Chapitre 23

Durant tout le week-end, j'avais hésité à appeler ma mère pour avoir une plus longue discussion avec elle. Sauf que je n'avais toujours pas fait le point sur ce qui me dérangeait ces derniers temps. Elle aurait beau me dire ce qu'elle voulait et peu importe la manière, je ne pourrais pas prétendre être innocent.

J'en étais même venu à oublier la mort de mon père et voilà que ça me revenait en pleine tronche.

Mais en me voyant fixer mon ordinateur d'un air vide durant toute une matinée, je compris que je devais faire quelque chose, quitte à ce que ça me déplaise au début.

Encore une fois, je prétendis devoir me rendre sur le terrain pour quitter mon bureau et je rejoignis celui de ma mère. Le bâtiment où elle travaillait se trouvait à quelques rues d'ici et je pouvais simplement y aller à pied.

En arrivant à la réception qui refusa de me laisser passer, je me rendis compte d'une erreur : j'aurais mieux fait de prévenir. Même en me présentant en tant que le fils de Leia Organa, ça ne passait pas.

Alors, je devais prendre mon courage à deux mains, une énième fois. Je composai le numéro de ma mère en espérant qu'elle me réponde et surtout, qu'elle soit dans son bureau.

Elle décrocha rapidement, à mon plus grand soulagement :

— Ben ? Quelque chose ne va pas ?

— Je voulais te voir à ton travail, juste pour parler... Mais j'ai oublié qu'il y avait une sécurité qui ne me laisserait pas passer.

La secrétaire me jeta un regard noir comme si je venais de l'insulter de tous les noms alors que j'avais quand même conscience qu'elle faisait juste son travail. Bon, d'accord, mon ton n'était pas très affectueux sous le coup de l'agacement.

— Je vais les prévenir de te laisser passer...

Notre appel s'arrêta ainsi et je me tournai vers la secrétaire. Elle avait le même regard réprobateur et le fait que je lui adresse un sourire n'y changea rien.

Rapidement, elle reçut un appel et quand elle posa son regard sur moi, sa lèvre inférieure tomba un instant. Elle se rendait désormais compte de qui j'étais. Quand elle raccrocha, son regard croisa le mien, complètement honteuse.

— Désolée... Je ne savais pas qui vous étiez... Je vous en prie.

Je tentai de la rassurer par un simple "c'est pas grave" puis traçai mon chemin jusqu'à l'ascenseur. Heureusement, je connaissais encore le chemin jusqu'au bureau de ma mère. Sur le chemin, j'attirai quelques regards curieux, en particulier lorsque je fermai la porte derrière moi.

Immédiatement, un sourire se dessina sur le visage de ma mère. Un sourire sincère, même s'il y avait toujours un brin de peine. En même temps, ça faisait si longtemps qu'on n'avait pas été aussi proche et je commençai tout juste à me reconnecter au monde. J'avais même l'intime conviction que si j'étais incapable de régler ce problème, ça empiéterait sur ma relation avec Rey, peu importe la manière.

Elle me proposa de m'asseoir sur le canapé en voyant mon air un peu perdu. Elle s'installa sur un fauteuil en face de moi. Son bureau n'était pas si grand que ça, mais il avait tout le confort nécessaire pour accueillir quelques personnes.

— En fait, je sais même pas pourquoi je suis venu... Mais je crois que j'avais juste besoin de venir, lâchai-je maladroitement.

Elle m'adressa un simple sourire pour me rassurer, l'air de me dire "c'est pas grave", puis elle prit ma main. J'essayai de lui sourire, mais j'étais persuadé de ne pas y arriver.

— Je dois avouer que je suis assez étonnée de te voir ici, mais j'ai jamais perdu espoir que tu reviennes.

Quand bien même je pouvais me détester sur certains points, en particulier celui qui concernait la mort de mon père, ma mère avait toujours cru en moi. D'une certaine manière, elle avait été une étoile qui m'éclairait, quelque part sans que je ne le sache.

— Tu ne m'en veux vraiment pas ? demandai-je une énième fois.

— Pas du tout. Mais pourquoi je t'en voudrais ? Tu n'y étais pour rien...

Elle avait beau le répéter encore et encore, je n'y arrivais pas à y croire malheureusement. Il y avait toujours une part de moi qui s'accrochait désespérément à ce "et si...".

— Je pense que je ferais mieux de retourner travailler, j'ai un truc qu'il faut vraiment que je finisse, annonçai-je maladroitement.

Étais-je en train de fuir la situation ? Complètement.

Alors que j'étais sur le point de me lever, elle m'arrêta par de simples paroles :

— Ben... Tu ne peux pas toujours faire changer les choses et parfois, ça implique ta famille.

Je pris de longues secondes à considérer ses propos. Dire que je reprochais par moment à Rey d'être un peu trop portée sur le contrôle, peut être que je n'étais pas mieux de mon côté. Je ne m'étais pas plongé dans mon travail quitte à sacrifier tout ce qui pouvait graviter autour.

Au début, je pensais pouvoir changer les choses. Puis après la mort de mon père, ça s'était renforcé. Et je pensais encore qu'à ce moment, j'avais juste merdé.

— Pour mon père, pour mon grand-père... Il était vraiment possible que les choses se déroulent autrement.

— Pour ton père, c'était un accident. Un accident de voiture, ça impliquait une autre personne que tu ne connaissais même pas. Pour ton grand-père...

— Il aurait fallu que tout soit dévoilé bien plus tôt, continuai-je en constatant son silence passager.

Elle posa sa main un instant sur ses lèvres et fronça ses sourcils un instant.

— Qu'est-ce qui aurait rendu ça impossible ? demandai-je en la voyant hésitante.

— Personne n'aurait jamais rien dit sur ton grand-père, parce que ç'aurait demandé bien trop de risques.

— C'est le boulot d'un journaliste... 

— Pas quand ça implique un des gangs les plus dangereux du coin.

C'était bien la première fois que j'entendais de telles révélations. Alors, je fus incapable de répliquer quoi que ce soit, soudainement très attentif.

— Ce qu'il a dû faire, c'était sous la pression de l'Empire. Toutes ses actions ont été faites sous la contrainte, c'était son seul moyen pour s'assurer qu'ils ne s'en prendraient pas à sa famille. Il voulait juste nous sauver... et il a fait comme il a pu.

Pourquoi n'avais-je jamais entendu parler de cette histoire ? Pourquoi ça ne ressortait que maintenant ?

— Comment peux-tu en être sûre ? l'interrogeai-je, la voix tremblante.

— Il a tout dit à ton oncle, Luke, avant de mourir. Mais juste dire la vérité n'aurait pas suffi dans ce cas. Et toi non plus tu n'aurais rien pu faire...

J'aurais terriblement voulu ne pas la croire et me cacher derrière un nombre incalculable d'excuses, mais je ne sentais que j'en avais plus la possibilité désormais. Malheureusement, j'étais impuissant et je l'avais toujours été...

— Je crois qu'il faut vraiment que j'aille travailler...

— Tu es sûr que ça va ? s'enquit ma mère, inquiète.

— Euh... Je crois. Enfin, faut que je réfléchisse à tout ça...

— N'hésite pas à revenir si tu veux en reparler... ou même juste pour passer le temps.

— J'y penserai.

D'habitude, j'aurais évité cette invitation, mais pas cette fois-ci. Plus maintenant.

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