— Tu penses pouvoir négocier quoi que ce soit ?
La jeune fille se tenait debout devant trois hommes aussi dangereux qu’un Élite. Elle ne payait pas de mine et encore moins face à ceux qui avaient au moins le triple de son petit âge, mais elle connaissait sa valeur et ses capacités. Elle ne se démontait pas.
— J’ai battu votre cinquième unité, je ne suis pas un élément dont vous pourriez vous passer actuellement. Vous voulez continuer toutes vos activités aussi discrètement et je veux rester discrète.
Elle se tenait droite, ses longs cheveux châtains attachés en queue de cheval retombaient sur sa tenue de combat. Du haut de ses treize ans, la petite ne pouvait se permettre de paraître faible pour obtenir ce qu’elle souhaitait. Elle s’était entraînée pendant des mois et avait mené ses propres missions avant de trouver un moyen de rencontrer l’organisation la plus secrète et utile du royaume.
L’Ombre derrière le célèbre monarque, Emile Gambail d’Orane.
Elle en avait entendu parler peu de temps après avoir entamé ses recherches sur l’assassin. Secrète et inconnue pour la majorité du royaume, même le roi n’en avait qu’une connaissance minime et aucun pouvoir dessus. Elle menait ses propres manœuvres pour assurer au royaume de prospérer.
— Nous comprenons bien le poids que tu pourrais peser contre nos ennemis. Le seul souci que j’entrevois c’est que tu es beaucoup trop jeune.
La jeune fille grimaça. Elle savait qu’en venant à visage découvert, elle se confrontait à de tels a priori. Elle s’était débrouillée presque seule depuis cinq mois, il n’était pas juste que les autres s’arrêtent à son âge.
— Je suis aussi apte que n’importe lequel de vos hommes, rétorqua l’enfant. Et pour ce qui nécessite plus que des compétences, je possède un masque. De toute façon, je ne souhaite pas que mon identité soit révélée à quiconque. Je le porterai en permanence lorsque je serai avec l’Ombre.
Le plus vieux des trois hommes, un peu plus à l’écart des deux autres, s’avança vers elle et se pencha pour parvenir à sa hauteur.
— Si c’est ce que tu souhaites, je n’y vois aucun problème.
Puis il se tourna vers ses deux acolytes.
— Je l’intégrerai à mon équipe et la formerai. Je pense déjà avoir quelques idées pour tirer parti de son jeune âge. Il se trouve que le roi nous a adressé une missive toute particulière concernant le troisième prince, Léandre Gambail d’Orane.
— Tu étais donc à Kanua ? continuait la voix douce de Lisabeth, me ramenant à la réalité.
Qu’est-ce que c’était ? Je m’étais souvenue d’un épisode crucial de mes deux ans perdus. J’y réfléchirai plus tard, je faisais pour le moment face à quatre paires d’oreilles avides d’entendre ma réponse.
— À peu près, oui.
Je posai mes couverts et me levai. Le moyen le plus simple pour éviter ou clôturer une conversation restait de fuir.
— Sur ce, je vais vous laisser. Le repas était délicieux.
Je m’éloignais sous leurs regards et, avant que je ne sorte complètement de la pièce, leurs conversations reprirent de plus belle.
Une fois éloignée, je m’adossai à un mur et soupirai. Je portai mes mains à mon visage pour écarter quelques mèches de cheveux. Je remarquai que mes jambes tremblaient et je glissai pour m’asseoir par terre. Je n’avais pas vraiment fait attention de l’endroit dans lequel je m’étais rendue, mais il était désert et parfait pour remettre de l’ordre dans mes pensées.
Je venais de me souvenir d’un événement. Mettre le doigt sur la discrétion dont j’avais pu faire preuve ces dernières années m’avait amené à penser que j’avais certainement fait partie d’un groupe. De plus, à Bolstrit, mon étrange expérience magique avec les deux hommes et la femme qui parlaient de missions, d’organisations, d’informations m’avaient déjà interpellée.
Comment cela se faisait-il qu’un groupe qui semblait mener de dangereuses missions, d’après leurs dires, utilise un moyen de communication qu’une novice en magie comme moi pouvait intercepter ?
J’avais fini par trouver la réponse à ma question. C’était parce que ce mode de transmission m’était également autrefois destiné. Et sûrement que si la jeune femme aux cheveux noirs et courts avait demandé à ce que ce mode de communication ne soit plus utilisé avant des mois était à cause de moi.
Ce n’était qu’une théorie parmi tant d’autres possibles, mais c’était celle qui tenait le plus la route. Elle devait être liée avec ma perte de souvenirs. Pourtant à contrario du flash mémoriel que je venais d’avoir grâce à une espèce de révélation, voir ces gens ne m’avait rien déclenché et je commençais à douter de mes hypothèses.
Sauf s’il fallait que je comprenne les choses de moi-même pour recouvrer la mémoire. Cela expliquerait également pourquoi Fallon résistait autant pour garder pour lui ce qu’il savait.
Je massais mon crâne. Tant de théories qui ne me mèneraient sûrement à rien. C’était désespérant. Et je n’étais même pas encore revenue sur le sujet même de mon souvenir.
Il était certain que j’avais demandé à faire partie d’une organisation et que j’avais réussi après des mois. Une organisation discrète et peut-être dangereuse. D’après ce que j’en avais compris, je recherchais activement l’assassin de ma famille et étais devenue forte, sûrement grâce à Fallon, Bien qu’il n’eut pas été mentionné.
Je ne possédais qu’un nom et une information sur cette organisation. L’Ombre du royaume qui le protégeait et luttait contre ceux qui souhaitaient renverser la couronne.
Repassant en boucle la courte scène dans mon esprit, un nom fit éclat.
— … le troisième prince, Léandre Gambail d’Orane.
Dans mon souvenir, le vieil homme semblait vouloir se servir de moi pour que j’accomplisse ce que le roi leur avait demandé et le prince paraissait être le principal concerné par cette requête. Cela voulait-il dire que je l’avais déjà rencontré ? Pourtant, il n’avait pas du tout paru me connaître lorsque nous nous étions rencontrés hier. Il semblait même surpris et parfaitement honnête lorsqu’il m’avait questionné sur notre expérience magique commune.
Je l’avais certes premièrement trouvé douteux et actuellement peu digne de ma confiance, mais il n’en restait pas moins que je pensais grand bien de lui. Surtout après l’épisode d’hier soir.
Je balançai ma tête en arrière, elle percuta le mur, mais rien ne m’atteignait plus à cet instant.
Quel désordre…
Fermant les yeux un moment, je finis par m’endormir dans ce couloir, trop fatiguée par mes propres réflexions.
Ce fut une caresse sur le bras qui me réveilla. Je sentais ma tête reposer contre les dalles fraîches qui recouvraient le sol de l’entièreté du palais. Ma nuque était raide. J’ouvris les yeux et remarquai un petit oiseau au plumage rouge, blanc et brun posé contre mon bras.
Je ne me souvenais pas vraiment m’être endormie et j’avais dû tomber contre le sol pendant mon sommeil. Le soleil était encore plus haut dans le ciel que lors de mon petit-déjeuner avec mon frère, la princesse et la famille ducale. J’en déduisis que l’heure devait sans doute avoisiner midi. J’avais ainsi dormi quelques heures.
Je n’avais pas remarqué lorsque j’étais arrivée ici plus tôt, mais je me trouvais face à une petite cour intérieure ravagée par la nature. Elle était dans son état le plus pur et le plus majestueux. J’avais envie de m’y asseoir avec un livre. Je me redressai et aperçus dans le coin de ce jardin un arbre assez grand et robuste pour y grimper.
Je souris. Je n’étais finalement pas autant dépaysée que cela au sein de cette incroyable ruche de nobles.
Mon bras n’étant à présent plus allongé sur le sol, le petit rouge-gorge s’envola dans le parc, me laissant assise sur la pierre froide sans la chaleur de son petit corps contre ma peau.
Il aurait pu rester un peu plus longtemps, je ne lui aurais rien fait.
Un peu déçue, je me levai et époussetai ma tenue. J’avais revêtu les vêtements achetés juste avant la dernière attaque du groupe de la femme rousse. Je les aimais beaucoup, ils se révélaient confortables et peu m’importaient les convenances.
Je m’étirai à m’en faire craquer le dos, puis me mis en route vers ma chambre où j’espérais trouver mon frère.
Je me trouvais toujours au rez-de-chaussée du palais lorsque je passai devant une immense cour de terre servant sans doute à l’entraînement des soldats. À cette heure-là, presque tous avaient pris leur pause et seuls deux hommes s’entraînaient encore. Ils se tenaient à l’autre bout du terrain et, tandis qu’ils se battaient à l’épée, leurs pas soulevaient de la poussière.
Une épée vola et son utilisateur tomba à terre, désarmé. Ayant arrêté de bouger, je pus finalement les reconnaître. Léoni et Léandre.
Je fis un pas dans la cour pour les rejoindre. Il sembla que je fis plus de bruit que prévu parce que les deux se tournèrent dans ma direction.
— Anthéa ! me héla le jeune prince au sol en agitant un bras dans les airs.
Je me hâtai d’arriver à leur hauteur pendant que l’un se relevait et l’autre allait ramasser l’arme de celui qu’il venait d’affronter dans un combat amical.
Arrivée près d’eux, je les saluai, n’ayant pas encore eu l’occasion de les croiser durant la matinée.
— Thalion est passé, il n’y a pas très longtemps, il te cherchait, m’annonça le jeune chevalier.
Je n’aurais peut-être pas dû m’endormir. Thal s’était sûrement inquiété.
— Tu sais te battre, Anthéa ? demanda soudainement Léandre.
Je le regardai, véritablement surprise par sa question.
— Si elle le sait, elle s’est bien gardée de nous aider sur le chemin jusqu’à Valbe, ricana le blond.
Il n’avait pas tort, si je n’avais rien fait, c’était parce que j’étais encore bien loin de ne pas me faire tuer dans un vrai combat. Fallon m’avait appris quelques bases, mais je lui arrivais à peine à la cheville. Pourtant, il avait déclaré péniblement pouvoir se battre à armes égales contre un simple chevalier.
— Je connais en effet un peu la magie, mais, en ce qui concerne le reste, je suis à peine meilleure qu’un nouveau-né, plaisantai-je gênée.
— Tu aimerais apprendre ? répliqua alors l’initiateur du sujet.
Je levai mon sourcil gauche. Me proposait-il des cours ?
— Fais gaffe, mec, tu risques de te heurter à plus fort que toi. Thalion, grand frère protecteur, fit remarquer le second garçon faisant rire son interlocuteur.
— Pourquoi Thalion s’interposerait-il ? les questionnai-je.
— Je lui ai demandé hier si je pouvais t’entraîner. Au lieu de me répondre, il m’a lancé un adorable regard noir avant de me donner un coup de poing dans le ventre.
L’histoire semblait vraie d’après la grimace qu’affichait Léoni en souvenir de la douleur qu’il avait dû ressentir sur le moment.
— Tu sais, ma petite Anthy, ton frère est un vrai sadique, continua-t-il. Il a une spécialité en combat ou même en dehors, il ne s’encombre pas de formalité.
Léandre acquiesçait à chacun des mots de son ami.
— Pour frapper quelqu’un, il enclenche d’abord un sort de soin autour de son poing et le déclenche au moment où il touche son adversaire.
— Ainsi, il peut frapper n’importe qui, n’importe quand, sans qu’il n’y ait ni séquelle ni conséquence, compléta le prince qui semblait également avoir déjà subi ses coups.
— Mais, pourquoi frapper Léoni ? Il n’a fait que lui proposer de m’apprendre à me battre pour que je puisse me défendre, non ?
— Laisse tomber, Anthéa. De toute façon, je ne comptais pas trop sur la bénédiction de ton frère. Ce serait bête que tu meures pour de vrai cette fois.
Le chevalier novice sourit, il semblait fier de risquer de contrarier son ami. En fait, à cet instant, c’était sûrement exactement ce qu’il recherchait. Léoni n’était pas quelqu’un qui se souciait de l’avis des autres, et encore moins à son égard.
— Reviens me voir ici dans la journée. Je te donnerai une tenue et t’apprendrai à tenir une épée.
Je hochai la tête, ravie de ce programme. J’allais pouvoir apprendre plus que la magie. Auprès d’un excellent combattant de surcroît.
Après m’avoir invitée, ils avaient vite filé pour aller prendre une douche. Quant à moi, je m’étais directement rendue dans la salle à manger où je retrouvais Thalion. Je profitai de l’après-midi pour me renseigner sur la magie dans la bibliothèque du Palais et me rendis dans la cour des chevaliers lorsque le soleil entama sa descente dans le ciel.
Contrairement à plus tôt dans la journée, plusieurs dizaines d’hommes et de femmes occupaient l’espace. Certaines se défiaient dans des duels, certains couraient en formation tout autour de leurs camarades, et d’autres encore faisaient divers exercices coordonnés par un homme brun, carré et autoritaire. Dans toute cette agitation, je parvins à repérer la chevelure blonde de Léoni. Je m’approchai d’eux.
— … au courant ? terminait Léandre qui se tenait face à son adversaire et parait ses coups tranchants.
— Je lui dirai, s’essoufflait-il, quand il me l’aura fait… remarquer.
La lame du prince s’envola dans les airs pour la deuxième fois de la journée. Elle se planta dans la terre non loin de ma position. Peut-être aurai-je dû rester plus éloignée le temps qu’ils finissent leur joute. Leurs yeux se posèrent finalement sur moi.
— Tu es venue !
— Bien sûr, tu as promis de m’apprendre.
Souriant encore et toujours, Léoni ramassa un tas noir sur le sol et me le lança.
— Enfile ça. Ensuite, nous irons tous les trois dans un endroit plus calme.
Je m'exécutai. Retournant dans ma chambre, je revêtis le pantalon noir et le débardeur à col tout aussi sombre. La tenue était élastique et souple, mais pas vraiment taillée pour moi. Je devinai que ce devait être une ancienne de ses tenues.
Une fois habillée, je rejoignis à nouveau les garçons qui nous emmenèrent comme promis dans une cour vide, plus petite, mais semblant toujours adaptée pour l’entraînement des chevaliers.
— Cet endroit est utilisé pour former la famille royale à la maîtrise d’armes. Comme Léandre s’entraîne avec moi et les autres, elle est presque toujours vide. C’est le parfait endroit pour rester entre nous, expliqua-t-il avant d’ajouter, et éviter que Thalion nous dérange.
Même si sa phrase semblait exister uniquement pour la plaisanterie, cela me fit tout de même un pincement au cœur. Si mon frère voulait tant que ça m’éloigner des dangers que représentaient nos ennemis, pourquoi refuser que j’apprenne à me battre ? Il m’était parfois difficile de le comprendre.
— Bien, commença-t-il avant de pointer du doigt un placard en métal abrité sur le côté. Choisis une arme assez légère pour que tu puisses la tenir confortablement et adaptée à la fois à ta morphologie et à tes aptitudes, mais aussi à ta personnalité.
Je haussai un sourcil avant de me diriger vers l’endroit désigné avant d’ouvrir l’armoire.
À l’intérieur, toute sorte d’armes en bois étaient entreposées. Des épées courtes, longues, à une ou deux mains, des massues, un arc, une hache… Et bien d’autres choses encore que je ne saurais nommer. Je saisis une lame courte mesurant environ une soixantaine de centimètres. La poignée était confortable et je parvenais aisément à la tenir avec mes petites mains. Son poids restait raisonnable et sa taille aussi. Elle semblait avoir été faite pour un enfant. N’ayant aucune connaissance en matière d’épées, je choisis celle-ci avant de rejoindre à nouveau les garçons.
Léandre s’était assis sur un banc et buvait dans une bouteille. Léoni, quant à lui, se tenait debout au centre du terrain. L’épée sur l’épaule comme s’il s’agissait d’un vulgaire bâton. J’avais l’impression d’entrer dans une arène et d’aller défier un lion.
— Que sais-tu des combats à l’épée ?
— Euh… rien.
Il me regarda, l’air interloqué.
— Tout le monde ne vit pas dans un palais entouré de chevaliers, maugréai-je en réponse.
— Quand même… Il y a des abus à ne pas faire, ma petite Anthy.
Je fronçai les sourcils. Comprenant sans doute que je ne voyais vraiment pas ce qu’il voulait dire, il continua.
— N’as-tu aucune idée de comment se passe un combat à l’épée ?
— Eh bien, le but est d’embrocher son adversaire, n’est-ce pas ?
Ma réponse fit rire Léoni. Il planta son arme devant lui, la pointe enfoncée dans le sol. Ma bouche s’entrouvrit toute seule. La terre était certes assez molle sous nos pieds, mais ce n’était qu’une épée d’entraînement en bois.
— Tu as bien raison. Et comment pourrais-tu atteindre ton adversaire ? Il a également une arme, et, comme tu es encore petite, sa portée sera souvent plus grande que la tienne.
Le problème était bien là, mon cher Léoni.
— Éviter les coups et lui foncer dessus ? tentai-je.
Un rire aigu se fit entendre sur ma gauche. Léandre devait prendre son pied en écoutant mes réponses.
— Même si je suis fier de cette réponse, ce n’est pas en jouant les têtes brûlées que tu t’en sortiras vivante.
— Alors comment ?
— C’est simple. En t’assurant de l’attaquer par-derrière ou du côté duquel il ne tient pas sa lame.
Non, vraiment pas simple.
— Léandre, au lieu de te fendre la poire, viens m’aider à lui apprendre quelques positions avant de commencer quoi que ce soit de risqué.
Grognant qu’on le dérange pendant sa pause, le prince se leva tout de même pour prêter main-forte à son ami.
Ainsi, pendant les deux heures qui suivirent, ils me montrèrent comment tenir mon épée, quelles positions se révélaient les meilleures pour la défense, ou encore le désarmement.
— Ce sera ta meilleure arme en combat. Désarmer quelqu’un n’est pas facile et il est évident que personne n’y arrive à chaque fois, mais, avec les bons gestes et la bonne technique, cela pourra te laisser assez de temps pour porter un coup fatal à ton adversaire, m’expliquait Léoni en lançant de grands coups dans l’air muni d’une épée que lui seul pouvait voir.
Ce qu’ils m’apprenaient était utile. J’avais demandé à Fallon de m’inculquer le combat et il s’était concentré sur le côté offensif. Léoni se concentrait sur la défense. Chacun avait des intentions différentes et c’était ce qui me permettait d’apprendre tout ce que je voulais. Il fallait que je devienne forte.
— Il commence à se faire tard, Léo. Nous devrions nous arrêter là pour aujourd’hui, intervint Léandre en ramassant l’une de nos épées de bois que nous avions fait tomber durant la séance.
— C’est vrai. J’aimerais simplement tester les compétences d’Anthy chérie dans un petit combat amical.
— Mais enfin, Léo ! Tu ne peux pas…
— Je ne ferai rien, le coupa l’intéressé. Si elle parvient à me toucher, je considérerai qu’elle aura gagné notre affrontement.
Dans une moue silencieuse, Léandre accepta et me lança l’arme qu’il tenait.
— Tâche de ne pas te blesser, me conseilla-t-il intelligemment avant de s’éloigner du terrain.
Léoni se tenait en face de moi, à environ cinq mètres, il avait posé son épée. Il prit une position défensive de combat.
— Donne tout ce que tu as. Ne t’en fais pas pour moi, je ne suis pas en sucre.
J’acquiesçai.
Ramenant mon arme de bois devant moi, j’écartai légèrement jambes pour obtenir de la stabilité pour courir vers lui. Je tenais mon arme à deux mains, c’était plus simple pour donner des coups.
Lorsque je me sentis prête, je m’élançai.
Ma première attaque fut frontale, un coup direct porté par le haut. N’ayant pas d’arme pour me contrer, le seul moyen pour mon ami de s’en sortir était d’esquiver. Droite, gauche ou derrière, cela restait à voir. Ses pieds en disaient long. Mon arme s’abattit à l’ancien emplacement de Léoni, celui-ci ayant fait un pas sur la droite.
La première chose que Fallon m’avait apprise était de toujours réfléchir au plus loin dans la partie. Prévoir ce que l’adversaire pourrait faire en réponse à mon action et ce que je pourrais ainsi répliquer.
Mon geste ne se finit pas sur le sol et ma lame partit tout droit sur les jambes de mon adversaire, tandis que je me tournai pour lui faire face. Je crus un instant avoir réussi à porter mon coup. Pourtant, il n’était déjà plus là lorsque je finis mon action.
Un tapotement sur mon épaule me fit sursauter, suivi de quelques mots.
— T’es vraiment pas mauvaise, Anthy chérie, mais ça ne suffira pas pour me toucher.
Je me relevai d’un coup en portant un coup de pied arrière en pivotant, puis usant de mon épée je tentai un mouvement ample. Un nouvel échec. Mon pied rencontra le vide, manquant de me faire tomber, et mon arme ne toucha rien du tout.
Je ne perdis pas plus de temps et retrouvai Léoni en un rien de temps. Cette fois-ci, il était un peu plus loin sur ma droite, les mains dans les poches.
Mais quel… Pas de vulgarité.
Je m’élançai à nouveau. Donnant un coup sec devant lui, il recula d’un petit bond. J’étais assez proche de lui. J’assenai un coup d’épée à droite de son visage pendant que je lui donnai un coup de pied par la gauche. Il recula si rapidement que je ne le compris que lorsque mes attaques rencontrèrent à nouveau le néant.
Nous avons continué ainsi pendant bien cinq bonnes minutes, lui à fuir et moi à manger la poussière, avant que Léoni n’attrape mon épée d’une main lors d’une énième attaque.
— Tu t’es bien débrouillée, Anthéa, me complimenta-t-il d’un sourire chaleureux plutôt que celui moqueur que je m’attendais à voir. Mais j’ai faim, alors arrêtons-nous là.
Je hochai la tête et tombai à terre. J’étais essoufflée. Suivre sa cadence était limité suicidaire. Il était rapide, fort, grand, et futé. Rien n’était en ma faveur durant ce combat. Il m’avait rétamé avant même que nous ne commencions. C’était pitoyable. Et dire que je comptais retrouver l’assassin de mes parents le plus rapidement possible. En voyant un tel écart entre un adolescent de seulement seize ans et moi, j’étais certaine de ne pas pouvoir atteindre mon objectif avant les dix prochaines années.
Je soupirai. Je n’avais pas non plus réussi à toucher Fallon une seule fois durant nos nuits passées ensemble. Je me demandais qui gagnerait dans un combat entre ces deux-là. À mon avis, ils étaient à armes égales.
J’espérais de tout cœur parvenir un jour à leur niveau.