Chapitre 21 - Contrôle

Notes de l’auteur : Les choses commencent à évoluer, des révélations vont arriver bientôt !

Lya bouillonnait. Son sang martelait ses tempes comme un tambour de guerre, prêt à éclater. Son regard, noir d'une rage incontrôlable, se fixa sur Nathalie, encore hilare, inconsciente du volcan prêt à exploser. Sans réfléchir, elle bondit, prête à lui sauter à la gorge.

Mais une main ferme l'attrapa au vol, la stoppant net.

-Calme-toi, lui murmura fermement Archi en retenant sa main.

Lya tenta de se dégager, mais la poigne de son coéquipier était d'acier. Elle haletait, comme une bête prise au piège, le regard toujours braqué sur sa cible.

-Tu as vu ce qu'elle a fait ?! Je ne peux pas laisser passer ça !

Sa voix tremblait, éraillée par une colère viscérale. Elle revoyait la détresse d'Amanda quand Nathalie avait cracher son venin. Ce démon avait même réussit à la faire fuir. C'était impardonnable pour Lya. 

-Je ne sais pas ce que tu as, mais tu n'es pas dans ton état normal.

Archi planta ses yeux dans les siens. C'était un mélange déroutant de dureté et d'inquiétude. Le genre de regard qui cherche à retenir quelqu'un au bord du précipice.

-Tu devrais plutôt te soucier de tes amis.

La phrase tomba comme un couperet. Lya vacilla intérieurement. Ses poings se desserrèrent. 

- Ils s'aiment tous les deux... Ce n'est pas ce genre de chose qui les séparera... n'est-ce pas ?

Mais sa voix manquait de conviction et elle commença à douter de ses propres paroles.

-La situation est plus compliquée que tu ne le penses... Amanda est la sœur de madame Obscuda.

-Que... quoi ?, s'étouffa-t-elle, reculant d'un pas. Comment tu sais ça...

Son visage se figea, blême, avant de reprendre, plus vigoureusement. 

-Laisse tomber !

Elle fit volte-face sans attendre. Sa silhouette fendit la foule comme une flèche. Archi tendit une main vers elle.

-Lya, attends !

Mais c'était trop tard. Elle avait déjà disparu dans les profondeurs du château.

Autour de lui, le cercle de jeu s'était vidée, comme si une tempête silencieuse avait balayé l'endroit. Les verres abandonnés, les voix éteintes, comme une fin de soirée.

Archi restait seul. Une lourdeur s'abattait sur ses épaules, intangible, mais bien réelle. Depuis son arrivée dans ce château, une présence l'oppressait. Invisible. Tapie.

-Hey !

Il sursauta. Une main venait de se poser sur son épaule. Par pur réflexe, son corps réagit. Il attrapa le bras, le tordit brutalement.

-Aïe ! Aïe !, gémit une voix familière.

Il desserra aussitôt sa prise, découvrant le visage grimaçant de son camarade.

-Merde... Nata, je suis désolé, balbutia-t-il, le souffle court. Je ne sais pas ce qui m'a pris.

Son ami se frottait l'épaule, les sourcils froncés, mais un sourire malicieux flottait déjà sur ses lèvres.

-Waouh, t'as fait de la muscu pendant les vacances ou quoi ?

-Encore désolé...

-Ne t'inquiète pas, j'ai survécu à pire, répondit Nata en faisant rouler son articulation. Mais sérieusement, tu es tendu comme jamais. Qu'est-ce qui t'arrive ?

Archi détourna les yeux. Il serra les mâchoires, incapable de formuler ce qu'il ressentait.

-Je... c'est compliqué...

Nata pencha la tête, le regard inquisiteur.

-Ta famille ?

-Non...

-Encore en train de te torturer sur ta sexualité ?

-Non !, rétorqua Archi, la voix plus tranchante qu'il ne l'aurait voulu.

Un silence lourd s'installa, ponctué seulement par les battements de leur cœur. Nata l'observa un instant, puis, sans un mot, l'attrapa par le bras et le tira vers une petite pièce attenante.

Ils entrèrent dans un salon désert, plongé dans une lumière tamisée. Les rideaux étaient tirés, étouffant la moindre vibration extérieure. Nata referma doucement la porte derrière eux.

-Bon. Maintenant, tu parles, ordonna-t-il d'un ton calme, mais ferme.

Archi se frotta le visage avec nervosité. Son regard errait sur le tapis, fuyant.

-Je ne peux pas...

-Crache le morceau. Je ne suis pas ton ennemi !

Le silence s'installa. Nata, les bras croisés, scrutait son ami d'un air sérieux. Archi, lui, fixait le haut du canapé devant lui, les poings crispés. Son malaise, toujours là, s'intensifiait. C'était comme un bourdonnement intérieur, une tension sourde qui s'amplifiait à chaque seconde. 

Il réalisa soudain que c'était ce que Lya décrivait parfois, lors de ses crises de maux de tête : une gêne sournoise, d'abord supportable, puis de plus en plus oppressante, jusqu'à envahir tout le corps.Il n'aimait pas ça. Pas du tout.

-Eohl..., souffla soudain Nata.

Archi se figea. Ce mot résonna dans la pièce comme un écho interdit.

Il tourna brusquement la tête vers lui, l'air choqué, presque effrayé.

-Comment tu connais ce mot ?

Sa voix n'était plus qu'un souffle. 

Nata baissa les yeux. Son air moqueur avait disparu. Il semblait soudain plus vieux, plus grave.

-Je vous ai menti..., dit-il enfin, presque à contrecœur.

Archi sentit sa gorge se nouer.

-Sur quoi ?

-Tu te souviens du jour où on s'est rencontrés ? Sous l'arbre ?

Nata fit un pas vers lui, lentement, comme pour éviter de l'effrayer.

-Lya m'avait montré son poignet. Le symbole de votre équipe. J'ai dit que je ne savais pas ce que c'était...

Il releva les yeux.

-Mais je mentais. Je savais exactement ce que ça voulait dire.

Il marqua une pause, comme pour jauger la réaction de son ami.

-C'est Eohl.

-Et la prophétie ?, s'empressa de demander Archi. Qu'est-ce que tu sais de la prophétie ?

Nata fronça les sourcils, confus.

-La prophétie ? Je... je ne connais pas de prophétie. Mais je connais juste la signification de ta marque.

Ses yeux se posèrent sur le bras d'Archi, où sa manche remontée laissait entrevoir la fine cicatrice. Il prit sa main sans brusquerie, mais avec une gravité palpable. Ses doigts rugueux effleurèrent la peau du blondinet, et avec délicatesse, il écarta un peu plus le tissu. La marque, en relief, paraissait luire légèrement à la lumière tamisée, comme si elle avait sa propre respiration.

Archi ne bougeait plus, comme figé sous la caresse d'une vérité trop ancienne pour être paisible.

-Alors... dis-moi, Nata, murmura-t-il, la voix étranglée. Qu'est-ce que ça signifie ?

-C'est la représentation du bois d'Ifia.

Nata parlait à voix basse, comme s'il redoutait qu'on les entende.

-Une rune rare, oubliée, que certains qualifient d'augure de malheur. Dans ma tribu, on dit que si ce symbole apparaît... quiconque le voit est maudit.

Un frisson traversa Archi. Il avait l'impression que la pièce se resserrait autour d'eux.

-Le bois d'Ifia..., répéta-t-il dans un souffle, comme si le mot lui-même avait un goût amer.

-On l'appelle aussi l'arbre de la mort. Un arbre aux feuilles persistantes, symbole de résistance, de lutte... mais aussi de causes perdues. On raconte, que quand un arbre d'ifia se met à pousser, lentement, en silence, il détruit et vampirise toutes les énergies autour de lui. Et une fois enraciné, il dévore tout ce qui l'entoure. Végétation, animaux, hommes... Rien ne survit.

Nata marqua une pause. Son regard était devenu plus sombre.

-On dit qu'il naît quand la terre elle-même veut se venger. C'est une punition divine...

-Mais une punition pour qui ?, demanda Archi, le cœur battant à tout rompre.

Nata haussa lentement les épaules, mais l'ombre de l'ignorance n'effaçait pas l'inquiétude dans ses yeux.

-Je te fais peur ?, demanda Archi, presque malgré lui.

La question flotta dans l'air, incertaine.

-Non, répondit Nata après un moment. Je suis surtout... pensif. Je devrais avoir peur ?

Un silence long et tendu s'installa. Archi baissa les yeux vers sa marque, comme si elle allait se mettre à bouger, à murmurer. Il inspira lentement, cherchant ses mots.

-Je ne sais pas..., avoua-t-il. Depuis que je l'ai... je change. Je me reconnais de moins en moins. C'est comme... si quelque chose me poussait dans l'ombre, à l'intérieur.

-Le changement n'est pas toujours mauvais, dit Nata, d'un ton doux, presque intime. Mais ce que tu fais de ce changement, ça, c'est entre tes mains.

Leurs regards se croisèrent à nouveau, chargés de tension et de quelque chose d'indicible. Entre eux, leurs mains restaient liées, chaudes mais hésitantes. Un lien fragile, mais réel.

-Arrête de te chercher des excuses pour devenir une mauvaise personne, reprit Nata, plus ferme. D'abord ta famille, maintenant cette marque... Ce ne sont que des circonstances. Il n'y a jamais de véritable raison pour devenir quelqu'un de mauvais. C'est un choix, Archi. Et toi, tu es une bonne personne. Alors, arrête d'essayer de te convaincre du contraire.

Archi cligna des yeux, les lèvres entrouvertes, sans savoir quoi répondre.

-Ce n'est pas..., balbutia-t-il.

Mais il n'eut pas le temps de finir.

Dans un élan soudain, Nata se pencha vers lui et posa ses lèvres sur les siennes. C'était un baiser discret, presque chuchoté. Mais il charriait une tempête silencieuse, une force à peine contenue. Archi, surpris, se laissa faire. Un instant hors du temps, hors des doutes. Son corps s'apaisa, ses pensées se firent plus calmes, suspendues.

Puis un bruit assourdissant retentit, un cri inhumain, qui fendit l'air et brisa leur moment intime. 

Archi rompit leur baiser brusquement, le souffle court, le cœur au bord de l'explosion.

-Tu as entendu ?, demanda-t-il, le regard affolé.

-Entendu quoi ?, répondit Nata, déconcerté.

-Ce cri... c'était... c'était terrifiant.

Nata tendit l'oreille, mais tout semblait paisible.

-Je n'entends rien, Archi.

Le blondinet regarda autour de lui, ses yeux sondant nerveusement chaque ombre dans la pièce. Et le malaise qu'il ressentait plus tôt revenait, plus oppressant que jamais.

 

*****

 

Lya courait à travers les couloirs du château, son souffle court, ses pensées en désordre. Elle devait retrouver Amanda et Matt. Mais l'information qu'elle venait d'apprendre l'obsédait : Valma, la sœur d'Amanda. Une révélation aussi improbable qu'étrange, difficile à assimiler.

Amanda Obscuda, répéta-t-elle mentalement, comme pour se convaincre de la réalité de ce qu'elle savait désormais.

Ses pensées dérivèrent malgré elle vers une rencontre qui l'avait marquée, le jour où elle avait croisé le regard froid et impénétrable du général de la division rapprochée du PC, le père d'Amanda. Rien que de se souvenir de cet homme, un frisson lui parcourut l'échine. Il avait cette aura écrasante qui la mettait mal à l'aise, un mélange de contrôle glacial et de puissance inquiétante.

Perdue dans ses pensées, elle errait dans les dédales du château sans véritable direction, jusqu'à ce qu'elle se heurte soudain à quelque chose. Elle faillit tomber en arrière, mais se rattrapa de justesse.

-Eh bien !, s'exclama une voix masculine, teintée de surprise.

Lya releva la tête et son cœur se serra en reconnaissant immédiatement l'homme qui se tenait devant elle.

-Mon seigneur ! Veuillez me pardonner !, balbutia-t-elle en baissant la tête, un geste respectueux presque automatique.

-Vous êtes toute excusée, répondit Andréius avec un sourire bienveillant qui sonnait faux. Je suis heureux de constater que vous allez mieux. Où couriez-vous ainsi ?

-Je cherche mes amis. Peut-être les avez-vous croisés ? Une petite brune avec une frange et un grand brun en chemise blanche...

L'homme porta une main à son menton, feignant de réfléchir.

-Hmm... ça me dit quelque chose, en effet. Venez, je vais vous montrer où ils sont.

Lya sentit une vague de méfiance l'envahir. Les mises en garde d'Amanda lui revinrent en mémoire : "Ne lui fais pas confiance". Mais comment refuser une telle offre sans risquer d'offenser un homme de son rang, dans sa propre demeure ? 

Finalement, résignée, elle hocha la tête et le suivit.

Andréius la conduisit jusqu'à une porte située près du grand hall de réception. Il l'ouvrit avec une élégance calculée, révélant un petit bureau au décor luxueux. Les murs en bois sombre renvoyaient une atmosphère étrange. Deux fauteuils en cuir trônaient au centre de la pièce, accompagnés d'un bureau impeccable chargé d'objets d'apparat.

Lya jeta des regards autour d'elle, cherchant ses amis, mais ne trouva aucune trace d'eux.

La porte claqua derrière elle avec un bruit sec, la faisant sursauter.

-Ils... ils ne sont pas ici, bégaya-t-elle, un nœud d'angoisse dans la gorge.

-En effet, répondit Andréius sans détour, un sourire énigmatique sur les lèvres. Je suis désolé d'avoir dû employer ce subterfuge pour vous parler en tête-à-tête. Mais avouez, vous ne m'auriez jamais suivi autrement. Est-ce que je me trompe ?

Lya resta muette, statique comme une proie sous le regard d'un prédateur. L'homme s'approcha d'un pas lent et calculé, saisissant une carafe en cristal sur une étagère. Il remplit deux verres d'un liquide ambré qu'il tendit avec une courtoisie désarmante.

-Un peu de scotch ?, proposa-t-il.

Lya, qui ne buvait que rarement, n'avait aucune envie de s'enivrer dans une situation aussi étrange. Et puis la dernière fois qu'elle avait accepté une boisson d'un inconnu, l'histoire s'était mal terminée. Pourtant, elle accepta le verre, craignant de le vexer si elle refusait.

-Cela fait longtemps que j'attends de vous rencontrer, mademoiselle, déclara Andréius.

-Moi ?, répéta Lya, surprise.

-Oui... Dites-moi, puis-je voir votre poignet ?

Elle recula d'un pas, mais il ne lui laissa pas le temps de répondre. Avec une rapidité déconcertante, il attrapa son bras, sa poigne ferme et serpentine. Il remonta la manche de Lya, dévoilant la cicatrice qu'elle portait à cet endroit. Ses yeux s'illuminèrent d'un éclat malsain alors qu'il effleurait la marque du bout des doigts, fasciné.

-Fantastique... Moi qui pensais que vous auriez essayé de la cacher, murmura-t-il.

-Pourquoi ?, souffla Lya, mal à l'aise.

-Oh, c'est vrai... Vous n'êtes au courant de rien, n'est-ce pas ?, ricana-t-il. Pauvre petite chose, maintenue dans l'ignorance... Cela doit être si frustrant !

-Qu'est-ce que vous savez ?, demanda-t-elle, le ton plus ferme.

-De la prophétie ? Pas tous les détails. Seuls les membres du PC la connaissent dans son intégralité. Mais ce que je sais suffit : vous êtes unique, mademoiselle. Exceptionnelle.

Il relâcha enfin son poignet, mais recommença à tourner autour d'elle, ses pas lourds et mesurés. Lya sentit son espace vital rétrécir.

-Je pourrais vous aider, vous savez, reprit-il d'une voix basse et insinuante. Comme développer vos compétences par exemple. N'en avez-vous pas assez qu'on vous traite comme des enfants, vous et vos amis ? Toujours mis de côté, toujours exclus des décisions importantes...

Ces mots trouvèrent un écho amer en elle, réveillant une frustration qu'elle n'osait pas formuler.

-Ce qu'ils ne veulent pas que vous sachiez, continua-t-il, se penchant légèrement vers elle, c'est que vous êtes bien plus puissante que vous ne l'imaginez. Vous pourriez les écraser... simplement avec votre jolie main.

Lya déglutit, ses doigts se refermant machinalement sur le verre qu'elle tenait. Une part d'elle voulait fuir, mais une autre, plus sombre, voulait en savoir plus.

Il prit doucement la paume de Lya, plaquant son torse contre son dos. L'autre main de l'homme se posa délicatement sur sa taille. 

Elle cessa de respirer. 

Bien qu'elle ait souhaité s'échapper, son corps semblait bloqué, absorbé par ses paroles envoûtantes. Il ouvrit délicatement chacune des phalanges de sa captive avant de les refermer d'un coup sec.

-Vous pouvez les anéantir, souffla-t-il dans sa nuque. Vous n'êtes pas leur jouet, Lya. Il est temps de vous réveiller. Vous êtes une femme... une très belle jeune femme, d'ailleurs.

Son ton vicieux fit déglutir la demoiselle. Les souvenirs de la nuit de l'intronisation lui revinrent en mémoire. La même impuissance, le même dégoût. Cependant, elle ressentait une envie viscérale de l'écouter.

-Vous et moi, nous pourrions faire de grandes choses, si vous me laissiez vous conseiller.

-Qu'est-ce que vous avez à y gagner ?, articula difficilement Lya.

-Réfléchissez, vous n'êtes pas bête.

Elle reformula alors sa question.

-Qu'est-ce que j'ai à y gagner ?

-C'est un pari mademoiselle ! Mais c'est ce qui fait le sel de la vie, n'est-ce pas ?, dit-il en semblant humer les cheveux de la petite blonde. Je vous laisse réfléchir à ma proposition...

Il décida d'enfin d'abandonner son étreinte forcée. Lya s'écarta rapidement et lui fit face.

-Quelle proposition !, s'emporta-t-elle. Je n'en sais toujours pas plus et je ne suis même pas au courant de ce que vous pouvez m'apporter !

-Je ne vais pas révéler mes informations avant que le contrat soit signé enfin ! Je suis avant tout un homme d'affaires.

Lya aurait tout donné pour le frapper. Une droite en pleine mâchoire, pour faire taire son sourire suffisant, pour effacer ce regard poisseux. Mais elle ne pouvait pas se le permettre. Sa mâchoire se crispa, et elle canalisa toute sa rage dans ses jambes. Profitant d'un bref moment de liberté, pour se précipiter vers la porte.

Mais à peine eut-elle entrouvert le battant qu'il se referma violemment devant son visage avec un claquement sec qui résonna comme un coup de fouet dans la pièce.

-Réfléchissez bien, mademoiselle, susurra-t-il, le regard luisant d'une lueur malsaine. Je vous propose une collaboration étroite... et très rentable. Mais mon offre est limitée dans le temps.

Sa voix coulait comme du poison tiède, vicieuse et visqueuse. Un bras vint lui barrer la sortie, pressant l'air autour d'elle.

Lya déglutit avec difficulté, mais elle ne trembla pas. D'un geste lent, elle repoussa ce bras intrusif, le regard dur comme l'acier. Lorsqu'elle franchit enfin le seuil, l'air extérieur lui frappa le visage comme une gifle glacée.

Elle inspira à pleins poumons, mais l'odeur du seigneur semblait encore coller à sa peau.

Sa tête bourdonnait. Elle avait eu sa dose d'émotions pour la journée. Tout ce qu'elle désirait, c'était s'effondrer sur son matelas, plonger son visage dans l'oreiller et hurler dans le silence. Elle frotta nerveusement sa nuque, comme pour effacer une sensation désagréable, et se mit en quête de retrouver ses amis. 

Dans son esprit embrumé, les visages d'Archi et Matt défilaient sans répit. Elle avait besoin d'eux. Urgemment. Comme on a besoin d'air après avoir été trop longtemps sous l'eau.

-Tu es complètement malade, ma pauvre fille !

La voix, tranchante et méprisante, claqua comme un fouet dans l'air déjà tendu.

Lya s'arrêta net, surprise, presque sonnée.

Elle leva les yeux et croisa ceux de Nathalie, plantés dans les siens avec une intensité qui suintait le jugement. La jeune femme avait l'air furieuse, mais pas à cause de leur dispute. Non. Quelque chose clochait. Son visage était tordu par un mélange de dégoût, d'effroi et d'une étrange satisfaction mal dissimulée.

-Que... quoi ?, balbutia Lya, déboussolée par cette attaque soudaine.

Mais Nathalie ne répondit pas tout de suite. Elle ne regardait pas vraiment Lya dans les yeux. Son regard était rivé sur son cou. Une expression de répulsion grandissante marquait son visage, comme si elle avait devant elle une abomination.

Lya fronça les sourcils, tentant de comprendre ce qui pouvait bien déclencher une telle réaction. Une sensation de brûlure rampante lui montait le long de la nuque, accompagnée d'un étrange picotement, comme si sa peau n'était plus la sienne.

Inquiète, elle porta machinalement sa main à son cou et sous ses doigts, elle sentit une surface chaude... anormale.

Son cœur rata un battement.

Du sang.

Des gouttes sombres et poisseuses maculaient ses doigts tremblants, rougissant sa peau pâle. Lya sentit une vague d'effroi la traverser.

Sans le sentir, elle s'était grattée jusqu'à s'en arracher la peau. Elle ne ressentait pas la douleur, juste un vrombissement. Elle voulut contourner son ennemie et partir, mais cette dernière ne la laissa pas passer.

-Tu comptes aller faire ton actrice dramatique auprès de tes spectateurs ?

-Ce n'est pas le moment Nathalie.

-Dommage, moi, j'ai des choses à dire ! Tu crois pouvoir parler comme tu l'as fait à mon petit ami et te casser ?!

Inconsciemment, Lya continua à se gratter, de plus en plus fort, de plus en plus profondément. Elle sentait sa chair et son sang se mélanger sous ses ongles, sans pouvoir s'arrêter. Le vrombissement dans ses entrailles s'était transformé en spasme. À l'intérieur de son cerveau, grouillait une petite bête inarrêtable. La jeune fille voulait se taper la tête contre un mur pour que ça s'arrête.

-Laisse-moi...

-Sinon quoi ?, siffla Nathalie, le visage tordu par la colère. Qu'est-ce que tu vaux sans tes larbins ?

Une douleur fulgurante transperça le ventre de Lya, comme une lame invisible s'enfonçant dans sa chair. Elle se plia en deux, étouffant un gémissement de souffrance. Autour d'elle, le monde vacillait, se brouillant sous ses yeux embués.

-Tu crois que parce qu'Emrys s'intéresse un tant soit peu à toi, tu peux jouer les grandes ?, continua Nathalie, son mépris implacable, ignorant l'état de sa camarade.

~ Punis, comme tu as été créé pour le faire ~

-TU VAS LA FERMER !!, hurla-t-elle en se redressant avec une brutalité qui fit sursauter Nathalie.

Lya n'était plus elle-même. Des veines d'un bleu nuit luminescent couraient sous sa peau, comme si une énergie noire bouillonnait en elle. Ses yeux... ils n'étaient plus humains. Leurs globes entiers, d'un noir abyssal, ne reflétaient plus rien d'autre que l'obscurité qui l'habitait.

Nathalie recula instinctivement, son arrogance se transformant en une peur palpable.

-Mais qu'est-ce qui t'arrive ?, bredouilla-t-elle, cherchant désespérément une échappatoire.

Lya ne répondit pas. Sans un mot, elle tendit la main, et Nathalie fut violemment projetée contre un mur. Avant qu'elle ne puisse reprendre son souffle, des ronces épaisses et sinueuses émergèrent du sol, s'enroulant autour d'elle comme des serpents voraces. Elles la soulevèrent dans les airs, leur étreinte se resserrant autour de son corps.

-Arrête ! Qu'est-ce que tu fais ?!, hurla Nathalie, sa voix trahissant une terreur pure.

-Tu vas la fermer une bonne fois pour toutes !, rugit Lya, une fureur dévastatrice résonnant dans sa voix.

Les ronces grimpèrent jusqu'à la gorge de Nathalie, se serrant jusqu'à l'étouffer. Elle se débattit, mais ses forces l'abandonnaient rapidement. Lya, elle, ne ressentait rien. Plus de compassion, plus de doute. Rien que ce sentiment grisant de pouvoir brut, une liberté déchaînée qu'elle n'avait jamais connue.

-LYA !!, cria une voix au loin, perçant à peine le brouillard de sa rage.

Valma apparut, sa silhouette tendue par l'urgence. Cependant, Lya ne bougea pas. Pas même un sursaut. Elle était ailleurs, bien au-delà des appels, prisonnière d'une puissance qu'elle ne contrôlait plus.

~ Svuotare mente ~

-Lâche-la, maintenant !, tonna Valma d'une voix impérieuse.

Au même instant, elle lança une attaque fulgurante, une vague d'énergie crépitante qui frappa Lya de plein fouet. L'impact força la jeune fille à relâcher son emprise, brisant l'élan des ronces qui maintenaient Nathalie suspendue. Lya vacilla légèrement sous le choc, puis releva la tête, son regard noir comme l'abîme se posant enfin sur sa professeure.

Valma resta un instant figée, troublée par ce qu'elle voyait. Le visage de Lya était méconnaissable : tordu par une colère inhumaine, ses veines d'un bleu sombre marquaient ses tempes et ses joues, et ses yeux ne reflétaient plus qu'une obscure fureur.

-Ça commence..., murmura Valma, presque pour elle-même, une ombre de gravité dans la voix.

 

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M.A.Frogerais
Posté le 14/07/2025
super, je me suis vite plongé dans se chapitre, du coup, je n'ai qu'une chose a dire: il manque un espace a "On dit qu'il naît quand la terre elle-même veutse venger" ;)
DSWritter
Posté le 15/07/2025
C'est rectifié, merci !
M.P Lenoir
Posté le 19/05/2025
Franchement, j'aimerais que Nathalie soit la première, potentielle, victime de Lya. ( ah bah ! j'avais écrit ça avant de lire le chapitre, je ne suis pas déçue)
Tu peux être jalouse, en vouloir à la personne qui a piqué la personne que tu aimais mais être aussi mesquine, c'est pitoyable...

La signification de leur marque, de Eolh, ça laisse vraiment penser que ce trio est le commencement d'une nouvelle ère. Car la magie est aussi une entité à part entière, donc le PC a abusé de ses droits, a tué des sources de magie que la magie elle même voulait voir éclore, je n'imagine pas son courroux.

J'aime vraiment le couple Nata / Archi, ils ont une bonne dynamique, se complètent. C'est franchement une bonne paire.

J'ai comme l'impression que Nata essaye sans vraiment le savoir, d'arranger la situation, car rien n'est que lumière ou ténèbres, mais un monde coloré de nuance de gris. Alors, cela donne de l'espoir pour notre trio.

J'ai l'impression que dans cette phrase, il serait plus judicieux de dire " lui frappa" : "l'air extérieur la frappa le visage comme une gifle glacée."

Pourquoi tous les hommes de pouvoir sont aussi dégoûtants ! Argh c'est énervant, déjà même sans ça ils se la jouent cavalier alors avec c'est encore pire. Par contre, ils n'aurait pas dû laissaient le trio dans l'ignorance, car celle ci est le terreau parfait pour ce genre d'hommes, ça les laissent libres de manipuler à leur guise.

J'aime le fait que ça y est, les péripéties commencent, Lya se réveille enfin, ça donne du piquant à l'histoire. J'espère que l'on va continuer sur ce chemin. Je déplore le fait de ne pas avoir ton histoire en livre papier entre les mains, je ne l'aurais plus lâcher.

Par contre, tu ne peux pas nous laisser une semaine avec ce suspens !
J'ai hâte de connaitre la suite, vraiment. c'était deux superbes chapitres, félicitations et à très bientôt !
DSWritter
Posté le 20/05/2025
Hahaha, je pense que j'ai bien réussi à rendre Nathalie antipathique, parfait !

Malheureusement, c'est toujours la même histoire, celle des puissants qui asservissent les plus "faibles" pour leurs propres intérêts. Peut-être que ce n'est pas encore flagrant, car on voit le monde plutôt à travers les yeux de Lya qui ne connait pas grand-chose au fonctionnement de Maywa, mais les choses ne sont pas toutes roses, loin de là. Et c'est probablement ça, en fait, la quête principale de Lya. C'est de sortir de sa naïveté, qui est pourtant si confortable, mais qui voile la réalité. Et comme tu le dis, Nata lui, prouve que l'on peut être conscient et lucide sans être mauvais pour autant, à l'inverse d'Emrys par exemple, qui est plus comme Lya, encore un peu dans la candeur de l'enfance.
Enfin, bref j'arrête ma philosophie à deux balles !

En tout cas, comme d'habitude, tu es trop gentille avec moi, ça me fait franchement chaud au cœur. J'espère que la suite te plaira autant, et pour te donner une idée, nous sommes au tiers de la partie une de l'histoire. La partie deux, elle, sera assez différente, mais je n'en dis pas plus !

PS: J'ai lu ton dernier chapitre, qui était vraiment très bien. Tu le verras dans mon commentaire ^^
DSWritter
Posté le 20/05/2025
*au deux tiers (pas un tiers x))
M.P Lenoir
Posté le 20/05/2025
Ça, pour la rendre vraiment antipathique, ça a fait le taff !

Au moins, cela reflète notre réalité. Il y aura toujours des personnes de pouvoir, plus haute que nous pour nous asservir. Cependant, Lya est, comme tu le dis, encore tellement naïve de ce monde pourtant bien plus sombre, qu'elle se fait avoir dès que l'ignorance est en jeu.

J'ai vraiment hâte de lire cette deuxième partie. Vraiment. J'espère que la publication de ton histoire se passera au mieux car je trépigne d'impatience de découvrir la suite.

Ps : merci beaucoup d'avoir lu mon petit chapitre, c'est vraiment le point de bascule dans ma tête pour donner plus de piquant aux personnages et mettre en place les stratagèmes que j'aimerais révéler à la fin. :)
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