Chapitre 20 : "Non."

        Nous arrivâmes dans le coin de la ville où se trouvait l'armurerie, une taverne, en réalité, où l'on vendait des armes à la caisse.
        La taverne était animée, les rires et les discussions animées formaient un brouhaha étonnant. La pièce était enveloppée d'une odeur de bois vieilli et de nourriture fraîchement préparée. Des tables en bois massif étaient disposées çà et là, chacune étant occupée par un groupe de personnes en train de déguster des plats copieux et des boissons moussantes. La caisse, située à une extrémité du comptoir en bois usé, était étonnamment différente. Des étagères exposaient une gamme inhabituelle d'armes soigneusement rangées, allant des épées aux poignards en passant par les arcs et les arbalètes. Un homme, vêtu sobrement, se tenait derrière le comptoir, attentif aux clients qui examinaient les armes avec intérêt.
        Jesca était venue avec nous. Attendre ses plantes en compagnie d'Ether lui semblant insurmontable. Quant à Ether, elle n'avait même pas remarqué mon départ. J'avoue qu'une petite part de ma personne se sentait vexée.
        — Vous sentez ça ? demanda fièrement Cirrus, les mains sur les hanches.
        — Sentir quoi ? fit Jesca.
        — Ça, répondit Cirrus en désignant la taverne comme si c'était une évidence.
         Jesca et moi échangeâmes un regard. Je haussai un sourcil et il se pencha vers moi.
        — L'odeur de la famille, susurra-t-il. De la criminalité.
        Jesca leva les yeux au ciel.
         — Cirrus ! appela une voix féminine.
         Une femme aux cheveux roses et aux yeux bridés s'approchait de nous. Elle sourit de toutes ses dents, laissant entrevoir son piercing smiley — qui avait sûrement été très douloureux — avant de se jeter au cou de Cirrus.
          — Dis donc, beau gosse, sourit-elle en lui donnant une tape sur le torse. Ça fait un bail qu'on t'a pas vu par ici, qu'est-ce qui se passe ?
        — Oh, tu sais... mon travail me prend tout mon temps, répondit-il avec une mine faussement épuisée.
         La fille leva les yeux au ciel.
        — Pitié, t'es herboriste, pas président.
        — Je dois m'occuper de Cosmo, insista-t-il. C'est un travail à temps plein.
        Le sourire de la fille retomba.
        — Encore lui ? Il—
        — Jaïna, je te présente Jia Mei, coupa-t-il en se tournant vers nous. Tout comme moi avec mon empire, elle héritera très bientôt de cet endroit.
        Jia Mei nous jeta un coup d'œil curieux et je la saluai de la tête. Jesca m'imita.
        — Jaïna, c'est ça ? me demanda-t-elle.
        Je hochai la tête. Elle sourit à nouveau.
        — Sois la bienvenue au Rotten Lady, lança-t-elle joyeusement. Je sais pas si Cirrus t'a fait visiter les lieux ou s'il t'a fait un topo de la situation, mais au cas où tu ne l'aurais pas déjà remarqué, on est tous pourris jusqu'à l'os ici. Alors t'as pas à avoir honte : Expose ta saleté, on ne te jugera pas.
        Cirrus hocha la tête, solennel.
        — C'est exactement ce que je lui disais sur le chemin.
        Jesca pencha la tête en haussant un sourcil.
        — J'étais là tout le temps et je ne t'ai jamais entendu dire ça.
        Jia Mei pouffa alors que Cirrus la gratifiait d'un doigt d'honneur.
        — Salut coyote girl, ravie te revoir !
        Elle tendit son poing à Jesca qui y joignit le sien maladroitement.
        — Coyote girl? demandai-je en levant un sourcil.
        — Je l'ai vue taper la discussion à un coyote avant de se faire mordre, annonça Jia Mei.
        Jesca piqua un fard.
        — Non je... j'ai jamais fait ça !
        Elle me jeta un coup d'œil alarmé.
        — Je le croyais blessé, j'ai voulu l'aider, et il m'a sauté dessus !
        Comme quoi, « Mordre la main qui nous nourrit » n'était pas qu'une expression. Mais je la voyais assez bien parler avec un coyote. Déjà plus qu'avec une vraie personne.
        — Ça arrive plus souvent qu'on ne le pense, la rassurai-  je. Et pas qu'avec des animaux.
        — C'est clair, renchérit Cirrus, pensif. Quand c'est des animaux, encore là ça passe. Moi c'est avec des mecs que ça arrive chaque soir.
        Nous jetâmes toutes un drôle de regard à Cirrus avant que je ne me tourne vers Jia Mei.
       — Je dois quitter Sumeru dans une semaine et j'ai   perdu la majorité de mes armes, expliquai-je. Est-ce que tu aurais quelque chose à proposer ?
        Jia Mei fit la moue avant de m'inviter à la suivre en direction du comptoir. Je vis Cirrus empoigner Jesca avant de l'entrainer vers l'une des tables libres en laissant dans son sillages d'aigües protestations.
        Jia Mei fouilla derrière le comptoir avant de déposer plusieurs types d'armes devant moi. Elle m'expliqua de quoi elles étaient faites, leur particularité et surtout, leur prix. Après plusieurs minutes de discussion, mon choix s'était porté sur un pistolet à air comprimé et un Walter de petit calibre, deux lames recurve et karambit spear-point ainsi qu'un lot d'étoiles de jet. J'ajoutai à cela les munitions et d'autres objets que Jia Mei jugeai indispensables pour mon voyage.
        — Je mets ça sur ta note, déclara-t-elle face à mon expression perplexe à la vue de toutes ces courses. Généralement je fais crédit aux personnes dont je connais l'adresse, histoire de pouvoir frapper à leur porte s'ils décident de faire les malins. Mais c'est Cirrus qui t'a amenée. C'est mon otage, ajouta-t-elle avec un clin d'œil.
       — Merci, lui répondis-je en m'efforçant de sourire. Je t'enverrai l'argent quand je serai à Odium.
        Elle était en train de ranger les armes que je ne prenais pas, et en laissa échapper une maladroitement. Je la rattrapai juste avant qu'elle ne touche le sol.
        — Odium ? C'est à Odium que tu retournes ?
        Je hochai la tête. Toute ma vie avait donc tourné dans les chaînes d'infos. Génial.
       — Pourquoi tu veux retourner là-bas ? demanda-t-elle   en ayant l'air contrariée. Ils t'ont laissée tomber.
      Je fronçai les sourcils, perplexe.
       — Qu'est-ce que tu veux dire ?
       — Tu t'es faite arrêter et personne n'est venu te chercher, expliqua-t-elle en reprenant l'arme. Je comprends que tu ne sois que leur employée mais... ça ne t'énerve pas ? Qu'ils t'aient abandonnée en prison ?
       C'était la deuxième personne qui me posait cette question. Je lui répondis donc la même chose qu'à Ether : Que je m'étais retrouvée en prison parce que j'avais échoué et que même si j'avais été accusée à tord, j'avais purgé ma peine pour d'autres crimes.
       — Non, fit Jia Mei en secouant la tête. Je capte pas cette histoire d'accusation à tord, mais ça ne fait que rendre la situation encore plus injuste. Je ne te demande pas si tu as mérité la prison, mais pourquoi tu retournes ramper chez eux après t'être faite jeter comme un chien.
       Je n'estimais pas avoir été insultée par mes employeurs d'Odium, après tout, la raison pour laquelle on engageait un tueur à gage était pour avoir un bouc-émissaire. Alors me sortir de là serait allé à l'encontre de cette logique. Ils avaient d'autres tueurs à gage à embaucher, qui plus est. Et ce n'était pas comme s'ils gagnaient quoi que ce soit de particulier à me récupérer, après tout, je n'étais qu'un outil pour eux. C'était ce que je pensais, alors pourquoi cette remarque me contrariait autant ?
       — Rien ne dit qu'ils me reprendront maintenant que je ne suis plus anonyme, répondis-je en me rendant compte que j'avais inconsciemment serré la mâchoire. Mais c'est ma meilleure option, alors au moins, j'aurais essayé.
       Jia Mei ouvrir la bouche, sur le point de protester mais abandonna en voyant que je n'avais pas l'intention de me laisser influencer.
       Elle replaça les armes dans des boîtes et les empila   avant de les soulever.
       — Te presse pas pour me payer, conclut-elle. Installe-toi d'abord, et si ça ne marche pas, sache que tu es la bienvenue ici.
       Elle sourit et je le lui rendis maladroitement. Elle s'en alla ensuite vers l'arrière boutique.
       Je rangeais les affaires dans un sac lorsque quelqu'un me bouscula. L'homme marmonna une excuse avant de me dépasser et de rejoindre un homme à lunettes et un balafré, adossés au comptoir pas loin de moi. Les deux étaient en train de discuter avec un moustachu d'une quarantaine d'année que je soupçonnais, par sa tenue et son aisance, d'être le propriétaire des lieux.
       — Je suis pas d'accord avec toi, dit le propriétaire. Plus il y a de personnes qui viennent, plus on se fait d'argent. T'imagines pas tout ce que j'ai dû subir pour me faire un nom ici.
       — Pour les affaires, oui, pas pour la vie commune, objecta l'homme à lunettes. Plus il y a de connards qui se ramènent moins je me sens chez moi.
       — T'exagères un peu, intervint le balafré. On a tous été nouveau ici un jour, cet endroit a été crée pour ça. T'imagines si tu t'étais fait jeter juste parce que ta tête nous revenait pas.
        L'homme à lunettes leva les yeux au ciel.
       — Laisse tomber, fit l'homme qui m'avait bousculée. Les types comme lui courent les rues. S'il couine pas au moins une fois par jour il nous fera un hernie.
       L'homme à lunettes lui donna un coup d'épaules et celui qui m'avait bousculée s'esclaffa. Le propriétaire secoua la tête.
       — Mais c'est vrai que quelqu'un d'étrange s'est ramené tout à l'heure. Une fillette. D'une vingtaine d'années. (Il sortit une feuille du dessous du comptoir.) Elle a rien commandé. Elle m'a juste demandé si j'avais trouvé un objet qui faisait... je sais plus trop quoi. Et comme je comprenais un mot sur deux de ce qu'elle racontait, elle m'a dessiné ça. (Il se pencha vers eux en baissant la voix.) Un loup dans la bergerie, vous croyez ?
       Le balafré étudia le dessin et secoua la tête.
       — Le diable lui-même arriverait pas à venir jusqu'ici. Et puis, si elle était vraiment du gouvernement, elle aurait pas attendu avant de nous coffrer.
       — Peut-être qu'elle voulait des preuves ? proposa l'homme à lunettes.
       — Des preuves ? Et pourquoi faire ? S'ils sont vraiment arrivés jusqu'ici alors ils n'ont plus qu'à nous cueillir. T'as vu nos gueules ? C'est pas comme si quelqu'un ici avait fait de la chirurgie.
       Le balafré se gratta l'arrière de la tête, et en bougeant un peu, je vis le dessin. Il représentait une étoile en dessous de laquelle une spirale descendante se fermait sur un cercle parfait. En dessous de ce cercle, une série de constellations se dessinaient jusqu'à former un cercle plus obscur.
       — Elle a dit autre chose sur ce gribouillis ? demanda celui qui m'avait bousculée.
       Le gérant secoua la tête.
        — Rien que j'aie compris. J'ai même pas pu poser de questions puisqu'elle s'est barrée d'un coup.
       L'homme à lunette s'esclaffa.
       — Et voilà. Encore une...
       Il fit tourner son indexe près de sa tempe en prenant un air ahuri. Ses amis rirent avec lui et le gérant leva les yeux au ciel.
       — Je suis sorti avec nana tarée, commenta le balafré. Pour elle, un interrupteur servait qu'à une chose : Éclairer. Je vous jure, je rentre chez moi et toutes les lumières sont allumées. Et mon boulot, visiblement, puisqu'on a pas les mêmes chromosomes, c'est de faire le tour de toute ma foutue de baraque et d'éteindre une à une chaque lumière qui est restée allumée.
       — Sans blague ? répondit l'homme à lunettes.
       — Eh ouais, mon pote. Et si j'ose faire une remarque, j'ai le droit à ce regard plein de mépris, faut voir ça. Elle prend sa voix d'exorciste et se met à beugler : « J'ai l'impression d'entendre pleurnicher mon père ! Toujours en train de te plaindre que tu payes trop d'électricité à cause de cette foutue lumière ! ».
       Celui qui m'avait bousculée éclata de rire.   
       — Et qu'est-ce que tu réponds à ça ?
       — Tu sais ce que je devrais répondre ? Je devrais dire : « Faut que sois sacrément conne pour avoir entendu ça toute ta vie et que t'aies toujours pas compris comment fonctionne un interrupteur. ».
       Les quatre hommes rirent à gorge déployée, comme s'ils venaient d'entendre la plus grosse blague de leur vie.
       — Laisse moi deviner, répondit l'homme à lunettes. Cette même fille, je parie qu'elle vient se plaindre du réchauffement de la planète.
       Le balafré hocha noblement la tête.
       — Ça me donne envie de citer le manuel de la sagesse masculine, fit-il en se redressant. « Trésor. Si toi et toutes les paires de nibards de cette foutue planète pigiez enfin qu'un interrupteur ça marche dans les deux sens, bah peut-être bien qu'on aurait moins de problèmes de réchauffement climatique. ».
       Le gérant pouffa.
       — Tu le dis vraiment comme ça ?
      — Mais non ! J'y mets les formes bien sûr. Et lui achète quelques fringues atroces qui, pour une raison que j'ignore, ont toujours plus de style avec quelques zéros en plus sur le ticket de caisse.
       — Cette fille là était assez bien habillée, répliqua le gérant en essuyant un verre. Et ça valait cher. Elle doit venir de Vargues.
       Je levai la tête vers eux. Vargues ? Ether et moi n'étions pas les seules personnes à être venues de Vargues, mais est-ce que c'était un de nos poursuivants ? Si je disais ça à voix haute, on me traiterait sûrement de paranoïaque. Mais quelqu'un qui vient de la même ville que nous à une journée d'intervalle ? Est-ce que je pouvais vraiment appeler ça une coincidence ?
       L'homme à lunettes finit par se relever après une dernière pinte, accompagné par le balafré et celui qui m'avait bousculée. Le gérant nettoya ensuite le comptoir, jeta la feuille de papier dans une corbeille et s'éloigna. Je m'approchai du siège, vérifiai que personne ne me regardait, et l'enjambai avant de fouiller dans la poubelle à la recherche du dessin. Je l'inspectai une nouvelle fois et le rangeai dans ma poche.
       Je me relevai et sursautai.
       — Qu'est-ce que tu fais dans la poubelle ? medemanda Jesca.
      Elle me regardait en plissant les yeux comme si elle essayait de trouver une explication à quelque chose qui pouvait difficilement en avoir.
       — Quelqu'un a jeté un dessin et je l'ai ramassé, avouai-je.
       Son plissement d'yeux s'accentua.
       — Pourquoi ? T'aimes bien les dessins ?
       J'hésitai avant de répondre mais la contournai et fermai ma veste.
       — Ouais.
       Elle baissa les yeux, comme si elle réfléchissait à ce que je venais de répondre.
       — Où est Cirrus ? demandai-je.
       Elle reporta son attention sur moi en haussant les épaules.
       — Il se faisait draguer puis après il a disparu d'un coup en me laissant avec ses conquêtes, répondit-elle. Tu as tout ce qu'il te faut ?
       Je hochai la tête.
       — Attendons qu'il revienne avant de nous en aller, proposai-je. Il nous a accompagnés jusqu'ici, la moindre des choses serait de patienter.
       Jesca leva les yeux au ciel mais me suivit quand même jusqu'à la table qu'elle occupait avec Cirrus.
       — Tu parles, il est venu seulement pour les meufs.
       Je repensai à la façon dont Cirrus nous avait accueillis et sa familiarité avec Jia Mei.
       — Il est plutôt sociable, fis-je. Ça doit être pratique au quotidien.
       — Il est surtout très lourd et c'est un coureur de jupons, répondit-elle avec dédain. Mais je le supporte déjà plus que l'espèce de geek qui lui sert de binôme. Dans tous les cas, je comprends pourquoi ils sont célibataires.
       — Je pense que ça n'a rien à voir. Sa vie ne doit pas être si simple. Il a quand même dû quitter son pays pour repartir de zéro et il n'a pas un bon passif. C'est risqué d'avoir quelqu'un dans sa vie dans ce genre de conditions.
       Jesca secoua la tête.
       — Et alors ? répliqua-t-elle. Le passé reste le passé, ça ne sert à rien de remuer le couteau dans la plaie. Pour aller de l'avant il faut se donner les moyens de le faire. Si tu pars du principe que tu ne peux pas passer à autre chose alors tu ne risques pas d'y arriver. La clé c'est de surmonter son blocage mental.
       Je souris. Elle parlait comme son père. Et comme d'autres personnes que je connaissais. Peut-être bien que j'avais un blocage mental. Mais dans la mesure où ma sœur s'était retrouvée en fauteuil roulant par ma faute, il s'agissait avant tout d'une précaution.
       — Et toi ? demandai-je. C'est quoi ton blocage mental ?
       Elle me regarda et se laissa retomber sur son siège.
       — C'est vrai que tu as discuté avec mes parents, grommela-t-elle. Ça n'a rien à voir. Je ne parle juste pas aux gens inintéressants et qui m'agacent.
       — D'après eux, tu ne parles à personne.
       — Parce que personne ne m'intéresse, insista-t-elle. C'est ton cas aussi, non ?
       Je la regardai.
       — Je t'ai entendue, expliqua-t-elle en se redressant avant de prendre son visage en coupe. Tu as dit à mes parents n'avoir personne dans ta vie. Et ne me sors pas l'excuse bidon du travail dangereux.
       J'expirai en regardant un couple se tenir la main et rigoler sur la table derrière Jesca.
       — Ça n'a rien à voir avec le fait d'être intéressant ou non, avouai-je en haussant les épaules. C'est vrai que je n'ai jamais été intéressée par qui que ce soit mais c'est surtout parce que je n'ai jamais pris la peine de faire attention aux autres. J'ai toujours eu beaucoup de travail (Elle leva les yeux au ciel.) et j'estimais que passer du temps avec les autres était contre-productif, alors je n'ai jamais parlé avec quelqu'un suffisamment longtemps pour le juger digne d'intérêt ou non.
        Mais Cirrus avait réussi à joindre les deux bouts. Moi qui pensait que me comporter comme je le faisais était nécessaire pour réussir, de toute évidence, j'avais tord.
       — Dans ce cas, commença Jesca. Qu'est-ce que tu dis de Cirrus ?
       — Quoi ? fis-je en haussant un sourcil.
       — Est-ce que tu pourrais sortir avec lui ? demanda-t-elle, le regard empli d'un intérêt sincère.
       — J'ai dit que je n'en avais pas eu l'occasion par manque de temps. Ça ne veut pas dire pour autant que c'est quelque chose que je veux spécialment faire.
       Elle posa les bras à plat sur la table en poussa un gémissement agacé.
       — J'ai bien compris que t'étais ascète et que l'amour ne t'intéressait pas. Mais imagine, dans un monde parallèle, est-ce que tu aurais pu sortir avec Cirrus ? C'est un tueur à gage, et même si j'ai du mal à l'admettre, il est quand même canon.
       Elle cracha le dernier mot avec un dégout qui me fit presque de la peine pour Cirrus.
       — Je ne le connais pas assez pour répondre.
       — OK, OK. Physiquement alors ? Il t'aurait plu ?
       Je réfléchis quelques instants en me grattant la nuque.
       — Je crois que ce n'est pas mon « genre ».
       Jesca éclata de rire.
       — Ça alors ! s'exclama-t-elle un peu trop fort à mon goût. C'est bien la première fois que j'entends une fille dire ça de ce mec.
       Elle essuya une larme sur le coin de son œil. Après quelques instants, elle me regarda à nouveau.
       — Ta copine la Draatinga, là, fit-elle. Elle doit avoir la côte elle aussi.
       La vision d'Ether durant le repas de la veille me revint en mémoire.
       — C'est vrai qu'elle est belle, dis-je à haute voix.
       Jesca me lança à nouveau ce drôle de regard. Le même qu'elle avait lorsque je discutais avec Ether.
       — Donc Cirrus est moche et Ether est belle ? demanda-t-elle.
       — Je n'ai pas dit qu'il était moche, contredis-je.
       — Mais Ether est belle, insista-t-elle.
       Je levai les yeux vers elle.
       — Où est-ce que tu veux en venir ?
       Elle écarquilla les yeux en s'éclaircissant la voix.
       — Nulle part, nulle part, s'agita-t-elle, soudain embarrassée. Je me disais juste que tu étais vachement sympa avec cette meuf.
       Je retins un rire. Moi ? Sympa avec Ether ? Si elle avait été témoin de mon comportement envers elle, elle ne tiendrait sans doute pas le même discours. Alors qu'Ether, de son côté, avait toujours fait des efforts. La moindre des choses, maintenant que nous étions dans le même bateau, était de me montrer plus reconnaissante et moins aigrie.
       — Ether est bien plus gentille que moi, répondis-je. Tu t'entendrais bien avec elle.
       Elle ricana. Un rire moqueur et présomptueux.
       — Je n'ai pas envie de faire amie-amie avec cette pouf, cracha-t-elle.
       Je serrai inconsciemment le poing en ressentant soudain le besoin de la défendre.
       — Si tu étais un peu plus ouverte d'esprit tu saurais qu'il ne faut pas juger les gens sur leur apparence et qu'ils peuvent t'apporter bien plus que toutes les insultes que tu craches dans leur dos.
       Jesca pâlit à ces mots et je me sentis soudain méchante. Je soupirai.
       — Je suis désolée, lui dis-je. Comme tu peux le voir, je ne suis pas la plus « sympa » des deux. Je manque parfois de tact, je te prie de m'excuser.
       Jesca baissa les yeux et secoua la tête en me lançant un sourire contrit.
       — Ne t'excuse pas, c'est de ma faute. Je n'ai pas à parler comme ça de ton amie. Surtout si je ne sais rien d'elle.
       Un silence gênant s'installa. Comme nous attendions Cirrus depuis plus de vingt minutes, je m'apprêtais à lui proposer de retourner vers l'herboristerie mais elle me devança.
       — Et sinon... dit-elle avec un ton qui se voulait neutre. Comme tu m'as répondu pour Cirrus, est-ce que tu sortirais avec Ether ?
       J'avais presque envie de rire. « Tu crois qu'Ether Draatinga est une option ? C'est une plaisanterie ? ». Mais le rire ne sortit pas. Je n'entendais que le grondement de mon souffle court, comme si on venait de me donner un coup dans la poitrine. Et soudain, je réalisai que j'avais plus de mal à répondre avec certitude « non » qu'avec Cirrus.

 

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Rikiki
Posté le 08/10/2023
Hellooooo !
Je sais que j'arrive comme un cheveu sur la soupe. Mais comme je n'en suis qu'au chapitre 5 (je crois ?) quand j'ai reçu ta notif je me suis dit "wow ! y a 20 chapitre ????" donc je me suis mise à lire ce chapitre en diagonale histoire de voir ce qui se passe et en fait je suis partagée entre plusieurs réactions. Déjà, les quinquagénaires bien misogynes bien sexistes ?? HAHAHA c'est drôle de se moquer des femmes hein. Typiquement le genre de mecs à supporter les VSS. Mais si on sort du côté fictif, vraiment GG pour avoir imaginé cette scène, les répliques sont hilarantes (uniquement parce que c'est une femme qui les a écrites, ici on simp les women, on pardonne tout, c'est des reines).

ET l'autre truc qui m'a frappée c'est la fin. Jaïna est amoureuse d'Ether ???? Enfin ????? Faut vraiment que je me mette à jour sur l'histoire parce que j'en suis encore au moment où elle se méfie d'elle et la traîte de sale bourgeoise manipulatrice (j'aime trop le concept du enemy to lover). J'ai trop hâte de savoir ce qu'elles ont vécu pendant ces 20 chapitres !!
Le plot en lui-meme est génial mais j'aime troooooop lire de la romance et surtout je kiffe à fond la phase de flirt, je trouve ça archi titillant. Du coup je suis ravie de voir qu'on rentre dedans !!!!!

À + sur des chapitres plus anciens xD
SybelRFox
Posté le 09/10/2023
Chaluuuuuuu Kiki !!

Ton commentaire me fait TROP plaisir. Sache que j'étais convaincue que ce chapitre serait un flop MONUMENTAL !

Hahahah, alors, pour la scène ULTRA sexiste, j'avoue m'être inspirée d'une série xD Et oui, women >>>> all.

MERCI ! Je disais à un ami avant hier qu'en écrivant le dernier paragraphe, j'ai ressenti un truc dans mon cœur. Ça m'arrive de me "transposer" dans mon perso (c'est les moments où j'écris le mieux) mais LÀ j'ai eu l'impression d'être tombée love d'Ether. Je ne sais pas si c'est parce que j'avais hâte que cette romance commence, mais ça m'a beaucoup trop affectée !

Je ne sais pas encore comment je ferai évoluer leur relation, mais je vais essayer de speeder les choses. On m'a fait remarquer que j'avais écrit 20 chapitres et qu'il serait peut-être temps que je me magne le derrière, ahaha !

En tout cas, merci beaucoup pour ce commentaire ! J'ai hâte d'avoir ton avis sur le reste !

Bisouilles baveuses ♥
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