Chapitre 21 - Kyle : Bienvenue dans la famille

Par Emma

À mon réveil, je sens un corps chaud blotti contre moi. Une main est posée en travers de mon ventre. Sa tête sur mon torse, Anna dort dans mon lit. Je n’en reviens pas… j’ai couché avec Anna Jackson. Ces derniers temps, on s’amusait à se chauffer à blanc, mais je ne pensais pas à passer à l’acte, encore moins en pleine journée, chez moi de surcroît. C’est la première fille que j’emmène ici, dans mon repaire, mon intimité. Pourtant, je n’ai rien calculé. J’avais tellement envie d’elle. Moi qui pensais qu’une seule fois me suffirait, j’étais vraiment loin du compte. Je ne peux pas la contempler sans la désirer. Je n’avais jamais ressenti quelque chose d’aussi fort. Tout me plaît chez elle. Sa beauté, son odeur, sa candeur, sa spontanéité, ses soupirs et même ses gémissements. La façon dont son corps réagit au contact du mien me fait bander comme un fou. J’enfouis mon visage dans ses cheveux, respire son parfum, resserre mon étreinte. La regarder dormir me donne un sentiment de bien-être. Je me sens apaisé, en sécurité, en confiance. Je hausse les sourcils, surpris de mes réflexions, c’est absurde, ce n’est qu’une fille, pas une arme !

Elle se réveille, désorientée, un peu perdue. Elle me sourit, se souvient et rougit. J’ai juste envie de l’embarrasser, en lui glissant à l’oreille ce que j’aimerais lui faire. Gênée, elle se cache derrière ses cheveux, je m’empresse de les rassembler sur sa nuque, puis, lui prends son portable et fais des photos d’elle, de moi, de nous. Je veux qu’elle se souvienne pour toujours de ce moment. Si une nouvelle idée de ce genre me traverse, je suis bon pour être le mec le plus romantique de cette baraque !

Je sens son appréhension, sortir et affronter le regard de mes frères n’a pas l’air de l’enthousiasmer. Je décide d’aller en reconnaissance pour voir si la voie est dégagée. Je le sais déjà, aucun d’eux ne sera là, mais rassurer Anna est ma priorité.

Un mot est posé sur la table de la cuisine :

On a été obligés de déserter précipitamment la maison pour cause de tapage de burnes (désolé, diurne). Toute ressemblance avec des personnes excitées à mort (ou ayant excité les mecs, qui n’ont pas la chance d’avoir des copines chaudes comme la braise, ce qui est fort regrettable) serait fortuit.

Votre serviteur DEREK.

J’explose de rire, je ne peux plus m’arrêter.

En fin d’après-midi, on se cale devant un film en attendant mes frères. Les cheveux d’Anna me chatouillent le menton. Sa main posée sur ma cuisse me fait un tel effet… hum, j’ai envie de la renverser sur le canapé et de la posséder là, au beau milieu du salon. Tandis que d’autres images érotiques concernant ma petite amie se succèdent dans mon cerveau de dépravé, j’entends deux voitures se garer dans notre cour, puis des bruits de pas et des voix nous parviennent de la cuisine. Anna relève la tête et me regarde, anxieuse.

— Ne t’inquiète pas, avec moi tu n’as vraiment rien à craindre.

Putain, je me la raconte grave ! À ma décharge, mon côté protecteur ne peut s’empêcher de prendre le dessus.

Arrivé dans la pièce, le besoin de fuir au plus vite me fait reculer d’un pas. Taylor et Mike discutent tranquillement, une bière à la main. Marlène, le nez dans le frigo, leur demande s’ils veulent grignoter. Ils tournent simultanément la tête vers elle. Mon regard tombe alors sur le mot de Derek, trop absorbé par la présence d’Anna, je l’ai laissé traîner bien en vue sur le plan de travail. Je me précipite, le ramasse et le glisse dans mon calbut. Putain, j’suis trop con ! Le papier très mal placé me pique les burnes. Je serre les dents tout en réfléchissant au moyen de vider les lieux au plus vite, afin de retirer cette saloperie qui est en train de me massacrer les roustons !

Les yeux écarquillés et bouche bée, Anna m’observe du couloir, je lui fais signe de ne pas faire de bruit. Tout compte fait, je me vois mal quitter la pièce dans cet état, je plonge alors une main dans mon boxer et attrape ce maudit papier, mais je n’ai pas le temps de l’enlever que Marlène m’interpelle :

— Tout va bien Kyle ?

Oh, non merde ! Je redresse la tête et croise leur regard interloqué. Sauf qu’en vrai, seule Marlène et Mike me fixent dans les yeux, Taylor, sourcils froncés, a focalisé son attention sur mon entrejambe. Je déglutis et pique un fard monumental en bafouillant, tout en enlevant cette saloperie de papier que je broie dans mon poing.

— Alors, ça…ça va ou…ou quoi ?

Comme personne ne me répond, je sors en levant la main dans un salut ridicule. Putain, pourquoi j’ai fait ça ! Furieux et humilié, je déchire ce mot de malheur. Bien joué, à coup sûr le père d’Anna doit me prendre pour le dernier des imbéciles !

Anna, soucieuse, m’enlace et dépose des baisers dans mon cou. Elle sourit contre ma peau.

— Ne t’inquiète pas, avec moi tu n’as rien à craindre, dit-elle d’une voix grave.

— Je rêve ou tu viens de me retourner ma phrase ?

Elle fait la moue.

— Pauvre Kyle, qui se la joue protecteur.

Je prends un air faussement méchant.

— Oh, toi tu ne perds rien pour attendre.

Je la soulève dans mes bras et l’emmène dehors avant de l’embrasser.

**

Le jour de l’invitation est arrivé. Ce repas me stresse au point de n’avoir pas fermé l’œil de la nuit.  L’inquiétude, le manque de sommeil et l’indécision me ronge, tout ce que je revêts atterrit sur mon lit. Lorsque mes frères débarquent dans ma piaule, je suis encore en boxer à fixer mon placard comme s’il était l’ennemi à abattre.

— Alors, on rame ? T’as besoin de conseils pour plaire à beau-papa ?

Je fusille Derek du regard, ce crétin affiche un sourire moqueur. Elijah, toujours pragmatique, me passe des fringues. Au point où j’en suis, je me contente de les enfiler, sans me soucier le moins du monde de ces choix. Jean ajusté, marcel blanc et chemise bleu foncé. Je me contemple dans le miroir, j’ai beau flipper, j’ai carrément la classe.

La mère d’Anna me plaît. Je sens une douceur infinie chez elle, un côté rêveur. L’amour qu’elle diffuse autour d’elle est un baume sur ma peau. Je me demande d’où ça vient ! Comme je n’en ai pas la moindre idée, je salue à son tour le père de ma petite amie. Il me serre la main et me l’écrase juste assez pour me faire savoir que si je fais du mal à sa fille, je finirai certainement la tête enfoncée dans mon cul. Tout ça, sans prononcer un seul mot, son regard en mode warrior rivé au mien.

Le repas est délicieux, la conversation tourne autour des combats, des livres, des études. Ce moment me fait prendre conscience de la vie d’Anna. Cette baraque transpire le bonheur, l’équilibre, la confiance et l’amour. Sa mère nous relate l’enfance de sa fille. Les voyages en famille, tous les sports qu’elle a pratiqués. Ski, danse, football, handball, natation, escalade, patin et hockey sur glace, et bien sûr, la boxe. Les compétitions et les coupes. Les concerts, les dédicaces des artistes qui voulaient rencontrer son père, les fêtes d’anniversaire à Disney World, toute la panoplie y passe. Des photos éparpillées dans la maison confirment ce que nous venons d’entendre.

Je savais pourtant que ce genre de vie existait, mais c’est toujours plus frappant de le constater par nous même. Marlène et Mike font des remarques, posent des questions. Mes frères et moi, on mange sans rien dire. Le malaise de ma petite amie est palpable. La tête baissée dans son assiette, elle se contente de remuer ses aliments.

Après le déjeuner, Anna nous fait visiter la maison. Comme tout est à l’étage, je m’occupe du fauteuil, tandis qu’Elijah porte Derek. Sa chambre est impressionnante, spacieuse et très agréable, le confort maximum. Encore des marches et nous entrons dans l’atelier de sa mère, un silence s’installe. Cette pièce, tout comme Lynn, a une aura particulière. C’est comme si la magie s’était invitée dans ce lieu. Partout où je pose le regard, il y a des œuvres d’arts. A première vue, tout semble éparpillé, mais quand on n’y regarde de plus près, chaque chose est à sa place. Des morceaux de phrases sont retranscrits à la plume sur les murs, une lumière douce et chatoyante s’écoule lentement à travers les stores légèrement baissés. Du plancher aux cloisons, tout est en bois clair, un bureau et un fauteuil trônent au milieu de la pièce. Il y a des chevalets sur lesquels reposent des esquisses, d’autres arborent des portraits. Je me rapproche de l’un d’eux en grimaçant, merde, sa mère est fan de Justin Bieber ! Je ne suis pas sûr qu’elle ait raison d’écouter ce genre de musique, mais bon, après tout, ce n’est pas mon problème !

La journée se déroule agréablement jusqu’à ce que son père sorte un ballon de foot. Je vois le regard des gars s’illuminer. Chaud devant ! On tombe les chemises et direction le jardin. C’est une partie, Mike et moi contre Elijah et Taylor. Je ne suis peut-être pas le plus fort, mais je suis le plus rapide. En revanche, lorsque je me fais plaquer par Elijah, c’est une autre histoire. Tout l’air de mes poumons est expulsé d’un coup. J’ai l’impression que ma cage thoracique vient d’entrer en collision avec un train lancé à grande vitesse. Il m’aide à me relever et comme si ce n’était pas suffisant, Taylor me met une claque dans le dos. Oh putain ! Je l’ai sentie passer celle-là !

À la fin de la partie, j’ai mal partout, aucune surprise, personne ne s’est retenu. Certainement des comptes à régler, avec moi principalement, il faut croire !

Au moment de notre départ, je trouve un prétexte pour m’éloigner, et fais discrètement signe à Anna de me rejoindre.

J’attrape sa main et l’entraîne derrière la maison, et la plaque contre la façade avant de l’embrasser comme j’en ai eu envie toute la journée. Mon front posé contre le sien, je reprends mon souffle et murmure :

— Je te dois des excuses.

— Pourquoi tu dis ça ? Me demande-t-elle étonnée.

— Pendant le repas, ta mère a évoqué ton enfance, et ça t’a mis mal à l’aise. Elle a certainement voulu m’impressionner, et si je n’avais pas été là, elle ne l’aurait sans doute pas fait.

Elle prend mon visage dans ses mains et plonge son regard dans le mien.

—J’ai eu une vie privilégiée, et j’ai trouvé ça injuste qu’elle en parle avec autant de désinvolture, c’est moi qui te demande pardon. Je…

— Anna, où es-tu ?

La voix de Lynn se rapproche, par réflexe, je recule et me cale contre le mur juste à côté d’Anna. Je sais, ma réaction n’est pas la bonne, mais impossible de faire marche arrière.

— Ah, vous voilà ! Kyle, ta famille est sur le départ, ils t’attendent.

Anna me raccompagne jusqu’à la voiture. Un peu embarrassés par le regard des autres, on se calcule à peine. Et comme je suis un imbécile, je lui balance :

— À plus Anna.

Pour toute réponse, elle me salue de la tête, visiblement déçue par ma répartie. Comment lui expliquer mon trouble ? Pour moi aussi c’est une première d’être invité chez les parents d’une fille, alors de là à être démonstratif devant sa famille, c’est pas gagné.

 

 

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SagaLee06
Posté le 05/09/2024
Quel chapitre !
La scène avec le mot m'a fait explosé de rire, quel idiot ce Kyle ! Il n'en rate pas une ! 😂
Derek sait toujours appuyer là où c'est GÊNANT, j'ai failli recracher mon verre 😅
L'écriture est toujours aussi fluide, l'évolution de la romance commence doucement, on vit a relation avec eux et c'est touchant ! Ça reflète bien les courgettes qu'on peut être quand on est amoureux : maladroit, gêné et un peu perdu, parce qu'on est capable de tout capoter à cause du stress !

Je valide :)
Emma
Posté le 05/09/2024
Merci SagaLee06,
ton commentaire me touche, oui en effet Derek est encore passé par là ! c'est un idiot doublé d'une andouille 😂 mais que ferions-nous sans lui, je te le demande !
La relation Anna/Kyle évolue doucement mais sûrement et j'aime cette approche, tout ne peut pas se faire trop vite, sinon ils ne pourrait pas tenir la distance.
A bientôt de te lire
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