Chapitre 21

Par Ohana

Cast tomba lourdement sur le dos, soufflé par la puissante bourrasque qu’avait invoquée le mage. Ce dernier s’approcha vers lui pour s’assurer qu’il n’avait rien de cassé. Le jeune chevalier se redressa aussitôt, sautillant sur ses pieds pour lui montrer qu’il n’était pas blessé. Il pouvait sentir la chaleur du sceau contre sa poitrine.

Quelques heures après leur premier échec, les deux jeunes hommes avaient travaillé très dur pour arriver au résultat espéré. Et ils avaient réussi, après avoir laissé une montagne de plaques fumantes et déformées. Lorsqu’Alaric avait réussi à stabiliser le sceau, Cast lui avait proposé de tester sur lui. D’abord peu rassuré, le mage avait fini par accepter. Pour une raison qu’il avait encore du mal à définir, la présence du jeune guerrier lui donnait envie de sortir de sa zone de confort et de ses doutes, même si l’idée de tester sur un être vivant était totalement farfelue … et un peu dangereuse !

Il avait donc dessiné son sceau sur le plastron de cuir de la tenue d’entraînement du jeune chevalier. Évidemment, il n’avait pas commencé avec un sort enflammé. Après avoir été chaudement encouragé par son partenaire, il avait décidé d’utiliser sa maîtrise du vent. Et il n’y était pas allé de main morte. Normalement, le sort aurait dû faucher sa cible et la projeter beaucoup plus loin, les lames de vent aussi coupantes d’un couteau, mais, mise à part un souffle coupé, il ne semblait pas y avoir trop de dégât.

Voyant Cast être aussi excité qu’un enfant, complètement ivre d’adrénaline après avoir frôlé la magie d’aussi près, Alaric ne put s’empêcher d’éclater d’un rire franc. Pour avoir tout de même bonne conscience, il s’approcha et s’assura que le sceau était toujours intact.

Il vit cependant le sourire guilleret de son ami disparaître soudainement. Inquiet, il suivit son regard, qui s’était porté au-dessus de son épaule. Plusieurs hommes et femmes s’étaient rapprochés, constatant les dégâts qu’ils avaient causés. Pensant de prime abord qu’ils étaient contrariés à cause de ça, Alaric voulut prendre la parole pour leur assurer qu’ils allaient tout remettre en place, mais il se stoppa net en voyant leurs regards.

Le jeune mage n’eut pas besoin d’ouvrir ses sens magiques et percevoir leurs auras pour ressentir la colère, la crainte et la haine qui étaient dirigées contre lui. Il dut se faire violence pour ne pas céder au réflexe que lui avait entré dans la tête Hildr au cours de leurs entraînements et n’esquissa aucun geste en direction de la dague à sa ceinture. Elle était dissimulée sous la veste longue et faite de tissu épais qu’il avait mise par-dessus sa tunique, par crainte d’avoir froid mais aussi pour dissimuler les marques du sceau sur son avant-bras.

  • Tout va bien Tormuund ? demanda d’un ton joyeux Cast, sortant enfin de son mutisme pour s’avancer vers le groupe.

Alaric le connaissait maintenant assez pour distinguer les légères inflexions dans sa voix et comprit qu’il n’était pas serein. De plus, il nota que son ami s’était discrètement placé entre lui et les autres. Son anxiété monta en flèche et il joignit ses mains dans ses manches, se serrant nerveusement les doigts jusqu’à se faire blanchir les jointures.

  • Pourquoi tu traines avec des gens de son espèce ? gronda l’homme, qui devait avoir bien une quinzaine d’années de plus qu’eux.

Ne voyant que le dos de son ami, Alaric se risqua à ouvrir ses sens. L’aura de colère qu’il se prit en plein visage le fit reculer, avant de réaliser qu’elle émanait de Castelis, alors qu’il avait une posture nonchalante. Elle était dirigée contre leurs interlocuteurs, mais le jeune mage eut envie de se recroqueviller sur lui-même. Il ne voulait pas que son ami se mette dans cet état pour lui.

L’incident de la fête du passage des saisons lui revint en mémoire et la boule d’angoisse dans sa gorge grossit.

  • Parce que je ne remets pas en question les ordres de notre commandant. Ni ceux de notre roi, répondit le jeune guerrier, d’une voix devenue cinglante.

Si le cœur d’Alaric avait la possibilité d’éclater en mille morceaux, c’était ce qu’il aurait fait. Traînait-il avec lui seulement parce qu’on le lui avait demandé ? Cette pensée lui fit plus mal qu’il ne le pensait possible.

  • Et parce que je ne suis pas un imbécile qui se laisse berner par de stupides histoires inventées de toutes pièces, qui a la frousse quand quelque chose sort un tant soit peu de la normale et qui est jaloux parce que les gens de son espèce, comme tu dis, peuvent faire des choses extraordinaires.

Cast reprit son souffle, son regard ne quittant pas Tormuund, dont le visage s’était de plus en plus fermé à mesure qu’il parlait. Il fit un pas dans leur direction, sûrement dans une tentative de les intimider par sa stature. Mais Cast ne bougea pas, se tenant fièrement entre lui et le mage.

  • Tu ne peux pas faire confiance à ces … monstres, ils peuvent t’ensorceler d’un regard ! Et ces choses que tu qualifies d’extraordinaires, je dirais plutôt qu’elles sont contre-nature.

Cast ouvrit la bouche pour répliquer mais son frère d’armes ne lui laissa pas le temps, profitant de la confiance qu’il gagnait à chaque mot qui sortait de sa bouche.

  • Tu as entendu parler de ce que la fille a fait à ce camp de brigands, Jesabel a dit que les corps en état de décomposition, quand elle est tombée là-dessus pendant sa dernière mission, étaient épinglés comme de vulgaires épouvantails, des racines leur sortant de la bouche, des leurs yeux, sans parler de ceux que la terre a avalés et écrasés. Et l’incident avec les types dans la capitale ? Ils ont failli finir en brochette à cause de ce type !

L’entendre parler de sa sœur ainsi, déformant la réalité, effaçant ce qui s’était produit pour provoquer ces dérapages, sortit Alaric de ses gonds. Oubliant l’angoisse dans sa gorge et la pression dans sa poitrine qui menaçait d’exploser, il se planta aux côtés de Cast.

Ce dernier voulut lui saisir le bras pour l’éloigner de l’arme de son frère d’arme, toujours sagement rangée à sa ceinture pour le moment, sachant pertinemment que le tempérament fougueux de Tormuund pouvait faire déraper la situation. Mais il suspendit son geste en voyant les traits déformés par la colère du Voyageur. De la colère et une révolte ardente. Il ne l’avait jamais vu dans cet état. Sa main se posa précautionneusement sur le pommeau de son épée à sa ceinture.

  • Vous ne savez rien du tout ! Vous vous contentez de prendre des bouts de l’histoire et de les réarranger comme ça vous tente, sans prendre en compte qu’on est comme vous. On en a souffert. Pas mal. Et il faut croire que ça va continuer comme ça parce qu’on est coincés ici, avec vous, avec votre guerre et ces mages qui, je vous rappelle, on a aussi tenté de nous tuer !

Il inspira un grand coup. Sentir le sceau tenir bon sur son avant-bras l’empêchait de paniquer. La colère faisait le reste. Il leva les mains, faisant émerger celles-ci de ses larges manches, voyant avec plaisir le tressaillement que ce simple geste provoquait chez certains.

  • Mais vous savez quoi ? J’en ai marre. Faites ce que vous voulez ! Continuez de dire qu’on est des bombes à retardement, des monstres ou je ne sais pas quoi, si ça vous aide la nuit à ne pas avoir la frousse de ces choses qui rôdent et qui cherchent réellement à vous tuer. Gardez en tête que, ouais, on peut faire sortir des racines de votre bouche et de vos yeux, ou vous empaler d’un simple claquement de doigt, ou vous incinérer sur place. Donc si j’étais vous, bande de clowns, je ne viendrais pas trop nous faire chier, compris ?

La pression dans sa poitrine s’était libérée d’un coup. Il n’avait plus la sensation que son pouvoir provoquait sous sa peau, alors qu’il était prêt à surgir juste avant, simplement retenu par le sceau incrusté dans son avant-bras. Non, il ressentait le simple soulagement que causait ce déballage des frustrations qui le rongeaient depuis des mois.

Évidemment, réalisant après coup ce qu’il venait de dire, il se figea. Son regard incertain se porta sur Cast, qui le regardait, à la fois surpris et exalté de le voir tenir tête aux gros bras qui se tenaient devant eux. Puis il tourna la tête vers Tormuund et son groupe. Certains étaient beaucoup plus hésitants, trouvant effectivement plus prudent de les laisser tranquille. Mais le chevalier belliqueux fixait le mage de ses yeux rétrécis par la fureur.

Alaric avala de travers sa salive, manquant de s’étouffer. Pourquoi est-ce qu’il fallait qu’il passe ses nerfs toujours au pire moment ? Il sentit la nervosité le gagner, faisant trembler ses membres. Sa gorge se serra et son cœur s’emballa, semblant vouloir sortir de sa poitrine. Non, il ne fallait pas qu’il ait une crise de panique maintenant. Évidemment, cette rébellion contre son propre corps ne fit qu’augmenter son anxiété.

Pour ne rien arranger, le chevalier dégaina soudainement son épée, provoquant le même geste instinctif chez Cast.

  • Tu me menaces, le monstre ? beugla l’homme.
  • Parce que venir à plusieurs ici pour m’insulter, armés jusqu’aux dents, ce n’est pas me menacer d’abord ? répliqua Alaric.

Son corps était envahi par l’adrénaline, faisant trembler tous ses membres et sa voix. Il avait à la fois envie de fuir, de se recroqueviller sur lui-même les mains sur la tête et de sauter à la gorge du chevalier armé. Les contradictions de son esprit le plongèrent plutôt dans un état catatonique, incapable de bouger.

  • Ça suffit ! entendit-il, reconnaissant la voix de Cast.

Ce dernier lui saisit le bras pour l’éloigner autant que possible, son autre main tenant son épée.

  • On va tous se calmer, d’accord ? Tormuund, tu veux vraiment assassiner un des apprentis du plus proche conseiller de notre roi ?

L’argument plein de sens du plus jeune sembla atteindre l’esprit du chevalier enragé, traversant toute sa colère sans pour autant l’apaiser. Alaric n’entendit pas ce qu’il grommela, mais il devina que ce n’était pas des paroles gentilles à son égard. Quelques secondes plus tard, le groupe s’était éloigné.

Cast se tourna vers le jeune mage mais n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche pour lui demander s’il allait bien, ce dernier se dirigeant déjà vers son matériel pour tout mettre dans son sac. Ses mains tremblaient, et Alaric ne saurait dire si c’était de peur ou de colère.

  • Hey, attends, tenta le chevalier.

Alaric lui jeta qu’un bref regard, incapable de lui dire qu’il n’arrivait tout simplement pas à lui répondre, sa gorge étant nouée à lui faire mal. Ainsi se contenta-t-il de rassembler ses affaires et de prendre la direction de l’endroit où il avait laissé sa monture. Sans hésiter, Cast lui emboîta le pas.

  • Est-ce que ça va ? Je peux faire quelque chose ? Tu peux tout me demander !

Sa voix avait des intonations inquiètes, presque suppliantes, n’aimant pas le voir dans cet état sans pouvoir faire quoi que ce soit.

Alaric sursauta lorsqu’il se rendit compte que son ami était un peu trop dans son espace vital. Envahi par la culpabilité, il le repoussa légèrement, d’un geste de la main, sans le toucher. Son regard se fit suppliant, faisant reculer Cast, qui ne savait plus vraiment comment agir.

Après avoir attaché son sac à la selle de sa monture, Alaric se jucha sur celle-ci malgré ses jambes en compote.

  • Laisse-moi au moins te raccompagner à travers la ville, lui dit le chevalier.

Il ne voulait pas le laisser seul ainsi, mais il avait aussi une certaine crainte que Tormund ou un de ses frères ou sœurs d’arme ne décident de le suivre, même s’ils seraient fous de faire ça.

  • Je peux me débrouiller, mais merci, répondit d’une voix faible le Voyageur.

Talonnant sa monture pour le faire passer au pas, puis au trot, il n’accorda plus un seul regard à son ami. Il n’avait qu’une envie, c’était quitter cet endroit. Lorsqu’il passa les barrières du camp, il ne se fit pas prier pour pousser son cheval au galop.

Il se détestait à nouveau.

X

Le soir même, Talia comprit que quelque chose n’allait pas. Mais son frère ne semblait pas vouloir se confier à elle, lui répondant qu’il allait gérer et que ce n’était qu’une passe. Elle aurait vraiment aimé avoir les pouvoirs de Veenya, dans ces moments-là, ne sachant pas comment l’aider à aller mieux. Se souvenant des contre-coups qu’avait subi la jeune télépathe, elle écarta bien vite cette pensée de son esprit, alors qu’elle rejoignit celle-ci.

Ces derniers temps, elle passait de plus en plus de temps en compagnie d’Hildr et de Veenya, s’adaptant doucement à cette relation qui semblait commencer à se former entre elles trois. Elle avait été cependant très claire, elle voulait prendre son temps. Après tout, c’était tout nouveau pour elle et elle avait encore beaucoup à gérer émotionnellement parlant.

Elle se glissa donc aux côtés de Veenya, qui sommeillait dans le lit qu’elle partageait avec Hildr. Son sommeil semblait agité, fiévreux. La jeune télépathe lui avait expliqué que la panique générale qu’elle captait l’épuisait. Elle devait faire un effort supplémentaire pour faire taire les voix et se concentrer sur ses tâches à accomplir.

Avec des gestes doux, Talia l’entoura de ses bras, lui communiquant sa chaleur. Elle l’enveloppa au même moment de son aura apaisée et elle sentit Veenya se détendre contre elle, la faisant sourire. Au bout d’un moment, Hildr vint les rejoindre et elles formèrent à elles deux un cocon protecteur autour de la télépathe.

Il était tard lorsque Talia se dégagea doucement de l’étreinte, prenant soin de ne pas réveiller la jeune femme exténuée. Embrassant furtivement Hildr sur le coin des lèvres pour lui souhaiter une bonne nuit, elle quitta leur chambre pour rejoindre la sienne.

En passant devant la porte de la chambre d’Alaric, elle entrebâilla celle-ci pour jeter un coup d’œil à l’intérieur et s’assurer qu’il dormait. Le voyant allongé dans son lit, dos à elle, les lumières éteintes, elle referma la porte et alla se coucher.

En entendant sa sœur refermer la porte après son passage, Alaric roula sur le côté pour fixer celle-ci. Il aurait aimé trouver les mots pour lui raconter ce qui s’était passé un peu plus tôt dans la journée, mais il n’en avait pas trouvé la force. Une part de lui voulait oublier, enterrer tout ça dans un coin de son esprit. Et une autre voulait se rebeller. Se mettre en colère.

Ce n’était définitivement pas dans cet état qu’il allait passer une bonne nuit. Roulant d’un côté puis de l’autre dans les heures qui suivirent, il finit par s’assoupir, l’esprit épuisé.

  • Les portes ! Ouvre-les !

Il s’arracha du sommeil brutalement, le cœur battant, le corps si crispé qu’il en eu mal. Le jeune homme se redressa sur son séant pour tenter de reprendre son souffle. Au bout de quelques secondes, il aperçut la fine lueur bleutée qui dansait dans sa chambre.

Fronçant des sourcils et papillonnant des paupières, il observa le phénomène pendant un moment. Lorsque la lueur fila et traversa sa porte, il sursauta. L’esprit confus, il resta immobile, jusqu’à ce qu’il ressente au plus profond de lui un sentiment d’urgence familier.

Impossible de lutter contre celui-ci dans l’état de fatigue où il se trouvait, ainsi, il se leva et s’habilla rapidement. Il se sentait comme s’il évoluait à travers un brouillard, mais l’adrénaline qui s’écoulait dans ses veines rendait ses gestes nerveux, maladroits.

Il évolua lentement parmi les couloirs qu’il avait appris à connaître mais la lueur finit par le mener dans des recoins qu’il n’avait encore jamais empruntés. Son pas se fit de plus en plus hésitant, jusqu’à ce qu’il se trouve devant un mur. Une littérale impasse. Il ne sembla pas gêner son guide étrange, qui passa à travers sans hésitation.

Une vague de frustration le saisit, disproportionnée. Le jeune homme secoua la tête comme s’il cherchait à dégager cette sensation de son esprit.

S’apprêtant à faire demi-tour, une pensée s’imposa. Il avait vu et fait des choses extraordinaires depuis leur arrivée ici. Est-ce qu’un bête mur allait l’empêcher d’avancer ? Un rictus irrité étira ses traits fatigués. Trop souvent, il s’était laissé mener par les événements. On lui avait marché sur les pieds sans qu’il n’arrive à se défendre, rabaissé, insulté. Aujourd’hui était la goutte de trop qui a fait déborder le vase.

Essayant de se souvenir d’un sort qu’il avait lu dans un des livres mis à leur disposition, il tritura ses manches, agacé. Il ne l’avait jamais testé, mais ce côté trop prudent de lui-même venait d’être repoussé par sa rancœur. Il était un mage, non ?

Posant ses paumes contre le mur, il ferma les yeux pour se concentrer. Le sort fusa de ses lèvres naturellement. Il était toujours étonné lorsqu’il se rendait compte de cette facilité qu’il avait à se remémorer et utiliser ce qu’il apprenait. La plupart du temps, cette faculté était entravée par son angoisse permanente et sa peur.

Il sentit le mur perdre de sa consistance sous ses doigts. Entrouvrant les paupières, il réalisa que c’était plutôt lui qui devenait translucide. Poussé par cette envie de savoir ce qui se cachait derrière ce mur, il balaya effrontément son côté prudent qui cherchait à reprendre le dessus.

Quelques secondes plus tard, il se retrouva de l’autre côté. Vacillant un moment en sentant que le sort avait pris beaucoup plus de son énergie qu’il ne le pensait, il prit un moment pour retrouver ses esprits. La lueur était là, l’attendant patiemment.

  • Qu’est-ce que tu veux me montrer, toi ? murmura Alaric, n’attendant pas vraiment une réponse.

La lumière bleue de son guide ne lui permettant pas de s’orienter, il invoqua un éclat de lumière dans sa paume et s’en servit comme lampe de poche, éclairant autour de lui.

Il se retrouvait maintenant dans un couloir crasseux. Toussant légèrement à cause de la poussière qui s’était levée par son passage impromptu, il avança de quelques pas. Aussitôt, la lueur fit de même, l’enjoignant de continuer sa route.

Incapable de résister à cet appel qui résonnait dans sa tête, Alaric se remit en route. Il en oublia l’obscurité, les murs qui semblaient être sur le point de se refermer sur lui-même, et sa solitude. C’était une sensation agréable, ainsi ne la repoussa-t-il pas.

Du moins, jusqu’à ce qu’il tombe sur un autre obstacle. Une porte close. Approchant sa main, il sentit un fourmillement familier. Un sceau. Un juron sortit de sa bouche. L’étrange curiosité qui l’avait alors envahi se transforma à nouveau en frustration. Il fallait qu’il réussisse à l’ouvrir et découvre ce qu’il y avait derrière. C’était vital. En quoi ? Le jeune homme n’en avait aucune idée et il ne chercha pas plus loin.

Sa main entra en contact avec le bois. La porte était étrangement en bon état, compte tenu de l’insalubrité des lieux. La magie devait y être pour quelque chose. Fermant les yeux à nouveau pour se concentrer, il tâta avec son esprit les premiers cercles de puissance du sceau. Leur relative simplicité le surprit et il parvint à les défaire en quelques secondes. Il devina aisément la vieillesse de cette serrure magique, elle devait y être depuis des décennies et avait été posée à la hâte.

Lorsqu’il s’attaqua au sceau en lui-même, il rencontra une résistance. Sa main fouilla dans sa poche et en sortit son stylet. Restant interdit quelques secondes, à regarder l’objet entre ses doigts, il chercha dans sa mémoire quand est-ce qu’il l’avait pris en quittant sa chambre.

Le flou total. Ça ne l’inquiéta pas plus que ça.

Il entreprit de former diverses clés magiques, commençant avec les plus basiques. La notion de temps lui échappa, concentré à sa tâche. Lorsqu’il sentit un déclic avec son esprit, un immense sourire victorieux étira son visage. Il poussa la porte, qui s’ouvrit devant lui. Le bois avait pris une teinte sombre et terne et une odeur de pourriture en émana. La magie qui la maintenait en place s’était volatilisée, la soumettant à nouveau au temps qui passe.

La petite pièce qu’il découvrit était dans un aussi mauvais état que le reste. Son regard la parcourut brièvement, à la recherche de la lueur. Celle-ci avait disparu.

S’avançant au milieu de la pièce, il marmonna une incantation et sa lampe improvisée s’envola de sa paume, pour flotter au-dessus de sa tête, gagnant en intensité pour éclairer entièrement les lieux.

Plusieurs coffres de différentes tailles jonchaient le sol. Le fourmillement revint, lui faisant savoir qu’ils étaient eux aussi scellés par des sceaux. Il s’en désintéressa.

Son regard se posa sur une pile de livres. Certains, dénués de magie, s’effritèrent sous ses doigts lorsqu’il tenta de s’en saisir. Il prit alors un ouvrage encore en bon état, d’où émanait une faible aura magique. Il le feuilleta brièvement, ayant le sentiment que ce qu’il cherchait était là, sans être vraiment là. Lorsqu’un bout de parchemin glissa d’entre les pages, il sentit son cœur battre la chamade.

Sa main se saisit de la page volante, l’air quitta ses poumons et il se crispa. Alaric réalisa alors où il se trouvait et ressentit un grand malaise. Pourquoi avait-il voulu suivre cette chose ? La dernière fois qu’il avait fait ça, il avait accidentellement entraîné sa sœur avec lui dans un nouveau monde barbare et dangereux.

Il dut se faire violence pour ne pas laisser la panique le gagner, se concentra sur le parchemin entre ses mains. Ses yeux parcoururent les lignes, qui commencèrent à danser pour former des phrases dans sa langue.

Cette fois, son cœur manqua un battement. Il dut se tenir au mur pour éviter que ses jambes ne lâchent sous lui. Son regard écarquillé lisait et relisait ce qui se trouvait entre ses doigts tremblants, peinant à y croire.

Non, c’était impossible. Tout simplement impossible.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez