Chapitre 22 : Historique

- Nous sortons ma chérie ! lança Henriette depuis l’entrée.

Marlène sortit de sa chambre, se forçant à un sourire. Elle n’avait rien dit à ses parents, ne souhaitant pas les inquiéter. Elle n’avait rien dit à Amanda pour la même raison. Elle avait appris à faire croire, à se composer un visage, à porter un masque.

- Bonne soirée, les amoureux, répondit Marlène.

Ses parents fêtaient leur anniversaire de mariage. Ils s’étaient pomponnés. Qu’ils étaient beaux ! Didier tendit la main vers la poignée de la porte lorsque Marlène plissa les paupières. Quelque chose dans la gnosie venait d’attirer son attention.

- Quoi ? lança Didier, maintenant prudent. Il y a des journalistes ?

- Non, le CIM fait bien son travail. Maman, qu’est-ce que c’est ?

Henriette suivit le regard de sa fille vers sa main droite.

- Quoi donc ?

Marlène descendit l’escalier et saisit délicatement les doigts de sa mère.

- C’est quoi ? insista-t-elle.

- Notre bague de fiançailles. Je la porte peu car elle me serre un peu et le rubis a tendance à se déchausser.

- Rubis ? répéta Marlène en observant la pierre rouge. C’est un rubis !

- Oui, confirma Henriette.

- Bonne soirée, maman. Bonne soirée, papa, dit Marlène avant de remonter dans sa chambre sous le regard incrédule de ses parents.

Marlène prit le cadre photo vide dans ses mains. L’élément à la signature inconnu, c’était du rubis. Le collège ne contenait aucune pierre précieuse. Marlène sortit en ville à la recherche d’une bijouterie dans laquelle elle entra. Pendant une heure, elle enregistra les signatures des éléments puis ressortit sans rien acheter sous le regard incrédule du vendeur non magicien.

Le lendemain, Marlène prit le train pour aller sur Paris, à la bibliothèque. Maintenant habituée au fonctionnement de ces endroits, elle trouva aisément le rayonnage voulu et compulsa un ouvrage.

« Le rubis est, de par sa couleur, lié au sang. » lut-elle. Mon sang est transféré d’un cadre à un autre ? s’étonna-t-elle. À quoi bon ? Non, elle faisait fausse route.

« Le rubis symbolise le feu. » Sa présence peut permettre une brûlure. Pourtant, monsieur Toupin avait été formel en indiquant l’absence de danger. Le cadre ne chauffait pas. Ça ne pouvait pas être ça.

« Le rubis symbolise l’amour. » L’amour pouvait-il être transféré d’un cadre à un autre ?

Marlène fit des recherches à ce sujet et finit par tomber sur « Le cadre des cœurs jumeaux ». Objet magique de haut vol, ces cadres fonctionnaient en binôme. Chaque personne l’active. Les cadres s’harmonisent en fonction des informations amoureuses reçues et si elles coïncident, la photo de l’être aimé apparaît.

Cet objet pouvait être très douloureux pour l’un des partis, follement amoureux, découvrant avec horreur le cadre vide malgré l’activation de l’autre côté. Cet objet étant spécifique, il devenait alors inutilisable et ce bien qu’il coûta la modique somme de 300 kum par cadre.

Marlène s’étrangla en lisant cela. Où Lycronus avait-il trouvé 600 kum ? Il peinait déjà à manipuler la magie inter par manque d’énergie ! Même Marlène n’avait pas cela en stock actuellement. Avait-il volé cette énergie ? Était-ce cela, le crime commis ?

Après tout, il avait été renvoyé juste après que Marlène soit allée montrer le cadre à monsieur Toupin. Elle se souvint combien monsieur Toupin avait insisté pour qu’elle active le cadre devant lui et qu’il avait frémis en découvrant la photo de Lycronus.

Monsieur Toupin s’était servi d’elle. Avait-il dénoncé Lycronus ? Était-il en cavale à cause du professeur d’objets magiques ? Se vengeait-il de cette manière ? Elle avait ruiné sa réputation alors il la privait de son amoureux ? Marlène serra les poings et sa mâchoire se mit à trembler.

Et si c’était le cas ? Que pouvait-elle faire ? Comment atteindre un professeur du collège ?

Marlène s’ébroua. S’en prendre à monsieur Toupin n’était pas la solution. Elle devait avant tout savoir ce qui se passait. Ne pas agir dans les précipitations. Il lui fallait des preuves. Les suppositions ne suffisaient pas.

Marlène sortit de la bibliothèque et retourna chez elle.

- Alors ta visite à la bibliothèque ? Concluant ? demanda Didier.

- Oui, papa. J’ai eu toutes les informations que je cherchais.

- Pas de journaliste ?

- Pas que j’ai vu, assura Marlène. Le CIM assure.

- J’en ai marre ! s’exclama Didier en se tournant vers Henriette, terminant clairement la conversation commencée avant l’arrivée de Marlène. Je vais encore devoir passer des heures au téléphone. Tu m’assures que tu n’as pas commandé cette merde ?

- Oui, assura Henriette et vu son ton, cela faisait mille fois qu’elle le répétait.

Une vibration dans sa gnosie intrigua Marlène.

- Tu veux bien me donner ce magazine, papa ?

- Magazine ? répéta Didier. C’est une merde ! Ils polluent notre boîte aux lettres alors qu’on leur a rien demandé !

Marlène attrapa le magazine et le feuilleta. En plein milieu, une feuille toute blanche n’attendait que d’être attrapée. Marlène s’en saisit avant de rendre le journal à son père, toujours énervé. Marlène monta dans sa chambre et détailla l’objet magique avec attention. Papier, encre, grès et un magnifique entrelacs de cuivre. Ce fut sans la moindre appréhension que Marlène activa l’objet. Elle prit un stylo normal et écrivit :

- Lycro ?

Ses mots disparurent pour être remplacés par :

- Salut, Marlène.

Marlène sentit son cœur bondir. Il était là ! Il lui parlait. Il n’était pas mort. Il n’était pas en prison. Il glissait entre les doigts des meilleurs membres du CIM. Marlène fut emplie de fierté.

- Est-ce que tu vas bien ? demanda Marlène.

- Oui, répondit Lycronus.

Marlène en pleura de joie. Maintenant qu’elle était rassurée, elle avait besoin de comprendre.

- Pourquoi es-tu recherché ?

- Parce que j’ai enculé Gilain bien profond et qu’il ne l’a pas supporté.

Marlène resta interdite devant cette réponse. Elle ne savait que penser.

- Quoi ? écrivit-elle, l’écriture rendue inégale par sa main tremblotante.

- Il a cru que parce que j’étais un magicien de fortune, je n’y connaissais rien. Quand il s’est rendu compte de son erreur, il était trop tard. Le contrat était signé. Il ne pouvait plus revenir en arrière alors il a guetté le bon moment pour frapper.

- As-tu fait un acte illégal ? insista Marlène.

- Non, répéta Lycronus.

Elle voulait tellement le croire mais les journaux, la télévision et la radio disaient le contraire.

- Est-ce à cause du cadre ?

- Oui.

Marlène se sentit mal.

- Pourquoi ta photo a-t-elle disparu ?

- Parce que j’ai besoin de la moindre once d’énergie pour fuir. La pile est vide. Mais ne t’inquiète pas, Marlène : je t’aime.

Marlène gémit.

- As-tu volé l’énergie à l’achat des cadres ?

- Je ne les ai pas achetés, répondit Lycronus.

- Tu les as crées, supposa Marlène. Tu es ensorceleur. As-tu volé l’énergie nécessaire à leur création ?

N’était-ce pas Lycronus qui lui avait dit qu’ensorceler un objet magique nécessitait beaucoup d’énergie ? Or il n’était qu’un magicien de fortune. Où trouvait-il la magie pour réaliser un tel miracle ?

- Non, assura Lycronus.

Avait-il un héritage ? Marlène comprit que Lycronus lui cachait des choses. Cela la rendit triste. Il ne lui faisait pas confiance.

- Pourquoi fuis-tu ?

- Parce que Gilain est trop puissant. Je la lui ai mise bien profond. Ce dont il m’accuse est faux mais devant des juges corrompus par son argent et sa célébrité, moi, le pauvre magicien de fortune, je n’aurai aucune chance. Nul ne m’écoutera. Il pourra se payer des avocats brillants et acheter les jurés. Moi…

Voilà qui réglait la question de l’héritage. Il n’en avait pas. Marlène trembla de tous ses membres. Elle serra la mâchoire puis traça :

- Gilain est un homme bon.

- Tu as été enlevée et torturée par sa faute, répliqua Lycronus.

Le ventre de Marlène se noua. Une nausée l’envahit à ce souvenir.

- C’était ma faute ! répliqua-t-elle.

- Non. Tu étais sous sa responsabilité. Tu étais ignorante et il le savait. Il avait besoin d’une publicité. Tu mettais trop de temps à te dévoiler. Il t’a encouragée à dépenser sans compter. Aucune protection ne t’avait été assignée, en dehors de deux élèves très nulles en magie.

- Julie et Amanda ne… commença Marlène mais l’écriture de Lycronus remplaça la sienne.

- Le CIM n’avait pas été prévenu de ta participation à cette sortie. C’est une faute grave. Pas un seul accompagnateur n’avait un niveau supérieur au DM7. Gilain espérait qu’il se passerait quelque chose. Peut-être pas d’aussi grave mais quand même. Il avait convié la presse. La presse ! Pas le CIM mais les médias, oui ? Marlène, ouvre les yeux. Gilain t’utilise !

Marlène n’en revenait pas. Ses larmes l’empêchaient de lire aisément les lettres déliées de Lycronus.

- J’ai ruiné la réputation de son école ! rappela Marlène.

- Au contraire ! Tous les médias ont parlé du Mistral pendant des semaines. Le nombre d’inscriptions à exploser ensuite. Renseigne-toi à propos du Mistral, son passé, son évolution. C’est très instructif. Par exemple : les détections du CIM commencent en janvier. Les parents commencent à être prévenus à ce moment-là. Or le nombre d’inscrits au Mistral chutait sévèrement ces dernières années. Gilain avait besoin d’attirer l’attention. Ton enlèvement lui a été très profitable. Deux fois plus d’inscrits à la rentrée que les années précédentes. Les salles de classe seront pleines. Attends-toi à un ras-de-marée de curieux.

- Pourquoi y retournerais-je ? fit remarquer Marlène.

À quoi bon ? Les professeurs lui mentaient et le directeur l’utilisait.

- Pour apprendre à faire voler des trucs, proposa Lycronus.

- Ils me mentent, répliqua Marlène.

- Comment ça ?

- Ils m’ont validé le DM2 alors même que je n’avais pas atteint mon rendement maximal !

- Ils t’ont crue sur parole. Leur as-tu menti ?

- Non ! se défendit Marlène. A ce moment-là, un ver plus petit ne faisait vraiment rien mais…

Marlène fit une pause et Lycronus attendit patiemment.

- Ensuite, poursuivit Marlène, j’ai été enlevée et ce connard m’a obligée à en créer encore plus, toujours plus.

- Je viens d’aller vérifier. Mon rendement maximal l’est vraiment. Moins ne fait rien. Mais tu sais, tu es une néomage alors c’est peut-être…

- Mes connaissances censées être classées automatiquement ne l’étaient en fait pas. Je n’ai découvert sur place qu’un immense chaos.

Marlène attendit la réponse. Un oiseau se posa sur une branche, observa autour de lui, fondit sur le sol avant de revenir, une chenille dans la bouche. Il s’envola et Marlène le suivit grâce à la gnosie. L’insecte se retrouva dans la gorge d’un oisillon. La scène fit sourire la néomage.

- La vache ! écrivit Lycronus. Chez moi aussi c’est le désordre le plus total. J’ignorais que le classement automatique n’était pas définitif.

- Ils sont censés être les meilleurs au monde. Nul doute qu’ils le savent aussi.

- Peut-être pas, rétorqua Lycronus. Renseigne-toi sur le Mistral.

- Monsieur Toupin t’a-t-il dénoncé ? demanda Marlène.

- Je n’en sais rien, avoua Lycronus. Gilain me surveillait. Je pense qu’il n’a eu besoin de personne.

Marlène se put s’empêcher de grimacer.

- Je vais devoir te laisser et je ne sais pas quand je pourrai de nouveau échanger avec toi, écrivit Lycronus. Ils te surveillent probablement. Ils se doutent que je vais essayer de te contacter et feront tout pour me mettre la main dessus.

- Je t’aime, Lycro, écrivit Marlène.

- Promets-moi une chose, Marlène.

- Je t’écoute.

- Retourne au Mistral. Travaille. Concentre-toi. Ne divague pas.

Marlène en trembla. Il lui manquait tellement. Comment étudier sans lui à ses côtés ?

- Marlène ? insista Lycronus.

En larmes, Marlène acquiesça avant de tracer.

- Je te le promets, Lycro.

- N’oublie pas que l’étendue de tes pouvoirs ne concerne que toi. Les professeurs n’ont pas à les connaître. Le directeur n’a pas à les connaître. Tu peux quitter l’école quand tu veux, même sans ton DM5, que tu peux passer au CIM, dans un cadre secret et discret. Le jour où tu décideras de partir de l’école, fais attention. Gilain tient une entreprise lucrative. Négocie. Ne lâche rien concernant tes données personnelles. Il n’a pas à connaître ni ta capacité de création de magie, ni tes stocks. Dès que tu cesseras d’être son élève, il cherchera par tous les moyens à t’en prendre le plus possible. Bats-toi !

- D’accord, Lycro, répondit Marlène.

- Je dois te laisser, annonça-t-il. Je t’aime.

Ces derniers mots restèrent figés sur le papier un instant avant de disparaître. Marlène replia la feuille et la mit dans son sac à main. Elle observa les nuages passer dans le ciel et réfléchit. Lycronus ne pouvait pas passer sa vie en cavale, recherché par le CIM, jusqu’à la fin des temps. Il fallait faire quelque chose.

Marlène se plongea dans l’observation des nuages. Lycronus assurait son innocence mais refusait de se rendre par crainte de ne pouvoir lutter à armes égales face à un géant, un des hommes les plus riches et les plus puissants au monde : François Gilain.

Marlène croyait Lycronus. S’il se disait innocent, c’était qu’il l’était. Restait à le convaincre de se rendre et de faire confiance à la justice. Sauf que Gilain pouvait effectivement se permettre de corrompre tout le monde. Comment le faire tomber de son piédestal ?

Marlène alluma son ordinateur et entra « École magie Mistral » dans la barre de recherche de son navigateur favori. Voilà une recherche qu’elle n’avait jamais effectué. L’année dernière, après la venue du recruteur, elle avait cherché à s’informer sur la magie, pas sur l’école dans laquelle elle allait se rendre. Toute à son excitation de devenir magicienne, elle n’avait même pas penser à regarder la base.

Le Mistral a été crée en 1632.

L’information fit frémit Marlène. L’école était sacrément vieille.

Centre crée par François Gilain, il s’agissait à ce moment-là d’un lieu de regroupement pour des chercheurs en magie du monde entier.

Marlène ignorait qu’il ne s’agissait à la base pas d’une école.

Alors subventionné par des dons de puissants magiciens, le centre de recherche a très bien fonctionné pendant presque un siècle. En 1747, des rumeurs de détournement de magie visant son fondateur, François Gilain, mirent à mal la réputation du centre qui commença à perdre ses ressources.

Détournement de magie ? relut Marlène avant de rire jaune. Ainsi, ce cher maître Gilain volait la magie du centre pour l’utiliser à des fins personnelles. Pourquoi cela ne l’étonnait-il pas ?

Le CIM ne fut jamais en mesure de prouver la culpabilité de François Gilain mais le mal était fait.

Ou alors maître Gilain avait corrompu les bonnes personnes. Quelques kum et les inspecteurs détournaient le regard. Marlène serra les poings.

François Gilain eut alors la brillante idée de proposer à ses collaborateurs de devenir enseignants-chercheurs, un statut qui n’existait pas jusque-là.

Mais qui avait écrit cette page de cette encyclopédie en ligne ? Brillante idée ? N’y avait-il aucun modérateur pour s’assurer de la neutralité de l’information ?

Les chercheurs, des experts en magie, acceptèrent et ainsi s’ouvrit la première école de magie.

La première ? relut Marlène, étonnée. Elle pensait que les écoles de magie existaient depuis toujours, comme les écoles pour les non magiciens. Elle fronça les sourcils. L’école classique existait-elle réellement depuis toujours ? Et la chanson « Qui a eu cette idée folle, un jour d’inventer l’école ? ». N’était-ce pas Charlemagne ? De quand cela datait-il ? N’ayant jamais écouté en classe, Marlène n’en avait pas la moindre idée.

Elle réalisa ses recherches complémentaires.

La première école de magie a ouvert ses portes en 1750. Il s’agissait du Mistral, située en Italie, fondée par François Gilain. Il s’agissait d’une immense révolution puisque jusque-là, l’enseignement de la magie était réservée aux familles.

Comment faisaient les néomages ? s’étonna Marlène.

Les familles les plus riches offraient des précepteurs de talent à leurs enfants.

Si le néomage naissait dans une famille riche, il exploitait son talent. Sinon, tant pis pour lui, comprit Marlène en frissonnant.

L’ouverture de cette école attira les foules, heureuses d’offrir à leurs enfants un enseignement de premier ordre. Les tarifs adaptés permirent à tous d’intégrer les salles de classe.

Marlène cessa de lire et prit le temps de réfléchir. Elle se demanda pourquoi maître Gilain ouvrait ses portes aux plus démunis s’il avait avant tout besoin d’argent pour les recherches. Elle supposa que les élèves servaient de cobayes sans le savoir et que là était la raison de ce choix. Plus le panel était large et plus les expériences portaient.

L’ouverture de cette école fit des émules et bientôt, chaque pays voulut posséder la sienne. Sur insistance des parents, les états furent obligés d’intégrer la magie à leurs programmes et bientôt, des écoles publiques proposèrent des cours réservés à leurs élèves magiciens, permettant à tous de développer leurs talents.

Ainsi, maître Gilain était à l’origine du concept de magie enseignée, transmise par le gouvernement, égalisant les chances de tous. Marlène en eut la nausée. Quand avait-il vrillé ? Marlène retourna sur la page dédiée au Mistral. Elle y découvrit que si le Mistral fonctionnait bien au début, la concurrence lui fit perdre des inscrits, les familles préférant envoyer leurs enfants dans les écoles publiques gratuites.

Marlène observa la courbe du nombre d’élèves au Mistral qui ne cessait de descendre jusqu’à atteindre cent cinquante deux l’année qui venait de se terminer contre trois mille dans ses débuts. La différence faisait froid dans le dos.

Marlène se demanda ensuite quels genres de recherche ses professeurs faisaient au Mistral. Elle ignorait qu’ils furent chercheurs et cela titilla sa curiosité. Elle trouva un tableau indiquant le nombre de brevets obtenus par année en fonction des centres de recherche. Le dix-neuvième siècle fut marqué par une majorité écrasante de découvertes réalisées au Mistral puis d’autres centres ouvrirent et si le Mistral resta premier longtemps, la deuxième moitié du vingtième siècle le vit diminuer jusqu’à disparaître entièrement. Depuis une trentaine d’années, plus aucune découverte n’avait été réalisée là-bas.

Marlène comprit que ce qu’elle donnerait à maître Gilain quand elle quitterait l’école ne servirait pas à améliorer la connaissance de la magie. Le directeur s’en servirait à des fins personnelles, c’était une évidence. Elle écrasa son poing contre la table et grogna.

Comment lutter contre un tel homme ? Comment prouver sa culpabilité et l’innocence de Lycronus ? Ce dernier avait-il raison de se méfier de la justice ?

Marlène poussa ses recherches plus loin. Grâce à monsieur Toupin, elle avait appris à ne pas se contenter de la surface. Elle chercha à savoir qui se rendait au Mistral. Elle se promena sur les pages des grands de ce monde – PDG de grandes entreprises, présidents, sénateurs, juges, ministres, avocats, chirurgiens, généraux – pour découvrir que tous les postes clés étaient détenus par des gens ayant étudié au Mistral.

Marlène se sentit plus mal que jamais. Inutile d’essayer lutter. Si Marlène osait élever la voix, on la ferait taire. Elle resta un long moment figée devant son ordinateur, perdue, cherchant la solution.

Ses parents l’appelèrent pour le dîner et ils mangèrent devant la télévision. Didier monta le son alors que l’entraîneur de l’équipe de France de football expliquait ses choix pour le prochain match. Puis, le capitaine fut lui aussi interviewé. Enfin, la météo indiqua un très beau temps sur toute la France en ce début d’été.

Marlène cligna des paupières. La solution se trouvait peut-être là. Elle commença à entrevoir une option. Ses entrailles se nouèrent. Cela allait demander du temps et de mentir, souvent, à beaucoup de gens. Marlène devrait se surpasser et Lycronus se montrer un peu patient.

« Fuis, Lycro, fuis. Ne les laisse pas te prendre, pensa Marlène, son esprit tout entier tourné vers l’homme de son cœur. Je vais t’offrir ton ticket de sortie. Ça ne sera pas demain alors, je t’en prie, mon amour, tiens bon. »

Marlène monta dans sa chambre, délaissant le film du soir. Elle s’assit au sol et médita. Il améliora encore son rendement, trouvant enfin le plus petit ver permettant le doublement d’une sphère. A Noël, l’agent du CIM s’était extasié de la voir créer 1 kum par minute. Elle montait désormais à cinquante kum par minute.

Ses bulles de connaissance restaient vacillantes et Marlène ignorait comment améliorer la situation.

Elle classa ses signatures d’éléments naturels, tâche monotone et ennuyeuse mais pour Lycronus, elle se sentait prête à déplacer des montagnes.

Marlène ne sortit plus de sa chambre que pour manger, s’entraînant sans relâche. Lorsqu’elle revint à l’école, elle avait énormément progressé en magie inter, au plus grand plaisir de maître Gourdon qui la félicita longuement.

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