Chapitre 22

Notes de l’auteur : Bonne lecture :3

Illustration du chapitre 22, réalisée par DruideLunaire :
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     Après un câlin calme, mais trop écourté à leur goût, les deux amants avaient dû se résoudre à se rhabiller. Si Zhen YuJin semblait pouvoir supporter facilement les températures basses, il n’en était pas de même pour Zhang JingXi qui avait commencé à frissonner quelques minutes après s’être lové contre lui.

     Et en même temps, quelle idée on a eu de faire l’amour sur le bord d’un lac, songea le Maître du Feu. J’espère qu’il ne va pas attraper froid…

     Par acquit de conscience, tout en renfilant ses bottes, il rapprocha la boule de feu et la fit grossir en la plaçant soigneusement à côté de son homme qui le remercia d’un grand sourire. Celui-ci avait fini de se vêtir et essorait sa tresse, assis sur un rocher plat et sec. Finalement, il décida de la défaire et secoua la tête pour laisser ses cheveux à l’air libre. Tout en ramassant son ornement qu’il avait posé sur le même rocher un instant plus tôt, Zhen YuJin ne put s’empêcher d’observer Zhang JingXi du coin de l’œil. Il avait tellement l’habitude de le voir avec sa tresse que le voir sans lui faisait tout drôle.

     — Tu veux une astuce pour les sécher plus vite ?

     — Oh, avec plaisir, répondit le Cultivateur en se passant les doigts dans ses mèches mouillées.

     — Alors, ne bouge surtout pas, sinon on risque d’avoir un accident.

     Intrigué, Zhang JingXi acquiesça tout en lui jetant un regard empreint de curiosité. Son amant reposa son ornement, diminua la taille de leur boule de feu et l’éloigna un peu. Ensuite, il dégaina un talisman de vent qu’il plaça légèrement en retrait, avant de l’activer. Un souffle d’air agréablement chaud vint lui chatouiller les joues. Il se mit à rire pendant que le Musivateur se déplaçait avec le feu et le talisman, tout autour de sa tête pour s’occuper de sa chevelure.

     — C’est plus facile quand c’est A-Mai qui gère la partie vent, commenta Zhen YuJin.

     — C’est très bien comme ça, répondit l’autre homme. C’est très agréable. Je suppose qu’il vaut mieux être deux ?

     — Effectivement. Tout seul, c’est vraiment dangereux.

     L’air chaud acheva de calmer la sensation de froid qui le faisait frissonner jusqu’à présent. Il ressentit une bouffée de reconnaissance envers son compagnon.

     Lorsque ses cheveux furent secs, il pivota vers lui :

     — Tu veux que je fasse pareil avec toi ?

     Zhen YuJin toucha les siens encore humide et hocha la tête. Un instant plus tard, il prenait sa place sur le rocher tandis que Zhang JingXi s’amusait à les lui sécher, presque émerveillé par cette trouvaille qu’il jugeait absolument géniale. Lorsque sa chevelure fut sèche, il lui demanda de ne pas bouger et attrapa l’ornement posé à ses côtés. Debout dans son dos, ses doigts s’activèrent pour le coiffer. Loin de lui faire son habituel chignon sévère et austère, il se contenta de lui en faire un plus petit et de laisser le reste de ses cheveux libres. Quelques mèches lui caressaient même les joues.

     Lorsque le Musivateur fut certain que son compagnon avait terminé, il renversa la tête en arrière pour le regarder, amusé :

     — Je n’ai plus le droit de me coiffer comme je veux ?

     — Crois-moi, tu es beaucoup mieux comme ça, rétorqua Zhang JingXi avec un sourire tellement éblouissant que Zhen YuJin se retrouva incapable de protester davantage.

     D’ailleurs, il n’aurait pas eu le temps d’émettre le moindre mot, les lèvres de son bien-aimé vinrent déposer un baiser sur les siennes. Le Musivateur soupira de contentement, puis se décala sur le rocher pour lui faire de la place, afin qu’ils puissent profiter ensemble du lever du soleil sur le lac.

     Ravi de voir que ce moment coupé du reste du monde allait durer encore quelques minutes, le Cultivateur s’installa et se laissa aller contre son homme qui enveloppa ses épaules avec son bras.

     Zhang JingXi se sentait bien, à cet instant précis. Mais il savait que quelque part, dans un coin de son esprit, des questions préoccupantes guettaient leur heure pour venir le harceler. Il décida de les mettre en sourdine pour le reste de la journée et entrelaça ses doigts avec ceux de son amant.

 

     En attendant le retour de ses deux compagnons de voyage, Chan YinMai avait eu le temps de se lever, de replier la tente, de piocher dans leur réserve de nourriture pour avaler un petit déjeuner solide. Il avait déjà joué plusieurs morceaux de flûte lorsque les deux hommes revinrent enfin.

     Il haussa les sourcils en voyant la nouvelle coiffure de son meilleur ami et lorsque celui-ci arriva à sa hauteur, ne put s’empêcher de commenter :

     — Donc, quand Lu Lei et moi, on se tue à te dire que ton chignon te rend beaucoup trop strict, tu t’en fiches. Par contre, si ton chéri t’en touche un mot, là tu t’inclines ?

     Le Musivateur piqua un fard en entendant la façon dont il avait nommé Zhang JingXi. Ce dernier se passa une main embarrassée sur la nuque, des rougeurs s’étendant sur ses joues :

     — En fait, je ne lui ai pas laissé le choix…

     Il se demanda si les perceptions de Chan YinMai lui avaient communiqué une information précise sur l’évolution de leur relation, ou s’il avait entendu leurs gémissements dans la mesure où ils avaient manqué de retenue sur la fin de leurs ébats. Finalement, il estima qu’il ne voulait pas avoir la réponse à cette question et s’occupa de retresser ses cheveux.

     — Je t’en remercie, lui lança le Médium avec un demi-sourire. Il fera moins peur aux gens ainsi.

     — Eh, protesta le concerné. Je ne fais pas peur aux gens !

     — Tu les impressionnes. Tu es grand et tu avais l’air beaucoup trop sévère.

     Zhen YuJin leva les yeux au ciel, puis jeta un coup d’œil en direction de Chan YinMai, se retenant de lui rappeler qu’il souhaitait justement éviter que les gens s’approchent trop de lui. Son meilleur ami soutint son regard sans ciller et il eut la certitude qu’il savait parfaitement ce à quoi il pensait.

     — Il était temps que ça change, acheva le Maître du Vent.

     Le Musivateur détourna le sien, ayant reçu le message très clairement et prit place pour avaler quelque chose avant de prendre le départ.

     Chan YinMai observa les deux tourtereaux alors que ces derniers mangeaient leur repas. Il était sincèrement content de constater que son ami d’enfance avait enfin décidé de se rapprocher du Cultivateur qui les accompagnait. Il sentait à quel point tous les deux étaient heureux, même s’il avait l’impression vague qu’il y avait l’ombre d’une incertitude qui planait chez l’un ou chez l’autre. Chez les deux, peut-être ? Il ne savait pas vraiment, la perception restait trop subtile. Il soupira intérieurement, songeant que Zhen YuJin nourrissait à coup sûr des doutes et espéra qu’il ne ferait pas la bêtise de fuir cette relation par peur d’avouer quelques vérités à son amoureux.

     Si tant est qu’il lui en parle…

     Le Médium baissa les yeux sur sa flûte et la fit tourner machinalement entre ses doigts, se demandant où toutes ces histoires qui se croisaient allaient les conduire.

 

     Lorsque le trio arriva à ZhenShen quelques heures plus tard, à la tombée de la nuit, Monsieur Zhong, l’aubergiste de l’Âne Fringant, ne cacha guère sa joie de revoir des Musivateurs dans son établissement. Rares étaient les fois où il les recevait, en dehors du Nouvel An. De très bonne humeur, il osa leur demander s’ils seraient d’accord pour faire une prestation dans la rue durant l’heure du dîner. Il avait entendu dire qu’ils s’étaient donnés en spectacle, chez un collègue, plusieurs soirs auparavant et le succès de la représentation était venu jusqu’à ses oreilles. S’il pouvait en faire profiter également sa clientèle, il ne voulait pas s’en priver.

     Chan YinMai soupira en baissant les yeux :

     — J’avoue que je ne me sens pas vraiment… Peut-être jouer de la flûte, à la limite, mais pour le reste….

     Il lança un regard d’excuse à Zhen YuJin qui lui retourna un visage compatissant en posant une main sur son épaule :

     — Non, je comprends. Pas besoin de jouer, tu pourras te reposer.

     Que son meilleur ami n’ait pas le cœur à la fête ne le surprenait pas et il ne voulait en aucun cas le forcer. Sans compter qu’il n’oubliait pas non plus que le voyage commençait à se faire sérieusement éreintant pour le Médium encore affaibli. Il avait totalement vidé les stocks que Mademoiselle HengXing lui avait préparés pour l’aider à tenir le coup et plus d’une fois il l’avait surpris perdu dans des pensées mélancoliques.

     Notant l’air dépité du propriétaire des lieux, le Maître du Feu se tourna vers Zhang JingXi qui les avait suivis jusqu’au comptoir et lui adressa un large sourire :

     — Tu te sentirais d’assurer sur un spectacle, si je te prépare ce qu’il faut ?

     Le visage de son amant s’éclaira aussitôt d’excitation et d’envie, même si sa voix resta mesurée :

     — Oh, tu penses que je peux… ? Je n’ai jamais fait ça avant, j’ai peur de tout gâcher.

     — Je suis sûr que tu seras parfait, et je serais là pour t’aider si tu as besoin, le rassura le Musivateur.

     Indécis, Zhang JingXi tourna un regard incertain vers Chan YinMai, craignant que ce dernier ait l’impression qu’il lui volait sa place, mais le Médium lui adressa un signe de tête d’encouragement. Certes, Zhen YuJin lui avait déjà parlé d’un tel projet, mais il n’aurait jamais imaginé qu’il pourrait se concrétiser si vite, ou même se concrétiser tout court.

     L’occasion est si belle, peut-être ne se représentera-t-elle pas de sitôt !

     Il songea à sa journée qui avait commencé en beauté et qui avait matière à finir tout aussi bien. Un mince sourire se dessina sur ses lèvres.

     Comme un jour pris dans une parenthèse, une pause au milieu de tout le reste…

     — D’accord !

     Le Maître du Feu lui serra la main avec affection, sans se faire remarquer de l’aubergiste qui applaudit de contentement :

     — Merveilleux ! Merveilleux ! Ah revenons à nos affaires, je vous baisse le prix des chambres. Vous en voulez deux ?

     — Une seule, répondit le Médium en sortant sa bourse d’argent. Notre ami dort dans sa famille.

     — Ah, bien sûr, bien sûr ! sourit leur hôte en regardant Zhang JingXi. Voilà qui me fait plaisir à entendre, je vous vois souvent en journée, mais je pensais que vous dormiez chez la concurrence.

     Sa remarque fit rire son interlocuteur avec légèreté :

     — Non, non. Mon oncle a une maison, il me tuerait si je logeais ailleurs que chez lui.

     De bonne humeur, Monsieur Zhong leur laissa la clé de la chambre et s’empressa d’aller installer quelques tables supplémentaires à l’extérieur, anticipant les clients qui viendraient consommer pendant le spectacle.

 

     Environ une heure plus tard, Chan YinMai s’asseyait justement à l’une de ces tables en terrasse et commanda une infusion. Distraitement, il observa Zhen YuJin qui venait de sortir le tambour pour le placer de l’autre côté de la rue. À mesure que les minutes s’écoulaient, Zhang JingXi sentait monter un certain stress en lui et suivait le Musivateur comme son ombre :

     — Du tambour ? Tu vas jouer du tambour ? Tu vas pouvoir gérer le feu en même temps ?

     — Pas forcément en même temps, mais en jouer pendant que tu assureras une partie avec le feu, oui.

     Il faillit rire devant l’expression tétanisée de son amoureux qui devint presque pâle et qui bafouilla :

     — Parce que tu comptes me laisser faire tout seul ?!

     — A-Xi, tout va bien se passer. Si je sens que ça ne va pas, je ne t’abandonnerai pas tout seul sur le devant de la scène. Mais si tu gères, je préfère te laisser t’amuser et me contenter de t’accompagner, pour ta première prestation.

     Le Cultivateur ouvrit la bouche et le referma plusieurs fois, sans savoir quoi répondre. D’un côté, il se sentait honoré de constater que son bien-aimé semblait avoir à ce point confiance en ses talents. De l’autre, il était tout bonnement terrifié à l’idée de faire une bêtise, de se planter devant tout un public — après tout, il n’avait jamais eu l’occasion de se retrouver dans une situation semblable avec autant de personnes qui auraient le regard rivé sur lui — et de ternir la réputation des Musivateurs dans la foulée.

     — A-Xi.

     Le Maître du Feu posa ses deux grandes mains avec fermeté sur les épaules de son partenaire et le fixa droit dans les yeux :

     — Je te le répète, tout va bien se passer. Fais-moi confiance. Et fais-toi confiance, surtout.

     À le voir aussi sérieux et sûr de lui, Zhang JingXi eut soudain très envie d’annuler le spectacle pour le tirer dans une ruelle déserte et l’embrasser loin des regards indiscrets. Il inspira profondément et hocha la tête.

     — Très bien… Je gère. Je vais gérer. Je peux aller me cacher dans ta chambre et en sortir dans deux ou trois heures ?

     — Non, sourit Zhen YuJin en le poussant dans la rue. Concentre-toi surtout pour ne pas trébucher, c’est parfois inégal.

     Le Cultivateur baissa le regard sur le sol en pierre et grimaça en regrettant que Lu Lei soit partie avec la scène qui semblait bien plus pratique pour faire les prestations, mais qui prenait aussi beaucoup plus de place.

     Il essuya ses mains moites sur ses vêtements en se tournant vers l’auberge qui commençait à bien remplir ses tables extérieures et vit l’aubergiste leur faire signe qu’ils pouvaient débuter quand ils le voulaient. Il pivota vers son compagnon qui lui adressa un dernier mouvement de tête rassurant, avant de faire jaillir son fameux tigre enflammé de ses mains. Alors que l’animal attirait l’attention de la foule qui se réunissait autour d’eux, il envoya discrètement une boule de feu à son camarade, certain qu’il pourrait en tirer tout ce qu’il souhaitait.

     Curieux, le poing calé sous son menton et le coude posé sur la table, Chan YinMai observa ses deux amis. Zhen YuJin baladait son tigre, qu’il avait fait moins gros que pour le Nouvel An, tandis que, plus intimidé, Zhang JingXi avait partagé sa boule de feu en plusieurs balles avec lesquelles il jonglait. Plus les minutes s’écoulaient, plus il prenait un peu plus d’assurance. Il pivota vers son partenaire, transformant ses balles en un cerceau qu’il fit tournoyer, invitant le tigre à sauter à travers. Pendant un moment, les deux hommes s’amusèrent à réaliser différents tours à l’animal, sous le regard ravi des spectateurs. Jusqu’à ce que le tigre rejoigne Zhang JingXi. Au coup d’œil hésitant qu’il jeta brièvement en direction de Zhen YuJin qui reculait vers le tambour, il venait d’avoir le plein contrôle sur le feu invoqué et pouvait faire tout ce qu’il souhaitait avec. Chan YinMai but une gorgée de son thé, tandis que son meilleur ami s’installait derrière l’instrument de musique en hochant la tête à l’attention de son partenaire de spectacle. Le Cultivateur se baissa vers le tigre, comme pour le caresser, mais alors que sa main passait dans le pelage de flammes, l’animal se transforma en un somptueux dragon qui se mit à tournoyer sur lui-même devenant aussi haut que les magasins et maisons alentour. Lentement, le Médium reposa sa tasse en l’observant. Il réalisa qu’il avait retenu son souffle en reconnaissant le dragon qui venait parfois dans ses rêves.

     Fasciné, Zhen YuJin contempla l’imposante créature de légende que Zhang JingXi avait fait jaillir. Il commença à frapper sur le tambour, accompagnant les ondulations de l’animal qui montait vers le ciel, puis redescendait pour se mouvoir agilement dans la rue comme s’il se promenait. La peur semblait avoir déserté son amant qui tapa dans ses mains, au rythme des percussions, invitant son œuvre à danser. Il paraissait même beaucoup s’amuser et le Musivateur se demanda ce qu’il mijotait lorsqu’il le vit soudain se pencher pour retirer ses bottes et relever son pantalon de quelques centimètres. Il faillit s’étouffer un instant plus tard : son compagnon venait de bondir sur la tête de la flamboyante créature. Il maintenait un équilibre parfait alors que celle-ci continuait d’onduler dans tous les sens avec grâce. Il parvint à garder le rythme sur son instrument, non sans être sidéré face à ce spectacle. Même lui n’aurait pas tenté un tel mouvement et encore moins sur une première représentation ! En même temps, devait-il vraiment être surpris ? N’avait-il pas sous les yeux l’ancien petit garçon qui s’était jeté dans un bâtiment en flammes pour essayer de sauver quelqu’un ? N’était-ce pas cette même témérité qui ressortait ce soir ? Les applaudissements retentirent. Le Musivateur en herbe, toujours en équilibre sur la tête du dragon, recommença à jongler, déclenchant des exclamations enthousiastes. Rayonnant sur son étrange monture qui fit plusieurs allers-retours le long de la rue, Zhang JingXi semblait tout à fait dans son élément.

     Les paumes de Zhen YuJin frappaient le tambour avec vigueur et force, accompagnant parfaitement la prestation, tandis que ses pensées et son regard restaient fixés sur celui qui attirait toute l’attention du moment. Lorsqu’il se sentait en confiance, Zhang JingXi pouvait aller loin et prendre des risques payants. À cette pensée, le Musivateur ressentit un certain élan de fierté en réalisant que cet homme-là faisait partie de sa vie, aujourd’hui.

     Lu Lei va nous tuer quand elle va savoir que Zhang JingXi a participé à un spectacle et qu’elle n’a pas pu le voir de ses propres yeux, songea Chan YinMai alors qu’il applaudissait avec les autres spectateurs.

     La représentation avait pris fin, et les deux artistes offraient moult courbettes à la foule ravie.

     Il fallut plusieurs longues minutes, avant que le calme s’installe à nouveau. Zhen YuJin rangea le tambour et fit signe à son meilleur ami qu’il revenait tout de suite, puis s’éclipsa à la suite de son amant.

     Le bondissant Cultivateur se tourna vers le Maître du Feu en arrivant dans une ruelle déserte et lui attrapa le visage à deux mains pour lui donner un long baiser. Zhen YuJin le lui rendit fougueusement tout en le plaquant contre le mur le plus proche. Il sourit ensuite contre ses lèvres :

     — Eh bien ? Finalement, ce n’était pas si terrible que ça, tu vois ?

     Il replaça une mèche qui tombait sur le front de son bien-aimé qui lui retourna un regard pétillant :

     — J’avoue, je me suis bien amusé !

     — Si l’occasion se présente, tu voudrais recommencer ?

     Zhang JingXi hocha frénétiquement le menton pour approuver. Il s’accrocha à ses épaules et se hissa sur la pointe des pieds pour l’embrasser encore une fois.

     Et pourquoi pas, après tout… ? songea Zhen YuJin. Si je m’installe à ZhenShen pour être à ses côtés, nous pourrions peut-être faire des spectacles tous les deux de temps à autre ?

     Les doigts du Cultivateur glissèrent derrière sa tête, jouant avec ses cheveux. La sensation restait encore un peu étrange pour le Maître du Feu qui avait l’habitude d’avoir la nuque totalement dégagée. Il commençait toutefois à trouver beaucoup d’avantages à sa nouvelle coiffure. Comme celui de sentir les mains de son homme en train de jouer avec ses mèches pendant qu’il gardait ses lèvres prisonnières des siennes. Ses doigts serrés sur sa taille, il releva un genou, et le pressa légèrement entre les jambes de son amant dont la respiration eut un raté.

     — A-Jin… protesta-t-il. On est dans la rue…

     Pour autant, il ne tenta pas de le repousser et se prêta volontiers aux baisers qui vinrent se déposer dans son cou.

     — La prochaine fois que tu décideras de te déshabiller devant les gens, préviens-moi avant, réclama Zhen YuJin sur un ton faussement fâché en appuyant un tout petit peu plus contre son entrejambe.

     Un son mi-étranglé, mi-amusé, échappa à Zhang JingXi :

     — Ouh, je ne savais pas que marcher pieds nus pouvait te rendre jaloux.

     Il frissonna d’envie lorsque les mains du Musivateur glissèrent sur ses hanches et regretta presque de ne pas avoir pris une chambre à l’auberge. Au regard légèrement assombri de son compagnon, il devina que celui-ci partageait les mêmes pensées. Le Cultivateur tourna la tête pour observer la ruelle comme pour évaluer leur tranquillité, mais il l’estima trop faible. Ils restaient trop près de l’avenue principale et ne pouvaient pas se permettre de s’éclipser un si long moment.

     — Il faut que je rentre, chuchota-t-il sur un ton qui indiquait qu’il n’en avait guère envie.

     La pression entre ses cuisses se relâcha tandis que Zhen YuJin acquiesçait à contrecœur :

     — Veux-tu que je te raccompagne jusqu’à la porte de ton oncle ?

     Son amant refusa d’un signe de tête et se décolla du mur en lui effleurant le bras :

     — Oh pas besoin, ce n’est pas très loin. Je ne crains rien du tout, mieux vaut que tu retournes près de Chan YinMai.

     Un sourire dépité aux lèvres, le Musivateur n’insista pas, se contentant de lui attraper la main avant qu’il ne s’échappe :

     — On se retrouve demain ?

     Zhang JingXi acquiesça :

     — Je vous rejoins au Palais.

     N’ayant pas grand-chose d’autre à ajouter pour pouvoir le retenir plus longtemps, Zhen YuJin se résigna à lui souhaiter une bonne nuit et déposa un léger baiser sur l’intérieur de son poignet, avant de le laisser partir.

     Tandis que lui-même revenait sur ses pas, il ressentit un certain vide qui lui sembla désagréablement familier. Il soupira en se rappelant l’avoir eu au moment où le Cultivateur avait fait route jusqu’au Clan HengXing. Au moins, il le reverrait dans quelques heures à peine, mais le fait que son homme lui manque déjà alors qu’ils venaient de se séparer en disait long sur son attachement envers lui.

     Alors que ses pas le ramenaient dans la rue principale, il se figea en percevant un infime mouvement du coin de l’œil. Une silhouette noire qui marchait en sens inverse, mêlée aux badauds, aussi discrète qu’une ombre… et pourtant… Il ralentit en retenant presque son souffle tandis que tous ses sens se mettaient en alerte. Zhen YuJin arriva à la hauteur de l’homme en noir et eut le temps de voir son visage, même si ce dernier était en partie dissimulé sous un capuchon. Malgré l’obscurité de la nuit, il croisa brièvement le regard de l’individu qui le dépassa sans ralentir et continua machinalement d’avancer alors que son cœur ratait plusieurs battements.

     Que faisait ZiaHo ZaYing ici ?!

     Instinctivement, il se retourna et vit nettement le fils de l’ancien Intendant disparaitre dans la ruelle que lui-même venait de quitter.

     A- Xi…

     Inquiet, Zhen YuJin rebroussa aussitôt chemin, aussi discrètement que possible pour ne pas se faire repérer. L’homme en noir marchait d’un pas vif et tourna à gauche sans hésiter. Le Musivateur se faufila à son tour dans la rue, dépassa l’endroit où il avait fait une pause quelques instants auparavant avec son amant et s’approcha de l’angle où l’individu venait de tourner. Collé au mur, il jeta un coup d’œil rapide et constata que la silhouette s’était arrêtée quelques mètres plus loin et qu’elle n’était pas seule. Zhang JingXi conversait avec elle.

     Comme cette fameuse nuit à l’auberge, où il les avait déjà surpris ensemble, le Maître du Feu les observa à la dérobée, trop éloigné pour les entendre. S’il s’engageait dans la rue, tous les deux le verraient parfaitement surgir du coin où il se cachait.

     Les interrogations dansaient dans son esprit alors qu’il se demandait si l’homme les avait espionnés et avait attendu de le voir sortir pour aller rejoindre Zhang JingXi.

     Et son bien-aimé… est-ce qu’il savait qu’il allait retrouver cette personne ici, ce soir ? Était-ce pour ça qu’il avait refusé d’être raccompagné ? Ou bien est-ce que cette rencontre relevait du pur hasard… ?

     Il ne croyait pas à cette dernière théorie. Par deux fois, les deux hommes se trouvaient dans la même ville, au même moment, il y avait forcément anguille sous roche. La seule chose qui le rassura un peu fut de constater que, comme pour le rendez-vous précédent, Zhang JingXi ne semblait pas spécialement être inquiet.

     La scène ne dura pas bien longtemps à sa grande surprise, pas plus qu’une poignée de minutes. En voyant les deux hommes se séparer après les salutations d’usage, il s’empressa de déguerpir en vitesse pour ne pas se faire repérer.

     Ce fut néanmoins plus que troublé qu’il rejoignît enfin Chan YinMai, tout en décidant de ne pas lui parler de cette étrange scène, tout comme il n’avait pas mentionné celle de l’auberge.      Son meilleur ami avait déjà bien assez de soucis comme ça, sans compter qu’il ne savait pas lui-même ce qu’il devait penser de tout ceci.

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