Chapitre 20 : Trafic

    La voiture roule depuis plus de deux heures. Je ne sais pas où nous allons, le conducteur ne parle pas, il se contente de conduire. Je suis épuisée mais je n'arrive pas à dormir - qui arriverait à dormir dans une situation pareille ? - Je jette un oeil à la main d'Illiam qui serre lla mienne. Je ne me souvies pas de l'avoir prise un jour mais ça ne me dérange pas. J'ai besoin de réconfort. Mon ami a discrètement sorti un carnet et un stylo d'une poche de sa veste. Quelques fois, il regarde la route et note quelque chose sur le carnet. Depuis quelques minutes, je sens sa respiration se ralentir. Pas comme s'il allait s'endormir... Plutôt comme s'il se préparait. Mais à quoi ? Le conducteur se retourne pour nous observer.

- Ça va ?

- En quoi ça pourrait aller ? répond Illiam avec fougue.

Andrew soupire et son attention revient sur la route. Une énième heure passe. Soudain, Illiam retire sa main de la mienne. Je n'ai pas le temps de lui demander ce qui ne vas pas qu'il bondit et tente de s'en prendre au conducteur. Surpris, celui-ci tourne le volant d'un geste sec. La voiture fait une embardée. Illiam porte un coup. Andrew le bloque et repousse violement mon ami qui vient se cogner contre la portière droite et tombe, inconcient, sur son siège.

- Illiam ! je crie.

Je me tourne vers le conducteur qui m'observe dans le rétroviseur :

- Inutile petite. Tu n'es pas en position de gagner. Reste calme et tout se passera bien. Ton copain n'est pas mort, ne t'inquiète pas. Tiens regarde, il revient à lui.

A côté de moi, Illiam se relève difficilement et crache une giclée de sang.

- Mais vous êtes complètement malade ! je m'exclame prise de colère.

- Malade ? Je ne sais pas qui est le plus fou de nous deux jeune fille. Moi qui suis obligé de travailler dans ce gang pour payer mes factures et survenir aux besoin de ma femme et mes deux filles ? Ou vous qui avez volontairement assassiné votre père à l'âge de 10 ans avant d'intégrer une école spécialisée dans le meurtre ?

Je ne sais pas quoi répondre. Illiam prend les devants :

- Vous nous emmenez où ? Pour faire quoi ?

- Ça, vous le saurez bientôt puisqu'on arrive.

    La voiture s'arrête devant ce qui ressemble à un immeuble laissé à l'abandon au milieu de nulle part. Andrew nous fait  sortir de la voiture. A ce moment là, on aurait dû tenter de s'échapper. D'ailleurs, Erica a esquissé un mouvement avant de remarquer que le bâtiment était encadré de hauts murs. Nos ravisseurs nous mènent à l'intérieur de la bâtisse. L'air y est étouffant, il sent le renfermé. Ça me donne envie de vomir. Nous arrivons dans un hall plutôt spacieux. Quand nous entrons, plusieurs personnes se retournent pour nous dévisager. Certains semblent reconnaître Illiam. Nous passons notre chemin, nous montons un étage par des escaliers qui s'effritent. Au premier étage, on nous fait entrer dans une pièce. Une salle de réunion. Quatre personnes sont postées à l'intérieur et deux devant la porte. Aucune possibilité de fuite. Nous nous asseyons donc, jettant des regards inquiets aux alentours. Coyne et Andrew sortent de la pièce. J'attends encore un moment avant de prendre la parole :

- Sur la lettre que j'ai lu, P. Kruck parlait d'une dette que ma mère devait payer. Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que ça a à voir avec moi ?

- Je ne sais pas beaucoup de choses sur ta mère. Je pense qu'elle s'est endettée quand elle a disparu... Toujours est-il que visiblement, cettte histoire n'était pas censée te concerner. Est-ce que ta mère n'aurait pas payé sa dette alors en échange ces personnes t'ont prise toi ?

Nous n'avons pas le temps de nous poser plus de questions. Deux inconnus débarquent dans la salle et nous font nous lever. On nous emmène jusque devant une porte, au deuxième étage. L'un des inconnus frappe à la porte.

- Entrez. intime une voix d'homme de l'autre côté.

    C'est ce que nous faisons. Devant nous se tient un bureau avec une chaise. Sur la chaise, un homme, la cinquantaine, un peu d'embonpoint, il porte un costar et fume un cigar. Le profil type du chef de gang. Quand on arrive, il arrête de fumer et se penche au dessus de la table pour nous examiner. Il se lève et vient devant nous. Il observe Erica sous toutes ses coutures avant de passer à Yann. Il semble satisfait. Il ébauche un sourire et d'un geste, fait venir un des gardes. Toujours sans parler, il lui ordonne de sortir avec mes amis. Bientôt, il ne reste plus dans la salle qu'Illiam, lui et moi. Il se rapproche de moi, un peu trop. Il tente de me toucher mais je me recule tout en saisissant son poignet. Il sourit de nouveau et retourne à son bureau. Ce silence. Il devient opressant. Je ne tiens plus.

- Pourquoi on est là ? je demande.

- Ah ! Une question ! Déjà, je suis ravi de vous rencontrer les enfants, on m'a tant parlé de vous ! Vous êtes plutôt doués dans votre art apparament.

J'adresse un regard lourd d'incompréhension à Illiam qui me le rend. Qu'est-ce ce changement d'attitude ? Peu importe, l'homme continue :

- Nous sommes un gang spécilisé dans le trafic d'enfants.

A ce moment, je sens que les choses vont très mal tourner.

- Ta mère travaillait avec nous, chargée de repérer et capturer les enfants. Avec son visage d'ange, elle était très convaincante. Mais voilà. Un jour, elle t'a eue. Et elle connaissait la règle.

- Quelle règle ?

- Dans notre gang, si un membre a un gosse, le gosse doit, lui-aussi, nous servir. Mais bon. C'est pas la vie que ta mère voulait pour toi. Alors elle a décidé de quitter le gang. Mais on ne peut pas partir si facilement. Il faut payer la rançon. Surtout que ta mère était un gros atout, son départ allait nous faire perdre beaucoup d'argent. Alors elle nous a promis de nous payer. Mais les années sont passées. Elle a disparu et nous, on a jamais reçu l'argent. Donc comme on a pas l'argent, on est venus prendre ce qui nous revient de droit : Toi. Pour le petit Smith (il se tourne vers Illiam), disons que j'ai une rancune envers son père... Voilà ! Vous allez travailler avec nous maintenant !

- Qu'allez-vous faire de Yann et Erica ?

- Les deux autres gosses ? A ton avis ? Réfléchis petite... Nous trafiquons des enfants... Ils ont l'air robustes, je suis sûr qu'ils se vendront bien.

- LA FERME !! je hurle en me jettant sur lui.

Prise d'une rage soudaine, je le saisis au collet.

- Je vous interdit de leur faire quoi que ce soit !

Il sourit.

- Et qu'est-ce que tu vas faire ? Profite tant qu'ils sont encore ici...

Il fait un signe de la tête et un des gardes me saisis et m'écarte de force.

- Vous pouvez y aller. dit le chef.

On nous emmène Illiam et moi. On nous fait entrer dans un appartement où nous attendent Erica et Yann. Je suis désespérée. Mais dès que je croise le regard de mon amie, je vois dans ses yeux une lueur déterminée. Elle a un plan.