Chapitre 20 : Rhazek

Par Talharr

Rhazek :

Son retour à Mahldryl aurait dû être un moment de gloire. Des festivités, des acclamations, des chants pour celui qui avait unifié tout Drazyl sous une seule bannière : la sienne.

Mais dès la disparition d’Erzic, survenue en pleine nuit, il avait pressenti qu’un mal couvait. Que le mage parte sans prévenir n’avait rien d’étonnant en soi. Mais avec autant de hâte ? Cela ne lui ressemblait pas.

Rhazek avait interrogé les Dralkhar, espérant qu’ils puissent localiser leur chef. Aucun ne répondit favorablement.
Il n’était pas leur maître.
Et pourtant, n’était-ce pas lui, Rhazek, qui dominerait bientôt la Terre de Talharr ? Pourquoi ces chiens refusaient-ils de le servir ?

Il s’était juré d’exiger des explications à Erzic. Un jour, tous plieraient devant lui. Tous lui obéiraient.

Même si, parfois, un doute persistait.

Et s’il n’était qu’un pion ? Et si tout cela n’était qu’un plan d’Erzic ?

Il s’était même surpris à envisager, le jour venu, de faire exécuter ce fourbe.

Mais en atteignant la cité de son enfance, tout s’éclaira.

Une colonne de fumée noire s’élevait au-dessus de Mahldryl. Pas de corne. Pas d’ovation. Rien.
Les rues grouillaient de misère, d’abris de fortune, de visages creusés par la faim. Des voix le suppliaient, imploraient sa pitié.

Il ordonna aux soldats de patrouiller, de dresser un état des lieux. Même les Dralkhar et les Zarktys s’y joignirent.

Lui, furieux, se dirigea vers le dôme.

Cinq Kelrims l’accompagnaient, dont Wosir, son seul commandant resté à ses côtés — les autres avaient été envoyés gouverner les cités nouvellement soumises. Deux soldats Mahldryliens, un Dralkhar et une Zarktys complétaient l’escorte.

Au fil de leur avancée, des dizaines d’habitants s’agglutinaient derrière eux, suppliant de l’aide.
À plusieurs reprises, Rhazek aperçut la Zarktys aux cheveux courts tendre du pain à des enfants. Lorsqu’elle croisa son regard, il crut y lire… de la pitié.

Pourquoi éprouver de la pitié pour un peuple qui n’est pas le sien ?

Aux abords du dôme, une rangée de soldats contenait la foule en détresse.

Rhazek ignorait encore l’ampleur des dégâts, mais il savait déjà qu’un coupable paierait. Quel qu’il soit.

Derrière les pointes des lances, il promit à son peuple qu’il ferait le nécessaire, coûte que coûte.

Dans le dôme, d’ordinaire silencieux, une centaine de gardes veillaient. Il ne leur adressa ni regard ni salut.
Il entra dans la demeure où il était devenu seigneur de Mahldryl. Ou plutôt… où sa mère l’avait fait s’élever par le sang. Une pensée qu’il haïssait — mais sans elle, il ne serait rien.

Devant l’ancien bureau de Rhazlir III, il ordonna aux gardes de rester dehors. Wosir, le Dralkhar et la Zarktys l’accompagnèrent à l’intérieur.

Sans surprise, Erzic et Prasto l’attendaient, assis.

Son regard glissa vers la tache de sang séchée sur les dalles. Il avait exigé qu’on la laisse là.
Un rappel. Une menace.

Erzic, imperturbable, le jaugea du regard tandis qu'il décrivait l’évasion de sa mère… et celle de l’Hirondelle.

Prasto, lui, gardait les yeux baissés.

    — Incapable ! hurla Rhazek.

Pendant son absence, il avait laissé le pouvoir à son premier conseiller. Il venait d’en constater les conséquences.

    — Je savais que vos manières avec votre esclave finiraient par nous trahir !

Prasto releva la tête. Son regard brûlait de honte et de rage.

    — Il a payé pour ça ! Ne l’oubliez pas… C’est moi qui vous ai permis de devenir roi de Drazyl !

Rhazek éclata de rire.

    — Et vous, n’oubliez pas que vous vivez encore uniquement parce que je le tolère.

   — Ça suffit, trancha Erzic. Prasto sera puni. Mais l’urgence, c’est de répondre à l’attaque contre votre cité. Montrons à votre peuple qu’il n’y aura pas d’impunité.

   — Que proposez-vous ? demanda Wosir.

Erzic esquissa un sourire.

    — Envoyons une unité à dos de Crazstyr. Ils traqueront les fuyards. Aucun quartier… sauf pour l’Hirondelle.

La Zarktys tressaillit. Etrange… Rhazek voulut l’interroger, mais Erzic enchaîna :

    — Vous êtes l’élu. Il est temps d’être couronné roi. D’ailleurs… un royaume vient déjà vers nous.

Rhazek s’immobilisa.

    — Quel royaume ?

    — Balar.

    — Pourquoi viendraient-ils nous affronter ?

    — Disons que je les ai convaincus qu’ils avaient une revanche à prendre. Une victoire contre eux sera un avertissement pour les autres royaumes. La peur entraîne les erreurs.

    — Il faut mobiliser les troupes et rappeler les garnisons ! s’exclama Wosir.

    — Oui. Mais d’abord, le couronnement, dit Prasto.

Ces mots ravivèrent une flamme en Rhazek. Enfin.

    — Je suis prêt.

    — Le couronnement aura lieu quand tous les seigneurs seront présents, dit Prasto. Chacun devra prêter allégeance.

    — Nous n’avons pas le temps ! Des ennemis approchent !

    — Du calme, répliqua Erzic. Laissons-les croire à l’effet de surprise. Nous les écraserons quand notre force sera unie.

    — Réunir toutes les armées prendra des semaines, peut-être des mois, dit Wosir.

    — Nous avons d’autres moyens.

Il fit un signe au Dralkhar silencieux, qui s’inclina.

   — Que tous les Dralkhar rejoignent les cités conquises. Qu’ils ramènent seigneurs et troupes.

Le mage disparut. La Zarktys, elle, restait. Fixant Rhazek d’un regard étrange. Mi-froid, mi-doux.

Pourquoi ce regard ?

    — Comment ferez-vous venir l’armée ici ? demanda Wosir.

    — Par portails. Ils ne durent que quelques minutes, mais cela est suffisant. Certains lieux n’ont plus de magie… mais Mahldryl en regorge.

    — Des endroits sans magie ? s’étonna Prasto.

    — Après la guerre des dieux, certains lieux ont perdu leur lien à la magie. Comment ? Je l’ignore.

Un silence pesant s’installa.

    — Dans deux jours, magie ou pas, je serai roi, déclara Rhazek. Et Malkar nous guidera vers un monde nouveau. Un monde fort.

Erzic sourit. Fièrement ?

    — Vos Dralkhar et Zarktys devront me prêter allégeance. Ils doivent obéir à leur roi. Reprit Rhazek. 

Le sourire de Erzic avait disparu et il semblait agacé. 

     — Nous serons à votre service, lorsque vous serez roi. Notre allégeance revient à Malkar. N'oubliez pas qui vous servez. 

Rhazek grogna mais en resta là. Ils plieront. 

Tout fut organisé : Wosir pour préparer la traque, Prasto pour le peuple, ce qui le laissait en vie, Erzic pour le couronnement et Rhazek pour la guerre. 

Avant de se séparer, Erzic s’approcha :

    — Malkar saura te récompenser. Mais reste sur tes gardes. Ceux qu’on croit connaître ne sont pas toujours ce qu’ils sont.

Puis il disparut. Rhazek resta seul. Songeur.

 

Le lendemain, les murs beiges de Mahldryl étaient encerclés de tentes. Des milliers. L’annonce du couronnement approchait.

Sur un des remparts, d’où il regardait sa cité, une silhouette s’approcha.

La Zarktys.

Rhazek la trouva séduisante, malgré ses dents limées. Ou peut-être à cause d’elles.

    — Seigneur, puis-je vous parler ?

Il fit un signe. Les gardes s’écartèrent.

    — Qui êtes-vous ?

    — Une alliée. Je suis là pour vous montrer la véritable voie.

    — Je vais devenir roi. Quelle autre voie existe-t-il ? N’êtes-vous pas avec Erzic ?

Elle sourit. Un sourire triste.

    — La voie que vous suivez mène à la ruine. Erzic est un menteur. Suivez votre mère.

    — Ma mère est une traîtresse. Comment la connaissez-vous ?

    — Non. Elle vous aime toujours. Elle espère encore votre retour.

    — Je suis l’élu de Malkar ! Il m’a parlé ! Vous osez remettre ça en question ?

    — Malkar ne vous a jamais contacté. Il ne le peut plus depuis déjà plusieurs siècles.

    — N’importe quoi ! Je sais ce que j’ai vu !

La Zarktys souffla.

    — Souvenez-vous.  Rhazlir III n’était pas votre père. Le vôtre vit toujours… à Cartan.

    — Je ne me souviens que d’une chose : ma mère est une traîtresse. Pars, avant que je te fasse exécuter.

    — Je suis une servante de Malkar. Mais il est enfermé. Il ne parle plus. Tu crois entendre sa voix, mais ce n’est qu’un mensonge.

Mensonges.

— Souviens toi de ta soeur. Aelia ! 
Une soeur ?

Dans sa tête quelque chose se connecta. Des cheveux blonds. Des yeux verts comme Elira. 

Mensonges !

Il sortit son épée de son fourreau et la pointa sur la Zarktys. 

     — Ne te souviens tu plus de ta vie avant tout ça ? Tu viens du comté de Vaelan, dans le royaume de Cartan. Ton père Alistair est le comte. 

Encore cette sensation étrange et des images. Un homme, marchant dans un jardin fleuri. Des montagnes à perte de vue. 

     — Ahhhh ! Arrête de mentir ! C'est de la magie, rien de tout ça n'est vrai ! 

Il rapprocha son arme de la femme. Prêt à la rayer de ce monde. 

Et pourtant, il ne la tua pas.

Les yeux de la Zarktys étaient emplis d'une sorte de pitié.

Du bout du doigt elle fit baisser l'arme de Rhazek, qui ne fit rien pour l'empêcher. 

    — Elira sera toujours là pour vous, dit-elle. Mais si vous tentez de lui faire du mal… souvenez-vous de mon nom. Valkys. La guerrière de Elira.

Elle s’éloigna.
Son nom résonna.

Il resta là pantelant à la regarder zigzaguer dans les ruelles, sans rien faire. Tout ce qu'elle lui avait dit... était-ce vrai ? 

Un voile tenta de se lever dans l’esprit de Rhazek. Il hurla au ciel.

Mais bientôt… il serait roi.

Et la guerre viendrait.

Mon nom apparaitra comme celui qui aura sauvé ce monde !

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Scribilix
Posté le 12/08/2025
Eh bien super chapitre. l'on se demande si Rhazek ne sombre pas un peu dans la folie. Ce qui serait totalement compréhensible au regard de ce qu'il a vécu. En tout cas force, a peine rentre-t-il de campagne qu'il doit gérer sa capitale dévastée et une guerre en approche alors que son armée a déjà subit de lourdes pertes lors de la conquete de Drazyl.
A voir ce que lui reserve la suite !
2 minuscules remarques :
- Pourquoi ce regard ? ( peut-etre le mettre en italique si c'est une pensée ?).
— Par portails. Ils ne durent que quelques minutes, mais suffisent. ( mais cela est suffisant).
Talharr
Posté le 12/08/2025
Hello ^^
Ah Rhazek, personnage complexe. Certainement le plus complexe de l'histoire. Comme tu l'as dit tout ce qu'il a vécu, ce qu'il vit encore actuellement n'aide pas...
Drazyl est un royaume assez grand, son armée a pris cher de partout mais il y a encore des hommes :)

Ah merci pour les retours, je fais les modifs, je sais même plus si je voulais mettre en pensée interne. Je vais relire voir ce qui est mieux :)
Vous lisez