Chapitre 20 : La confiance absolue

Lorsque Jade rejoignit la chambre royale tard cette nuit-là, elle ne fut pas surprise de voir son époux allongé sur le lit, vêtu de sa simple robe de nuit. Il leva les yeux de son parchemin pendant un court instant, et la reine d’Indeya se sentit presque envahie par la vague de douceur contenue dans son regard noisette. Il ne lui posa pas de question, et elle en sourit d’aise.

Jade se glissa derrière le paravent de bois et comme par magie, sa servante Mayeva apparut à ses côtés pour la débarrasser de ses vêtements, bijoux et atours, avant de la revêtir de sa chemise de soie. Aussi silencieusement qu’elle était arrivée, Mayeva se retira par la porte de service.

Soucieuse de maintenir l’harmonie et la sérénité du lieu, Jade se dirigea vers l’immense lit sur la pointe des pieds, et prit place aux côtés de son époux sans un mot. Dos appuyé contre la tête de lit en bois, elle jeta un coup d’œil discret vers le manuscrit qui semblait retenir toute l’attention de son époux.

Les Écritures, bien sûr. Christian consultait plus précisément le compte-rendu de la première Table des Sept. Elle plissa les yeux à la vue de quelques lignes qui avaient été raturées, juste en-dessous de la liste des participants. Les traits hargneux se mélangeaient à l’encre effacée et coulante, formant un amas grossier et chaotique. Dans sa lecture, le roi soupira, et Jade devina instantanément ce qui suscitait sa lassitude.

— C’est dommage, n’est-ce pas ?

Son époux tourna la tête vers elle, son regard criant une question muette.

— La création de la Table a été inspirée par une volonté de guerre, expliqua-t-elle, soupirant à son tour. Je trouve cela désespérément tragique.

— En effet. Mais l’initiative ayant appartenu au roi Arnthor de Galvin, je vous avoue que cela ne me surprend guère.

— J’ai entendu dire qu’il était obsédé par la conquête.

Jade fronçait les sourcils tout en fixant le drap qui recouvrait ses genoux, perdue dans ses souvenirs. Les seules connaissances qu’elle avait du roi Arnthor, son grand-père, étaient celles tirées des livres d’histoire qu’elle avait pu consulter pendant son adolescence. Sa mère n’avait jamais prononcé le nom d’Arnthor en sa présence.

— Il a tenté d’envahir Indeya, il n’y a pas si longtemps de cela.

— Vraiment ? demanda-t-elle, d’une voix soudain pressante.

Cela, elle était persuadée de ne l’avoir jamais lu nulle part. Christian lui offrit un petit sourire qu’elle trouva légèrement taquin.

— Oui. Le roi Maxime était alors encore au pouvoir.

— Le père de mon père ?

— Et le père de la reine Katherine également, oui.

Comme à chaque fois que le nom sacré de Katherine était prononcé, un court silence s’abattit sur la chambre, et Jade crut un instant voir les flammes des bougies vaciller.

— À l’époque de la première Table, l’esprit de conquête était tourné vers le Continent Inconnu, n’est-ce pas ?

— C’est exact, confirma le roi d’Indeya, tout en se replongeant dans les Écritures. Il est fait mention à plusieurs reprises de « Conseil de guerre », alors même que ce n’était pas là l’objectif de la Table. Arnthor était terrorisé par la possibilité d’une attaque de la part du Continent Inconnu.

— Et cette attaque ne s’est jamais produite, n’est-ce pas ?

— Bien sûr que non.

Jade s’enfonça un peu plus dans la couche et leva les yeux vers le rideau sombre qui surplombait le lit.

— Les effets que produisent la peur de l’inconnu sont bien plus effrayants que la peur elle-même.

Christian hocha la tête sans un bruit, et son épouse s’autorisa à l’observer tant qu’il ne prêtait attention à rien d’autre que son parchemin. Sa peau couleur caramel luisait d’un éclat chaleureux et rassurant à la lueur des bougies, et ses yeux dans lesquels elle aimait tant se réfugier semblaient abriter un million d’interrogations et de conjectures. La reine d’Indeya se demanda si son silence pouvait être interprété comme une intense concentration qui ne saurait être perturbée, ou bien comme un état magnanime, caractéristique du roi, et ouvert à toute discussion. Jade choisit à dessein de croire en cette dernière possibilité.

— Pensez-vous qu’il peut être effrayant de rencontrer des parents que l’on n’a jamais connus ?

Les sourcils broussailleux de Christian se haussèrent légèrement sur son front et il déposa finalement les derniers feuillets des Écritures sur sa table de chevet.

— Je l’ignore, répondit-il d’un ton égal. Néanmoins, à ma connaissance, vous ne rencontrez pas ce problème.

L’affirmation sonnait comme une question dissimulée, qui amusa Jade autant qu’elle l’agaça. Bien sûr qu’elle n’avait pas ce problème. Elle y répondit par un petit rire, quelque peu forcé.

— Oh, non. C’est un problème qui ne me concerne pas, en effet. En tout cas, pas directement. Mais…

Elle serra une boule de drap dans sa main droite et laissa son regard se promener dans le vide. Elle patienta jusqu’à entendre ce qu’elle souhaitait. Un encouragement.

— Mais quoi donc ?

— Mais certains le connaissent, acheva-t-elle d’un ton qu’elle fit hésitant, ponctué par un coup d’œil furtif vers son époux. Mademoiselle Gina, par exemple. Il me semble qu’elle n’a jamais connu ses parents.

Les épaules de Christian se redressèrent imperceptiblement, comme s’il était tout à coup aux aguets, prêt à l’assaut, ou plutôt à la défense. Il marqua une pause, pendant laquelle il fixa ses mains croisées sur ses jambes, avant de répondre d’une voix ferme et assurée.

— En effet, Mademoiselle Gina ne connait pas ses géniteurs. Cependant, elle connait l’identité de sa mère. Elle n’a simplement jamais jugé opportun de la rencontrer.

Le roi d’Indeya ne put voir l’éclair qui zébra le regard émeraude de son épouse à cet instant. Cette dernière dut faire un effort surhumain pour ne pas pivoter abruptement vers lui, et le dévorer de ses yeux insistants, en quête d’informations.

— Oh. Je l’ignorais, murmura-t-elle presque pour elle-même. Je croyais naïvement qu’elle ne les connaissait pas, puisqu’elle ne peut dire avec certitude de quelle Source provient sa magie.

— Simplement parce qu’elle ignore quelle magie possède sa mère.

Jade coula à nouveau un regard discret vers son époux, qui s’était désarmais pris de passion pour l’observation du petit secrétaire à l’opposé du lit. Si elle devait prendre le risque de dépasser les frontières de l’impolitesse, c’était bien avec lui. Seul le roi lui pardonnerait son indiscrétion, et elle le savait.

— Je comprends. Et… peut-être, pourriez-vous m’en dire plus sur la mère de Mademoiselle Gina ?

Cette fois-ci, son époux braqua ses yeux marrons sur elle, et pendant un court instant, ils semblèrent plus durs et plus froids que jamais. Heureusement, le moment passa et ils retrouvèrent très vite leur douce chaleur. Les lèvres sombres du roi se tordirent en un rictus navré, et il se saisit d’une des mains de son épouse, qu’il recouvrit de ses doigts brûlants.

— Je vous demande pardon, ma chère, chuchota-t-il, comme à regret. Mais ces mots-là, ils appartiennent à Mademoiselle Gina, et à elle seule.

Jade répondit à son tour par un sourire triste, et posa son autre main sur leurs doigts entrelacés, comme pour sceller un pacte.

— Je comprends. Je vous prie de bien vouloir excuser ma curiosité déplacée.

— Vous êtes pardonnée.

Le sourire de la reine s’évapora peu à peu tandis qu’elle s’apprêtait à s’allonger, sonnant ainsi la fin de la discussion. Néanmoins, elle fut arrêtée par Christian qui retint sa main, l’empêchant de mettre à bien son souhait.

— Mais… Jade, écoutez-moi. Je veux que vous sachiez une chose, commença-t-il, sans oser lever les yeux vers elle.

Elle resta figée, la bouche entrouverte, prête à rétorquer à chaque instant.

— Je comprends vos questions, et je comprends vos désirs, continua son époux, daignant enfin la couvrir de son regard brillant d’honnêteté. Je veux que vous sachiez que… ce n’est pas parce que je n’y réponds pas, que je ne le veux pas.

Jade buvait ses paroles avec l’avidité d’une créature assoiffée. Elle n’osait bouger de peur que le charme se rompe et que la bouche de Christian se ferme définitivement.

— Et je veux que vous sachiez que… vous avez ma confiance la plus absolue, Jade.

Alors que le regard de Christian descendait de nouveau sur leurs mains entrelacées, évitant ses yeux, comme par timidité, la reine se redressa. Elle attira la main de Christian à elle et y déposa un baiser, aussi léger que la caresse d’un fantôme.

— Merci, dit-elle dans un souffle.

Le coin des lèvres du roi se soulevèrent dans un sourire tendre, soulagé.

— Mais… pourquoi ?

— Les raisons m’appartiennent, répondit Christian, sa voix ayant retrouvé toute sa superbe. Mais je veux vous le prouver.

Jade pencha la tête de côté d’un air sincèrement curieux, et attendit. La réponse ne tarda pas, mais son écho assourdissant de promesses retentit toute la nuit dans son esprit.

— Je veux que vous représentiez Indeya à la Table des Sept. J’ai l’intention de vous nommer Parlante.

Submergée par la sidération, la reine d’Indeya lâcha la main de son époux, ouvrit la bouche pour parler, le contredire, le questionner. Mais le sourire pur, confiant que lui offrit Christian d’Indeya lui arracha toute protestation.

— Je sais ce que je fais, Jade. À votre tour, faites-moi confiance.

Interdite, Jade ne put qu’observer le roi alors qu’il retrouvait sa main pour la porter à ses lèvres, étirées dans un rictus éclatant.

— Vous avez tellement plus à dire que moi.

***

Le lendemain matin s’érigea en triste répétition de la veille. Les deux sièges de Crystallide encore vides, le Dévoué Daryn ne tarda pas à déclarer la Vacance. L’après-midi accueillit tous les souverains présents dans la salle du Conseil du Roi pour des débats aussi tendus que stériles. Diane des Ospales appelait à l’action, tandis que Garance des Andes tempérait le dialogue avec ses mots de patience et de retenue. Marina semblait être considérée comme une figure de juste équilibre entre ces deux forces, et les autres rois et reines se tournaient souvent vers elle pour obtenir une décision tranchée, qu’elle offrait avec autant d’étonnement que de fermeté. La conclusion était toujours la même, décourageante : l’attente. Le banquet du soir, bien loin du premier qui avait été animé de discussions entraînantes, avait été calme et morne. Les échanges de banalités polies avaient eu le rôle de faire oublier à tous l’unique problème qui demeurait irrésolu.

Une fois n’étant pas coutume, Jade était demeurée silencieuse, car son inquiétude ne saurait être partagée. Elle pensait à celle qui était pressentie pour occuper le siège de Crystallide. Une question la taraudait, une question qu’elle n’osait prononcer à voix haute, de peur de faire de ses craintes une réalité.

Et si la princesse Juliette n’avait jamais pu fêter ses vingt-cinq ans ?

Ce soir-là, elle avait comme souvent éprouvé le besoin de se ressourcer, loin des non-dits et des messes basses. Elle avait été anéantie de voir que son sanctuaire était déjà occupé par quelqu’un de détestable, transformant le lieu en un temple maudit à ses yeux. Le Dévoué Valmec passait bien trop de temps à la bibliothèque, lui enlevant toute envie d’aller y trouver refuge. Alors, son choix s’était porté sur un endroit bien moins connu, et surtout inattendu de sa part.

Les jardins du Palais des Lumières. Assez vastes pour s’y perdre, assez abondants pour s’y dissimuler.

Cette fois-ci, nul besoin d’emprunter le passage secret. Jade quitta la salle du trône qui abritait le banquet, descendit les quelques marches de pierre qui menaient au hall aux statues dorées, et sortit par le balcon qui donnait sur les jardins.

Les murmures du vent et les caresses de l’eau s’écoulant dans la fontaine l’accueillirent, et elle poussa un long soupir de contentement. Cette sensation d’apaisement n’était pas comparable au sentiment de complétude qu’elle ressentait en pénétrant dans l’antre poussiéreuse d’une bibliothèque, mais il n’en était pas moins revigorant.

La reine d’Indeya choisit de prendre le chemin de traverse qui s’enfonçait entre les massifs d’arbres et de buissons, longeant de côté la façade du palais. L’air frais et iodé de la mer montait jusqu’à ses narines, et se mêlait aux senteurs rustres de terre et de feuille qui émanaient de toutes les plantes qui l’entouraient, tel un étau de pureté.

Mais sa sérénité fut de courte durée. Un désagréable crissement d’herbe foulée et de branches craquées la narguait, tantôt à sa gauche, tantôt à sa droite, devant ou derrière elle. Le bruit parasite se rapprochait dangereusement. Elle accéléra le pas pour déboucher sur la place carrelée au centre du parc, carré minéral où trônait la fontaine, et Lapsi. Toujours sur ses gardes, elle observa les alentours, mais même la jeune dragonne semblait insouciante. Plus curieuse que jamais, Jade s’approcha prudemment du point d’eau, avant d’être interrompue par une voix nasillarde.

— Tiens donc. Sa Majesté se promène seule la nuit ? Ce n’est pas très prudent.

Une voix masculine, élimée par un soupçon de sournoiserie. Une voix qu’elle avait jadis crue venir de nulle part, et qui provenait maintenant de derrière elle, toute proche. Trop proche.

— Bonsoir, Ignar.

Un bruit de feuilles froissées lui indiqua que l’interpellé s’extirpait de sa cachette. Elle fit volte-face à temps pour voir le colosse à l’armure étincelante apparaître sur le chemin.

— Je suis navré de vous avoir fait peur, Votre Majesté.

— Vous ne m’avez pas fait peur.

Le sourire goguenard que lui offrit le général Ignar l’irrita plus que de raison, mais elle concentra toute son énergie à serrer les dents de toutes ses forces, cachant toute autre manifestation de son agacement.

— Pardonnez mon indélicatesse, si j’avais su que c’était vous, je ne vous aurais pas suivie…

— Ah, vraiment ? Pourquoi donc suivre quelqu’un dans les jardins ? Le roi vous a ordonné de surveiller toutes les entrées et sorties ? demanda Jade, se réfugiant dans ses questions pour éviter de penser à leur proximité.

L’homme au crâne rasé laissa échapper un rire gras, condescendant. Il décrivit un autre pas vers la reine d’Indeya, lent et calculé, tandis que son regard balayait le parc qui était désormais vide, exceptée la présence du dragon. Comme s’il cherchait une autre présence, ou plutôt, une absence de présence.

— Le roi m’a ordonné de surveiller le dragon, corrigea-t-il, hautain, comme s’il s’adressait à une enfant capricieuse. Une partie de ma garde reste donc dans le parc. Nuit et jour.

La voix éraillée devenait de plus en plus sourde, doucereuse, et Jade sentit comme un courant glacial qui s’immisçait dans sa poitrine, lourde et étriquée, la clouant au sol. Sa respiration se fit saccadée, son cœur battait plus vite, diffusant une chaleur effrayante qui se mélangeait désagréablement au courant froid dans sa poitrine, créant un tourbillon fiévreux. Tous ses sens lui hurlaient de fuir, mais sa raison lui promettait que l’instinct n’était que rarement digne de confiance. Elle était reine d’Indeya, rien ne pouvait lui arriver.

Mais ses pieds étaient comme aspirés dans le sol, et ses yeux figés sur le regard jaune d’Ignar. Elle était physiquement et mentalement incapable d’esquisser le moindre mouvement. Alors, elle utilisa la seule arme qu’elle connaissait.

— Surveiller Lapsi ? l’interrogea-t-elle d’un ton sceptique qui parvint presque à cacher le tremblement de sa voix. Pour la protéger ? Ou pour tenter de la contrôler ?

Parler. Parler pour mieux occuper. Occuper l’espace et l’esprit. Et provoquer. Provoquer pour mieux distraire. Bien des fois elle avait utilisé cette stratégie. Bien des fois elle avait fonctionné.

Ignar poussa un soupir léger, qui échouait à imiter la lassitude. Lorsqu’il tendit une main vers la reine, celle-ci ne put qu’observer les doigts se tendre et s’allonger vers elle, jusqu’à atteindre les mèches écarlates qui s’échappaient de sa coiffe près de ses joues. Lorsqu’Ignar entortilla ses doigts dans ses cheveux, Jade comprit que la stratégie ne fonctionnerait pas cette fois-ci.

Son épée imaginaire venait de s’écraser au sol. Et elle n’avait plus la possibilité de la dégainer.

— Votre Majesté, commença Ignar, se penchant plus près d’elle encore, sa voix réduite à un murmure glaçant. Vous avez beau avoir une couronne sur la tête, au fond…

Il s’interrompit alors qu’il laissait la mèche de feu se dérouler lentement de son doigt, ses yeux jaunes rivés sur la gorge de Jade, qui se soulevait toujours plus haut et toujours plus vite.

— Vous n’êtes qu’une gamine qui cherche sa place dans la cour des grands.

L’air sembla se solidifier dans ses poumons, et la reine d’Indeya dut entrouvrir la bouche pour ne pas s’étouffer. Mais elle la referma immédiatement. Définitivement, son armure de mots l’avait abandonnée, et la vérité constituait à présent la plus destructrice des armes.

Un sourire carnassier tordit les lèvres d’Ignar, tandis qu’il fit glisser son index sur la gorge découverte de la reine. Immobile, pieds fermement ancrés au sol, bouche cousue, elle sentait peu à peu ses forces la quitter. C’était comme si son souffle de vie était lentement siphonné par ce doigt qui lui arrachait un frisson de dégoût.

— Vous savez que je ne prends mes ordres que du roi, continua Ignar, détachant chaque mot comme s’il savourait un met divin.

Le doigt interrompit sa course au creux du décolleté de la reine, là où le dernier barrage de tissu se dressait sur son chemin.

— Mais cela ne veut pas dire pour autant que votre sort m’est égal, Votre Majesté. Vous savez, en tant que chef de la garde royale, je suis également chargé de votre sécurité, surtout en ces temps troubles de sommet diplomatique. Je sais tout de votre emploi du temps. Je sais où vous vous trouvez, dans quelle pièce, quand, et avec qui. À toute heure du jour et de la nuit.

Jade se demandait si un jour elle serait de nouveau capable d’ouvrir la bouche pour respirer. Depuis si longtemps, elle avait l’impression de ne pas avoir accueilli d’air dans ses poumons, qui la brûlaient de l’intérieur.

— Alors, si j’étais vous et que je tenais un peu à la vie, je n’essaierais pas de prendre en grippe l’homme chargé de me protéger. Hm ?

La reine d’Indeya sentait sa peau glacée qui collait à ses os, mais au fond d’elle, elle se savait bouillonnante, comme si on l’avait déposée au cœur d’un volcan. Elle aurait voulu arracher cette peau, la brûler jusqu’à ne plus rien ressentir. Brûler pour nettoyer. Brûler pour purifier. Brûler pour ne plus être.

Et lorsque le doigt d’Ignar traça une ligne le long du col de sa robe, menaçant à chaque instant de s’immiscer à l’intérieur, Jade comprit qu’elle avait perdu. Il était des choses qu’aucune parole ne pouvait vaincre. Que pouvait la raison contre l’animal ? Que pouvait l’intelligence contre la bestialité ?