- Qui sera son instructrice ? demanda Karla.
Une heure plus tôt, Loreleï avait demandé à Chris de la mordre. Il avait longuement échangé avec elle. Il ne voulait pas. Elle était trop jeune. Il comprenait cependant. Loreleï supportait mal la vie humaine. Ses sœurs la rejetaient. Elle refuserait de toute façon de baiser avec lui et par conséquent, de porter la vie.
Il avait testé ses connaissances pour finir par soupirer. Loreleï ne serait jamais plus prête que cela.
- Quelles sont tes questions ? avait-il demandé.
- Pourrais-je revoir mes dauphins ? avait-elle interrogé d’une petite voix mouillée.
- Je ne peux pas te promettre qu’ils t’importeront toujours autant. Ton rapport à la vie sera différent. En revanche, je demanderai aux ingénieurs de basculer la lagune de l’autre côté. Auras-tu le temps de leur rendre visite ? Je n’en sais rien. En revanche, tu pourras les libérer dans l’océan et les suivre car tu n’auras plus besoin de respirer.
Loreleï en avait bavé d’avance.
Puis le père avait sorti les dents et Loreleï s’était pissée dessus de terreur. La morsure restait un moment flou. La souffrance dépassait l’entendement. Elle était morte.
Pourtant, elle avait ouvert les yeux mais enfin, elle comprenait pourquoi Sarah et Chris en parlaient comme d’un décès. Loreleï était morte. Que ses sœurs prêtresses du bien la méprisent lui sembla sans importance dès son réveil. Elles n’importaient plus. Son adoration pour le père, en revanche, monta d’un cran.
Dès son réveil, elle s’agenouilla et récita « L’adoration au père ». Elle était en train de le faire lorsque Karla s’était approchée pour poser sa question à Chris. Loreleï se rendit compte qu’elle pouvait aisément parler et écouter en même temps. Ses compétences intellectuelles venaient de faire un bond. Elle en sourit de ravissement.
- Moi, répondit Chris.
Karla se crispa une seconde avant de s’incliner respectueusement puis de disparaître dans un couloir attenant. Elle avait demandé l’identité de « l’instructrice ». Il s’agissait donc habituellement une femme, une prêtresse du mal, supposa Loreleï. Qu’il la prenne en charge lui-même était inhabituel. Voilà qui n’allait pas l’aider à se faire apprécier des prêtresses du mal. Loreleï grimaça puis retrouva le sourire. Le père allait l’instruire lui-même. Elle en déborda de joie.
Dès « L’adoration au père » terminée, il lui fit signe de le suivre. Ils atteignirent une suite de trois pièces vides dont l’une proposait une salle de bain contenant uniquement le minimum vital, dans un cadre froid et impersonnel.
- Tes appartements, indiqua Chris.
Loreleï se figea. Finie la vie en communauté ? Elle avait sa propre chambre ? Elle sautilla de joie.
- Tu es entourée d’ondes avec lesquelles tu peux interagir. Grâce à elles, tu pourras meubler ton chez-toi, le remplir et même obtenir de la nourriture – et par là, j’entends des êtres humains, même si tu peux aussi demander une crème anglaise.
Loreleï rit en entendant le nom de son dessert préféré, pour peu qu’on puisse nommer cela un dessert.
- C’est via ces interactions que tu pourras ouvrir et fermer la porte. Rejoins-moi pour la suite de ton éducation.
Loreleï ne suivit pas Chris pendant qu’il sortait. Il s’arrêta sur le seuil, se retourna à demi et lança :
- Loreleï, fais-moi plaisir.
- Oui, père ?
- Survis à cette épreuve.
La porte se referma et elle se retrouva seule. Elle ne comprit pas. Elle n’avait repéré aucune menace, aucun danger dans les propos du père. Elle s’approcha de la porte qui resta close. Aucune poignée, aucun détecteur, aucun bouton, rien. Le panneau proposait une surface lisse et dur, dans l’alignement des murs en béton gris.
Il lui suffisait d’interagir avec les ondes pour ouvrir, avait-il dit, ou obtenir à manger ou un lit. Loreleï chercha la tablette, le téléphone, l’interface, quelle qu’elle fut. Trois pièces vides et une salle de bain ne furent pas longues à fouiller. Il n’y avait rien.
Même le lavabo et la douche ne proposaient aucun robinet, juste des tuyaux ne réagissant ni au mouvement, ni au toucher. « Tu es entourée d’ondes avec lesquelles tu peux interagir » avait dit Chris. D’accord, mais comment ?
Loreleï frémit. Elle venait de se souvenir au mot près, avec l’intonation de la voix, des propos de Chris. Sa mémoire parfaite venait de s’activer. Elle en rosit de plaisir.
Restait maintenant à contrôler ses sens. Elle connaissait la théorie : elle voyait et entendait parce que ses yeux et ses oreilles percevaient certaines ondes, que son cerveau avait appris à interpréter. Sa mission était simple, en théorie : augmenter sa sensibilité et donner un sens aux nouvelles perception. En pratique, Loreleï n’avait pas la moindre idée de comment faire ça.
Comme une lionne en cage, elle marcha en longeant les murs, une main glissant sur le béton froid. Ce faisant, elle tentait de demander à son esprit d’augmenter sa capacité d’écoute mais rien ne se produisait. Était-ce censé être facile ?
Loreleï avait lu « le livre des origines » et toutes les œuvres de Stiny, le conservateur de la bibliothèque du palais. Bien qu’il n’existât aucune biographie de Chris, de Malika ou de Baptiste, Loreleï s’était renseignée sur les Vampires grâce aux nombreuses autres biographies écrites par Stiny.
Chaque Vampire proposait sa propre version de la prise de contrôle. Cependant, tous étaient d’accord sur un point : le plus difficile était de maîtriser la procréation. En revanche, aucun n’avait insisté sur l’amélioration des cinq sens. Loreleï l’avait supposée aussi évidente que l’accès à la mémoire parfaite. Visiblement, dans son cas, il n’en était rien.
Elle finit par connaître par cœur la moindre imperfection des murs de béton. La faim commença à monter. Il lui suffisait de demander à l’IA pour qu’elle lui apporte de la nourriture. Certes, mais comment ?
- J’ai faim. Pourrais-je avoir à manger, s’il vous plaît ? tenta-t-elle.
Nul ne répondit. Ça aurait été bien trop simple. Elle tomba à genoux. La sensation grimpait. Étrangement, elle ne venait pas de l’estomac mais du cœur, comme s’il se trouvait compressé dans un étau.
Elle sentit ses organes internes se disloquer un à un pour offrir l’énergie nécessaire au cerveau. Une partie de son esprit demanda une mise en hibernation d’urgence. Si elle laissait faire, elle perdrait toute maîtrise d’elle-même. Elle raterait cette épreuve. « Survis », avait-il demandé. Il n’y avait pas de possibilité d’échec. Seule la mort l’attendait au bout du chemin.
- Il te suffit de demander, assura Chris en apparaissant, accroupi, devant elle. Regarde et écoute.
Il lui désigna la porte qui s’ouvrit avant de se refermer. Loreleï n’avait rien perçu. Pour elle, cela ressemblait à de la magie. Bien sûr, elle savait que ça n’était pas le cas. Elle ne put s’empêcher de pleurer. Elle décevait le père. Elle échouait à la première épreuve. Elle s’en voulait à mort.
- Récite l’adoration au père, ordonna Chris.
Loreleï le fit, en état second. Tout son corps hurlait de douleur, réclamant une mise en veille. Pourtant, les mots coulaient librement entre ses larmes.
- Tu peux y arriver, Loreleï. J’ai confiance en toi.
- J’ai mal, chouina Loreleï.
- Surmonte la douleur, dit Chris. Écoute !
- J’essaye ! J’ai faim ! pleura Loreleï en sortant les dents.
- Ton attitude est menaçante. Ne m’agresse pas. Rentre les dents.
Loreleï obéit en gémissant.
- Pardon, père, pardon. Je te supplie de me pardonner. Je ne voulais pas être…
- Calme-toi ! Tout va bien, dit-il en la prenant dans ses bras. Je t’instruis, c’est tout. Tu n’as rien fait de répréhensible. Tu apprends et tu le fais bien. Maintenant, ouvre tes perceptions et écoute. L’IA te parle.
- Je n’entends rien, sanglota Loreleï.
- Fais-toi confiance. Tu sais faire. Tu as toutes les connaissances requises.
- J’essaye de percevoir des ondes plus courtes ou plus longues, en vain, indiqua Loreleï.
- Arrête de conceptualiser les choses. Tu es partie sur le côté scientifique. Ce n’est peut-être pas celui qui te convient. Qu’entends-tu ?
- Des cliquetis, dit Loreleï. Des dauphins !
- Écoute-les, Loreleï. Que te disent-ils ? Tu es dans l’eau, tu nages avec eux. Ils te parlent !
Loreleï cessa de tenter d’améliorer ses sens, de capter une fréquence particulière. Elle voulait juste parler avec ses amis. Elle laissa parler son cœur et soudain, elle fut assaillie par des centaines de sensations, multiples et variées. Submergée, elle cria.
- Tu dois maintenant trier tout ça, annonça Chris qui la tenait toujours dans ses bras. Le plus urgent est d’obtenir à manger. Demande à tes amis les dauphins de t’aider.
Loreleï produisit un son. Comment ? Elle n’aurait su le dire car il n’était pas humain. Quelques instants plus tard, un homme entra dans la pièce. Il portait autour du cou un collier en or avec un pendentif rond. Loreleï reconnut un initié, ces gens qui vénéraient Chris tel un Dieu, offrant volontairement leur vie aux Vampires au nom de leur religion.
Il s’offrait à elle ? Son instinct gronda. Sa vie, elle allait la lui prendre. Fixant la proie dans ses yeux, elle ouvrit la bouche et sortit les dents, prête à bondir.
La main de Chris contre ses canines interrompit son geste. Il lui avait dit de ne pas sortir les dents, certes, mais alors qu’ils étaient seuls ! Là, il n’était clairement pas menacé ! Loreleï se figea, pétrifiée de terreur à l’idée d’avoir mal agi. Elle avait tellement faim !
- La nourriture se fait rare, murmura Chris à son oreille. Pas de gaspillage. Tu te nourris mais tu ne le tues pas !
Loreleï gronda de frustration.
- Récite l’adoration au père, ordonna Chris en retirant sa main.
Loreleï regarda sa proie qui attendait, stoïque. Son attitude n’avait rien de déférente. Il patientait simplement, calme et tranquille. Il semblait même s’ennuyer, simple spectateur d’une scène qui l’indifférait.
En larmes, Loreleï laissa les mots couler hors d’elle tandis que le temps s’étirait. À aucun moment elle ne fut tentée de désobéir à Chris, de s’arrêter de réciter malgré la faim qui devenait critique. Loreleï prononça le dernier mot avec sa voix légèrement modifiée par les canines proéminentes. Allait-il lui demander de recommencer ?
- Maintenant, tu peux te nourrir, annonça le père.
Soulagée, Loreleï s’avança en rampant vers l’initié. Pas étonnant qu’il n’ai pas peur. Loreleï devait montrer un visage bien pitoyable. Un terrible Vampire, elle ? Pfff… Une loque oui !
Elle n’eut même pas la force de se relever pour le mordre à la gorge. Elle se contenta du mollet, plus à portée. Le sang chaud envahit ses sinus et un profond sentiment de bien-être l’envahit. Elle se retira rapidement, peu encline à tuer sa proie. Chris ne lui pardonnerait pas.
L’initié se retira. Il n’avait pas crié, pas sursauté, pas frémi. La morsure semblait n’avoir été qu’une formalité pour lui. Loreleï s’en trouva étrangement dépitée.
Elle se releva et baissa les yeux devant Chris, attendant qu’il donne les instructions suivantes.
- Tu sais demander à manger à un dauphin, super, ironisa Chris. Maintenant que tu as compris le principe, améliore-toi. Je t’interdis de sortir d’ici alors à ta place, j’améliorerais un peu l’environnement sinon, tu vas vite perdre l’esprit. Il te suffit de demander pour avoir. Bonne décoration !
Il sortit, la laissant seule. Elle s’assit en tailleur et médita. Dans le flot de perceptions, elle perçut des fils, des nuances. Son esprit tria, classa, rangea, ordonna et le sens se dégagea. Elle demanda à manger à l’IA. Quelques instants plus tard, on frappait à la porte. Loreleï ordonna à la porte de s’ouvrir en lançant la commande adéquate sur le bon canal.
L’initiée – une femme cette fois – lui offrit sa gorge avant de repartir. Loreleï se sentit mieux. Elle put penser sereinement.
De nouveau en tailleur, elle s’ouvrit pleinement aux ondes et continua son classement. Une interface finit par apparaître, des onglets à gauche, le contenu à droite, une barre de menu en haut. Loreleï navigua, ahurie devant cet habile mélange de compétence Vampire et de technologie, l’union du corps et de la machine. Pas d’implant, pas de lien physique, juste une utilisation intelligente des capacités des Vampires. La symbiose parfaite. Aucun humain ne pourrait jamais y accéder sans une interface spécifique. Aucun humain ne se douterait que le Vampire était en réalité en train de naviguer sur Internet.
Loreleï se revit, récitant pendant des heures « L’adoration au père » devant Chris et elle comprit qu’il n’était pas inactif pendant qu’elle répétait sa vénération. Il naviguait tranquillement. Elle ne l’avait jamais empêché de travailler. Elle en ressentit un immense soulagement.
Elle découvrit son interface. L’un des onglets proposait une réalité augmentée. Loreleï ouvrit l’application et le sol se couvrit d’un parquet clair, trop clair. Elle en choisit un autre puis s’attaqua au mur. Elle s’amusa à meubler virtuellement chaque pièce, consciente que rien n’était réel mais que cela importait peu. Pour ne pas sombrer dans la folie, cela suffirait largement.
Elle perça même des fenêtres dans les murs en béton pour obtenir une jolie vue sur un parc arboré et un bassin de dauphins qui n’existaient que dans cette illusion.
La salle de bain reçut le même traitement et enfin, Loreleï fut satisfaite de ses appartements.
- Tu n’as pas mis de lit, fit remarquer Chris.
- Je ne compte pas dormir, indiqua Loreleï, ni baiser, crut-elle bon de préciser.
Cela fit sourire le père.
- Tu as tort… pas pour baiser, enfin si, mais dormir est agréable. Si ton cerveau humain classait les informations pendant ton sommeil, celui Vampire le fait mille fois mieux.
- Je saurai m’en souvenir, promit Loreleï.
- J’aime bien ce que tu as fait de cet endroit. Allez, viens ! Sortons !
Loreleï le suivit. Visiblement, elle avait réussi cette épreuve. Il l’amena dehors jusqu’à une plage.
- Va nager avec eux. Fais en sorte de les suivre dans les profondeurs. Adapte ton corps. Nourris-toi de zooplancton, comme les baleines, ou de petits poissons. Reviens maximum dans une semaine. Compris ?
Loreleï hocha la tête. Elle se dévêtit devant Chris qui détailla son corps sans esquisser le moindre geste. Respecter sa volonté de ne pas entrer en contact, oui. Se priver de la mater, non.
Loreleï plongea. Ne pas respirer fut difficile. Le réflexe était bien ancré. Lorsqu’elle en fut capable, le froid la saisit ainsi qu’une trop grosse perte énergétique en nageant. Elle utilisa toutes ses connaissances sur les animaux marins pour améliorer son corps.
Sa peau devint lisse et glissante. Ses mains et pieds se palmèrent. Elle hésita à coller ses pieds en une seule nageoire puis se ravisa pour se contenter d’une queue lui permettant de tourner à moindre frais.
Les dauphins nageaient toujours plus vite qu’elle. Ils s’en amusaient, se moquant gentiment d’elle. Loreleï ajusta de petits paramètres, copiant les dauphins et bientôt, elle put les suivre sans difficulté. Affamée, elle partagea leur repas de poisson mais cela ne lui suffit pas.
Respirer de l’eau par ses poumons fut très difficile. Récupérer le zooplancton contenu dedans, en revanche, se dévoila aisé. Loreleï sauta dans les vagues avec ses amis, plongea dans les profondeurs, attrapa des calamars colorés, se frotta contre les mammifères, s’éloigna d’eux pour mieux revenir.
Elle n’oublia cependant pas la demande de Chris et une semaine exactement après son plongeon, elle reparut sur la plage. Chris la détailla tandis qu’elle expulsait l’eau de ses poumons.
- Tu es très belle, dit-il.
- Tu baiserais un thon, ricana-t-elle une fois l’air de nouveau disponible pour faire vibrer ses cordes vocales.
Il explosa de rire. Loreleï reprit forme humaine puis passa la robe noire que lui tendait Chris.
- Tu apprends vite, indiqua-t-il. Je suis très content.
Loreleï en frémit de joie. Il l’emmena jusqu’à sa chambre. La porte s’ouvrit pour dévoiler l’intérieur que Loreleï avait choisi, réel cette fois.
- C’est magnifique ! s’exclama-t-elle en caressant les meubles en bois. Il ne fallait pas !
- C’est chez toi. Normal que cela te plaise.
- Merci beaucoup, murmura-t-elle au bord des larmes.
- Tu peux rejoindre tes sœurs pour échanger, bavarder. N’hésite pas à te promener et à leur parler.
- Je n’en ai guère envie, indiqua Loreleï.
- Sarah est là, proposa Chris.
Retrouver la supervisatrice ferait plaisir à Loreleï. Elle avait disparu après la rébellion des prêtresses du bien. Chris jugeait son travail inutile puisque pas à même de découvrir une faille. Les tests aléatoires permettaient de vérifier l’investissement des filles. Cela suffisait, permettant à Sarah d’être envoyée sur une mission plus importante.
Loreleï se tortilla de malaise. Passer du temps avec ses sœurs ne l’attirait pas vraiment.
- Combien d’entre elles ont mal surveillé ?
- Beaucoup, indiqua Chris. Elles ont été punies.
Loreleï grimaça. Elle n’avait pas envie de s’approcher d’elles. Elle s’attendait à leur réaction de rejet et préférait autant ne pas le vivre.
- Nourris-toi souvent, plusieurs fois par jour si besoin.
- Tu veux que j’apprenne à sentir mon venin.
- Le plus vite sera le mieux. Cet apprentissage a radicalement changé depuis que les humains sont immunisés au Vampirisme.
Loreleï acquiesça. Certains pourraient arguer de l’inutilité d’apprendre à contrôler son venin puisque les humains y étaient insensibles. Loreleï ne s’y risqua pas. Elle comprenait très bien la nécessité d’agir de cette manière. Le but était avant tout d’être au contrôle, de tenir les rênes, que le Vampire en soi ne décide pas. Elle tenait à faire la fierté du père. Elle apprendrait à contenir son venin.
- Je ferai de mon mieux, assura Loreleï.
- Je n’en doute pas, répondit Chris d’un ton neutre. Continue à travailler tes transformations. Maîtriser l’univers marin, c’est bien. Ne néglige pas pour autant le terrestre et je te demanderai aussi de développer l’aérien.
- Voler, vous voulez dire ?
Chris acquiesça. Loreleï n’y avait même songé. Elle regarda en l’air.
- Ne meurs pas en essayant, gronda Chris.
- J’ai écouté toutes les interviews de la chaîne Induction, précisa Loreleï. Je ne ferai pas la bêtise de me transformer intégralement en aigle.
- Parfait, assura Chris en souriant. Amuse-toi bien !
Ce fut long, bien plus long que Loreleï ne l’aurait espéré mais finalement, Chris valida le contrôle de son venin et de son corps. Elle pouvait paraître humaine à la perfection, charmer son interlocuteur, se transformer en un parfait animal marin, terrestre ou volant. Elle rentabilisait chaque action, mordait sans tuer, parlait toutes les langues de la Terre, comprenait les stratégies militaires et politiques, pouvait discourir d’art ou de philosophie, le tout en s’agenouillant devant Chris à sa simple demande, acceptant d’obéir aveuglément à n’importe lequel de ses ordres. Le regard de Chris gonflait Loreleï de fierté. Il aimait ce qu’il voyait. Elle en était certaine.