Marlène évolua en magie inter, lentement, mais sûrement tandis que les petits nouveaux – très nombreux - découvraient l’école. Marlène ne participait jamais aux sorties, ne se rendait jamais sur les installations sportives. Elle courait seule dans les parcs tout en augmentant ses réserves d’énergie, qui descendaient à une vitesse vertigineuse en magie inter.
Cette magie était vraiment très difficile à appréhender. Marlène n’en revenait pas de la complexité. Rien n’allait de soi. Tout luttait. Sa construction tremblait, vibrait, menaçait de se rompre.
Jamais Marlène n’alla demander d’aide ou de conseil à ce sujet aux professeurs de méditation. Ils avaient perdu sa confiance. Plus personne n’accéderait à son intimité.
Marlène prenait le temps de discuter presque chaque jour avec Amanda qui avait eu son brevet des collèges et préparait désormais un bac professionnel en alternance en droit des entreprises. Marlène la laissait beaucoup parler et n’entrait pas dans les détails de ses études avec son amie. Elle profitait de ces moments pour décompresser. Le sujet « Lycronus Stoffer » redevint interdit tacitement.
Marlène appelait ses parents tous les dimanches. En dehors de cela, elle ne parlait avec personne, se rendant dans tous les cours de maître Gourdon, la seule professeur à la voir, augmentant ses réserves la nuit.
Les médias continuaient inlassablement à retracer la traque du voleur de magie. La sécurité augmentait partout. Lycronus restait introuvable. Marlène l’imaginait seul, bougeant sans cesse, la peur au ventre. Elle embrassait chaque matin et chaque soir le cadre vide sur sa table de chevet, le ventre noué, la gorge serrée.
Miraël Fawsi avait quitté le Mistral, ayant atteint le niveau qu'il visait. Il essayait d'être recruté par les Lucioles et d'après Amanda qui suivait l’actualité, c'était en bonne voie.
Marlène vit sa popularité augmenter. Les élèves espéraient sans aucun doute qu’elle rejoindrait bientôt l’équipe de PBM du Mistral, permettant au collège de remporter une nouvelle victoire au tournoi inter-collèges. Marlène ne confirma ni n’infirma son envie d’intégrer l’équipe. Elle préférait laisser chacun croire ce qu’il voulait.
Le soir de Noël, alors qu’Henriette apportait la bûche, « Vive le vent » se répandit dans le salon. Didier regarda autour de lui, circonspect.
- Où est la chaîne hifi qui produit la musique ? demanda-t-il.
- Il n’y a pas d’appareil technologique, papa. C’est moi. C’est la magie inter.
Elle maîtrisait les sons. Elle s’attaquait maintenant aux images.
- C’est magnifique, Marlène, approuva Henriette.
- Tu ne gaspilles pas trop de magie à faire ça ? demanda Didier.
- Si, répondit Marlène, mais j’en ai en réserve, ne t’inquiète pas.
Son assemblage de bulles tremblait de partout. La paroi de savon menaçait de se rompre. Marlène pleurait de ne pas savoir comment améliorer la situation.
- Tu as le droit de faire ça ? Je croyais que tu devais réserver ta magie à tes leçons ? s’enquit Didier, inquiet.
- C’est une leçon, répliqua Marlène. Je n’ai jamais tenté de faire ça. Ce n’est pas parce que c’est beau et amusant que je n’apprends rien.
Didier admit que le raisonnement se tenait. Marlène passa tout le dessert et l’ouverture des cadeaux à faire résonner le salon de musiques douces diverses.
- Que te faut-il pour obtenir le DM5 ? demanda Didier.
- Maîtriser un peu plus la magie inter. Pour l’instant, je me contente d’ondes à la fréquence audible par l’oreille humaine. Je dois étendre mon champ en passant à des ondes radio ou lumineuses, après quoi il me faudra créer quelque chose de réel.
- Comment ça ?
- De tangible. De l’eau par exemple.
- Tu pourrais créer de l’eau ? s’exclama Henriette, abasourdie.
- Dans mon cas, je vise plutôt de la peinture mais oui.
- De la peinture, pourquoi ?
- Pour pouvoir jouer au PBM, indiqua Marlène.
Henriette poussa un cri aigu avant de se jeter dans les bras de sa fille.
- Du PBM ! Ma fille va jouer au PBM ! Je suis tellement fière ! hurla Henriette.
Marlène se composa un visage neutre. À l’intérieur, elle souffrait. Pour que son plan fonctionne, elle allait devoir mentir, y compris à ses propres parents. C’était nécessaire. Il fallait que tout le monde y croit et moins de gens seraient au courant et mieux cela serait.
Marlène décida qu’elle ne dirait rien, à personne. Ni ses parents, ni Amanda, ni Lycronus, nul ne saurait. Elle garderait le secret jusqu’au bout. Il le fallait. Pour Lycronus.
- Le PBM, c’est bien, mais que cela ne te fasse pas oublier tes études, gronda gentiment Didier. Que faut-il d’autre pour obtenir le DM5 ?
Henriette fit une moue agacée. Marlène ne comptait absolument pas passer son DM5. Là encore, elle choisit de ne rien en dire.
- Je dois savoir me soigner de petites plaies, des égratignures, des blessures minimes.
- Un rhume ? proposa Henriette.
- Oulà non ! Les maladies, c’est beaucoup plus difficile ! s’exclama Marlène.
- Cet été, tu pourras soigner mes plaies liées à ces foutues ronces ? demanda Didier.
- Non, papa. Je pourrai soigner mes plaies liées à ces foutues ronces. Soigner quelqu’un d’autre est beaucoup plus difficile et réservé aux guérisseurs. Je n’ai pas prévu d’aller dans cette voie donc je ne saurai probablement jamais faire.
Didier et Henriette hochèrent la tête en faisant la moue. Tout cela les dépassait clairement.
L’été suivant, Marlène contrôlait toutes les ondes en inter mais toujours pas de création de matières en vue. Elle pouvait se soigner et s’occupa donc des ronces à la place de son père.
Les nouveaux arrivants à la rentrée amenèrent Marlène à se trouver de nouveau sous le feu des projecteurs. Tous voulaient croiser la néomage en formation à l’école du Mistral. Tous les cours étaient blindés et même si maître Gourdon rajoutait toujours volontiers un tapis pour Marlène, la néomage préférait travailler toute seule dans une salle vide.
Souvent, elle courait dans les parcs tout en travaillant la magie inter. La piscine lui offrait également de beaux moments de détente. Tous les matins et tous les soirs, elle embrassait le cadre vide. Les médias suivaient toujours la traque du voleur de magie.
À Noël, Marlène parvenait à créer de la matière et ses parents s’émerveillèrent de voir leur verre se remplir tous seuls d’eau, de jus de fruits ou d’alcool.
En janvier, l’école ayant perdu la moitié de ses étudiants, Marlène se décida à aller trouver maître Gourdon.
- Tu es de retour, lança maître Gourdon avec un grand sourire.
- Accepteriez-vous de m’entraîner pour le PBM ? interrogea Marlène.
Maître Gourdon lui lança un sourire suivi d’un regard appuyé. Marlène lévita à quelques centimètres du sol, fit apparaître des boucliers protecteurs sur son ventre et ses épaules et une bille de peinture jaune survola la paume de sa main. Maître Gourdon accepta et Marlène passa ainsi les six derniers mois de l’année à travailler le PBM avec le professeur de maniement de la magie.
Le directeur Gilain passait souvent par là, soi disant par hasard. Il observait les entraînements, un petit sourire satisfait sur le visage. Marlène se forçait à l’ignorer pour rester concentrée. Ne pas lui montrer qu’elle le méprisait. Rester neutre et stoïque. Son tour viendrait. Il se croyait intouchable ? Marlène allait lui faire manger le sable de l’arène !
Chaque mois, Marlène retournait dans sa réserve de magie et essayait de diminuer la taille du ver énergétique. Chaque mois, elle diminuait la quantité d’énergie nécessaire. Sa construction restait instable et elle n’avait toujours pas trouvé comment la solidifier.
Maître Gourdon ne tarissait pas d’éloges quant au pouvoir extraordinaire de Marlène qui, de son côté, trouvait la magie inter décidément bien trop compliquée. Malgré ses réserves gigantesques, Marlène peinait à terminer une journée d’entraînement.
Dès qu’elle ne s’entraînait pas, Marlène augmentait ses réserves : en courant, en mangeant, en dormant, en se lavant. Ainsi, elle parvenait à tenir le choc sous les félicitations répétées de son professeur ébahie.
Doucement, Marlène améliora sa maîtrise du vol, des boucliers et des billes de peinture sans s’intéresser au reste de la magie inter. Elle avait l’éternité pour s’y consacrer. Elle préféra profiter pleinement de la disponibilité de maître Gourdon. Dès qu’elle maîtrisait une nouvelle compétence, elle se rendait dans son océan pour ranger la bulle au bon endroit. Rien ne permettait pourtant de stabiliser l’ensemble. Marlène avait abandonné l’idée d’y arriver.
La veille des vacances d’été, Marlène se présenta devant le bureau du directeur.
- Marlène ! Tu viens t’inscrire à l’équipe de PBM pour l’an prochain, je suppose ! s’exclama maître Gilain, un énorme sourire sur le visage.
Marlène referma soigneusement la porte derrière elle puis annonça :
- Non, maître Gilain. Je viens discuter des modalités de paiement. Je quitte votre école.
Le directeur resta un instant interdit puis souffla :
- Sans ton DM5 ?
- Ça n’a jamais été mon objectif, précisa Marlène.
Maître Gilain fronça les sourcils.
- Je veux faire du PBM, mentit Marlène.
- Ce à quoi maître Gourdon t’entraîne depuis six mois, oui, confirma le directeur, abasourdi.
- La session de recrutement des Tuniques rouges commencent la semaine prochaine. Je compte m’y inscrire.
Le directeur ricana puis lança :
- Ils ne te prendront pas.
- Je pense le contraire, répondit calmement Marlène.
- Tu n’as jamais joué au PBM, rappela le directeur. De plus, tu auras un prêt étudiant sur le dos. Les entraîneurs veulent leurs joueurs à 100 % dans les matchs. L’énergie que tu perdras à me rembourser coûtera peut-être la victoire finale. Ils ne prendront pas le risque.
- Je ne vous demande pas votre avis, indiqua Marlène.
Elle rechargeait ses réserves tout en parlant, non pas pour se redonner de l’énergie qu’elle avait, mais pour se trouver dans un endroit rassurant tout en ayant cette discussion lourde et pesante. Cela l’aidait à se calmer. Elle avait envie de sauter à la gorge du directeur et de le tuer. Elle profita de ceventre maternel pour apaiser son âme.
Maître Gilain grimaça puis indiqua :
- Fort bien. Tu veux quitter mon école. C’est ton droit. En revanche, pour t’inscrire à la session de recrutement des Tuniques rouges, tu as besoin d’une autorisation parentale car tu es mineure.
- Je sais tout cela. Inutile de me prendre pour une gamine. Je n’en suis pas une. Je veux quitter votre école, maintenant. La facture, je vous prie.
Il tapota sur son ordinateur. Son imprimante cracha deux feuilles qu’il signa et tamponna avant de la passer à Marlène. La jeune femme la relut. Le directeur n’avait pas cherché à l’arnaquer. Le texte reprenait mot pour mot les propos de Marlène. Elle signa à son tour, garda un exemplaire et donna l’autre à son interlocuteur.
Deux nouvelles feuilles sortirent de la machine et maître Gilain les transmit directement à Marlène.
- Confirmez-vous la facture de vos frais de scolarité, mademoiselle Norris ?
Il venait de la vouvoyer et de l’appeler par son nom de famille. Marlène venait définitivement de cesser d’être un ses élèves. Maître Gilain cessait d’être le directeur attentif. Il se transforma en rapace prêt à tout pour son argent.
Marlène lut chaque ligne tranquillement, une par une, la replongeant dans le passé. « Téléportation exceptionnelle ». Jouer aux jeux vidéos avec ses parents lui avait permis de maîtriser enfin sa gnosie. « Sortie au centre spatial de Kourou en Guyane ». Elle s’y était rendue sans Julie et Amanda. « Sortie aux pyramides de Gizeh, en Égypte ». Elle avait fait trop chaud et les vendeurs n’avaient eu de cesse de la harceler. « Parc d’attraction en Floride ». Un souvenir plein de fous rires.
« Remboursement du sauvetage par le CIM ». Marlène se força à rester calme face à ce qu’elle considérait comme une immense injustice. Certes elle avait fauté, en parlant à voix haute dans un lieu public de ses réserves personnelles et en activant un objet magique inconnu, mais maître Gilain aussi était responsable. Il l’avait poussée à la faute sans la protéger.
Suivaient d’autres sorties puis « Anniversaire 15 ans ». Amanda avait mis le paquet. Ce soir-là, Marlène avait trouvé le cœur des cadres jumeaux réalisé par Lycronus. Le lendemain, elle le découvrait en fuite.
Ensuite, plus rien. Plus de sortie. Plus aucun frais. Marlène restait concentrée sur ses études.
Suivait le montant total du remboursement des appels téléphoniques passés : trois um. Ridicule.
Et enfin, ses frais de scolarité. Marlène avait finalement passé trois ans au Mistral. Le montant total aurait fait pâlir n’importe qui. Pourtant, ce n’était rien comparé aux huit milliards d’um dus. Marlène signa les deux feuilles, en garda une et tendit l’autre au directeur.
- Discutons maintenant des modalités de paiement, lança Marlène.
Maître Gilain sortit un bracelet d’un tiroir de son bureau.
- C’est un bracelet de transfert mais comme vous…
- Je sais identifier la fonction d’un objet magique, siffla Marlène. J’ai eu un excellent professeur d’étude des objets magiques.
Maître Gilain grimaça mais garda le silence.
- Je ne passerai pas un bracelet magique, indiqua Marlène. Je ne pense pas avoir besoin de vous expliquer pourquoi. Un tube de transfert, en revanche, me conviendra parfaitement.
- Je n’en ai pas, annonça maître Gilain.
- Monsieur Toupin vous en fera un en deux minutes, à n’en pas douter.
Le directeur grimaça.
- Vous devrez tenir le tube dans votre main en permanence. Ça ne sera guère pratique, annonça maître Gilain.
- Je n’effectuerai le transfert que le 17 de chaque mois.
Maître Gilain allait parler mais Marlène fut la plus rapide.
- D’un montant de 10 % du total à chaque fois.
Le directeur se figea. Il fronça les sourcils, se répétant probablement les mots de Marlène.
- La facture sera ainsi réglée dans dix mois, annonça Marlène.
- C’est impossible, souffla maître Gilain. Nul ne peut créer autant de magie en aussi peu de temps. Cela dépasse la limite de Beaumont.
Marlène n’avait pas la moindre idée de ce dont parlait le directeur.
- La manière dont je vais me procurer cette magie ne vous regarde pas, maître Gilain, indiqua la néomage.
- Vous formez un couple très harmonieux, Stoffer et vous, lança maître Gilain. Vous avez prévu de le rejoindre et de voler la magie de pauvres innocents.
- Comme je l’ai dit aux agents du CIM, j’ignore totalement où se trouve Lycronus Stoffer. Quant à vos sous-entendus concernant une relation entre Stoffer et moi, je vous rappelle que mon cadre des cœurs jumeaux est vide, comme ont pu le constater ces messieurs du CIM, à qui vous avez ouvert les portes de ma chambre.
La bouche de maître Gilain tremblota.
- Un couple vraiment très harmonieux, insista le directeur assortissant ces mots d’un regard brûlant.
- Mes conditions de remboursement vous conviennent-elles ?
- Un seul retard de paiement, et je vous envoie le CIM sur le dos.
- Parfait, répondit Marlène.
Maître Gilain tapota sur son ordinateur, imprima deux feuilles, signa, tamponna puis tendit le document à Marlène. La néomage relisait toujours le document lorsqu’on frappa à la porte du bureau du directeur.
- Entrez ! lança-t-il et monsieur Toupin fit son entrée. Mademoiselle Norris a une allergie aux bracelets. Pourriez-vous lui réaliser un tube de transfert, je vous prie ?
- Tu nous quittes, Marlène ? s’étonna monsieur Toupin.
Le directeur fut plus rapide.
- Monsieur Toupin, je vous prierais de ne pas vous étendre en inutiles effusions affectives.
- Vous la renvoyez ? insista pourtant monsieur Toupin.
- Mademoiselle Norris a choisi de quitter notre école, précisa maître Gilain. C’est son droit.
- Bien sûr, oui, évidemment. Je suis surpris, c’est tout. Je vais réaliser votre demande, monsieur le directeur.
Monsieur Toupin sortit. Marlène signa les deux documents, dont elle garda un exemplaire tandis que maître Gilain plaçait les siens dans un coffre fort magique. L’attente du retour de l’ensorceleur se fit dans un silence glacial.
Monsieur Toupin reparut dix minutes plus tard. Marlène prit le simple tube de grès et de cuivre.
- Merci, monsieur Toupin, lança Marlène.
L’ensorceleur cligna plusieurs fois des yeux et suivit Marlène des yeux tandis qu’elle quittait sans un mot le bureau du directeur. La néomage récupéra ses affaires et sortit de l’école en même temps que les autres élèves, prenant le train comme si de rien n’était.
En arrivant en gare Montparnasse, de nombreux journalistes attendaient sur le quai.
- Mademoiselle Norris, est-ce exacte que vous avez quitté l’école du Mistral ?
- En effet, confirma la néomage.
- Que comptez-vous faire maintenant ?
- Intégrer l’équipe de France de PBM, indiqua Marlène.
Inutile de cacher cela. Les inscriptions n’avaient rien de privé. Tout le monde le saurait. Autant maîtriser la diffusion de l’information.
- Comment comptez-vous vous faire accepter ? demanda une journaliste.
- En prouvant mon talent, répondit Marlène.
- Vous n’avez jamais joué au PBM, répliqua un autre porteur de micro.
- Grâce à moi, la France gagnera la prochaine coupe du monde de PBM, indiqua Marlène.
Prétentieuse, entendit-elle se répéter. Elle ignora les insultes, transperça la foule et rejoignit le train le menant chez elle. Nul ne vint l’embêter pendant son trajet, le CIM se chargeant de lui permettre de respirer un peu. De nombreuses personnes lui jetaient des regards de côté mais cela s’arrêtait là.
- Marlène ! Je suis si heureuse de te voir ! s’exclama Henriette.
- Euh… Henriette ? gronda Didier depuis le salon où la télévision scandait :
« La néomage Marlène Norris a enfin accepté de parler à la presse. Elle a confirmé avoir quitté l’école du Mistral ».
- Marlène ? Tu as quitté l’école ? Pourquoi ? demanda Didier en apparaissant dans le couloir.
- Parce que j’avais atteint mes objectifs, répéta Marlène.
- La Poste a perdu ton DM5 ?
- Non, papa, je n’ai jamais cherché à l’avoir. Installons-nous dans le salon.
Marlène et Henriette dans le canapé, Didier dans le fauteuil, la famille était prête à un conseil.
- Je ne suis plus élève du Mistral et par conséquent, plus protégée. Je ne possède pas de moyen de protection contre les écoutes. Je suis capable de monter une bulle de sécurité totale mais je n’ai aucune envie de gaspiller mon énergie à ça. Par conséquent, soyez conscients que tout ce que nous dirons ici sera écouté et peut-être, répété sur toutes les ondes.
Didier et Henriette frémirent.
- Je veux intégrer l’équipe de France de PBM, lui permettant de remporter la coupe du monde.
- C’est impossible, ricana Henriette. La France ne gagne jamais. Nous ne gagnons même pas le premier match.
- Avec moi, ça changera.
- Marlène, commença Didier mais la jeune femme le coupa.
- Je suis mineure. J’ai besoin de votre autorisation. Signez le document.
Marlène leur tendit la demande d’inscription. Henriette la prit mais ne la signa pas. Elle chercha son mari du regard.
- C’est vraiment ce que tu veux ? demanda Didier.
Marlène acquiesça. Elle était résignée. Elle n’avait pas le choix. Elle ne laisserait pas Lycronus fuir toute sa vie. Elle allait lui offrir le ticket vers la liberté, quitte à mentir.
- Je veux faire du PBM, mentit Marlène.
Elle ferait une saison, donnerait la victoire à la France puis poserait sa démission. Ensuite, elle vivrait heureuse avec Lycronus. Voilà tout ce qui l’intéressait. Le reste n’avait que peu d’importance. Rétablir la vérité. Réparer une injustice. Marlène ne vivait plus que pour cela. Didier dut voir le regard brillant de volonté de sa fille car il hocha la tête.
De la gorge d’Henriette sortit un cri aigu joyeux tandis qu’elle signait. Elle enlaça Marlène. Didier signa à son tour.
- Merci beaucoup, dit Marlène.
Marlène plaça le document dans une enveloppe déjà prête puis sortit la poster. Les dés étaient jetés. Toute la soirée, les médias ne parlèrent que de Marlène. Tous se demandaient pourquoi elle avait quitté le mistral si tôt. Certains la trouvaient stupide et immature, d’autre courageuse et enthousiaste. Les uns la défendaient, les autres la dénigraient. Maître Gilain ne donna aucune conférence de presse à ce sujet.
Marlène passa tout son temps à augmenter ses réserves d’énergie. La veille du recrutement, elle rendit visite à ses vers énergétiques dont elle améliora le rendement. Sa nuit fut stressante.