Chapitre 22

Notes de l’auteur : Second chapitre de la semaine :) Bonne lecture !

L’adolescent s’arrêta au beau milieu des escaliers. Sa volonté s’étiolait à mesure qu’il descendait. Son frère n’avait pas invité un petit comité. Il pouvait entendre leurs voix. Il allait devoir se joindre à cette foule de personnes… Il n’était pas prêt.

 

De l’autre côté, Raphaël perdait patience. Qu’est-ce qu’il foutait, ce petit morveux ? Bien qu’il discute avec ses amis, et notamment avec Clara, son attention ne cessait de dévier vers les escaliers. Il finit son verre de punch d’une traite et se resservit un second verre. Il fut soulagé de voir la rouquine accompagnée de son frère, immobilisé au milieu des marches. L’aîné soupira : son frère ne s’arrêterait donc jamais.

 

- Je reviens, indiqua-t-il avant de rejoindre les deux jeunes.

 

Sa boisson à la main, il indiqua à la jeune fille de rejoindre les autres. Gabriel était en pleine crise existentiel et cela risquait de s’éterniser s’il ne faisait pas quelque chose.

 

- Tu sais qu’il y en a qui sont morts comme ça.

 

S’il en croyait le regard noir de Gabriel, il n’avait pas choisi la meilleure manière d’aborder les choses. Mais bon, il n’en avait rien à foutre. Il voulait profiter de la soirée et de ses amis.

 

- Arrête de faire l’enfant, Gabriel. Tes copines t’attendent. 

- Ce ne sont pas mes copines.

- Si tu veux. Mais ça ne change rien au fait qu’elles t’attendent.

 

Raphaël avait l’impression d’avoir affaire à un gamin capricieux qui refusait d’aller chez ses grands-parents. Son interlocuteur avait lui aussi un sentiment similaire. Gabriel se sentait ridicule. D’ailleurs, son malaise s'accrut quand un visage inconnu s’ajouta à l’équation.

 

- T’as mis les bières au frigo ?

- Ouais, je vais les chercher. Attends deux minutes, mec.

 

Cette nouvelle présence disparut aussi vite qu’elle était apparue. Le plus vieux souffla devant l’expression de son cadet de 3 ans. Il ne pouvait pas s’absenter trop longtemps lors de sa propre soirée.

 

- Si tu ne te joins pas à la fête maintenant, tu seras rendu ridicule aux yeux de tes copines, t’en as bien conscience ?

 

Sur ces mots, le jeune homme s’éclipsa. Il savait que son frère allait  les rejoindre tôt ou tard. Sa rencontre avec la rouquine l’avait changée. Cela n’avait rien d’extraordinaire pour l’instant mais à la longue, il finira par s’ouvrir peu à peu au monde, un peu comme une fleur qui retrouve le soleil du printemps après un long hiver. Il avait juste besoin d’un petit coup de pouce ou plutôt, d’un bon coup de pied au cul. Ces provocations, signées de la main de Raphaël, finissaient toujours par fonctionner avec le plus jeune. 

 

Quelques minutes plus tard, Gabriel rejoignit discrètement la rouquine. Il n’avait pas salué qui que ce soit. Il ne voulait pas attirer l’attention. Cette impolitesse fut remarquée par plusieurs amis de son frère qui ne le relevèrent pas sur le moment, trop surpris par son apparence. Ce dernier les avait prévenus de la “particularité” du jeune homme. Il les avait même menacé de les mettre à la porte à la moindre incartade le concernant. Si l’on ne voulait pas subir les foudres de Raphaël, il valait mieux garder le moindre commentaire pour soi, ou du moins, à l'abri d’oreilles indiscrètes. Passé le choc de son apparition, tous détournèrent l’attention du nouvel arrivant.

Gabriel, quant à lui, cherchait désespérément un point sur lequel se rattacher. Il trouvait ses lacets particulièrement intéressants à cet instant. La tête baissée, il évitait à tout le monde de croiser son horrible visage.

 

- Vous avez une belle maison, commenta Charlotte, l’arrachant à sa contemplation.

 

Le gringalet lui jeta un coup d'œil. Son amie avait déjà fait main basse sur un verre de jus de fruits. L’odeur n’avait rien d’attrayant pour lui. La rouquine lui servit tout de même le breuvage, ajoutant qu’il était “frais et fruité comme elle l’aimait”. Il but une gorgée par curiosité et grimaça à la saveur particulière du mélange.

 

- C’est toujours comme ça au début. Après, tu ne sens plus l’alcool.

 

La rouquine lui faisait vivre l’une de ses premières expériences concernant l’alcool. Ce cocktail n’avait rien à voir avec la bière et le champagne qu’il avait eu l’occasion de goûter auparavant. Et autant dire qu’il n’était pas un fervent adorateur de la boisson. 

La saveur âpre du rhum sur la langue, il laissa ses yeux parcourir le séjour transformé pour l’occasion en une piste de danse. Son regard arrêta sa course sur une jolie brune qui discutait parmi les convives de son frère. Habillée d’une robe rouge, elle attirait toutes les convoitises.

Clara volait presque la vedette à son frangin qui riait volontier à ses histoires. 

 

- On lui a déjà demandé des photos.

 

La voix de Charlotte le ramena à ses côtés. Sa sœur était si jolie, pensa-t-elle amèrement. Elle avait revêtu une robe rouge qui épousait ses belles formes, en faisant jalouser plus d’une, la rouquine y compris. Qu’est-ce qu’elle donnerait pour avoir un tel physique…

 

- Tu as l’habitude de ce genre de soirée ? Demanda curieusement le jeune homme.

 

Gabriel était mal à l’aise. Nerveux. Il ne voyait pas cette fête d’un très bon œil. Des groupes distincts commençaient à se former. Et l’alcool entraînerait bientôt ce beau monde sur la piste de danse improvisée. Combien de temps devrait-il encore rester ? Le balafré finit son verre sous le regard avisé de son amie.

 

- On peut dire ça. Notre classe en fait assez souvent et comme je ne dis jamais non à une bonne soirée…Aaah, j’adore cette chanson ! Ajouta-t-elle brusquement en entendant la chanson d’un célèbre girls’ band.

 

Les femmes se pressaient déjà pour chanter et danser sur ce morceau en particulier. Les sœurs se rejoignirent pour crier le refrain entêtant. Et le gringalet se retrouva seul. Sentant son estomac crier famine, il se dirigea activement vers la table remplie de victuailles. Il vérifia au préalable que personne ne se trouve au même endroit. La voie libre, il se mit quelques chips salées sous la dent et se prépara un sandwich au poulet.

A quelques mètres de lui, et malgré la musique, Gabriel entendit des personnes aborder son sujet. Il n’osa regarder dans leur direction. Il les laissa donc casser du sucre sur son dos. Il ne les connaissait pas et pourtant, ces inconnus se permettaient de le juger, chez lui. Il savait que c’était une mauvaise idée d’organiser quoi que ce soit ici.

Il revint à son poste pour observer les filles s’amuser. L’adolescent ingéra timidement le bout de baguette. Ce bref instant lui avait fait perdre l’appétit. Sa gorge était si serrée qu’il devait mâcher sans discontinu pour avaler quoi que ce soit.

A la dernière bouchée, il fut invité à rejoindre les sœurs sur la piste de danse. Chose qu’il avait véhément refusé. 

 

- Allez, t’es pas le seul mec à danser ! 

 

Gabriel déclina l’offre une fois de plus. Il préférait rester dans ce coin sombre où personne ne viendrait le déranger. Le gringalet se tint contre le mur, observant discrètement ces personnes inconnues. Ces dernières passaient plus de temps à boire qu’à danser. Son frère, quant à lui, venait tout juste de sortir accompagné de quelques-uns de ses amis.

Son attention revint sur les deux jeunes filles qui se déhanchaient sur un hit des années 80. Elles semblaient toutes les deux être dans leur élément contrairement au gringalet qui se sentait de plus en plus mal à l’aise. Le cocktail qu’il avait ingéré plus tôt n’était pas parvenu à le détendre. Il trépignait déjà d’impatience à l’idée de rejoindre sa chambre. Charlotte pouvait très bien rester ici, sans lui. Il n’était pas indispensable. Pouvait-il s’éclipser ?

Après avoir considéré la question, il se décida à se resservir un verre de punch. Alors qu’il s’apprêtait à lâcher la louche dans la marmite, une voix, qu’il ne connaissait ni d’Eve, ni d’Adam l’interrompit dans sa démarche : 

 

- Sers-moi un verre, petit frère de Raphaël.

 

Des sueurs froides, il en avait à cet instant. Sans jamais le regarder, il servit l’inconnu. L’homme ne le remercia pas une seule fois de la démarche, préférant siroter la boisson. Il n’en était pas à son premier verre, Gabriel en était certain. Il y avait ce ton dans sa voix qui le mettait directement dans la case “état d’ivresse avancée”. Ces gens-là devenaient souvent incontrôlables, surtout s’il avait l’alcool mauvais.

 

- Sexy la youtubeuse, pas vrai ? Lui confia-t-il en désignant Clara. Je suis sûr qu’elle ne serait pas contre--

 

Gabriel choisit ce moment précis pour s’éclipser. Il ne tenait pas à connaître ce qu’il envisageait avec la sœur de son amie. D’ailleurs, il n’aimait pas du tout ce qu’il insinuait mais il se garda bien de dire quoi que ce soit.

 

- Hé ! Je te parle, le défiguré.

 

Le gringalet se figea quand il sentit une main se refermer sur son épaule. L’appellation agit comme un second coup de poignard. Son attention se riva sur les doigts qui froissaient sa chemise. Il grimaça quand la prise se raffermit. L’homme n’était pas loin de lui broyer les os, pensa Gabriel avant de l’obliger à le lâcher.

S’il se posait des questions quelques instants plus tôt, Gabriel était désormais certain d’une chose : l’inconnu avait l’alcool mauvais. Et il était évident qu’il allait en subir les frais...

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez