Chapitre 21 - 26 mars 2025

@hanjihun_original - Ji

26/03/25 - 10:54

Après m'avoir fortement conseillé de le faire, j'ouvre mon compte Tiktok : @hanjihun. Mukbang en live samedi soir dès 18h30. Je cuisinerai 🥖 français 🥐 !

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Quand je pense qu'il y a une semaine seulement, je consolais via Discord une jeune femme dont je n'osais pas avouer mes sentiments.

Là, je la vois rouspéter contre elle-même des putain quand elle se démêle les longs cheveux auburn. Elle ignore la télévision et, jambes croisées, dans son pyjama t-shirt quatre tailles au-dessus de la sienne, se pomponne. Je ne peux pas m'empêcher de l'observer du coin de l'œil, caressant Tenshi. 

Mes pupilles se dirigent vers la peau dénudée de la jeune femme. Elle a des taches de rousseur jusqu'en haut des cuisses. Vraiment, elle en a partout sur le corps. Bien entendu, ses bras, visages et épaules sont les plus touchés. Je me demande si elle en a sur le ventre... en bas du dos...

Un peu de patience, Ji-Hun. Tu verras ces zones-ci au moment opportun.

"J'ai une peau de rousse," m'a-t-elle dit quand elle commençait déjà à se ranger de la crème solaire dans son sac alors que nous ne sommes qu'en mars. 

"Prépare-toi à m'appliquer de la crème souvent, à l'avenir." A-t-elle conclu avec un clin d'œil.

C'est étrange. Je la connais depuis peu de temps, finalement. Pourtant c'est venu si naturellement que nous soyons ensemble, dans le même appartement. Elle passe à sa propre chambre d'étudiante après ses cours, récupérer et échanger des affaires, mais revient me voir systématiquement. La vie domestique était simple, ces petits jours. Nous nous croisons brièvement le matin, où elle prépare nos petits déjeuners.

Elle fut surprise le premier matin, lundi, que je commande mes courses en ligne uniquement. Que j'aille rarement dans un supermarché ou une simple supérette de quartier.

"Je ne veux pas qu'on devine où je fais mes courses et qu'on me suive ensuite." Lui ai-je alors expliqué.

Le soir-même, elle découvrit ma petite salle de sport. J'ai très peu de machines, n'ayant que peu de moyens juste à la sortie de l'armée, mais le nécessaire pour me tenir en forme. Elle décida qu'elle ferait des entrainements avec moi.

"On me pesait toutes les semaines lorsque j'étais trainee et même en idol... J'ai gardé l'habitude de faire du sport... C'est pas si mal comme habitude."

Je lui ai expliqué ma petite routine brièvement, puis, je me suis arrêté devant la fenêtre, regardant à travers.

"Dans ma prochaine maison, j'aimerais bien une vraie salle de danse. Avec des miroirs."

Elle a approuvé l'idée.

Le mardi matin, elle trouva mes vieilles boites de lentilles et lotions de nettoyage. Périmées. 

"Tu as besoin de correction ophtalmique ?

- Je suis légèrement astigmate. 

- Attends, c'est lequel ça ? Tu vois pas bien de près ?

- Non, de près ça va." Ai-je répondu simplement. J'ai enchainé : "Je vois aussi pas trop mal de loin. C'est plutôt un flou... partout. La lune est dédoublée notamment.

- Ooooh ok je vois. Mais, ça te dérange pas au quotidien ? Pourquoi tu ne portes plus tes lentilles ?"

J'ai réfléchi un instant, regardant mes anciennes lentilles. C'est vrai que je ne les ai quasiment pas mises depuis mon retour de l'armée... 

"Avec 7Princes on m'avait imposé de ne mettre que des lentilles et pas de lunettes. À l'armée, c'était l'inverse, car sur le terrain on ne peut pas trop s'en occuper. On m'avait filé des lunettes super moches, mais qui tenaient bien. Comme je les aimais pas et que je déteste porter des lentilles, j'ai arrêté de les mettre en revenant à la vie civile. 

- Donc tu es resté... plus d'un an sans rien sur le nez ? Ce n'est pas bien pour tes yeux, ça !" M'a-t-elle dit, grondant.

- Je suis pas assez astigmate au point de ne plus pouvoir conduire, je m'en sors.

- Mais, même ! Ohlala, on va retourner à l'hôpital et on va te trouver de belles lunettes."

Au moins, elle a bien compris qu'en Corée, au moindre souci, on va à l'hôpital. Ce qu'elle n'a pas encore intégré, c'est que je déteste y aller. Heureusement pour moi, elle ne m'en a pas reparlé entre-temps.

Mardi soir, je suis rentré tard, elle dormait déjà lorsque je suis arrivé. Elle m'avait laissé une belle portion sur la table du salon (bols recouverts, pour éviter des fouineurs à truffe). Je me suis occupé du ménage restant, surtout la vaisselle qu'elle déteste faire, afin qu'elle n'ait rien à faire le lendemain matin.

Mercredi matin, j'ai la matinée de libre pour moi. À ma grande surprise, je ne sens pas Flora se lever en première : c'est moi qui me sors du lit. Routine et promenade du chien oblige. Je suppose qu'elle va partir en cours ensuite. 

Baiser sur la tempe, je ne l'embête pas plus que ça et la laisse se reposer. Dans la nuit, elle a encore fait une crise d'angoisse. Nous sommes restés éveillés quelques dizaines de minutes. Elle a mis de la musique via son portable, pour ne plus entendre les voitures. Le son ne me dérange pas : je la laisse gérer comme elle le souhaite, tant que je peux dormir également. 

À mon retour de la promenade avec Tenshi, je m'aperçois qu'elle est toujours là. En t-shirt culotte, cuisinant quelque chose. Tenshi fonce à sa rencontre, lui fait la fête.

"Tu n'as pas cours ?" M'enquis-je.

- Oh, non. Un mercredi sur deux je n'ai rien. Eh beh dis donc mon Tenshi~"

Elle ne lâche pas sa préparation et rit en caressant le chien avec le pied. Ça semble beaucoup l'amuser : il essaye de lui attaquer les orteils. Je siffle : tch tch, on ne commence pas à s'attaquer à n'importe quel membre qui dépasse. 

"Va falloir que tu t'habilles, quelqu'un vient ce matin.

- Ah ? Un autre livreur ?

- Non, ma coiffeuse."

Elle cligne des yeux puis sursaute alors que l'on sonne à ma porte. Flora blêmit et se regarde, son long t-shirt qui lui arrive aux mi-cuisse, sans rien en dessous. Avec ses mains salies par sa cuisine, elle peut difficilement se changer en vitesse. 

Mon regard saure d'un objet à l'autre dans la maison. Une solution, une solution... Ah ! J'enlève ma ceinture et lui installe autour de la taille, redresse légèrement le tissu vers sa taille et lui ramène sa tresse bien en arrière. Quelques mèches bien mises de côté, je lui souris : "Voilà, ton pyjama est devenu une robe. Te penche pas trop en avant."

Elle a rougi un peu, mais semble apprécier l'idée. Elle se regarde par-delà le reflet de la large fenêtre du salon puis chuchote, mécontente :

"J'ai pas de soutien-gorge !

- T'as pas de poitrine Flora, ça se verra pas."

Elle me fout un coup de pied dans la cuisse mais rigole, s'apprêtant à dire quelque chose.

Ça sonne de nouveau. Vite, elle se recache en cuisine.

Tenshi s'agace et va vers la porte. Il n'aboie pourtant pas. Je félicite son comportement avec une friandise, lui dit de s'asseoir. Il s'exécute.

J'ouvre en grand la porte, pour accueillir Heejae. Fidèle à elle-même, ses cheveux noirs mi-longs qui cachent des teintes arc-en-ciel contre sa nuque, elle s'est habillée en camaïeu de gris. Des accessoires variés, sauf à ses poignets pour qu'elle puisse coiffer sans être dérangée, ornent chaque espace disponible. À ses oreilles, à son cou, à sa ceinture, à ses lacets. 

Petite courbette de nos deux côtés, salutations polies, je la laisse entrer et installer ses affaires comme à l'habitude. Je la préviens :

"J'ai une invitée, ne sois pas surprise si je suis pas seul... 

- Oh."

Heejae tourne le nez en direction des bruits de fritures. Elle aperçoit Flora et sourit, me regardant à nouveau : "Une conquête ? Dis donc tu n'as pas chômé avec Hiewon.

- Heejae..." Bégayè-je. "C'est... C'est une amie de Dayoung. À la base..."

J'ai fait mon deuil de la relation avec Hiewon facilement, finalement... Grâce à qui, hein ?

Flora se rince les mains et s'approche de la jeune coiffeuse, la détaillant du regard. Je me demande ce qu'elle se dit. En voyant le même air observateur de Heejae, j'aimerais bien savoir ce qu'elles deux se disent intérieurement. Le regard de Heejae saute sur la longue tresse de Flora. Est-ce que son œil expert analyse-t-il quelque chose qui me dépasse ?

"Bonjour," salut simplement Flora, presque hésitante.

La coiffeuse rend la courbette et sourit un peu en sortant ses affaires de sa mallette professionnelle. Elle me demande, plus bas : "Eh beh, tu les choisis toujours grandes tes copines...

- Tu n'étais pas si grande que ça, à l'époque." Observè-je.

- Tu déconnes, je faisais déjà 1m75 ! On faisait la même taille."

Elle lève les yeux au ciel et prépare ma chaise, que je m'assieds en face d'elle. Protection sur les épaules, elle ausculte mon crâne lorsque je me mets devant elle. Nous connaissons la routine par cœur, je n'ai pas besoin de lui donner d'indication. Je veux simplement que les cheveux qui commencent à recouvrir ma nuque et tomber sur mon front se disciplinent. Pour le clip avec Ke Liang, je voudrais être parfait...

Heejae commence à chantonner calmement et je la rejoins en chanson. Je ne résiste jamais à chanter avec quelqu'un. Elle le sait.

Flora se rapproche de moi, bol en main. Étrangement, elle me demande en anglais : "Tu manges après ou en te faisant coiffer ?"

Interloqué, je la fixe un long moment. Pourquoi ne parle-t-elle coréen comme d'habitude ? Heejae derrière nous est dans l'attente, je... Oh. Elle ne comprend pas l'anglais ?

Je fixe Flora. Elle veut continuer d'écouter notre discussion ? Je souris un peu. La chipie. 

"Ça va pas mettre longtemps, après que je sois coiffé." Réponds-je en anglais également. "Tu peux m'attendre ?

- Bien sûr. Je vais réviser en attendant."

Heejae frotte derrière mes oreilles et égalise la longueur des cheveux de la zone. Avec son miroir, elle vérifie en face que tout est bien symétrique. Le plus naturellement du monde, elle demande : "Vous avez pas des problèmes de communication ? J'ai rien capté à ce que vous disiez.

- Il ne fallait pas faire Chinois mais Anglais..."

Je me prends une petite claque dans la nuque. Je ris. 

"Non, non, on a pas de souci. Mais, s'il te plait, aucune remarque, ok ? On est ensemble depuis peu de temps.

- Et elle crèche déjà chez toi ? T'as vraiment pas chomé... C'est parce qu'elle est étrangère, c'est ça ?"

J'hausse des épaules. Je n'ai pas non plus envie de m'appesantir sur ma vie privée, bien que nous fussions très proches à un moment de nos vies. 

"Elle a de beaux cheveux, j'adorerais la coiffer. C'est naturel sa couleur ? J'ai jamais vu de rousse en vrai.

- Elle te dirait que ses cheveux sont auburn et non roux. Et oui, c'est naturel. Si elle en a besoin je pourrais te conseiller à elle !" Réponds-je en penchant la tête en arrière, pour lui sourire.

Heejae frotte un peu mon front pour faire tomber quelques cheveux fraichement coupés. Elle rend le sourire : "Si tu m'apportes une nouvelle cliente, ça me va."

Cinq doigts écartés, attrapant tout mon visage, elle m'incite à pencher de nouveau la tête, plus en avant cette fois. Je ferme les yeux et me focalise sur le simple son de la tondeuse. Après un petit moment, le vrombissement se stoppe mais le silence ne s'installe pas, Heejae troquant les chansonnettes contre des commérages. J'entends les dernières actualités des tournages d'émission dans lesquels elle a été embauchée, ainsi que le futur festival où elle sera missionnée...

"Oh, j'y vais avec Ke Liang, justement. On passe en troisième.

- Ah quel dommage que je coiffe les femmes ce soir-là !

- On se croisera surement tout de même.

- Pas sûr. T'es déjà allée à cette arène ?"

Je collecte les souvenirs quelques instants.

"Non, on a failli avec 7Princes mais ça a été annulé à cause de la météo exécrable. Tout était sous l'eau...

- Ah oui, je m'en souviens..." Répond-elle en grinçant des dents. "Ben sache que là bah c'est que des grandes loges séparées. Tu risques d'être dans ton coin avec ton collègue et pas croiser grand monde. C'est confortable pour certaines personnes... Mais, pour visiter des connaissances qui font pleurer dans des séries costumées, c'est compliqué."

Elle se décale un peu, passage de balai rapide. Je la suis du regard : "Toi aussi tu as regardé TLDS ? Je croyais que tu n'aimais pas les dramas historiques ou costumés.

- Oh, j'aime toujours pas. Elles sont ridicules vos perruques. C'est mon mec, il est fan de Nang Dong-Bok, il regarde toutes les séries où il est dedans. Et, comme on a qu'une télévision... Hm, c'est fini, au fait."

Pendant qu'elle ramène tous les cheveux en un seul petit tas, j'enlève les protections et viens me regarder dans le miroir. Je passe mes mains dans mes cheveux nouvellement mis à niveau. Ils piquent vers ma nuque, mais la sensation va vite disparaitre, à l'usure. C'est bien, c'est ce que je voulais. 

"Ben Ji-Hun, t'as pas ouvert ton courrier depuis la dernière fois ?"

Heejae tape avec son pied l'une des bassines de courrier des fans. Elle se penche en avant et récupère un petit tas d'enveloppes, qu'elle ausculte. 

Une vague d'effroi traverse mon échine et paralyse mes muscles. Je sens du brouillard venir appesantir l'arrière de mon crâne, une goutte de sueur glacée me bruler le front. 

"N'y touche pas !" Hurlé-je, frappant sur le bras de Heejae, qu'elle lâche tout.

Les enveloppes tombent au sol comme je suis moi-même tombé. Je redresse les bras, je tremble de tous mes membres. J'ai envie de hurler mais j'ai comme une boule qui cloque ma gorge, qui m'empêche de dire quoi que ce soit. Elle va mourir si elle y touche !

Je ne sais pas ce qu'il se passe autour de moi. Je m'assieds brusquement sur le canapé, lui tournant le dos. Je tombe dedans. Les images tournent en boucle dans mon esprit, les sensations traversent mes nerfs comme les ondes d'un tsunami. Ça ne s'arrête jamais, c'est insupportable. Merde, je refais une crise ; pourquoi j'ai ces crises ? Pourquoi j'y pense tout le temps ? Je veux que ça s'arrête...

Flora se penche vers moi et caresse l'arrière de mon crâne : "Ji-Hun, ça va ?" Chuchote-t-elle en coréen de nouveau. 

Bien qu'une partie de mon esprit reste dans les souvenirs noirs, une autre reprend assez de conscience pour lui répondre de manière cohérente : "Pardon, je sais pas ce qui m'a pris..."

Je lui souris. Je lui souris car c'est si simple de feindre un sourire. Il faut sourire avec les paupières pour que ça ait l'air authentique. Un jeu d'enfant.

La jeune femme opine et prend le relai avec Heejae. Je ne sais pas ce qu'elles se disent. Heejae connait la procédure. Qu'elles gèrent entre elles...

Mon corps se dirige vers le petit balcon et se laisse tomber par-dessus les rambardes. Le métal froid mord mes aisselles, je soupire et reprends mon souffle en respirant l'air qui s'adoucit de la capitale. 

Si je me laissais tomber par-delà la barrière, je n'aurai plus ces pensées envahissantes. Après tout, je ne manquerai à personne. Je suis remplaçable.

Oui, j'y ai déjà pensé.

Je crois que je commence à y croire.

Deux mains glissent le long de mon dos, de mes hanches jusqu'à ma nuque. Je frémis et me laisse porter par les caresses. Les mains continuent leur mouvement lent, appuyant là où il faut, détendant mes muscles et mon esprit. Puis, elles viennent caresser mon torse. Je sens la poitrine de Flora contre mon dos et son souffle dans mon oreille : 

"Ton ex est partie." Susurre-t-elle.

Je déglutis difficilement et me concentre sur les voitures qui passent et moins sur la sensation de ses caresses. Il faut toujours qu'elle soit aussi tactile lorsque j'ai le nez dehors et pas dans l'intimité de l'appartement...

"J'ai été exécrable avec elle. Je dois la recontacter.

- Reprends tes esprits d'abord... T'as... T'as encore fait tes..." Hésite-t-elle en glissant une main sous mon t-shirt, histoire de caresser mon ventre peau à peau.  "Crises ? Tu m'as déjà fait ça au supermarché. Tu fais aussi des crises d'angoisse ?

- J'en sais rien." Réponds-je sèchement.

Ses mouvements s'arrêtent un petit instant, pour reprendre après coup. J'ai encore parlé méchamment, merde.

Elle enchaine, comme si de rien n'était.

"Dis, Ji-Hun ? T'as eu combien de copines avant moi ? Pas que ça me dérange, juste, tu m'as posé tellement de questions, je veux savoir aussi~

- Trois, en te comptant également. Heejae, lorsque j'étais encore idol. Puis Hiewon en revenant de l'armée. Puis, toi. Ce sont elles qui ont rompu, à chaque fois." Grincè-je entre mes dents : "Je fais pas rêver, il parait.

- C'est Heejae qui a dit ça ?" s'enquit Flora.

- Non, Hiewon. 

- Ben c'est une idiote de dire des trucs pareils. Et Heejae quand tu étais idol ? Je pensais que vous deviez rester célibataire.

- J'avais 17 ans et aucune copine avant elle : t'en fais pas que j'ai bien caché la relation... La petite coiffeuse alternante qui nous suit en concert..." Soupirè-je en terminant ma phrase. "Personne le savait. Yu-Jun l'a appris après coup, quand j'ai déprimé à la rupture."

Elle opine. Je sens son menton rebondir sur mon épaule. 

"Tu es resté en bon contact avec Heejae, c'est bien. Contrairement à la mannequin.

- Tu sais qu'elle est mannequin...

- J'ai tout lu les dossiers sur toi, comme je t'avais prévenu." Rigole-t-elle en me berçant. "Et... Je vois aussi que tu es un peu... Je... Je ne sais pas quels mots utiliser en coréen."

Elle hésite un long moment, s'agace de ne pas trouver les bons mots.

"Essaye en anglais ?" Tentè-je simplement.

"Depuis ta lettre piégée, t'as pas l'air au top de ta forme. T'as encore peur ?" Demande-t-elle en anglais.

Je me fige totalement. Tout mon corps se raidit et je pense qu'elle peut le sentir, sous ses mains. Mes mains s'agrippent fort à la rambarde, ma mâchoire est crispée. Le vertige me déstabilise et je dois me reculer un peu pour ne pas céder à l'appel du vide. 

Ma tête tangue de droite, à gauche. J'ai les oreilles qui sifflent. La poudre éclate à mon esprit. J'ai peur. J'ai peur encore. 

Flora se met devant moi et encadre de ses mains son visage. Elle a l'air concernée : "Ji-Hun, je peux pas lire dans ton esprit. Si tu as encore peur, si tu cauchemardes là-dessus, il faut en parler ! Tu peux pas te traîner ça éternellement... 

- J'ai pas envie d'en parler, Flora. Ça va.

- N-non ça va pas. Je le vois bien que ça va pas. M-moi je sais d'où viennent mes crises d'angoisses ! J-je t'en parle ! Et je sais que ça ira mieux ! Mais t...

- Flora, c'est bon ! Puis qu'est-ce que ça peut te faire ?! On est... Y'a pas à s'inquiéter pour quelqu'un comme moi. Je suis pas à plaindre."

Des sourcils sont tellement froncés qu'ils ne forment presque qu'une ligne continue, coupée par des plis énervés. 

"Comment ça 'quelqu'un qui moi', Ji-Hun ?"

Je la repousse un peu, commençant à être passablement agacé. Je n'ai pas envie de me disputer avec elle, je préfère fuir.

"Ji-Hun !" Crie-t-elle.

Et elle me suit dans le salon, puis dans la chambre. Bien, j'ai accepté qu'elle crèche chez moi, je suppose que c'est les points négatifs à cette décision...

Je regarde le sol, lui tournant le dos. Tel une véritable sangsue, elle ne lâche pas sa proie et se glisse entre mes jambes, accroupie sur le sol. J'ai le droit à des yeux noisette inquisiteurs comme seule vue. L'écureuil est mécontent.

"Pourquoi t'es collante comme ça..."

Elle essaye de dire quelque chose. Se ravise. Récupère mes mains dans les siennes, qu'elle embrasse.

"Parce que je suis amoureuse de toi. Je veux te connaitre plus, te comprendre, c'est comme ça que ça marche dans un couple, non ? Et je... j'ai un peu peur, c'est tout."

J'hausse des épaules et regarde ailleurs. J'ai envie d'être seul. Elle est résolue à ne pas exaucer ce vœu.

"Ji-Hun t'es... J'ai commencé à avoir des sentiments avant de... savoir ? J'ai l'impression qu'on parle d'un mégasecret, mais finalement ça n'aurait jamais dû l'être... T'étais intriguant, tu t'inquiétais pour moi, tu as été gentil... À Séoul, tu étais si drôle et patient, t'es intelligent mon Ji-Hun et en plus maintenant je vois à quel point tu as du talent. Comment tu peux douter de tout ça ?"

J'ai l'impression qu'elle peine à trouver les mots. Elle fait même des fautes de grammaire qu'elle n'a jamais fait auparavant. Elle se stoppe un moment puis m'embrasse brièvement : "Et je te trouve magnifique.

- Je suis dans la norme de beauté actuelle. J'ai rien mérité de ça. Si je n'étais pas 'beau', rien de tout ce que j'ai actuellement existerait. J'ai eu de la chance.

- Ignore pas tout ce que je viens de dire !"

Mes mains crient de douleur lorsqu'elles sont écrasées par celles de Flora. Je grince des dents et regarde de l'autre côté.

Elle relâche son emprise et chuchote : "Ji-Hun, parle-moi vraiment... Qu'est-ce que tu as en tête ?..."

Un long moment de flottement.

J'ose enfin recroiser son regard.

"Si je n'étais pas là, Flora, n'importe qui m'aurait remplacé. Je travaille dur pour maintenir la chance que j'ai eue. C'est... C'est pas du... mérite."

Hochement de tête de sa part.

"Et quand je travaille dur on... On..." Continuè-je avec hésitation.

On m'envoie du courrier.

J'ouvre la lettre. Je tombe. J'ai peur. J'entends crier Dayoung. Les larmes montent et je porte mes mains à mon crâne, frémissant.

"J'veux juste que tout s'arrête. J'veux plus exister, je veux qu'on m'oublie. Je veux être tranquille."

Je me recroqueville sur moi-même. Je crois que je pleure, car j'étouffe. Je sens à peine les caresses sur mon dos de Flora, comme un rappel que mon corps est là, quelque part sur terre, à trembler de toutes ses membres. 

J'en ai tellement marre de souffrir en boucle. Je veux être seul.

J'voudrais que mon cœur s'arrête de battre une bonne fois pour toutes.

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EnzoDaumier
Posté le 31/10/2021
Chapitre intense, mais nécessaire pour que Ji-Hun aille mieux, petit à petit. J'aime bien la dynamique entre eux, le fait qu'ils puissent facilement se comprendre malgré les barrières culturelles et linguistiques.

à quand la suite ? :-)
AuroreGrosjean
Posté le 02/11/2021
La suite est postée ! Je n'ai pas réussi à me poser et lire les récits ailleurs, haha. Mais j'ai de la marge pour la suite~

Le chemin pour la reconstruction sera fort long pour notre Ji-Hun. Sois patient.
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