Chapitre 23

Par Notsil

Le diner s’était prolongé tard dans la soirée. Après le dessert, la grande table avait été enlevée, et des domestiques avaient apporté des fauteuils et de petites tables. D’autres serpentaient entre les convives, proposant douceurs, boissons chaudes et alcools forts. La lumière s’était faite tamisée, l’ambiance plus feutrée.

Surielle s’attendait à s’ennuyer, recluse seule dans son coin une fois Rayad parti pour faire le tour des convives, mais comme Shaniel l’avait prévu, plusieurs Seigneurs ou leurs représentants vinrent lui tenir compagnie. Certains intéressés sur le point de vue de la Fédération des Douze Royaumes à leur propos, d’autres qui nourrissaient des fantasmes et qu’elle s’empressa de recadrer vertement.

Alistair ne s’était pas attardé auprès d’elle, la félicitant tout en lui rappelant qu’il fallait mieux éviter de s’attaquer à l’intégrité physique de leurs alliés. Surielle avait détourné son regard du jeune noble qui se frottait la joue, sans éprouver aucun remords. Et avait rappelé à son cousin qu’elle n’était pas une politicienne. Alistair avait masqué son sourire dans une gorgée de vin.

Dame Esbeth venait de s’éclipser, en compagnie de son époux. Ils étaient les premiers Seigneurs à quitter la salle, c’était encore un peu tôt pour les convenances, mais sa grossesse lui assurait un passe-droit. Surielle l’avait enviée, avant de se rappeler que ce n’était pas le calme qui attendait Dame Esbeth, mais cinq enfants surexcités.

L’un des serviteurs s’approcha de Surielle, et elle s’empara d’un verre avec reconnaissance. Elle trempa ses lèvres dans le breuvage frais, goûta les arômes de fruits sucrés, espéra qu’il ne contenait pas d’alcool. Ce soir, elle se sentait en terrain miné, et préférait avoir toute sa tête.

Une jeune fille s’approcha d’elle. Surielle essaya de paraitre détendue malgré sa méfiance initiale. Vêtue de soieries orangées, un quartz rose retenu par une fine chaine en or reposait sur son front. Ses cheveux bruns mêlés de mèches rouges étaient relevés dans une coiffure sophistiquée que Surielle aurait été bien en peine de reproduire. La chaine s’y retrouvait, associée à des barrettes de perles. Ses grands yeux bleus étaient rehaussés de noir, un rose nacré couvrait ses lèvres pleines.

— Alors c’est toi, Surielle ?

— Et tu es ?

— La princesse Pazi d’Arian. La fille du Seigneur Evan d’Arian, ajouta-t-elle en s’apercevant que Surielle ne parvenait pas à la situer. Avec toutes les histoires que j’ai entendues sur toi, je ne pouvais pas rater l’occasion de te parler.

Surielle se demanda qui avait bien pu lui parler d’elle. De mémoire, elles ne s’étaient encore jamais croisées. Ne sachant que dire, elle but une nouvelle gorgée de sa boisson.

— Es-tu là pour repérer un futur mari ?

Surielle s’étouffa avec sa boisson et Pazi gloussa avant de lui tendre un mouchoir pour éponger les dégâts.

— Orssanc me vienne en aide, je croyais les ailés bien plus à l’aise avec ce sujet !

— Si tu tires tes connaissances du savoir impérial, rien d’étonnant, rétorqua sèchement Surielle.

— Alors éclaire-moi.

— Pourquoi tant d’intérêt ?

— J’aurais bientôt dix-huit ans, soupira Pazi, et je ne suis toujours pas fiancée. Le monde de mon père a été détruit, celui de ma mère, rasé. Te réserves-tu Alistair ? Je pense qu’une alliance avec les meilleurs défenseurs de l’Empire ne peut être que bénéfique à ma famille. Je me demande si mon père va garder son titre, tu comprends.

Malgré l’absurdité de la situation, Surielle laissa un sourire gagner ses lèvres.

— Alistair est mon cousin, révéla-t-elle. Et même si c’était possible, il ne serait pas sur ma liste. Mais j’avoue ne pas comprendre ton intérêt.

Pazi haussa les épaules.

— Ma mère a fait un mariage d’amour. Tu te rends compte ? Elle a du attendre ses vingt-cinq pour être mariée ! Je ne compte pas attendre si longtemps.

— Ce n’est pas la norme chez vous ? s’étonna Surielle.

— Du tout. Les alliances sont importantes, non ? Vos coutumes m’ont l’air bien singulières…

— Ce qui me surprend, c’est plutôt le fait que nous soyons en paix depuis vingt ans, et qu’aucun programme d’échange n’ait été mis en place.

— Tu soulèves un point intéressant…  J’en parlerai avec mon père. Ravie d’avoir échangé quelques mots, Surielle.

— Plaisir partagé, répondit-elle avec un signe de tête.

Surielle regarda la jeune femme s’éloigner. Finalement, elle n’était pas différente de bien des Seyhids, avec des préoccupations tout aussi étranges.

— Tu as appris quelque chose ?

Shaniel fit doucement tinter leurs verres. Surielle haussa les épaules, puis sourit.

— A part qu’elle a des vues sur Alistair ? Rien d’intéressant.

Shaniel avait froncé les sourcils.

— Pazi ? Tu sais, une bonne partie des jeunes femmes des Familles soupirent après Alistair. Son côté inaccessible, sans doute. Il ne les regarde même pas. Mais Pazi… c’est étonnant. Tu en as eu un aperçu, les Seigneurs Éric et Evan ne s’apprécient pas. Ils se tolèrent, au mieux. Mon père a du user de la force pour les obliger à travailler ensemble. Et avant le Traité de Paix, ils étaient ennemis.

Surielle écarquilla les yeux.

— Je ne savais pas !

— N’hésite pas à venir me trouver si tu souhaites t’en aller, poursuivit Shaniel. Je t’excuserai, au besoin.  J’aurais aimé discuter davantage avec toi, mais j’ai à convaincre Yuri d’Aranel que notre cause n’est pas perdue.

— Bonne chance, souffla Surielle.

La jeune ailée nota que les groupes se formaient et se reformaient. C’était ce qu’avait prévu Rayad. Elle aperçut Alistair près de lui, l’envia. Que n’aurait-elle pas donné pour échanger leurs places ! Elle se sentait seule. Pire, inutile. Il lui tardait de partir à la recherche de l’Éveillé, de retrouver la douceur du vent sur ses ailes.

— Le bonsoir, demoiselle Surielle.

Elle sursauta, une bouffée de chaleur remonta jusqu’à ses joues. Être ainsi surprise ! Le regard désapprobateur de son père, même absent, pesa sur elle. Le nouvel arrivant n’était pas seul, d’ailleurs.  A ses côtés, elle reconnut le capitaine Wakao. Le blondinet imbécile. Ils durent remarquer que son expression s’était assombrie parce qu’ils la saluèrent conformément à son rang. Celui qu’elle ne connaissait pas était plus grand que Wakao d’une demi-tête. La cape bleue, se souvint-elle. Un étrange symbole était brodé sur la gauche de sa cape, justement. Un gros point blanc, entouré de cinq lettres C tournées vers l’extérieur. Un grade quelconque ? Parfois, elle maudissait son ignorance.

— Je suis Kota sy Reysuri, dépêché par Dame Anka de Bereth. C’est donc vous qui représentez la Fédération des Douze Royaumes ?

— En quelque sorte, répondit prudemment Surielle.

— Vous n’êtes donc pas une ambassadrice officielle.

— Je suis ici à la demande de mon dieu, pour trouver l’Éveillé et accessoirement sauver votre déesse, répliqua Surielle.

— Pas pour repousser les Stolisters à nos côtés, donc.

Elle pinça les lèvres face à sa moue satisfaite.

— Le prince Rayad estime que les troupes impériales seront suffisantes.

— Le principal problème étant que ces troupes sur lesquelles il compte sont sur des terres contrôlées par les Stolisters.

Surielle arqua un sourcil.

— Qu’est-ce qui les empêche de se rebeller contre un usurpateur ? N’auriez-vous aucun honneur, sur tous ces mondes ? Vous contentez-vous d’obéir sagement tant que vous ne risquez rien ? Le métier premier d’un soldat est de combattre, non ? Pas de changer de loyauté par crainte des combats à venir.

Kota sourit.

— Avec votre robe digne d’une cérémonie officielle au Palais Impérial, je ne vous aurais pas cru si … combative.

— Vous n’avez jamais porté de robe, maugré Surielle. Les femmes qui les portent chaque jour, pire, qui marchent en équilibre sur ces choses instables que vous appelez “talons”, ont bien plus de courage que vos soldats.

— Tu n’avais pas menti, Wakao. Vous êtes fort intéressante, demoiselle Surielle.

Un instant, Surielle regretta d’avoir du laisser ses armes dans sa chambre. S’il lui prenait l’envie de la courtiser, quelques centimètres d’acier bien placé lui ferait regretter l’idée.

D’un autre côté, son père se débrouillait parfaitement sans armes, et sa mère usait de ses regards comme de lames bien affûtées.

— Et quelle sera votre position, au sujet des Stolisters ?

Ils ne s’attendaient pas à ce qu’elle soit si directe, nota-t-elle. Être contraint à la vérité avait ses avantages.

— Dame Anka est favorable au prince Rayad. Comme la plupart de ses conseillers, je suis plus sceptique. Le prince est encore… jeune. Inexpérimenté. Quant à son père, Orssanc garde son âme… eh bien, il n’était pas très aimé. Parfois, le changement a du bon.

— Alors, pourquoi vous attarder ici ? Retourner donc vénérer cet Orhim. Et ne comptez pas sur l’aide de la Fédération une fois que la situation sera devenue hors de contrôle.

Pour la première fois depuis le début de leur conversation, Kota fut troublé et Surielle se demanda si ses arguments avaient porté. Une chose était certaine, le pire détrousseur niléen avait plus d’honneur que tous les impériaux réunis.

— Vous êtes réellement persuadée que cet Orhim est… dangereux ?

Surielle eut un mince sourire.

— Il a détruit l’une de vos planètes et vous continuez à le trouver inoffensif ? Eraïm le trouve dangereux, c’est pour moi une preuve suffisante.

Une fois encore, la mention du dieu tirailla son esprit sans la transporter dans son domaine et elle s’en félicita. Son contrôle augmentait !

— Vous l’avez vraiment rencontré ?

— Oui, dit-elle de son ton le plus catégorique.

— Comment est-il ?

— Il a choisi de se représenter sous forme humaine, comme un terrestre. J’ignore s’il s’agit de sa forme naturelle. Ses yeux apparaissent violets, mais, si on s’y plonge, on y découvre un véritable kaléidoscope. S’y mêlent les futurs possibles et les passés qui auraient pu être ; une calme sérénité qui envahit chacune des fibres de votre corps ; un pouvoir qui dépasse l’imagination, invisible et pourtant presque palpable. Une aura à la fois écrasante et bienveillante. Et pourtant… aucun de mes mots ne lui rend justice. C’est… indescriptible.

Un silence suivit sa déclaration. Le capitaine Wakao semblait stupéfié ; et si le dénommé Kota maitrisait mieux ses réactions, il paraissait ébranlé lui aussi.

— Merci beaucoup, dit enfin Kota. Cette discussion fut plus enrichissante que je ne l’aurais pensé de prime abord. Et vous m’avez donné matière à réfléchir. Peut-être aurons-nous d’autres occasions d’en reparler ? Je vous souhaite une belle fin de soirée.

Surielle ravala une réplique cinglante et força un sourire.

— De même.

Elle étouffa un baillement tandis qu’ils s’éloignaient. Était-il si tard ? La salle s’était vidée, et les rares serviteurs s’occupaient davantage de débarrasser que de resservir les derniers convives. Peut-être pourrait-elle s’éclipser, maintenant ?

Quand le représentant d’Aranel quitta la pièce en compagnie du Seigneur Evan, Rayad se saisit d’une coupe et la vida d’un trait. Surielle s’approcha ; il ne restait plus qu’eux, ainsi que Shaniel et Alistair.

— Merci d’être restée si longtemps.

— Je ne sais pas si j’ai servi à grand-chose, avoua Surielle.

— Tu les auras intrigués, au minimum, sourit Alistair.

— La nuit leur portera conseil, je l’espère, dit Rayad en massant ses tempes. Si je peux obtenir le soutien officiel d’autres Seigneurs, nous pourrons mobiliser nos troupes sur d’autres fronts, peut-être même alléger le blocus autour d’Iwar.

— Préparer une contre-attaque demande du temps, nuança Alistair.

— Je sais, s’agaça Rayad. Mais je ne compte pas patienter un mois à ne rien faire. Chaque jour qui passe, les Stolisters gagnent un peu plus de terrain. Je dois montrer à mes citoyens que je me soucie d’eux. Personne n’aime vivre en temps de guerre.

— Tu as déjà mis en place une aide alimentaire, nota Shaniel. Sois patient.

Elle se détourna avant qu’il ne puisse répondre, attrapa Alistair par le bras.

— Et toi, tu me raccompagnes. Bonne nuit, Rayad.

Avec un regard fataliste pour son ami, Alistair sortit dans le couloir, mené d’une main de fer par Shaniel.

Rayad soupira. Heureusement que sa soeur ne se montrait pas toujours si têtue. Puis il réalisa qu’il se retrouvait seul avec Surielle, toujours vêtue de cette robe qui lui faisait tourner la tête. Il s’éclaircit la gorge.

— Veux-tu que… nous pourrions…

— Je te suis, sourit Surielle.

Ils parcoururent les couloirs en silence ; à cette heure, les lieux étaient déserts. Ils se tenaient simplement par le bras, une marque de courtoisie pour un oeil inquisiteur, rien de plus, et Surielle profitait de ce simple contact. Un apaisement autant qu’une frustration. Avait-elle raison de poursuivre sur cette voie ? Une nouvelle fois, le doute s’immisça dans ses pensées. Rayad était certes gentil, elle adorait leurs conversations… mais il était le futur Empereur, avec des responsabilités bien supérieures aux siennes. Surtout, un univers différent du sien.

Elle s’était laissé porter par son coeur, à son habitude, et une fois encore, elle irait droit dans le mur.

Pourquoi refaisait-elle les mêmes erreurs, encore et encore ?

— Ça ne va pas ?

La voix de Rayad était pleine de douceur ; Surielle réalisa avec retard qu’ils s’étaient arrêtés et que Rayad était inquiet. Inquiet pour elle ou pour sa réputation ?

Un frisson lui échappa et elle s’écarta. Cette fois, son air peiné ne lui échappa pas et les larmes montèrent à ses paupières. Par Eraïm, pourquoi n’avait-elle pas droit d’être heureuse ?

Surielle ne perçut que vaguement le sifflement de la porte qui s’ouvrait, ne réagit pas lorsque Rayad la guida à l’intérieur.

Décontenancé, Rayad fourragea dans ses cheveux, avant de tendre une main vers elle avec hésitation. Du bout des doigts, il effleura ses joues humides. Qu’elle apparaisse si triste lui broyait le coeur.

— Quelqu’un t’a ennuyée ?

Surielle s’efforça d’essuyer ses larmes tout en hochant négativement la tête.

— Je… je ne veux pas te causer de problèmes. Il faut… je dois…

Rayad l’attira contre lui, l’enserra de ses bras. Il perçut la distance qu’elle tentait de mettre entre eux, sa posture rigide. Une vague d’angoisse le submergea. Avait-elle déjà changé d’avis sur leur relation ? Il s’aventura à caresser doucement son dos, effleurant les plumes au ras de sa robe, sans trop savoir s’il cherchait à l’apaiser ou  s’apaiser lui-même. Il ne sut dire combien de temps passa, mais il finit par la sentir se détendre. Elle nicha la tête contre son épaule, s’accrocha à lui comme si sa vie en dépendait.

Rayad savoura leur étreinte, réalisa qu’une tension invisible l’avait déserté, s’autorisa un soupir. Surielle releva la tête. Quelles pensées gardait-elle, derrière ses yeux bleu-acier ? Parfois, Rayad aurait aimé pouvoir lire dans les esprits, pour ne plus hésiter entre hypothèse ou certitude.

— Avons-nous un avenir ?

Rayad fronça les sourcils et pinça les lèvres.

— C’est ça qui te tracasse ?

— Ça ne devrait pas ? Rayad, je suis une citoyenne de la Fédération. Je n’appartiens pas à ton monde.

— Et ? s’agaça le jeune homme. Doit-on se focaliser sur nos différences ? N’est-ce que ça que tu vois, en moi ? Un impérial, un étranger ?

— Non ! protesta-t-elle. J’aime être avec toi.

— Alors quoi ?

— Alors je ne sais pas ! Ma raison et mon devoir me tirent dans une direction, mon coeur dans une autre.

Rayad s’avança pour prendre ses mains dans les siennes, un sourire au coin des lèvres. Ils étaient si proches qu’il avait presque l’impression d’entendre battre son coeur. Le sien s’était accéléré à son contact. Comme il enviait son assurance !

— Tu arrives trop facilement à me distraire, maugréa Surielle, avant de l’embrasser.

Rayad rit tout bas, posa son front contre le sien. Leurs nez se frôlaient, leurs souffles se mêlaient tandis que leurs lèvres s’effleuraient. Ils échangèrent un sourire complice.

— Tu n’es pas la seule à négliger ton devoir, si cela doit te rassurer. Et je vais te demander de prendre un peu de distance, le temps d’ôter ma veste, parce que j’étouffe.

Surielle éclata de rire avant de reculer d’un pas.

— Je te fais tant d’effet que ça ? musa-t-elle.

— Je crois que tu n’imagines même pas, marmonna le jeune homme, concentré sur ses boutons.

— Laisse-moi t’aider.

Rayad s’immobilisa tandis que Surielle posait les doigts sur ses rayures de sa veste. Avec un sourire un rien provocateur, elle défit les boutons un à un, bien trop lentement au goût du prince, avant d’ouvrir la veste pour la faire glisser le long de ses bras, puis l’envoya sur le lit.

— Ta chambre est moins grande que celle de ta soeur, nota Surielle. Même si ton lit fait la taille de la mienne.

— Mon statut a ses privilèges, que veux-tu.

Une lampe reposait sur une petite table de chevet encombrée de quelques livres, et l’un des murs disparaissait derrière une grande armoire.

— Alors, tu ne veux pas me dire ce qui n’allait pas ?

Surielle soupira, joua distraitement avec l’une des mèches échappée de sa coiffure. Comment lui expliquer ?

— J’aimerai juste que les choses soient plus simples, dit-elle enfin.

— Moi aussi, je te l’assure.

Il avait bien conscience de lui imposer un fardeau supplémentaire. N’avait-il pas promis de ne pas la faire souffrir ? En à peine quelques jours il manquait déjà à sa parole. Une pointe de culpabilité le tarauda. Peut-être avait-elle raison. Peut-être devraient-ils en rester là. La séparation serait douloureuse mais leurs devoirs les liaient à des obligations difficilement compatibles.

Rayad serra les dents. Non. Il s’était suffisamment plié aux ordres de son père, avait toujours pris soin de respecter le protocole… il avait le droit de s’autoriser à sortir de ce cadre rigide, de chercher bonheur et réconfort après la perte de ses parents.

— Me laisseras-tu une chance, Surielle ? souffla-t-il.

La jeune femme écarquilla les yeux, surprise par la douleur qu’elle perçut dans sa voix. Elle l’enlaça aussitôt, les entoura de ses ailes et l’embrassa avec ferveur.

— Ne doute pas de mes sentiments, menaça-t-elle. Que la situation soit compliquée, c’est un autre problème que nous réglerons…. plus tard.

Surielle s’étonna presque de s’entendre prononcer ces paroles ; mais d’un autre côté, Rayad avait raison, ils devaient se donner une chance. Et puis, là, dans ses bras, il était plus facile et agréable de songer au présent qu’à un futur incertain.

Elle dessina les contours de ses épaules, perçut comme une fine tige sous ses doigts. Impossible qu’il s’agisse du tissu de sa chemise.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Un implant. Une idée de ma mère, pour le coup. Pour éviter que je doive me préoccuper d’une descendance éventuelle.

Surielle arqua un sourcil.

— Intéressant. Je comptais justement te demander… car j’imaginais mal avoir cette discussion avec Dame Esbeth, pour tout te dire. Mais du coup ça m’arrange. Ici, je n’ai pas accès aux plantes que je connais.

— Es-tu en train de suggérer…

— Il est tard et tu m’emmènes dans ta chambre, à quoi d’autre devais-je penser ?

Un instant, Rayad considéra le sérieux des yeux bleu-acier. Par Orssanc, croyait-elle vraiment qu’il planifiait autant chacun de ses gestes ?

— Je n’ai pas réfléchi, avoua-t-il. Tu ne semblais pas très bien, il m’a semblé plus judicieux de ne pas te laisser seule dans ta petite chambre. Je sais que nous manquons de place, ici…

— Tu es vraiment attentionné. Et donc, dois-je te demander de me raccompagner ?

— Si tu le souhaites, répondit prudemment Rayad, incertain sur la conduite à adopter. Sauf si tu préfères rester.

— Et toi, que préfèrerais-tu ?

Rayad n’avait que trop conscience de son corps pressé contre le sien, du vent léger soufflé par les ailes de sa compagne, de ses mains qui s’attardaient sur lui en un toucher léger.

— Je serai ravi que tu restes, réussit-il enfin à prononcer.

Du bout des doigts, il caressa sa joue, la sentit frémir. Son coeur tambourinait dans sa poitrine ; quand leurs lèvres se rencontrèrent de nouveau il cessa de penser, se contenta de la douceur de sa peau, de cette chaleur qui l’envahissait. Bientôt sa chemise rejoignit la robe aux reflets de nuit sur le sol froid.

Pourtant, le charme se rompit soudain. Fébrile, une vague d’angoisse le submergea et il s’écarta, le souffle court.

Surielle s’assit, songeuse.

— Je te sens mal à l’aise. Est-ce que j’enfreins l’une de tes coutumes ?

— Du tout, fit Rayad en passant la main sur son front.

Être assis là, face à elle, sur son lit, était déstabilisant.

— Alors quoi ?

En tout cas, Surielle n’était nullement gênée par sa nudité. Orssanc le brûle, sa vue l’empêchait de réfléchir avec cohérence alors que son imagination s’emballait.

— Je crains de… de te décevoir.

Rayad déglutit, osa croiser le regard de Surielle.

— Je ne suis pas un ailé, je ne suis pas versé dans ces choses-là… je…

— Tes craintes sont infondées, lui retourna-t-elle. Sauf si… oh.  Tu crains que ton plaisir empêche le mien ? Que tu t’en préoccupes montre plutôt que ça ne sera pas le cas. Mais, tu as raison sur un point. Je ne te mentirai pas. Comme tu le sais, j’en suis incapable.

Surielle se rapprocha et son souffle accéléra. Par Orssanc, avait-elle conscience de l’effet qu’elle avait sur lui ? La panique menaça de l’envahir de nouveau. De ses doigts, elle effleura son torse, sourit en le sentant frissonner. Réalisait-elle que son toucher était apaisant ?

— Ne te mets pas une pression inutile. Ce n’est pas une compétition. C’est un moment de partage.

— N’en as-tu jamais eu de mauvais souvenirs ?

Surielle se rembrunit aussitôt et Rayad se maudit de ne pas avoir su tenir sa langue.

— Si. Et je ne veux pas en parler maintenant, coupa-t-elle.

— Mais…

— Je ne te crains pas. Qu’est-ce qui t’ennuie autant ?

— L’envie que tout soit parfait, certainement, marmonna-t-il.

Surielle sourit.

— Sais-tu que pour atteindre la perfection, il faut beaucoup s’entrainer ?

Rayad éclata de rire.

— Vraiment, Surielle, tu as le don pour trouver les mots justes.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Nathalie
Posté le 09/09/2023
Bonjour Notsil

Alistair ne s’était pas attardé auprès d’elle, la félicitant tout en lui rappelant qu’il fallait mieux éviter de s’attaquer à l’intégrité physique de leurs alliés.
→ valait mieux (à la place de « fallait mieux »)

Elle a du attendre ses vingt-cinq pour être mariée !
→ dû et il manque le mot « ans » après « vingt-cinq » (enfin, je suppose)

Mon père a du user de la force pour les obliger à travailler ensemble.
→ dû

Vous n’avez jamais porté de robe, maugré Surielle.
→ maugréa (le « a » est manquant)

Les femmes qui les portent chaque jour, pire, qui marchent en équilibre sur ces choses instables que vous appelez “talons”, ont bien plus de courage que vos soldats.
→ Parce qu’en plus, elle porte des talons ? Si elle ne l’avait jamais fait avant, elle doit galérer. On peut très bien porter une robe sans talons...

Un instant, Surielle regretta d’avoir du laisser ses armes dans sa chambre.
→ dû

— Je te fais tant d’effet que ça ? musa-t-elle.
→ s’amusa-t-elle (je suppose)

Elle l’enlaça aussitôt, les entoura de ses ailes et l’embrassa avec ferveur.
→ qui ça, « les » ?

— Je serai ravi que tu restes, réussit-il enfin à prononcer.
→ serais
Notsil
Posté le 11/09/2023
Coucou,

Oulà, j'ai oublié plein de mots et de lettres dans ce chapitre ! (et les accents sur les "dû". En plus je la connais bien la règle, mais vraiment, soit le correcteur m'a fait des siennes, soit j'avais la tête ailleurs...).

Oui les talons...elle peut en avoir déjà porté par jeu mais ce n'est pas un truc auquel elle est habituée. Je pourrais préciser qu'on n'a que ça à lui prêter (ça ou des rangers de soldats moins stylées avec une robe).

Le verbe muser existe mais... après vérification ce n'est pas du tout le sens auquel je pensais, donc, s'amuser sera très bien ^^

Merci :)
Vous lisez