- Tu as l’air inquiet, fit remarquer Loreleï.
Chris venait de la rejoindre. Son visage défait l’angoissa.
- Tu es prête, annonça-t-il gravement.
Loreleï eut envie d’en hurler de joie. Pourquoi le père était-il si triste ? Elle garda le silence, la gorge nouée devant le père dont la mâchoire se serrait.
- La mission que je vais te confier est périlleuse, indiqua Chris.
Loreleï en cessa de respirer – ce dont elle n’avait de toute façon besoin que pour parler.
- Je vais t’envoyer sur Terre, poursuivit Chris.
Loreleï serra les dents. Le père détestait envoyer des Vampires là-bas. Ce monde était le sien. De plus, il était dangereux. Les humains ne se laissaient plus faire. Bien sûr, il y avait toujours énormément de Vampires sur la planète bleue. Chris n’empêchait pas les anciens avertis et leurs petits de s’y rendre. Il les mettait en revanche en garde et nombre d’entre eux se faisaient tuer.
Lorsqu’un averti indiquait vouloir se rendre sur Terre, Chris discutait avec lui, échangeait pour connaître ses raisons et lui offrait la même chose hors sol, dans l’univers parallèle trouvé par Baptiste, celui-là même où elle se trouvait actuellement, dans une nébuleuse hors de portée des terriens.
- J’aimerais que tu retrouves Caly, précisa Chris.
« Caly ? » s’étouffa en pensée Loreleï.
- Bien sûr, il est impensable que tu la trouves en deux jours, précisa Chris. Ta mission sera sur du long terme. Cela signifie te couper de tout lien avec nous pendant potentiellement des siècles. Tu es la candidate idéale.
Loreleï comprenait son choix. Loreleï ne vivait pas vraiment ici. Elle n’interagissait jamais avec les autres habitants de la pouponnière. Partir ne la dérangeait pas. Ne plus voir Chris, en revanche…
- Je ne t’abandonne pas ! s’exclama Chris en croisant son regard éperdu. Je ne te rejette pas !
Il la prit dans ses bras et l’enlaça.
- Je t’aime, Loreleï. N’en doute pas. Trouve-moi Caly. Ne cherche pas à entrer en contact avec elle. Ce n’est pas ce que je te demande. Trouve-la puis reviens.
Il lui prit le visage pour la regarder de nouveau dans les yeux.
- Tu seras entièrement livrée à toi-même. Caly est probablement méfiante. Je ne mettrai aucun traqueur sur toi qu’elle pourrait elle-même suivre. Tu prends une navette, tu vas sur Terre et tu disparais. C’est le but. Tu penses en être capable ?
- Caly peut être n’importe où ! s’exclama Loreleï.
- Elle est peut-être même morte, confirma Chris. Depuis qu’elle a tué Félix, elle est introuvable.
- Pourquoi veux-tu la retrouver ? interrogea Loreleï.
Elle n’avait pas à le savoir mais elle en avait besoin. Qu’importait cette Vampire parmi des milliers d’autres ?
- C’est ma sœur, annonça Chris. Je l’ai trahie. Je l’ai abandonnée. J’ignore ce qu’elle sait et ce qu’elle ignore. Je veux… réparer mon erreur, lui retirer son sine condicione pour Seth pour commencer. Elle doit souffrir le martyre pour rien. Lui offrir mon aide, mon soutien, lui assurer de mon amitié. Elle croit que le monde appartient à Gilles d’Helmer. Je veux… m’excuser, je suppose.
Loreleï sentit une profonde culpabilité chez le père. Il s’en voulait sincèrement.
- Caly n’y était pour rien. Elle n’a jamais tué personne. Elle n’était qu’amour et douceur, harmonie et joie. Je n’ose imaginer ce qu’elle doit penser. Je voudrais juste la possibilité de me racheter.
Loreleï hocha la tête pour indiquer qu’elle comprenait. Mission de merde : retrouver une ombre.
- Je suis conscient que ça fait cent trente ans qu’elle a disparu, commença Chris.
- Je ne suis pas la première prêtresse du mal que tu envoies à sa recherche, supposa Loreleï.
- En effet. Tu es la treizième. Puisse ce rang te porter bonheur.
- Elles sont revenues bredouille ? demanda Loreleï, consciente que la réalité était toute autre.
- Elles ne sont jamais reparues. La traquent-elles encore ? Je l’ignore.
- Ce sont elles que les prêtresses du bien cherchent sur leurs écrans ? demanda Loreleï.
- Entre autres, acquiesça Chris.
C’était cela que l’absence de surveillance de ses sœurs avait potentiellement fait rater : des sœurs en danger. Loreleï vomit ses consœurs. La surveillance était peut-être chiante mais Chris ne demandait rien sans raison. Loreleï espéra que les nouvelles feraient mieux leur travail, lui permettant d’être repérée si jamais un jour elle avait besoin d’aide.
- Je ne te demande pas de partir dans l’instant, précisa Chris. Mets d’abord tes affaires en ordre. Si tu as des gens à qui parler, des choses à faire, tes adieux à faire à tes dauphins, je comprendrai.
- Puis-je parler à Malika ?
- Bien sûr, lança gravement Chris. Il me semble normal que tu aies besoin de voir ta mère. Préviens-moi avant de partir, d’accord ?
- Bien sûr, père.
Chris s’éloigna, laissant Loreleï seule. Il n’avait pas besoin d’en dire plus. Loreleï savait très bien qui était Caly, la petite de David dont ce dernier était tombé follement amoureux à la préhistoire, ouvrant la voie au sine condicione, cet amour qui touchait les Vampires refusant de procréer. David et Caly étaient restés ensemble, couple soudé, inséparables. Paul avait tout brisé en assassinant David par jalousie. Baptiste avait vengé David en tuant Paul à son tour. Ce meurtre aurait dû lui valoir la mort mais Chris avait envoyé Malika le sauver.
Aujourd’hui, Baptiste dirigeait les laboratoires au palais. Il s’était réconcilié avec Gilles, permettant à une véritable paix de s’installer entre les Vampires, qu’ils furent américains ou européens, crées par Juliette, la petite de Gilles, ou par Chris. Bien sûr, des rancœurs subsistaient et les rixes étaient quotidiennes mais rien de comparable avec la guerre précédente.
Loreleï traversa plusieurs cours et couloirs, changea de bâtiment pour finalement s’arrêter devant une porte ouverte. Elle observa l’intérieur : pas de boiserie ornementée, pas d’or ou d’argent, pas de bois précieux, pas de tapis, ni soie, ni cachemire. Il n’y avait ni fenêtre, ni plante. Cet endroit ressemblait à une prison. Loreleï frissonna. Dire que Malika s’infligeait cela à elle-même. C’était peu dire qu’elle s’en voulait.
Un lit en fer forgé proposait un matelas confortable, des draps propres et une couverture chaude, le tout impeccablement plié. Une chaise simple en bois, bien rangée sous une petite table, attendait qu’on veuille bien se servir d’elle. Un fauteuil très confortable s’ennuyait.
Une femme se tenait, à genoux, dos à l’entrée, devant l’unique décoration murale : un portrait de père.
Loreleï frappa timidement.
- Entre, Loreleï ! dit la femme en se relevant avec grâce.
La prêtresse du mal pénétra dans les appartements de sa mère avec appréhension. Malika restait cloîtrée ici par volonté personnelle. Ne prendrait-elle pas mal qu’une de ses filles s’impose ainsi ?
- Assieds-toi ! proposa Malika en désignant le fauteuil.
Loreleï fut choquée par la vision. Que Malika ressembla à une égyptienne antique n’aurait pourtant pas dû la surprendre. La mère éternelle dût s’en rendre compte car elle se justifia :
- J’ai repris mon apparence de naissance depuis ma trahison envers Chris. Je ne sais pas pourquoi mais ça m’aide. Un genre de retour aux sources…
- Je comprends totalement, assura Loreleï qui reprenait toujours sa forme de naissance au sortir d’une séance de mimétisme animal.
Loreleï n’arrivait pas à s’en remettre. Malika sourit en caressant son ventre proéminent. Elle attrapa la chaise pour s’y installer. Loreleï se sentit mal de se trouver dans un fauteuil confortable tandis que sa mère enceinte se contentait de la chaise.
Elle fixa la courbe en dessous de la poitrine de Malika.
- Comment fais-tu, pour ne pas la tuer, je veux dire ? demanda Loreleï.
- Je ressens un amour inconditionnel pour mes filles, indiqua Malika. C’est d’une force telle que j’imagine que ça doit avoisiner le sine condicione, sans certitude toutefois, ne l’ayant jamais croisé. Mon côté Vampire veut avaler cette vie fragile et vulnérable. Mon instinct maternel me hurle de la protéger, de tout faire pour l’amener au bout. C’est une lutte permanente qui me prend beaucoup d’énergie. Le moindre faux pas et mon bébé meurt.
- Chris te le prend dès la naissance et l’éloigne de toi.
- Je ne mérite pas de vous élever, trembla Malika. J’ai osé le défier.
- Raconte-moi, demanda Loreleï.
- Je vous voulais tellement, mes filles. C’était viscéral, profond, entier. Qu’est-ce que j’ai pu souffrir ! Combien de bébés perdus, avalés par la faim du Vampire en moi ? Le bien-être quand je lâche prise, celui du prédateur repu. Le dégoût de le ressentir. Et enfin, le bonheur d’y arriver et la peine de savoir que Chris vous tuerait. J’ai beaucoup pleuré. J’étais tellement mal !
Loreleï en tremblait. Elle connaissait les faits par les écrits de Stiny mais aucun ne venait directement de Malika ou de Chris. L’histoire se retrouvait par bouts mais rien d’aussi direct.
- Mes filles ont grandi sans moi, loin de moi, jusqu’à Temülün. Elle a offert sa vie pour moi. Un dernier obstacle subsistait : Chris. Je lui ai proposé de nous rejoindre en mode mi-charmeur, mi-menaçant.
- Il n’a rien dit ?
- Il était en sine condicione avec moi. Ça rend fou.
- Chris n’a jamais perdu l’esprit, la contra Loreleï.
- Parce qu’il n’a jamais vraiment accepté d’obéir à Paul. Je suppose qu’au bout d’un moment, il s’est résigné d’où son amour pour moi. Il n’a pas attendu longtemps après m’avoir transformée pour créer Imhotep. Se rendant compte trop tard de sa connerie – pas de l’avoir transformé, mais de l’avoir laissé seul – il a cessé de transformer mais il n’empêche que son sine condicione n’a jamais été aussi fort que celui de ses frères grâce à Imhotep.
- Il n’a quand même pas réagi à ta menace, répliqua Loreleï.
- Il subissait le sine condicione, l’ahurissement de ma trahison et la puissance phénoménale qui se trouvait sous ses yeux : vous. Dire que les Aars n’étaient pas un groupe agréable est une litote. S’en éloigner n’est guère difficile. Chris a sauté sur le train de la liberté. Loin de Paul, il a pris son envol.
- Il s’est libéré du sine condicione et malgré cela, il t’a laissée faire ?
- C’était une époque ardue. Nous devions trouver notre rythme, créer notre couple – qui venait seulement de naître en fait – tout en élevant nos filles et en espionnant les avertis, sans nous faire voir des Aars mais en les surveillant quand même. Nous avons commis beaucoup d’erreurs. J’ai pris bien trop de pouvoir mais en même temps, c’est tellement difficile ! Chris a beau vous transformer, aucun lien magique ne vous relie à lui. Je nomme « magie » ce que Baptiste n’explique pas et le lien créateur/petit d’un Vampire en fait partie.
Loreleï signifia d’un geste qu’elle avait compris.
- Au contraire, un lien fort vous unie, mes filles, à moi, alors même que les Vampires classiques oublient leurs parents biologiques. Tu as demandé à venir me parler alors même que tu ne m’as jamais rencontrée. Vous vous tournez naturellement vers moi, en dehors de toute logique.
Loreleï en eut les larmes aux yeux. Elle ne voulait pas trahir le père. Elle suivait son instinct.
- Ainsi, lorsque j’ai désobéi à Chris, aucune de mes filles n’a réagi. Elles ont trouvé ça normal. Et lorsqu’il a essayé, devant elles, de me punir, et qu’elles ont constaté mon opposition – un simple mouvement de recul alors qu’il avançait la main vers moi, elles sont intervenues pour me protéger.
Loreleï grimaça. Elle ne put s’empêcher de se demander comment elle aurait réagi. Aurait-elle laissé Chris s’en prendre à Malika sans réagir ? Cela lui sembla difficile et pourtant, oui, elle l’aurait laissé faire.
- Tu penses que tu aurais pris la bonne décision ? lança Malika.
Loreleï eut un rictus mauvais. Comment sa mère osait-elle douter d’elle ? Jamais elle ne s’en serait pris au père !
- Celle de l’aider contre tes sœurs et moi ? précisa Malika.
Loreleï frémit. Elle venait de s’imaginer inactive, passive, luttant contre l’envie de secourir sa mère, pas du tout en soutien à Chris. Se serait-elle opposée à ses sœurs tentant de contrer le père ? Loreleï eut des sueurs froides à l’idée de combattre une telle puissance. Probablement se serait-elle contentée de rester immobile. Cela, comprit-elle, est déjà en soi une trahison. Elle fondit en larmes.
- Tu commences à comprendre le problème. Si je sors d’ici, si je vous rejoins, j’ai peur que cela recommence comme avant.
Loreleï en fut dévastée. Elle ne pouvait pas nier.
- Comment Chris a-t-il réussi à toutes vous mettre en défaut ? interrogea Loreleï, ahurie. Je sais qu’il a tué des centaines d’entre nous ce jour-là et que nul ne lui est venu en aide, ni prêtresse du mal, ni averti. Baptiste l’aurait sûrement fait mais il était loin, dans les laboratoires. Quant à Imhotep, il se trouvait sur Terre. Il n’est venu au palais que parce que Chris l’a nommé grand vizir. Alors comment ?
- Tu te souviens quand je t’ai dis l’avoir à moitié menacé pour qu’il nous rejoigne, lui promettant plus ou moins la mort en cas de refus. J’avais tort de me croire supérieure.
- Il était encore en sine condicione.
- Il nous aurait quand même toutes tuées. La vérité est qu’aucun de nous n’a jamais eu le pouvoir. Chris détient la puissance ultime. En cas de combat contre un Vampire, il gagnera toujours. Nul ne le mettra jamais en défaut. Par la ruse, ça pourrait fonctionner mais en face à face, aucune chance.
Loreleï hocha la tête.
- Tu nous manques, assura Loreleï. Ta présence serait une bénédiction.
- À condition que je montre l’exemple, que je me soumette à Chris visiblement et inconditionnellement.
- Tu ne le souhaites pas ? supposa Loreleï.
- J’aime Chris, d’un amour sincère et total mais je l’ai aussi vu commettre énormément d’erreurs. J’ai parfois du mal à obéir. Je m’en veux toujours après mais c’est plus fort que moi. C’est mon caractère d’être la forte tête. J’ai défié un dieu, tu sais.
Loreleï ricana.
- J’ai vécu des millénaires en lui désobéissant, en lui mentant, en l’utilisant. J’ai accepté de baiser pour la première fois avec lui uniquement pour vous mettre au monde, pour créer cette armée parallèle avec laquelle la lui mettre bien profond.
Loreleï sentit sa gorge se nouer. Le passif entre ces deux-là rendait les choses difficiles, sans aucun doute.
- Il n’empêche que tu as choisi de nous concevoir avec lui et pas avec le premier clampin venu. Ça prouve que…
- Je suis intelligente, termina Malika à sa place. Chris possède un génome de qualité incroyable, faisant de mes filles des humaines aux caractéristiques supérieures.
- C’est la seule raison pour laquelle tu as choisi de nous faire avec lui ? demanda Loreleï qu’une réponse positive aurait largement attristée.
- Non, la rassura Malika. Je l’aimais. Je l’ai toujours aimé. Il fallait qu’il soit votre père. C’était une évidence pour moi, une nécessité. Je le trahissais déjà assez.
Loreleï soupira d’aise tout en reconnaissant que la situation était merdique.
- Nous avons besoin de toi, mère, insista Loreleï. Reviens vers nous. Mes sœurs sont perdues. Chris supporte mal leurs rebellions. Il jalonne son propre parcours de barrières pour se limiter lui-même, prouvant ainsi qu’il en est conscient, mais il a besoin de soutien. Tu es la plus à même de le lui fournir. Chris est seul. Il t’aime. Offre-lui cette main secourable.
- Je l’aide déjà ! assura Malika. Il vient me voir tous les jours et nous discutons énormément. Contrairement à ce que tout le monde pense, il ne se contente pas de venir chercher mes bébés à leur naissance pour m’engrosser ensuite avant de disparaître pour ne revenir qu’un an après. Chris et moi nous aimons. Nous formons vraiment un couple. Je le conseille énormément et nous faisons l’amour à chacune de nos rencontres et pas seulement dans un but reproductif.
Loreleï sourit. Étrangement, savoir ses parents en paix l’un avec l’autre lui fit du bien.
- Malika, pourquoi Chris veut-il retrouver Caly ? interrogea Loreleï.
- Ne t’a-t-il pas déjà répondu ? lança malicieusement Malika.
Loreleï grimaça.
- Son aura se serait-elle assombrie durant son discours ? s’amusa Malika.
- Père connaît très bien les limites de notre pouvoir : l’omission. Il n’a pas menti. Je doute cependant qu’il m’ait tout dit. Alors pourquoi vais-je risquer ma vie ?
Malika transperça sa fille du regard. Elle caressa son ventre rebondi. Loreleï constata une petite bosse qui disparut bien vite. Le bébé venait de donner un coup de pied. Loreleï serra les dents. Un Vampire enceinte était quelque chose de vraiment ahurissant. Il s’agissait pourtant du seul moyen à disposition de Chris pour obtenir ses filles désobéissantes et incontrôlables.
Posséder une telle armée, une telle force de frappe donnait beaucoup de pouvoir à Chris. Loreleï comprenait son importance et celle de ses sœurs. Le danger qu’elles représentaient contrebalançait-il les gains ? Elle n’en était pas si sûre.
- Connaître les desseins exacts de Chris peut s’avérer… délicat, reconnut Malika.
Loreleï fronça les sourcils. Malika poursuivit :
- Comme tu l’as dit : il sait très bien comment contourner nos pouvoirs. Beaucoup de Vampires pensent que Chris souhaite être le seul à arpenter la Terre.
- Ce n’est pas vrai ?
- Freijat et son clan n’y vivraient pas si c’était le cas, la contra Malika.
- Chris est amoureux d’elle.
- Il m’aime aussi et pourtant, je ne me trouve pas sur Terre. De plus, Chris n’interdit à aucun Vampire de s’y rendre. Il n’a mis en place aucune mesure en ce sens.
- Il offre mille fois mieux ici, rappela Loreleï.
- Parce qu’il veut protéger les Vampires d’une menace sérieuse : l’humanité.
- Il pourrait tout aussi bien limer les griffes de cette humanité.
- Chris n’est pas le roi des Vampires, rappela Malika. Il est le roi du monde. Il n’a pas de parti pris. Il ne veut pas davantage museler les Vampires que les humains. Il laisse aux deux clans la possibilité de vivre, de s’exprimer, d’être heureux. Si les terriens le sont en s’auto-annihilant et en détruisant leur planète, c’est leur droit. Chris ne veut pas les priver de leur libre arbitre.
- Tu en es certaine ou bien tu devines ?
- Chris ne se dévoile pas, pas même à moi. Ce sont donc mes suppositions, précisa Malika.
- Certains Vampires pensent que Chris les endort en leur offrant leurs mondes personnels.
- C’est mal d’offrir son plus grand rêve à quelqu’un ? Il se plie en quatre pour chacun de ses sujets. Pourquoi y voir une quelconque malveillance ?
Loreleï ricana. Lui prêtait-on vraiment des intentions qu’il n’avait pas ?
- Chris ne réfute pas.
- Il ne confirme pas non plus, fit remarquer Malika. Il n’a pas à se justifier, ni à s’expliquer. Il règne et cela devrait suffire à tout le monde.
- Selon toi, pourquoi veut-il retrouver Caly ?
- Parce qu’il veut s’assurer qu’elle va bien. Il est le roi du monde et Caly est l’un de ses sujets. Il veut son bonheur.
- Ça, c’est ce qu’il m’a dit. La vérité ?
- De la préhistoire ne lui restent que Baptiste et Gilles. Je crois que ça l’emmerde que Gilles soit son seul second recours. Chris a besoin d’un cocon et Caly en fait partie. Il se sent seul, je crois. Il a peur. Il ne s’est jamais cru immortel mais la mort des Aars l’a beaucoup marqué. Il cherche à se rassurer, je suppose.
- Si je trouve Caly, que fera-t-il ? À quoi doit-elle s’attendre ?
- À une discussion. Il lui dira comment faire disparaître le sine condicione puis lui offrira son paradis en dehors de cette Terre si dangereuse.
- Et si elle refuse ?
- Il reviendra lui parler pour tenter de la convaincre.
- Il ne la forcera pas ?
- Je ne pense pas, non. Il se cherche des amis proches. Il espère que Caly en fera partie.
Loreleï ne fut guère convaincue de ce point de vue. Elle avait cependant obtenu la réponse de sa mère.
- Merci, maman.
- De rien, ma chérie, assura Malika. Prends soin de toi. Les terriens n’en ont pas l’air, mais ils ont plus d’un tour dans leur sac alors sois prudente.
Loreleï hocha la tête. Elle fit ses adieux à ses dauphins puis prévint le père de son départ.