Les flammes d’Altaïs s’écrasèrent sur le maigre bouclier que Dagmar eut le réflexe de dresser, mais celui-ci recula en titubant. Sa manche noircie laissait entrevoir la brûlure rongeant la chair de son avant-bras. Toute trace d’amusement avait déserté son visage.
— Tu penses pouvoir m’affronter ? demanda-t-il d’une voix doucereuse.
Une flammèche vacillante au-dessus de sa paume, Altaïs lui jeta un regard haineux.
— Pourquoi pas ?
Dagmar écarta les bras avec un rictus railleur.
— Viens. Je peux t’assurer que lorsque j’en aurai fini avec toi, tu ramperas sur le sol en me suppliant de t’achever.
Je te tuerai.
Altaïs le toisa avec fureur. Son épée gisait à quelques pas de lui, mais il ne prit pas le risque de se baisser pour la ramasser et laisser une ouverture qui pourrait lui être fatale. Dagmar avait toujours pris soin de ne pas utiliser sa magie devant lui ; il ne savait pas ce qui l’attendait. Mais son bourreau ne savait pas non plus quelle était l’étendue de son propre pouvoir…
je te tuerai
Altaïs fit un brusque mouvement de la main et la flammèche grandit jusqu’à atteindre son épaule. Comprenant que Dagmar ne passerait pas à l’offensive, il bondit vers lui et déploya l’incendie qui le consumait.
je te brûlerai
Dagmar l’esquiva de justesse. Sa main agrippa la poignée de la large épée attachée dans son dos, mais le pied enflammé d’Altaïs percuta son ventre avant qu’il ne la dégaine. Il laissa échapper un grognement. Les flammes grandirent jusqu’à devenir d’immenses langues de feu…
Une douleur soudaine lacéra le dos d’Altaïs, semblable à celle que provoquerait un fouet. Un hoquet s’étrangla dans sa gorge alors qu’il tombait à genoux, emporté par son élan. Il jeta un coup d’œil apeuré derrière lui, mais personne ne s’apprêtait à le prendre en traître.
— Imbécile, siffla Dagmar. Tu ne peux rien faire contre moi !
Altaïs tenta de se redresser, mais la douleur claqua une nouvelle fois dans son dos et le courba en deux. Il serra les dents pour réprimer un cri.
— Ma magie permet de raviver ce que le corps d’une personne a vécu. Avec tout ce que tu as subi, j’ai le pouvoir de te détruire !
Un éclair fusa le long de sa colonne vertébrale. Le gémissement d’Altaïs résonna dans la cellule, et ses ongles griffèrent le sol. La magie de Dagmar ne déchirait peut-être pas sa peau, mais son corps se souvenait de la douleur induite par les coups de fouet ; ceux que lui avaient infligés ses bourreaux, ceux qu’avait ordonnés sa famille en représailles de sa fugue, les coups de ceinturon assénés par Elaran…
Il ne vit pas Dagmar s’avancer pour le frapper d’un revers de bras en plein visage. Altaïs vacilla, un goût métallique envahit sa bouche.
— Tu penses toujours pouvoir me tenir tête ?
Cette fois, il lui décocha un puissant coup de pied qui lui coupa le souffle. Altaïs recracha un filet de sang.
Ce n’est rien, la douleur.
Tu la connais, tu peux la maîtriser.
— Altaïs… Je n’ai pas besoin de te toucher pour que tu en aies le sentiment ? Ce que tu as vécu entre mes mains, je pourrais te l’infliger seulement en te regardant, et ne doute pas que je prendrais beaucoup de plaisir à te voir gémir…
Altaïs releva un regard meurtrier vers Dagmar, ses paumes plaquées contre le sol. Une bourrasque glaciale s’engouffra dans la cellule, drainant des flocons dans son sillage. Une épaisse couche de givre recouvrit le sol comme une vague qui s’étire, s’étire sans jamais reculer.
jamais
— Tu…
Malgré la douleur qui labourait son dos, Altaïs bondit vers Dagmar, qui perdit l’équilibre et bascula en l’entraînant dans sa chute. L’homme le repoussa si violemment qu’il percuta le mur de plein fouet. Altaïs s’écroula tandis que Dagmar se relevait laborieusement, une plaie ensanglantée à l’arrière du crâne. Pourtant, il ne repassa pas à l’offensive, piégé par la glace qui recouvrait le sol.
je te glacerai
Un éclat métallique attira l’attention d’Altaïs ; son épée était à portée de main. Il l’attrapa d’un geste vif, mais une douleur fulgurante remonta le long de son bras. Une autre explosa dans sa cheville.
Son cri se répercuta contre les murs.
Ce n’est rien, la douleur.
Tu peux l’apprivoiser.
Elle allait le rendre fou.
Ce n’est rien, la douleur.
Relève-toi.
Il se remit debout en chancelant et fendit l’air en direction de Dagmar, qui dégaina son arme pour parer l’attaque. Leurs pieds ripèrent sur la glace, leurs épées s’entrechoquèrent, mais Altaïs se mouvait sur la surface brillante avec une agilité qui faisait défaut à son adversaire.
— Oui, je peux te tenir tête ! cracha-t-il.
Il pouvait lui tenir tête et bien plus encore. Il pouvait se venger, le détruire comme Dagmar avait voulu le détruire.
Il pouvait le tuer.
Dagmar bloqua son arme et lui asséna un coup de coude dans la tempe. Un voile noir obscurcit sa vue, les doigts de son adversaire crochetèrent sa gorge et griffèrent sa peau.
— Tu n’es pas mauvais, railla-t-il à quelques pouces de son visage. Mais tes failles sont trop évidentes.
Il lui tordit violemment le poignet pour l’obliger à lâcher son arme. Altaïs retint un hurlement en laissant tomber son épée sur la glace.
JE TE HAIS
La fureur déferla dans ses veines. Le regard plein de hargne, il posa ses doigts sur le bras de son adversaire.
Il savait désormais ; Dagmar avait perdu.
— Et maintenant ? Que vais-je faire de toi ?
— Et maintenant, je te tue, souffla Altaïs.
Dagmar esquissa un mouvement de recul, mais du givre remontait déjà le long de son bras, serpentait sur ses vêtements. Un froid glacial les enveloppa, les flocons se densifièrent autour d’eux, portés par une bourrasque.
— Que…
— C’est fini.
Le givre atteignit l’épaule de Dagmar, descendit vers sa clavicule alors qu’il s’écroulait, rongé par le froid.
— Tu ne me hanteras plus.
Dagmar laissa échapper un rire étouffé.
— Vraiment ? articula-t-il. Regarde-toi, Altaïs…
Un rictus tordit ses lèvres.
— Tu es complètement brisé.
Altaïs tressaillit.
— Tais-toi !
— Tu penses que je ne te hanterai plus, mais tout restera gravé dans tes souvenirs. Je serai mort, et tu n’auras jamais le droit à l’oubli.
Altaïs ferma brièvement les yeux. Des vagues glaciales s’échappaient toujours de ses doigts, mais il sentait qu’il ne les maîtrisait plus.
je te hais
je te hais, mais j’ai surtout mal de ce que tu as fait de moi
Lorsqu’il rouvrit les paupières, il ne restait plus qu’une statue de glace devant lui.
— Tu te trompes, murmura-t-il. Un jour, je finirai par laisser derrière moi ce que tu m’as fait. Tu ne seras plus qu’un fantôme alors que je vivrai enfin.
Il ramassa son épée abandonnée sur le sol, serra la poignée à s’en briser les doigts…
Et la lame trancha la tête de la statue de glace.
Elle roula sur plusieurs pas, tandis qu’il reculait en titubant.
Dagmar avait tort. Altaïs l’avait tué. Alors pourquoi avait-il si mal ?
Il s’affaissa contre le mur. Autour de lui, sa magie se répandait dans l’air par vagues glaciales et le givre grimpait le long des murs. La glace rongeait la pierre abîmée.
Pourquoi avait-il si froid ?
Ses souvenirs l’engloutissaient.
Je te briserai, petit prince.
Ses souvenirs l’engloutissaient, l’asphyxiaient, l’emprisonnaient dans un monde à part régi par le silence et la souffrance.
Regarde-toi, Altaïs… Tu es complètement brisé.
La glace serpenta sur la façade extérieure de la tour, se répandit sur les pavés qui l’entouraient. Elle s’éparpillait toujours plus…
jusqu’à éroder le sort dissimulant la tour,
qui vola en éclats.
◊
Alexander tambourina contre la porte, l’estomac noué par l’inquiétude. Pourquoi Altaïs avait-il disparu sans le prévenir ? Était-ce lié à ce qu’il s’était passé pendant le discours d’Harald et dont il refusait de parler ? À ses cauchemars ? À moins que l’on ne s’en soit pris à lui ? non. Il n’y avait pas de trace de lutte ou de magie dans l’air, et la cape d’Altaïs n’était plus à sa place.
Alexander ne pouvait pas le perdre de nouveau,
ne pouvait pas,
ne pouvait pas !
Le battant s’ouvrit au bout de plusieurs longues secondes et laissa apparaître Soren, les sourcils froncés. Une lueur étonnée traversa pourtant son regard lorsqu’il découvrit le jeune homme dans le corridor.
— Alexander… Que puis-je faire pour toi à cette heure tardive ?
— Altaïs a disparu.
Lorsqu’il était revenu dans leurs appartements, avec un gâteau de miel qu’il comptait partager avec son compagnon, il n’avait trouvé personne. S’il avait songé dans un premier temps qu’Altaïs avait dû se rendre à la bibliothèque, l’inquiétude avait grimpé au fur et à mesure que la nuit noircissait le ciel.
— Ce n’est pas un enfant, il fait bien ce qu’il veut.
Alexander tenta de réfréner son angoisse et l’irritation que suscitait la réponse de Soren.
— Il n’est plus dans le palais !
— Tu as simplement mal cherché. Il n’avait peut-être pas envie que tu le trouves.
Il s’apprêtait à refermer la porte en laissant Alexander sur le seuil lorsque celui-ci s’écria avec désespoir :
— Je ne sens plus sa magie !
Soren se figea, et Alexander devina qu’il essayait de vérifier ses dires, à déceler des traces de la magie d’Altaïs dans le palais, puis dans la ville.
— Il contrôle de nouveau son pouvoir, cela ne signifie rien.
Quelque chose dans le regard de Soren, dans ses sourcils froncés, indiquait pourtant qu’il n’en était pas convaincu.
— Pas à ce point, le contredit Alexander.
Il ne sentait plus la moindre vibration autour d’eux, ce léger picotement qui annonçait la présence d’Altaïs.
— Et que veux-tu que je fasse ?
Alexander déglutit.
— Vous l’avez aidé par le passé en lui permettant de quitter Issarta et de fuir vers le Nord. Vous tenez à lui, d’une manière ou d’une autre. Aidez-moi à le retrouver avant que son absence n’atteigne les oreilles du roi.
Soren plissa les yeux, mais Alexander sut à son expression moins hostile qu’il était en train de le persuader.
— Qu’est-ce qui te dit qu’il veut être retrouvé ?
Alexander ouvrit la bouche pour répondre…
Une déflagration de magie explosa, vibra dans l’air jusque dans les couloirs du palais avec une telle puissance qu’Alexander se demanda comment il n’avait rien pu sentir auparavant. Il aurait reconnu la magie de son compagnon entre mille, ses effluves d’épines pin gelées, et pourtant quelque chose lui paraissait différent, fracturé, désespéré.
— Putain ! jura Soren. Que fiche-t-il dans la ville basse ?
Alexander eut l’impression de recevoir un coup.
La ville basse…
Où Altaïs avait été retenu prisonnier.
— Je vais le chercher ! s’exclama-t-il en tournant les talons.
— Suis-moi ! Je connais un passage qui nous mènera plus vite en ville.
Alexander hésita un bref instant avant de s’élancer derrière lui. Ils traversèrent le corridor, descendirent plusieurs escaliers en pierre blanche, bifurquèrent à plusieurs reprises jusqu’à atteindre une tapisserie colorée accrochée dans un couloir désert. Soren souleva le bord et fit signe à Alexander de s’engouffrer dans le passage. Il s’exécuta sans poser de questions, avançant aussi vite qu’il le put malgré l’obscurité. Lorsqu’ils débouchèrent enfin à l’extérieur du palais, Soren l’entraîna en direction de la ville basse sans un mot, la mâchoire crispée par l’inquiétude. Les rues s’étrécissaient au fil de leur progression.
Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? songea Alexander.
Il sentit le froid cingler son visage avant d’apercevoir la tour d’où émanait la magie d’Altaïs. Un froid mordant et agressif. Puis la silhouette de pierres se découpa dans la nuit. Le givre qui recouvrait la façade étincelait sous la lumière des astres. Des flocons se déchaînaient dans l’air, et la glace poursuivait son chemin sur les pavés et sur les maisons environnantes sans jamais s’arrêter.
Alexander écarquilla les yeux. Si elle continuait à se répandre, la magie d’Altaïs allait finir par geler la ville.
— Je ne me souviens pas avoir déjà vu cet endroit, souffla Soren.
Alexander réalisa que lui non plus, alors qu’il avait passé son enfance à écumer les rues de la ville basse.
Ils entrèrent prudemment dans l’édifice en ruines. Une épaisse couche de glace recouvrait les murs et le sol, si bien qu’ils manquèrent de chuter dans les escaliers à plusieurs reprises. Des bourrasques enneigées ralentissaient leur progression.
— Altaïs ! cria Alexander.
Seul le silence lui répondit. Ils atteignirent enfin le sommet des marches et se précipitèrent dans la… Alexander eut l’impression de manquer d’air.
Une cellule.
Prise dans la glace, envahie par un blizzard tempétueux. Alexander frémit face à la statue décapitée qui se dressait au milieu de la pièce. Et derrière, recroquevillée contre le mur, la silhouette d’Altaïs tremblait. Alexander accourut près de lui en luttant contre les bourrasques.
— Altaïs !
Il ne réagit pas, le visage enfoui entre ses bras comme s’il ne voulait rien voir et rien entendre.
— Altaïs…
Alexander esquissa un mouvement de la main ; Altaïs sursauta, les pupilles dilatées par la peur. Il parut enfin reconnaître Alexander, mais ses tremblements ne cessèrent pas.
— Alex, balbutia-t-il.
Des larmes gelaient sur sa peau, du givre éclaircissait ses cheveux et maculait ses vêtements.
— J’ai… J’ai tellement froid… à l’intérieur de moi…
— Que s’est-il passé ? chuchota Alexander, de peur de le brusquer.
Un sanglot s’étrangla dans la gorge d’Altaïs.
— Je n’en pouvais plus, gémit-il. Je voulais seulement que tout s’arrête…
Le regard d’Alexander dériva vers la statue de glace, près de laquelle s’était immobilisé Soren.
— Je croyais que si je le tuais… si je le tuais…
Dagmar.
Alexander dut mobiliser tout son sang-froid pour ne pas laisser sa colère le submerger.
— Que si tu le tuais, cela effacerait ce qu’il t’avait fait ?
— Je n’en pouvais plus, sanglota Altaïs. Je n’en pouvais plus de le voir dans mes cauchemars, de me souvenir de ses mains sur mon corps. Je voulais en finir.
Alexander battit des cils pour chasser les larmes qui embuaient son regard. Il avait espéré de toutes ses forces s’être trompé, tout en sachant au fond de lui que ses doutes effleuraient la vérité. Mais entendre Altaïs l’admettre à demi-mot…
— Je suis désolé, hoqueta le jeune homme. Je suis désolé.
désolé désolé désolé
— Je n’arrivais pas à admettre que tu avais raison… À avouer que tu disais vrai… qu’il avait réussi à… J’avais tellement honte… et je me sentais tellement… tellement sale…
— Tu n’as pas à avoir honte, répliqua Alexander avec l’impression que son cœur se fissurait.
— J’aurais dû… J’aurais dû être plus fort… être capable de l’en empêcher… J’aurais dû lutter davantage… me débattre…
— Tu n’es pas responsable ! Ce qu’il t’a fait, rien ne le justifiera jamais, tu m’entends ? Tu n’es pas responsable, tu n’as pas à avoir honte, tu n’as pas à te sentir coupable. S’il te plaît…
Les pleurs d’Altaïs résonnaient dans la cellule.
— Je n’en peux plus ! hoqueta-t-il. J’ai besoin que tout s’arrête, que mes souvenirs se taisent ! Juste… Juste pour quelques heures…
Soren s’immobilisa près d’Alexander et posa un genou sur le sol devant Altaïs. Des flocons s’emmêlaient dans ses cheveux bruns, et une tristesse incommensurable ternissait le gris de ses yeux.
— Tu te souviens quand tu étais petit et que tu n’arrivais pas à dormir à cause de tes cauchemars ? Je venais te voir dans ta chambre pour t’endormir avec ma magie.
Une grimace déforma les traits d’Altaïs comme s’il ne parvenait plus à respirer.
— Tu as… Tu as arrêté du jour au lendemain. Je croyais que… que tu avais fini par me détester toi aussi.
Soren secoua la tête.
— Elaran m’a interdit de venir. Mais aujourd’hui, je peux t’offrir un sommeil sans rêves. Tu n’iras pas mieux au réveil, mais pendant quelques heures, tes pensées et tes émotions te laisseront en paix.
Altaïs le fixa d’un regard morcelé, puis il acquiesça lentement.
— Je dois te toucher, l’avertit Soren.
Altaïs ferma les yeux en lui donnant son accord du bout des lèvres. Les doigts de Soren effleurèrent son front. Peu à peu, la tension qui crispait son corps se relâcha, ses traits se détendirent alors qu’il sombrait dans le sommeil. Alexander le rattrapa avant qu’il ne bascule.
— Rentrons, murmura Soren.
Alexander se redressa en soulevant Altaïs. Les bourrasques se tarissaient enfin autour d’eux, le givre cessait de s’épaissir.
◊
Ils traversèrent la cour du palais d’un pas vif. Un bras passé sous les genoux d’Altaïs et l’autre dans son dos, Alexander le tenait contre lui comme s’il pouvait le protéger de tous les dangers qui les entouraient. Les traits de son compagnon paraissaient presque paisibles, mais il savait que l’illusion prendrait fin dès que la magie de Soren cesserait de faire effet. Serait-il capable de prendre la relève face aux cauchemars qui rongeaient Altaïs ? Soren poussa les portes du palais d’un geste brusque, ignorant les gardes qui leur adressèrent un regard étonné, et s’engouffra dans le hall plongé dans la pénombre. Des torches flamboyaient le long des murs pâles et projetaient des ombres sur le sol.
— Regagne vos appartements. Tant que personne ne vous interroge, cachez le fait qu’il a quitté le palais.
Alexander grimaça. Toute la ville avait dû sentir la magie glaciale d’Altaïs se répandre dans les rues. Il acquiesça pourtant et esquissa un pas vers les escaliers.
— Pensez-vous vraiment pouvoir me dissimuler une telle information ? tonna une voix dont l’écho se répercuta dans le hall.
Alexander se figea en découvrant la silhouette d’Harald en haut des marches. Il ne portait pas sa couronne ; à peine avait-il enfilé une cape par-dessus des vêtements en lin. Il les toisait pourtant d’un regard impérieux, tempétueux. Son épouse se tenait en retrait derrière lui et se tordait nerveusement les mains.
— Nous t’en aurions parlé tôt ou tard, répliqua Soren avec une nonchalance factice. Mais il se fait tard, je doute que l’heure soit propice à…
— Que faisiez-vous à l’extérieur ? le coupa Harald. J’espère que tu comptes m’expliquer pourquoi sa magie incontrôlable a encore fait des siennes, mettant ainsi la ville en danger.
Une bouffée de colère étouffa Alexander, mais il prit sur lui pour laisser Soren mener la conversation.
— C’est pour cette raison que je lui ai proposé cette sortie. Je voulais lui offrir mon aide pour retrouver une certaine maîtrise de sa magie.
— Toi ? railla Harald.
Alexander retint son souffle ; pendant un instant, il avait cru entendre les intonations d’un autre.
— Il ment, gronda une nouvelle voix.
Ils sursautèrent de concert, et Soren tressaillit lorsqu’ils découvrirent Elaran qui descendait les marches supérieures pour s’arrêter à quelques pas du roi. Il riva un regard impavide sur son fils.
— Ce n’est pas ainsi que je t’ai éduqué, Soren.
Soren pinça les lèvres, mais il ne répondit pas. Les yeux d’Elaran dérivèrent alors vers Altaïs, toujours inerte dans les bras d’Alexander.
— Altaïs a quitté le palais sans en informer personne et a perdu le contrôle de sa magie, déclara-t-il. Son Protecteur et Soren pensaient pouvoir dissimuler les dégâts avant que nous nous en rendions compte.
Soren se recroquevilla tandis qu’Alexander foudroyait Elaran du regard. S’il n’avait pas tenu Altaïs contre lui, s’il n’y avait pas eu la famille royale autour d’eux, Alexander lui aurait sans doute sauté à la gorge.
Il a tué Nils et permis l’exécution d’Evald.
Il a battu et torturé Altaïs.
Il mérite de mourir.
Harald se tourna vers Altaïs, un éclat impitoyable au fond des yeux.
— Altaïs a défié son interdiction de sortir du palais. Il sera donc enfermé dans les cachots jusqu’à ce qu’il comprenne où est sa place.
— Non ! explosa Alexander.
Il observa le roi avec une rage qu’il ne cherchait plus à réfréner.
— Pardon ? susurra Harald d’un air mauvais.
— Non ! répéta Alexander. Vous ne l’enfermerez pas ! Votre décision de lui interdire de sortir du palais était infondée ; il avait prouvé son innocence ! Vous ne l’emprisonnerez pas une seconde fois !
Il savait avoir dépassé les limites et ne plus pouvoir faire marche arrière, mais cela lui importait peu. Peut-être que retrouver Altaïs dans un tel état avait fissuré le barrage qu’il avait bâti pour contenir ses émotions, peut-être que l’injustice de la situation avait simplement été la goutte d’eau qui faisait déborder l’océan.
Harald laissa échapper un ricanement glacial.
— Qui penses-tu être pour t’adresser ainsi à ton roi ?
— Quelqu’un qui veut seulement protéger celui que vous vous acharnez à détruire ! Si vous le détestez à ce point, laissez-le partir ! Quelque part où…
— Il est trop dangereux ! le coupa Harald.
— Qui a décrété cela ? rétorqua Alexander avec hargne. Trop dangereux parce qu’il ne se plie pas à vos jeux de pouvoir ? Parce qu’il voudrait pouvoir partir loin de…
— Silence !
Alexander se tut alors que le roi reprenait d’une voix dure :
— Tu as raison, ce n’est pas lui que je vais faire emprisonner : c’est toi. Cela t’apprendra à craindre ceux qui te sont supérieurs, et voir son chien de garde dans une geôle le convaincra certainement de se tenir à carreau.
— Harald… souffla Adela.
Il interrompit son épouse d’un geste de la main.
— Gardes ! ordonna Harald.
Alexander serra les dents ; il se moquait des menaces du roi. Qu’il l’enferme donc ! Il pensait chaque mot prononcé devant cette famille qui n’éprouvait aucun remords à détruire l’un des siens. Il ne supportait plus cette impunité, cette violence qui les gangrenait.
Ils étaient responsables de ce qu’avait subi Altaïs.
Il les haïssait tous.
— Allez-y ! siffla-t-il.
Malgré la peur qui lui tordit soudain l’estomac, il n’avait aucun regret.
Pour quelques heures peut-être, Altaïs serait épargné.
Du coin de l’œil, il aperçut des gardes s’approcher. Il ne réfléchit qu’une fraction de seconde avant de se tourner vers Soren. Il n’y a pas si longtemps, celui-ci lui avait demandé de protéger Altaïs. Aujourd’hui, la situation s’inversait.
— Veillez sur lui, murmura-t-il.
Soren hésita un bref instant avant d’incliner la tête. Il rattrapa Altaïs avec délicatesse et l’étendit sur le sol, tandis qu’Alexander relevait le menton vers Harald avec un air bravache.
— Vous n’avez d’un roi que le titre.
Un orage éclata sur le visage d’Harald alors que les gardes empoignaient les bras d’Alexander. Celui-ci adressa un dernier coup d’œil à Altaïs, toujours inconscient, priant pour que son sommeil dure suffisamment longtemps, puis il se laissa entraîner vers les sous-sols.
Affreux chapitre (bon travail pour toi, donc), ça m'a rappelé une scène similaire dans ton précédent projet. Tu as une sacré plume pour réussir à faire ressentir la terreur, la douleur, le traumatisme d'Altaïs. C'est très réussi, on souffre bien avec lui. Le personnage de Dagmar fonctionne bien, en vrai je peux comprendre l'idée horrible de vouloir absolument briser la volonté de sa victime, surtout si elle résiste. Ce perso est vraiment horrible, pressé qu'il meure !
Le flashback avec Nils est plutôt sympa, en forme d'hommage. Peut-être le mettre avant qu'on voie le tombe, je trouve que ce serait plus logique dans cet ordre là ?
Je vais m'arrêter ici pour aujourd'hui, je suis content d'avoir pu avancer dans ton roman !
A bientôt (=
Ce n'était pas un chapitre simple à écrire, donc je suis d'autant plus soulagée qu'il fonctionne bien. C'est vraiment un basculement pour Altaïs, le moment où il peut se briser définitivement ou surmonter ce qu'il a vécu. Et oui Dagmar est vraiment horrible, mais je ne souhaitais pas le nuancer au vu de ce qu'il a infligé à Altaïs.
Merci pour ton retour :)
Jolie narration des pensées qui peuvent traverser une victime de tels actes (que tu arrives à laisser sous-entendre sans décrire clairement, bravo d’ailleurs). Toutes les victimes aimeraient avoir ce courage et cette magie à disposition pour se venger. Bel espoir à donner. Un chapitre tout en tristesse et malgré tout plein d’espérance. Quel dommage qu’Altaïs doive devenir un assassin pour retrouver sa liberté.
Je voulais vraiment passer par les pensées et les émotions d'Altaïs plutôt que par les actes eux-mêmes, qu'on perçoive à la fois le traumatisme et la volonté d'Altaïs de s'en sortir. Je suis vraiment soulagée que ce chapitre fonctionne, c'est toujours plus difficile de présenter des chapitres aussi délicats je trouve.
Seigneur, ce qu'Altaïs a vécu... personne ne devrait cumuler ça. Et le plaisir de celui qui lui a fait subir tout ça... le pire étant que des monstres comme lui, il en existe dans la vraie vie.
C'est un compliment étrange, mais tu es doué pour décrire les monstres et leurs pensées. Rappelle moi de ne jamais te mettre en colère, d'acc ? ^^'
Je dois continuer, impossible de laisser Altaïs ici !
Objectivement, je pense que je préfère qu'on me dise que je décris bien la psychologie d'Altaïs vis-à-vis de la situation, mais comme j'ai tendance à penser que les deux sont liés et nécessaires pour apporter toute la profondeur possible, je prends bien le compliment :p (cela dit, je te rassure hein, je suis plus proche d'Altaïs que des antagonistes xD)
Allez, troisième chapitre du Prince Déchu pour moi aujourd'hui, parce-que je n'arrive vraiment pas à me plonger dans mes propres récits.
Très touchante cette scène d'Alex sur la tombe de Nils, ça rajoute de la profondeur aux deux personnages et on comprend mieux l'importance de leur relation et du chagrin d'Alex.
Je rejoins Flammy à leur sujet d'ailleurs, et pas seulement pour cette histoire de crises. Dans ton cheminement, tu introduis à peine le personnage de Nils, tu le tues, puis il se passe un moment avant qu'on découvre véritablement pourquoi cette mort a de l'importance (au-delà du poids et de la culpabilité qu'elle ajoute sur les épaules d'Altaïs). Ça donne presque le sentiment qu'on est face à un arc narratif inversé : le perso apparait, il meurt brutalement, et seulement bien après sa mort tu nous donnes les clés pour comprendre qui il était, son rôle dans l'histoire et pour nous donner des raisons de s'y attacher (sauf que, pas de bol, il est déjà mort).
Je ne dis pas forcément qu'il faudrait renverser complètement ce postulat, c'est une approche originale et ça me plait comme idée. D'autant que ça reste un personnage secondaire de ton histoire. Mais peut-être serait-ce mieux de nuancer un poil ce parti-pris en amenant davantage son importance aux yeux d'Alexander avant sa mort ? Que ce soit au travers des crises d'Alex ou d'autre chose.
En tout cas, la scène sur la tombe est vraiment émouvante, c'est une bonne entrée en matière pour ce chapitre.
Que dire maintenant de la confrontation entre Altaïs et Dagmar ?
C'est effroyable, ça glace le sang, et pourtant tu parviens encore une fois à écrire cette scène de manière très convaincante. La décision d'Altaïs d'aller à sa rencontre, son impuissance, sa terreur, toutes ses réactions en fait, c'est ultra réaliste et bien relaté, je trouve ça d'une justesse incroyable. Tu abordes le thème du viol par le regard de la victime en parvenant d'abord, dès les chapitres précédents, à le suggérer sans le dire, à faire passer l'idée de l'indicible juste à travers les réactions d'Altaïs ; puis ici, tu nous confrontes carrément à la réalité du truc, on le reçoit en pleine face alors qu'on ne s'y attend pas forcément en tant que lecteur, c'est glauque, sans gants, direct et malaisant à lire... mais tu parviens à ne pas tomber dans le piège du trash ni du cliché qui auraient complètement dénaturé la scène.
Et au final, on aboutit à un équilibre que je trouve très bon, et qui repose selon moi en grande partie sur cette succession de phrases très courtes entrecoupées de JE TE HAIS, qui viennent donner un rythme pertinent et un équilibre entre les actions affreuses de Dagmar et la terreur/colère d'Altaïs, entre description factuelle de ce qu'il lui fait subir et introspection.
Je blablate, j'en fais un pavé, mais c'est parce-que je me rends bien compte que cette scène a dû être particulièrement difficile à écrire et je salue la performance, chapeau bas Madame.
Je suis heureuse que la scène où Alex se rend sur la tombe de Nils t’ait touché. Et vous avez tout à fait raison avec Flammy. J’avais envisagé dès le début de développer la relation entre Nils et Alex après sa mort, mais comme il meurt vite justement, j’ai eu du mal à davantage l’introduire. L’un des problèmes que j’avais était qu’il fait partie des quelques personnages qui n’apparaissaient pas dans la première version et que j’avais du mal à cerner jusqu’à quel point il avait été important pour Alex. Même si je vais garder l’aspect développement après sa mort, je vais essayer de davantage évoquer leur relation dans les premiers chapitres également.
Pour la confrontation entre Altaïs et Dagmar, je suis sincèrement soulagée par ton commentaire. L’idée de poster ces chapitres me stresser un peu parce que ça touche vraiment un sujet très délicat (et très important à mes yeux), donc je suis rassurée de savoir que l’on comprend bien les réactions d’Altaïs. Que tu les trouves justes et réalistes me touche. Ce chapitre en particulier a été particulièrement difficile à écrire à cause de l’équilibre qu’il demande : en faire un peu trop ou pas assez sur un dialogue lambda ce n’est pas grave, sur des scènes de ce genre c’est tout de suite beaucoup plus compliqué pour qu’on saisisse toute l’ampleur du traumatisme sans tomber dans le « trop ». Les phrases très courtes d’Altaïs me semblaient très intéressantes pour parvenir à ce résultat.
Je blablate, mais tout ça pour dire que ton commentaire, comme celui de Flammy, m’a beaucoup rassurée ^^
Merci beaucoup !
Bon je suis contente que le déclic se fasse pour Altaîs, parce qu'au début, je me suis dit que c'était vraiment pas malin de sa part de revenir à cet endroit, et de se remettre dans cette situation. Sans la fin du chapitre, j'avais vraiment l'impression qu'il allait se faire éclater une fois de plus, d'où ma question : ne faudrait-il pas un poil plus montrer son cheminement vers la guérison dans les chapitres précédents ? Mais en même temps, si le déclic ne s'est pas fait plus tôt, il s'est fait maintenant, donc c'est bien aussi...
Non ce n’est pas malin comme décision, je dirais même surtout que c’est complètement irrationnel, mais en même temps logique (ou compréhensible) au vu des circonstances et du fait qu’il ait besoin de détruire cette partie de son passé. Après le problème c’est qu’il n’est pas du tout sur le chemin de la guérison pour l’instant (il y a un petit espoir avec la fin du chapitre, mais sinon avant il en est très loin), et tu verras dans les chapitres suivants que même avec ce déclic, la question de la guérison reste compliquée dans l’immédiat…
Merci pour ton commentaire :)
« pourvu d’une chambre annexe pour Alexander, bien entendu » Bien, entendu, faut faire gaffe à préserver la sensibilité d’Harald qui se donne beaucoup de mal pour rien comprendre ^^’
Et d’ailleurs, vu que c’est bientôt la fin de période pour faire une offrande pour Nils, ça doit bientôt l’être aussi pour Evald, avec quelques jours de décalage, non ? Tu comptes l’évoquer à un moment ou pas ?
Le souvenir entre Alex et Nils était si mims ! Bon, on sent qu’Altaïs a été dressé pour être une arme de combat, genre, il est pas majeure et il défonce déjà les Epéïstes confirmés ^^’
Ca aurait été beau tiens si la première rencontre avec Alex et Altaïs ça aurait été Altaïs qui défonce Nils à l’entraînement et Alex qui doit récupérer les morceaux de Nils =’D Ca aurait bien commencé tient. Et sinon, le chaaaaaat. Là, si Nils avait pas été idiot et l’avait défoncé direct sur « on ramasse pas de chat dans la rue », Alex aurait pas ramassé Altaïs et Nils serait encore en vie. C’est donc de sa faute s’il est mort, CQFD.
Et pour toute la scène avec Altaïs, c’est chaud ;.; Sa décision d’y aller est très irrationnelle, genre c’était clairement pas la meilleure idée du monde, mais en vrai, c’est juste tellement compréhensible et cohérent avec le reste, et avec les réactions de victimes dans ce genre de situation ^^’ Franchement, toutes les réactions d’Altaïs ont sonné très juste à ma lecture, c’était assez terrible à lire, mais très vraie, très juste et très bien, dans le sens où l’horreur du truc est pas passé sous silence ou sous un voile pudique, nan, on se confronte vraiment brutalement aux choses crues, même si ça fait pas plaisir. Franchement, toutes les réaction d’Altaïs, que ça soit repousser Alexander, la rage d’y aller, puis la terreur et rien pouvoir faire, tout sonnait extrêmement juste. Vraiment, c’est pas un passage facile à lire, mais bravo, parce que j’aurai pas changé une seule virgule dedans et tout fonctionne très bien. Bon, Dagmar est officiellement le perso le plus dégueulasse de l’histoire et il mérite de crever dans d’atroces souffrances, genre, vraiment, il est ignoble ce type ><’’’ Juste, quitte à tendre un piège à Altaïs, pourquoi il est a pas emmené d’autres mercenaires avec lui pour gérer en cas de souci ? Vu qu’Altaïs a retrouvé sa magie, il sait que potentiellement, ça peut dégénérer juste avec ça et de manière non contrôlée (genre la porte nord).
Sinon, très bon chapitre, même si va falloir de la glue pour mon petit cœur là :’(
Merci pour ton commentaire, je vais poster la suite, bisous.
Non je blague, que ferais-tu sans mes réponses ? Ta vie serait bien triste.
Trop contente que la scène où Alexander se rend sur la tombe de Nils te touche ! Ils étaient vraiment proches ouaip, et tu as tout à fait raison, il faudrait que j’introduise mieux leur relation dès le début, et que j’évoque les crises plus tôt tant qu’à faire (je vais réécrire le chapitre 3 pour la 85483068 fois, oui j’avais un problème avec ce chapitre). Et effectivement il pourrait craindre une nouvelle crise à un moment ! Oui il « gère » seul depuis que Nils peut plus s’en occuper.
« Bien, entendu, faut faire gaffe à préserver la sensibilité d’Harald qui se donne beaucoup de mal pour rien comprendre ^^’ »
=> Le déni, Flammy, tu partages plus de choses que tu ne le penses avec Harald :p
Non pour la fin de la période pour Evald, c’est différent parce qu’il a été incinéré donc son âme a déjà rejoint la Magie (rip) !
Haha, est-ce que je réécrirais pas le souvenir avec Nils qui revient tout cabossé de l’entraînement parce qu’il s’est fait défoncé par Altaïs ? xD Je… La logique du chat où Nils a pas su dire non et est mort à cause de ça… Je… Snif.
Pour le passage avec Altaïs, je suis vraiment rassurée qu’on comprenne bien les décisions qu’il prend, aussi irrationnelles soient-elles. Ce ne sont pas des passages évidents à écrire, mais pour moi ils étaient vraiment importants et logiques au vu de la psychologie du personnage et de son vécu.
Oui Dagmar est vraiment la pire des ordures… Et donc ça répond à ta question sur pourquoi il est venu seul (parce qu’il est persuadé qu’Altaïs n’aura pas le dessus sur lui et qu’il ne comptait de toute façon pas partager ce moment… je reviens je vais vomir).
Merci pour ton retour, tu sais à quel point il compte à mes yeux <3