par en parler...
— Je vais réfléchir à tout ça et on va trouver une solution ensemble, lança-t-elle en se levant d'un bond.
Elle essuya délicatement ses larmes pour ne pas ruiner son maquillage — qui était quand même dans un état irréprochable même après avoir pleuré.
— Pourquoi tu ferais ça pour nous ? s'enquit mon copain.
— Ce que vous venez de faire pour moi, vous n'avez aucune idée d'à quel point ça compte pour moi. Alors, j'ai envie d'en faire de même et de vous aider...
On la remercia d'une faible voix. Cette situation était complètement inattendue et alors qu'on pensait devoir assumer les lourdes conséquences qu'une personne de plus dans notre entourage l'apprenne, nous avions désormais un nouveau pilier pour nous y appuyer.
Elle quitta alors la pièce et nous laissa seuls.
Mon regard se posa alors sur Blaine, qui me dominait un peu vu qu'il était encore assis sur le rebord du lit et moi par terre. Un doux sourire se dessina sur son visage et je ne pus y résister. Ma main s'empara de sa cravate pour rapprocher son visage du mien et mes lèvres des siennes. Il abandonna le lit pour s'asseoir à mes côtés et m'embrasser de plus belle.
— On ne devrait pas trop traîner si on ne veut pas qu'encore quelqu'un l'apprenne, me fit-il remarquer d'une douce voix.
— C'est bien vrai... Mais c'était juste trop tentant...
— Je sais.
Ses lèvres se posèrent sur le lobe de mes oreilles pour délicatement le mordiller et j'eus une brève et brusque inspiration. Mon corps se cambra aussitôt, réagissant immédiatement à ce contact. En même temps, ça faisait quelque temps que je n'attendais que ça. Sa main se glissa vers ma taille pour me plaquer contre son corps.
Mes mains longèrent les courbures de son dos pour atteindre ses fesses. Mon corps se colla au sien et mes seins s'écrasèrent sur son torse.
Si seulement nous avions un endroit rien que pour nous deux, nous serions allés plus loin et nous aurions — encore une fois — bravé tous les interdits. Mais nous devions nous arrêter là. Nos regards se plongèrent longuement dans celui de l'autre et nous respirions lourdement sans dire un mot.
Il se leva lentement et me proposa sa main pour m'aider à suivre le mouvement, ce que j'acceptai avec un grand sourire. Il repoussa délicatement une mèche de mes cheveux derrière mon oreille et j'avais encore de me jeter sur ses lèvres pour l'embrasser de plus belle. Son regard aussi fixait mes lèvres avec probablement la même idée derrière la tête.
Mais nous avions déjà suffisamment tardé. Alors, nous nous approchâmes de la porte, prêts à devoir nous séparer et faire comme si de rien n'était entre nous. Encore une fois, nous allions devoir passer la soirée chacun dans son coin et mentir à tout le monde. C'était dans ce genre de moment que la rivalité entre nos familles m'épuisait. Parce que ça n'avait jamais été ma guerre...
Il déposa rapidement un bref baiser sur mes lèvres et m'invita à partir la première. Mon regard était probablement larmoyant, mais j'étais capable de prendre sur moi pour cette occasion, parce que je savais que les conséquences pourraient être terribles. J'aurais pu éclater en sanglots parce que les émotions étaient soudainement trop fortes, parce que je ne pouvais pas calmer toutes mes angoisses et mes terreurs en un claquement de doigts.
Il m'ouvrit la porte pour me laisser passer et je le regardais une dernière fois. Je savais bien qu'il n'allait pas disparaître de la soirée, mais je ne pourrais plus avoir ce même échange de regard avec lui dès que j'aurais rejoint les autres convives.
Je lui adressai un sourire avant de descendre les escaliers pour atteindre le salon. Tout le monde était en train de rire et de discuter de vive voix. Kate avait retrouvé sa place habituelle : celle où elle était le centre d'attention de tous.
— Charlie, tu n'as pas encore envie d'embrasser tout le monde ? me demanda-t-elle en riant.
J'avais comme l'impression qu'elle voulait jouer de tout ce qu'elle venait d'apprendre, mais je ne ressentais plus le même air mesquin qu'elle pouvait avoir d'habitude. Cette fois-ci, j'avais l'impression qu'elle était terriblement proche de moi.
— Pourquoi ? Tu veux que je t'embrasse ? rétorquai-je par pure provocation.
Ma réponse en amusa beaucoup. Tout le monde voulait avoir un peu de spectacle pour la soirée, pour bien conclure cette année. Et j'étais prête à jouer le jeu, avec ou sans alcool.
— Vas-y ! Mais pas le simple bisou que tu as fait à tout le monde la dernière fois, je veux que tu me roules une grosse pelle ! Je veux voir de quoi tu es capable !
Elle arqua un sourcil. Elle me provoquait et j'aimais beaucoup trop ça pour ne pas plonger totalement dedans.
Mes quelques secondes de réflexion furent suffisantes pour faire monter la pression et encore plus susciter l'intérêt de mon public. Si un roulement de tambour avait pu s'y ajouter, ç'aurait été parfait. Mais au lieu de ça, nous n'avions qu'une musique d'Ariana Grande en fond sonore pour nous tenir compagnie.
Je m'approchai lentement de Kate et je pris fermement son visage entre mes mains pour plaquer aisément mes lèvres sur les siennes. Elle fut au début assez surprise par ma détermination, puis elle se laissa faire et répondit de plus belle à mon baiser. Ses lèvres charnues savaient prendre possession des miennes, et ce, à la perfection. Je sentais qu'elle y prenait vraiment du plaisir, comme si ça la soulageait d'enfin pouvoir accomplir un de ses désirs. Et ce serait mentir de dire que je n'y prenais pas de plaisir à mon tour. J'y trouvais quelque chose de satisfaisant, peut-être parce que ce n'était pas qu'un défi, parce que, désormais, nous étions bien plus connectées. Désormais, je la comprenais d'une autre manière.
Lorsque mes lèvres se détachèrent des siennes, j'aperçus une lueur assez nouvelle dans son regard. Ce n'était pas de la fierté ou de l'orgueil comme elle avait l'habitude de montrer en public, il y avait comme un brin de reconnaissance. Mais ce fut très passager. Elle reprit aussitôt son masque de leader.
Puis son regard se posa sur Blaine qui venait tout juste de se pointer à l'entrée du salon. Il était vraiment intrigué par ce qu'il venait de voir et il peinait à faire comme si ça ne l'atteignait pas.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu veux que je te roule une bonne grosse pelle à toi aussi ? lui demandai-je par pure provocation.
La tension qui s'était précédemment créée dans cette pièce venait soudainement d'être relancée. Tout le monde connaissait les conflits qui entouraient nos familles, ou du moins, dans les grandes lignes.
— Je t'en prie, je veux voir si t'en es vraiment capable vu comment tu t'es défilé la dernière fois.
Un sourire malin se dessina sur son visage et j'ignorais à quel point il transgressait son rôle publiquement. Mais d'une certaine manière, tout le monde n'y voyait que du feu. Que des ennemis se provoquent à ce point avec une pointe de taquinerie, ça n'étonnait plus personne.
— Désolée, mais c'était perturbant de revoir ta sale gueule après tout ce temps. Ne va pas croire que j'ai réellement hésité.
Je voyais bien qu'à son air, il avait compris que j'étais en train de mentir. Parce qu'au contraire, sa gueule était bien trop adorable pour que j'y résiste plus longtemps. J'attendais juste le bon moment pour me jeter sur ses lèvres et que ça puisse passer inaperçu.
— Tu parles, tu parles, mais tu n'agis pas beaucoup, me provoqua-t-il de plus belle.
Alors qu'il s'apprêtait à en rire, je m'approchai de lui et posai mes mains sur son cou. Il avait envie de jouer la carte du connard aux yeux de tous, mais je voyais cette petite lueur dans son regard, celle qui avait tout autant envie que moi de céder à nos désirs ardents.
Mes lèvres se plaquèrent alors sur les siennes. Je connaissais sa bouche par cœur et je savais y prendre mes aises. Il fut mine d'être surpris aux premiers abords mais finit par me suivre. Nous étions probablement en train d'aller trop loin pour un simple défi, mais personne n'en douterait. Après tout, après tant d'années à se détester, c'était impossible pour notre public de songer pendant une seule seconde que nous pouvions être aussi proches.
Notre baiser s'emballa un instant et il prit mon visage entre ses mains. Ses doigts effleurèrent ma chevelure et il osa glisser un pouce jusqu'au lobe de mon oreille droite qu'il commença à titiller, cette oreille qui était dans un angle mort de notre public. Il était en train de jouer encore plus avec les limites et il réveillait de bien plus profonds désirs en moi.
Je retenais mes mains pour ne pas qu'elles aillent se balader sur d'autres parties de son corps, mais c'était terriblement dur d'y résister. Parce que, désormais, j'avais terriblement envie de passer mes mains sous sa chemise et d'y sentir son torse imberbe sous mes doigts. Ou encore de laisser filer mes doigts dans sa chevelure.
Sauf que je devais continuer de jouer mon rôle : celui d'une fille qui acceptait juste un défi et qui ne devait pas céder à la tentation — même si je savais que c'était déjà trop tard.
Je m'arrêtai alors, laissant mes lèvres au suspens des siennes avec un souffle lourd. Il laissa échapper un petit rire et je finis par me détacher de lui.
— Tu trouves toujours que j'agis aussi peu ?
Ma remarque le fit sourire et j'aurais tellement voulu lui dire que ce baiser avait été atrocement satisfaisant, mais je devais encore une fois me contenir. Alors que, lui, il se jouait totalement de la situation.
— Tu as de très douces lèvres, Charlie, répliqua-t-il d'un air enjôleur.
Il m'abandonna alors pour se rapprocher du buffet et se servir une coupe de champagne.
Quand mon regard se posa sur nos spectateurs, ils avaient comme l'air gênés, comme s'ils ne savaient plus où se mettre. En même temps, nous étions allés bien plus qu'un simple défi, nous avions lancé une vraie confrontation alors que nous mourrions d'envie de nous jeter l'un sur l'autre.
Mon regard revint un instant sur Blaine qui feignait de m'ignorer presque à la perfection, mais je savais qu'aucun de nous deux n'était très doué à jouer un rôle. Après tout, c'était bien pour ça que nous nous étions rapprochés : nous avions abandonné nos rôles au détriment de nos familles. Mais lorsque la vérité éclatera, on tentera de nous le rappeler par tous les moyens possibles.
Les discussions innocentes reprirent de plus belle et tout le monde fit comme si ce baiser n'avait pas existé. Soit ils ne savaient pas quoi en tirer, soit ils étaient bien trop gênés pour ramener le sujet sur la table.
Tout au long de la soirée, les invités s'étaient divisés en plusieurs groupes et j'avais pu facilement m'éloigner de Blaine, même si je ne pouvais m'empêcher de le regarder du coin de l'œil. Il avait passé une grande partie de la soirée aux côtés d'un mec que je connaissais à peine : Tyler. Tous les deux se connaissaient depuis longtemps au vu de leurs interactions.
Puis, pendant un bref instant, je vis le regard plein de désirs de Tyler et je compris qu'il n'y avait pas eu que de l'amitié entre eux. Mais il y avait quelque chose de très chaste dans ses yeux. Il se tourna alors vers moi et me sourit. Je me figeai un bref instant en comprenant désormais que j'étais devenue leur sujet de conversation.
Toutes les discussions furent interrompues aux approches de minuit. Kate se précipita sur la bouteille de champagne pour être prête lors du changement d'année. Chacun s'installa en cercle au centre de la pièce dans l'attente de sa coupe de champagne.
Je pris quelque temps pour les rejoindre puis je m'assis là où je trouvais de la place : à côté de Tyler. Il m'adressa un petit sourire et je compris par cette simple expression qu'il savait ce qui se passait entre Blaine et moi.
— Vous pouvez vous serrer la main dans mon dos, je dirais rien, lâcha-t-il dans un discret murmure.
— Quoi ?
La réaction de Blaine fut assez semblable, mais bien plus silencieuse. Il se contenta de lever les sourcils et sa lèvre inférieure s'abaissa légèrement. Il y avait un air innocent bien trop adorable sur son visage en ce moment.
Ma main vint alors se glisser dans l'espace vide derrière Tyler sur le canapé. Il en fit de même et nos regards s'évitèrent pour s'intéresser à ce qui se passait autour de nous. Le décompte venait tout juste de débuter et personne n'avait remarqué notre rapprochement.
Lorsque nous énonçâmes un "Bonne Année" en chœur, ma main et celle de Blaine se resserrèrent et je mourrais d'envie de toucher bien plus que sa main. J'avais juste envie de me jeter sur lui et de l'embrasser à nouveau, mais nous ne pouvions pas jouer la même masquerade une seconde fois.
Nos mains se détachèrent lorsque Kate nous servit à chacun d'entre nous une coupe et nous trinquâmes par pure politesse aux yeux de tous. Vraiment, toute cette frustration allait me rendre folle. Jamais je n'avais été aussi excitée par quelqu'un.
Peut-être qu'il y avait un peu l'excitation de l'interdit qui jouait un peu dans l'équation... Mais je savais aussi parce que c'était que je me sentais en sécurité avec lui. Et lui aussi savait ce que c'était de jouer un rôle qui ne nous correspondait plus... Un rôle que nous n'aurions jamais dû abandonner, ce qui allait probablement nous coûter si cher dans l'avenir...
Sauf que pour le moment — naïvement —, je me fichais des conséquences.