Chapitre 20 : Ysalis - Promesse

Ysalis finit par sortir de la pièce pour déboucher directement dehors, sur une place de terre entourée d’arbres, clairière au milieu d’une forêt aux arbres hauts. Des cris d’oiseaux retentissaient. Un air tiède passait paresseusement. Ysalis se figea, abasourdie par le spectacle se jouant devant elle.

Des dizaines d’ailes dorées volaient dans le ciel. D’autres se promenaient sur le sol. Sous le vent, des jeunes s’amusaient à se pourchasser, à frôler la cime des arbres avant de redescendre en piqué.

Au sol, les adultes réalisaient les tâches du quotidien, amenant le bois, la nourriture, les peaux de bête, les bambous, les pots d’argile. Les plus vieux, assis sur des souches, discutaient, un verre à la main.

Des dorées, partout, libres, leurs ailes brillant au soleil. Ysalis n’en revenait pas. Mais où était-elle ?

- Bonjour, dit une jolie jeune femme blonde portant une tenue moulante. L’aile noire nous a prévenus que tu étais l’une de nous mais qu’on t’avait coupé les ailes. As-tu besoin de soin ?

- Par Elydriel ! Ton dos est dans un état lamentable ! s’exclama un homme derrière elle.

- J’ai été blessée par des épines de porphyre, indiqua Ysalis, la douleur rendant la station debout difficile.

Il la prit par le bras et la fit avancer. Ysalis, l’esprit confus, suivit sans opposer de résistance. On la fit se coucher sur le ventre sur un filet tendu entre deux arbres. Un onguent à l’odeur douceâtre fut étalé sur ses blessures. Ysalis se sentit immédiatement mieux. On lui fit respirer un somnifère. Elle sombra.

Le réveil ne lui offrit pas des pensées plus claires. Elle se redressa sur les coudes, faisant basculer le filet. Elle tomba au sol dans un bruit sourd. Deux ailes dorées s’élancèrent pour l’aider à se relever. Sa tête lui tournait. On l’aida à s’asseoir.

- Elle doit avoir faim, dit quelqu’un.

De quand datait son dernier repas ? Elle n’en avait aucune idée et s’en fichait. Elle voulait des réponses. Les questions qui se bousculaient dans sa tête ne parvenaient pas à trouver le chemin vers ses lèvres. Elle revit ses petits, massacrés par les ailes noires, le rejet de Mathias, Othander la torturant sans pitié, Bramamm tranchant le doigt de son aîné.

L’air lui manqua. Tout son corps se mit à trembler. Son cœur fit un bond. Son dos ne lui faisait plus mal mais elle haleta, incapable de trouver l’oxygène nécessaire à sa vie.

- Elle fait une crise d’angoisse, dit une voix.

Ysalis sentit une odeur forte passer sous son nez et elle rejoignit de nouveau le monde des rêves.

Elle s’éveilla couchée sur une couche de paille et d’herbe. Ils avaient appris de la mauvaise expérience précédente et avaient choisi de la mettre au sol afin de lui éviter une chute dès le réveil. Si les ailés adoraient dormir dans des filets suspendus leur permettant de laisser leurs ailes tomber de part et d’autre, les non volants, eux, préféraient un lit bas et robuste.

Elle se tenta de se redresser mais un vertige la saisit.

- Attends, je vais t’aider, proposa quelqu’un.

Elle fut soutenue et mise assise avec tact et empathie.

- Ouvre la bouche. Tu as besoin de boire et de manger.

Ysalis obtempéra. Elle n’était pas en état de refuser ou de faire la fine bouche. La soupe chaude l’enveloppa de douceur. Elle reconnut des pommes de terre et des carottes, du bœuf et des navets. C’était simple et rustique mais délicieux à son ventre affamé. Son esprit revint et la peine la percuta de plein fouet.

- Où suis-je ?

- Au Sanctuaire, répondit l’homme ailé devant elle.

Elle avala la cuillerée qu’il lui tendait. Elle aurait pu manger elle-même, toute douleur ayant quitté son dos. Elle ne comprenait pas. Le porphyre était censé être une saloperie et Othander avait mis le paquet. L’onguent qu’on avait mis sur ses blessures méritait le détour.

L’homme continua à la nourrir et Ysalis avala. Elle mangeait uniquement parce qu’il approchait la cuillère. Si cela n’avait tenu qu’à elle, elle serait restée là, sans bouger, recroquevillée, à pleurer. Plus rien n’avait de sens.

- Nous ignorions que des ailes noires connaissait l’existence de notre refuge, poursuivit le doré. Nous avons eu très peur en le voyant arriver. Il aurait pu nous massacrer à lui tout seul. Nous ne connaissons rien à l’art du combat. Notre discrétion est notre meilleure couverture. Nous ne comprenons pas qui tu es et d’où tu viens. Qui a osé coupé tes ailes et pourquoi ? C’est un crime atroce !

- Tu savais que cet endroit existait ? accusa Ysalis.

Je te jure que je l’ignorais. Je suis aussi abasourdie que toi. Farid a dû en découvrir l’existence.

- Pardon ? Je n’ai pas compris. Est-ce que je savais si quoi existait ? demanda le doré.

- Ce n’est pas à toi que je parlais mais à Bramamm, dit-elle en désignant son crâne.

- Bramamm ? répéta le doré en blêmissant. Tu es la descendante de Bramamm ! C’est la descendante de Bramamm ! hurla-t-il à pleins poumons.

De nombreux habitants du Sanctuaire s’approchèrent. Le murmure de l’identité de la dernière venue se répandit et une foule entoura rapidement Ysalis. Elle s’en trouva fort lasse. Mais pourquoi tout le monde la prenait-elle pour cette salope égoïste ?

- Tu peux réveiller Fyier alors ! s’exclama un doré.

- Oui, dit Ysalis, consciente que si ces gens l’égorgeaient pour éviter que cette connaissance ne persiste, elle ne pourrait pas les en empêcher.

Elle espéra qu’ils suivaient toujours le précepte d’Elydriel qui interdisait le meurtre.

- Elle peut réveiller Fyier ! s’écria le doré et la foule poussa de nombreuses exclamations.

Ysalis fronça les sourcils. Elle devait être bien fatiguée pour percevoir ces cris comme joyeux. Pourquoi seraient-ils heureux qu’elle puisse réveiller le créateur de leurs ennemis ?

- Nous aimerions tellement que tu le fasses ! indiqua le doré.

Ysalis dut s’admettre totalement paumée.

- Pourquoi ? demanda-t-elle, se demandant une fois de plus où elle se trouvait.

Mais quel était cet endroit ? D’où sortaient ces dorés ? Pourquoi semblaient-ils espérer qu’elle réveille leur ennemi ?

Ce sont des malades !

- Viens, je vais t’expliquer ! dit le doré d’un ton plein d’admiration.

Lui tendant son bras, il l’aida à se tenir debout. Le vertige disparut rapidement. Marcher fit beaucoup de bien à Ysalis. Il faisait chaud sans que cela ne soit assommant.

- Où suis-je ? répéta Ysalis à son accompagnateur, tandis qu’une trentaine de dorées les encadraient, à pied ou volant.

- Au Sanctuaire, insista le doré.

Ysalis lui envoya un regard las. Il grimaça puis expliqua :

- Nous nous trouvons au cœur de l’académie des arts des bleus. Elles nous cachent et nous protègent depuis des siècles. En échange de ce droit de vivre et de leur protection, nous devons leur fournir un bébé bleu par an.

Ysalis sentit son ventre se tordre. Les salopards ! Ces dorés n’avaient pas à se couper les ailes, certes, mais chaque année, l’une d’elle devait s’unir à un bleu et lui donner son bébé. Ysalis en eut la nausée.

- Nous apprécierions beaucoup que tu acceptes de nous donner quelques enfants. Nous manquons de sang neuf.

Ysalis se sentit épuisée. Elle en avait assez de cette demande insistante et répétée.

Ça tombe bien, c’est ce que je veux aussi. Tu vois, tu n’auras pas besoin de les convaincre. Retrouver ton fils sera facile finalement.

- Va te faire foutre ! gronda Ysalis.

Le doré s’écarta d’un bond, comme si elle l’avait giflé.

- Ce n’est pas à toi que je parle, s’énerva Ysalis.

Il se rapprocha, méfiant. La suite de la marche se fit dans un silence pesant. Qu’Ysalis agisse bizarrement était une évidence. Les dorés ne savaient trop comment se comporter près d’elle.

Ils passèrent sous des arbres pour déboucher dans une clairière. Les rochers formaient un motif précis. Les arbres poussaient à des endroits pré-déterminés. Chaque fleur participait à l’ensemble.

- Pourquoi cherchez-vous à contacter Elydriel ? demanda Ysalis qui reconnut le schéma, l’ayant utilisé elle-même une fois la mission sacrée effectuée.

- Nous avons besoin de son aide. Nous espérons qu’il vienne nous secourir.

Il s’en contre-fout de nous.

- Le schéma est complet. Cela devrait fonctionner, indiqua Ysalis en ignorant Bramamm.

- Il ne répond pas à nos appels.

- Quel rapport avec Fyier ?

- Quelle est la seule raison qui pourrait le faire revenir ? susurra le doré.

« Que Fyier se réveille » comprit Ysalis.

- Vous voulez vraiment réveiller ce criminel ? souffla Ysalis d’une voix ahurie mais pas agressive.

- Elydriel viendra et notre vie changera. Nous cesserons enfin d’être des choses aux yeux des colorés et des proies pour les noirs. Nous pourrons vivre libre. Elydriel y veillera.

Elydriel n’en a rien à foutre de nous. S’il vient, ça sera pour rendormir Fyier après quoi il se barrera sans rien résoudre du tout.

Ysalis repensa à la promesse du créateur des noirs.

Tu n’y penses pas sérieusement ! Tu crois vraiment qu’il va te rendre tes ailes ? Pauvre créature pathétique !

En réveillant Fyier, Ysalis sauverait son fils, retrouverait ses ailes, ferait taire Bramamm et offrirait à son peuple l’aide tant espérée. Elle avait tout à y gagner. C’était la meilleure chose à faire. Cet acte remplissait tous ses objectifs.

Ysalis, non !

- J’ai besoin de plantes, annonça Ysalis.

- Donne-nous la liste. Nous te fournirons tout ce dont tu auras besoin, assura le doré.

Durant deux jours, Ysalis reprit des forces. Elle passa le plus clair de son temps seule, assise sur un rocher, face à la forêt, à pleurer. Quelques dorés tentèrent de l’approcher. Ils cessèrent rapidement. Ysalis n’était pas du tout d’humeur sociale.

Enfin, tous les ingrédients furent réunis. Ysalis réalisa l’antidote sous les insultes incessantes de Bramamm. Elle l’ignora du mieux qu’elle put. Enfin, l’antidote fut prêt. Elle réalisa également une teinture permettant à une dorée de colorer ses ailes, les rendant noires. La préparation, maintes fois améliorée, résistait à l’eau.

Le vol se passa bien. Nulle aile noire ne vint les intercepter. Son transporteur disparu à l’horizon, Ysalis s’enfonça dans les marais, puisant dans sa mémoire pour s’y retrouver. Enfin, elle retrouva l’immense édifice central.

- Fyier ? Je ne sais pas où vous êtes.

#Je vais te guider.#

Ysalis ne sut l’expliquer mais elle savait où elle devait se rendre, quel chemin emprunter, quelle porte ignorer, quel ponton délaisser, quel tronçon suivre. Enfin, elle se retrouva devant une immense masse sombre à moitié dans l’eau.

Elle s’en approcha, tremblante et posa sa main sur la proéminence. C’était tiède et cela se soulevait lentement avant de redescendre. Fyier, puissant dragon noir, dormait en ce lieu, condamné par le juge Elydriel, un immense dragon doré, à trois cent mille ans d’hibernation pour avoir commandité les meurtres d’Ymel le bleu, d’Ousouk le jaune et de Ham’y’yel le rouge.

Ces trois compagnons, des voleurs, avaient été condamnés à l’hibernation pendant trente mille ans sur ce monde, alors dépourvu de toute vie intelligente. L’humanité apparut et l’un de ses membres trouva Ousouk et l’éveilla en lui fournissant de la nourriture – eux-mêmes en l’occurrence.

Ousouk réveilla ses amis et ensemble, ils festoyèrent, se croyant hors de danger. Un policier réalisant une simple patrouille de routine tomba sur eux. Il prévint sa hiérarchie mais celle-ci, d’une lenteur ahurissante, ne répondit pas et le policier vit les trois malfrats terroriser les habitants, les réduisant à de la simple nourriture, les mettant en esclavage pour satisfaire à leurs petits besoins personnels.

Le policier décida d’agir sans l’accord de ses supérieurs. Il s’attaqua aux dragons délinquants. Ces derniers se cachaient derrière les humains mais d’un simple vol, Fyier contourna les boucliers vivants et s’empara d’Ousouk, l’enfermant de nouveau sous terre pour une hibernation forcée.

Les deux autres dragons réagirent. Usant de leur magie, ils donnèrent des ailes aux humains qui les entouraient, bleues pour les uns, rouges pour les autres. Quand Fyier revint chercher les deux autres criminels, il ne parvint pas à les atteindre derrière la bulle de protection vivante.

Peu désireux de prendre une vie, qu’elle fut humaine ou non, Fyier s’éloigna. Ousouk fut libéré par ses amis et les ailés devinrent les serviteurs des trois dragons. Les humains non volants devinrent les travailleurs et travailleuses, réalisant les tâches les plus dures. Les dragons n’interdirent pas les hybridations mais n’acceptèrent d’interagir qu’avec des ailés de leur couleur.

Fyier, qui observait cela de loin, piaffant d’impatience de recevoir la réponse de sa hiérarchie qui ne venait pas, ne tint plus. Devant tant d’injustice, il libéra le plus de travailleurs et travailleuses possibles et leur donna à eux aussi des ailes. Il leur enseigna l’art du combat et leur donna pour mission de tuer les dragons sans jamais ne serait-ce que blesser un innocent.

Fyier s’éloigna ensuite, retournant à ses patrouilles, espérant que son rapport tomberait dans l’oubli et que personne ne viendrait jamais faire un tour près de cette lointaine planète.

Le juge Elydriel, qui avait enfin eu le temps de s’occuper de ce dossier probablement tombé sous un meuble, arriva pour trouver un monde rempli d’ailés mais sans dragon. Il chercha Fyier pour lui demander des comptes. Elydriel fut horrifié d’entendre que le policier avait osé faire justice lui-même de la pire façon : en condamnant ces petites frappes à mort ! Là où une simple peine d’hibernation avait été prononcée !

Elydriel condamna Fyier à cent mille ans d’hibernation par meurtre commandité. Pour échapper à sa peine, Fyier agit de la même manière que les trois criminels : il se cacha derrière ses ailés. Les noirs protégèrent leur créateur.

Elydriel retrouva des humains qui avaient fui et décida lui aussi de les modeler. Elydriel, cependant, était un dragon bien plus puissant que les trois criminels ou ce simple patrouilleur. Ainsi, non seulement ses créatures furent dotées d’ailes, mais elles furent également pourvues d’une mémoire génétique ainsi que d’une fécondité parfaite. Il leur ordonna de ne jamais tuer. Leur mission : trouver Fyier et le placer en hibernation forcée afin qu’il purge sa peine, le tout sans jamais nuire à quiconque. Il plaça dans l’esprit de ses petits la connaissance des plantes et des poisons, ainsi que le moyen de le contacter afin de le prévenir quand la mission serait remplie.

Bramamm réussit, bien des siècles plus tard, à remplir la mission. Elle prévint Elydriel qui prit note, classa le dossier et partit poursuivre son dur labeur de juge. Il ne la critiqua pas pour ses choix plus que discutables car pour atteindre l’objectif, Bramamm et ses ancêtres avaient dû infiltrer les noirs et donc vivre avec eux, côtoyant des meurtriers, se peignant les ailes afin d’en retirer toute trace de doré. Il s’en alla simplement, ravi de pouvoir enfin se débarrasser de ce dossier encombrant.

Et voilà que des siècles plus tard, la descendante de Bramamm se trouvait de nouveau près de Fyier, prête à le sortir de cette hibernation forcée, sentence méritée pour trois meurtres commandités.

Ysalis colla son torse contre les flans du dragon, ressentant les battements de son énorme cœur dans ses os. Elle hésitait. Fallait-il vraiment réveiller l’ancien patrouilleur ?

Évidemment que non ! Tu crois vraiment qu’il te rendra tes ailes ? C’est un meurtrier. Il ment !

- C’est aussi un ancien policier, rappela Ysalis. Il n’a pas supporté l’injustice. Il a agi pour nous protéger, nous, les ailés ainsi que les humains, de trois criminels qui nous martyrisaient.

Ce faisant, il a commis trois meurtres. Il est devenu ce qu’il abhorrait. On ne peut pas faire confiance à ce genre de ripou.

- Je suis censée te faire confiance à toi, qui découpe mon enfant morceau par morceau ?

Un immense silence suivit. Ysalis se sentait éreintée, une fatigue profonde qu’elle estima insurmontable. Elle s’agenouilla dans la boue des marécages dans laquelle elle s’enfonça de deux doigts. Elle observa Fyier, très silencieux. Elle posa son front contre son aile repliée et pleura.

Elydriel reviendrait-il vraiment si Fyier s’éveillait ?

Sans aucun doute. En revanche, il ne nous aidera pas. Il n’en a rien à faire de nous.

Ysalis sanglota. Elle aurait tant aimé ne plus avoir à subir les intrusions systématiques de Bramamm. Elle rêvait de pouvoir être seule dans sa tête, d’avoir enfin la paix. Fyier lui avait promis de faire taire l’importune. Décidée, Ysalis se leva et sortit l’antidote. Elle souleva délicatement l’aile du dragon, dévoilant sa tête embrumée sous les vapeurs de son souffle chaud. Ysalis déboucha le flacon et le passa sous les naseaux de l’immense créature.

Fyier s’ébroua. Ysalis recula. Son talon cogna contre une branche à demi-immergée et elle tomba à plat dos dans la boue heureusement peu profonde. Elle se redressa, restant assise face au spectacle.

La tête de Fyier émergea, aussi grosse qu’un lion et les yeux ébène se posèrent sur Ysalis. Il ouvrit la bouche, inspira puis souffla sur la femme à ses pieds. Ysalis se sut morte, brûlée vive sous le feu du dragon.

La douleur la surprit. Elle aurait cru que mourir ainsi ferait moins mal et surtout, que la mort viendrait plus vite. Sous le regard profond du dragon, elle se rendit compte être toujours vivante. Pas la moindre trace de brûlure. Pourquoi une telle douleur l’avait-elle traversée en ce cas ?

Ysalis se rendit soudain compte du poids sur ses épaules. Elle se tourna pour découvrir une aile dorée à droite et une autre à gauche. Elle tenta de les bouger. Le résultat fut pitoyable : Ysalis n’avait jamais appris à voler. Un sacré entraînement serait nécessaire mais ses ailes étaient bien de retour !

Elle se leva. Ses épaules hurlèrent leur mécontentement. Vu l’envergure, Ysalis aurait besoin de se muscler avant de pouvoir se servir de ces géantes protubérances. Elle tenta de les replier, en vain. Elle ne se souvenait plus comment faire. Les ailes bougèrent mais pas du tout comme Ysalis l’aurait voulu.

Super, des ailes dont tu ne sais pas te servir ! Quel cadeau inestimable !

L’aile dorée leva les yeux vers le dragon noir, espérant de lui qu’il réalise sa deuxième promesse. Être enfin libérée de Bramamm ! Un rêve !

Fyier se redressa et Ysalis se pétrifia. Le dragon était bien plus gros que le petit monticule dans les marécages ne semblait l’annoncer. Aucun bâtiment des marais n’était aussi haut que lui. Il remplirait bien l’immense place centrale de moitié. Sa queue hérissée de pointe fit frémir Ysalis. Lorsqu’il déploya ses ailes pour s’étirer, leur envergure lui fit froid dans le dos.

Ysalis longea la crête arrondie de son dos, parcourut ses flans du regard, remonta le large cou puissant pour arriver à la tête entourée de vapeur dues à la chaleur. Elle le trouva magnifique. Il s’éleva un peu, se détachant du sol, tourna la tête vers lui et souffla. Le feu enveloppa son corps puis Fyier s’ébroua. Toute la boue séchée tomba en une pluie rouge sombre. En un instant, il brilla. Ysalis le regarda, incrédule devant tant de beauté.

Le dragon tendit sa patte avant droite vers elle et l’attrapa en dessous des ailes, la maintenant fermement mais sans douleur, les pointes de ses griffes effleurant son torse sans la blesser. Ysalis dut admettre ne pas comprendre. Une profonde terreur s’empara d’elle. S’il lui prenait l’envie de serrer, elle serait broyée.

Le dragon prit son envol. Ysalis, petite poupée transportée, en hurla d’angoisse. Fyier atterrit rapidement sur la place centrale de la ville des noirs. Des trompes sonnèrent un peu partout. Fyier cracha du feu vers le ciel. La place et ses alentours furent rapidement noirs de monde.

- Mes petits ! s’exclama Fyier d’une voix portant loin qui ne sortait clairement pas de sa bouche.

Il avait déposé Ysalis sans la lâcher pour autant. Elle se tenait debout, la main du dragon toujours autour de ses hanches. Ysalis parcourut la foule du regard et enfin, elle tomba sur Othander. Elle capta son regard. Il n’en avait que pour ses ailes dorées. Il les regardait, figé. Il semblait ne pas respirer tant la stupeur le saisissait.

Le dragon baissa la tête et toutes les ailes noires s’agenouillèrent. Ysalis n’avait pas trouvé Farid dans la foule. Elle dut attendre que la foule se relève pour poursuivre ses recherches.

Tu ne me crois tout de même pas assez bête pour rester ici ?

- Faites la taire, s’il vous plaît !

#Cela va bientôt se produire. Dans un instant, Bramamm ne parlera plus jamais.#

Quelque chose dans le ton et la façon de le dire mirent Ysalis mal à l’aise.

- Voici Bramamm, dit Fyier en poussant Ysalis au milieu des ailes noires. Faites lui payer ce qu’elle m’a fait !

Ysalis blêmit en se tournant vers le dragon noir. Elle ouvrit de grands yeux incrédules.

Est-ce que je peux le dire ? Je t’avais prévenue.

- Vous m’aviez promis de la faire taire, accusa Ysalis en voyant les ailes noires s’approcher d’elle.

#Elle va cesser de parler, en effet.#

- Je vous ai réveillé ! Pourquoi faites-vous cela ?

#Bramamm est une nuisance.#

- Je ne suis pas Bramamm ! hurla Ysalis.

Les ailes noires se figèrent devant cette voix pleine de rage. Le dragon plongea son regard dans le sien et Ysalis le soutint sans ciller. S’il croyait l’impressionner, ça ne fonctionnait pas.

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blairelle
Posté le 24/09/2023
C'est chouette d'en apprendre plus sur les dragons et l'apparition des ailés. Est-ce que les ailes pures et impures (on est vraiment obligé de dire pur et impur ? on ne peut pas plutôt dire primaire et secondaire ?) sont au courant que leurs dieux sont des salauds ?
Nathalie
Posté le 24/09/2023
Disons que la religion est quelque chose de compliqué chez les ailés. Les dragons ont fait d'eux les maîtres de ce monde en leur donnant des ailes. Ils les vénèrent pour cette raison. Les informations sur eux, possédés par les seuls prêtres et prêtresses jaunes, sont surement filtrées.

Les termes "pur" et "impur" sont volontairement discriminants et insultants, afin de refléter le mode de pensées dans cette société.
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