Chapitre 23

Par Ohana

Savoir que sa sœur voulait l’accompagner soulagea grandement le jeune homme, qui en avait marre de tourner en rond. Il avait cependant dû repousser avec beaucoup d’effort l’appréhension qui le guettait.

Profitant du ciel dégagé, de la lune ronde et lumineuse et des terres tranquilles au nord de Belvrior, les deux jeunes gens passèrent le reste de la nuit à fendre le vent au galop. L’air renfrogné de Talia n’avait pas quitté son visage malgré qu’elle ressentît quelque joie de se retrouver à nouveau sur sa monture, les cheveux au vent, un puissant sentiment de liberté jaillissant de chaque parcelle de son corps.

Ils firent une pause au petit matin, pour se reposer une petite heure. La réalité les rattrapa.

  • Je n’arrive pas à croire qu’on est partis sans rien dire à personne … Bon sang, elles vont m’en vouloir, gémit Talia, la tête entre les mains.

Alaric, après avoir sorti leurs deux gourdes d’eau, en tendit une à sa sœur.

  • J’ai laissé un message dans un sceau, elles le recevront d’ici une heure ou deux, lui avoua-t-il.

Talia lui jeta un coup d’œil étonné puis s’adoucit légèrement. Son frère ne serait pas totalement parti sans un mot, elle y était peut-être allée un peu fort. Elle se secoua mentalement. Il avait tout de même voulu partir sans elle, et ça, elle ne risquait pas de le laisser passer facilement. Elle pouvait accepter qu’il s’éloigne de temps en temps, pas qu’il parte à l’aventure pour plusieurs jours sans elle, dans un territoire inconnu. Territoire en pleine guerre, qui plus est, sur les traces d’une piste obtenue de manière totalement louche !

Elle n’hésita pas à lui faire la remarque, le fusillant du regard.

  • On ne devrait pas avoir trop de problème, les plus importantes altercations sont un peu plus à l’ouest. De plus, il faut se rendre à Dralvalith, nous ne risquons pas grand-chose là-bas.

Talia hocha la tête à contre-cœur. Il avait raison. Ils ne risquaient pas grand-chose s’ils évitaient les combats et la présence des mages noirs et des troupes rebelles plus à l’est. La capitale de Kald n’était pas touchée, non plus, aux dernières nouvelles. Mais pour le peu qu’ils y connaissaient …

La jeune femme vit le visage de son frère se crisper soudainement puis devenir blanc.

  • Qu’est-ce qu’il y a ? lui demanda-t-elle, insistant pour ne pas qu’il s’enferme dans ses pensées.

Agité, il prit une gorgée d’eau avant de reposer son regard anxieux sur elle.

  • Tu penses … Tu penses qu’ils vont envoyer quelqu’un pour nous ramener ?

La jeune femme se gratta la gorge, peu à l’aise avec cette idée.

  • Je ne sais pas … Je ne pense pas …

Son ton était hésitant, mais elle se fit violence pour retrouver un air un peu plus détendu. Elle espérait vraiment qu’ils n’envoient personne pour tenter de les ramener à la capitale.

  • Mais, juste au cas où, on devrait peut-être …

Elle n’eut pas besoin de terminer sa phrase, Alaric hochant vigoureusement la tête. Ils se remirent en route sans tarder.

Avançant à un bon rythme, le trajet ne leur prit que six jours. Six jours où une certaine tension persistait entre eux deux. Alaric n’insista pas. Ils ne rencontrèrent que peu de soucis en chemin : un détour avait été nécessaire pour éviter un déplacement massif d’une troupe de renégats, qui rasait village sur village. Les deux Voyageurs, le cœur serré, n’avaient pu que fuir, ne pouvant gérer une si grande menace. Ils furent néanmoins soulagés de croiser, en route, un groupe de chevaliers de Kald. Les pauvres hommes et femmes semblaient épuisés, mais les jeunes mages avaient été témoin de la flamme brillant dans leurs regards. Ils iraient jusqu’au bout et protégeraient leur royaume, quoi qu’il en coûte.

Ils croisèrent des bandes de pillards un peu moins conséquentes, à quelques reprises. Les jumeaux ne se firent pas prier pour les faire fuir avec un tour de magie ou deux, pour aider les habitants. Ils ne restèrent pas au même endroit très longtemps, même si certains avaient désiré les remercier. Plus ils approchaient de Dralvalith, plus l’attraction vers cet élément de réponse devenait forte. Même Talia se rendit compte qu’elle trépignait d’impatience à l’idée de voir s’il y avait un moyen d’ouvrir les portes, au final. Mais, contrairement à son frère, elle s’inquiétait un peu de cette aura magique qui semblait les poursuivre à mesure qu’ils s’approchaient, les pressant d’atteindre leur but.

Lorsqu’ils furent en vue de la capitale de Kald, ils ne purent s’empêcher de noter la différence avec Belvrior. La cité avait été belle, un jour, ils n’en doutaient pas. Mais l’effervescence et la peur qui y régnaient avaient assombri les rues de la ville. Toujours sur le dos de leur monture, les deux Voyageurs se rendirent aussi compte, rapidement, que la quantité de sans-abris, recroquevillés dans les rues et mendiant à quiconque passait à côté d’eux, était alarmante. Un élan de culpabilité étreignit les deux Voyageurs, mais plus fortement Talia. Même si elle n’était pas totalement d’accord avec la volonté de son frère, peut-être s’était-elle trop habituée du confort de Belvrior, jusqu’à se rendre aveugle à la réalité, qui était tout autre au-delà des murs de la capitale en paix. Elle n’avait voulu voir que le côté merveilleux de ce monde, plongée dans l’apprentissage de la magie.

Elle revint à l’instant présent, chassant ses doutes.

  • Ils doivent venir des villages pillés, dit-elle à Alaric, même si ce dernier en était arrivé à la même conclusion.

Ils avancèrent autant qu’ils le purent, mais durent mettre pied à terre lorsque la condensation de la foule eut raison de leurs montures. Un garçon vint aussitôt à leurs côtés. Il était sale et le regard suppliant. D’un commun accord, les jumeaux acceptèrent de lui confier leurs chevaux, en échange de quelques pièces. Voir cette lueur heureuse dans le regard du gamin les rassura quant au fait qu’ils allaient revoir leurs montures, le moment venu.

Le garçon leur indiqua finalement une auberge, pas très loin, et ils décidèrent d’aller s’y reposer. Leur quête pouvait bien attendre le lendemain, ces derniers jours les ayant rendus courbaturés.

Une fois à l’intérieur, ils durent batailler pour trouver une chambre, l’auberge étant pleine. Selon les dires de la tavernière, tous les bâtiments étaient pris d’assaut par les hordes de nouveaux réfugiés. Ils acceptèrent sans hésiter de prendre la plus petite chambre. De toute manière, ce n’était que pour une ou deux nuits, et ils avaient vu pire.

Après avoir sécurisé magiquement leurs maigres bagages à l’étage, les deux Voyageurs exténués se trouvèrent une table au fond, le plus loin possible du brouhaha ambiant.

  • Je ne pensais pas que c’était à ce point … hésita Talia, à moitié penchée vers son frère pour qu’il l’entende.

Ce dernier tourna son regard vers elle. Lui non plus, il avait été loin de s’imaginer que la situation était aussi critique. Elle donnait une dimension bien moins personnelle à ses craintes. Gardant le silence, il fit un tour de la grande pièce achalandée du regard. Il se sentait mal pour tous ces gens. Pour la première fois de sa vie, il avait la sensation d’avoir été privilégié. Il écarta bien vite cette pensée de son esprit. Il n’était peut-être qu’une question de temps avant que la situation de Dralkalith ne devienne celle de la capitale héodénienne.

Ce n’était pas comme si le roi Wallon ne faisait rien non plus. Son regard s’attarda sur quelques hommes et femmes arborant les armoiries de la garde du roi. Oui, l’homme faisait tout ce qu’il pouvait pour son allié, mais il ne pouvait pas négliger ses propres frontières, prises d’assaut par les troupes renégates et les mages maléfiques.

Le jeune homme poussa un soupir, attirant l’attention de Talia, se frottant l’arête du nez. Il ne pouvait pas se permettre de penser à tout ça. À la catastrophe vers laquelle leur royaume d’accueil se dirigeait sans pouvoir rien faire. Lui ne pouvait rien y faire. Enfin, c’était ce qu’il préférait penser, pour l’instant du moins.

  • Est-ce que ça va ?

La tête posée contre sa paume ouverte, il tourna son visage vers sa sœur, lui faisant un maigre sourire incertain.

  • Je ne pensais pas me retrouver ici, quand on a emménagé avec Louis.

Talia, malgré la situation, gloussa.

  • Comment on aurait pu imaginer tout ça ? rigola-t-elle, devant admettre que même maintenant, elle avait du mal à réaliser tout le chemin parcouru.

Alaric sourit en voyant qu’elle comprenait ce qu’il voulait dire. Ils avaient été plongés malgré eux dans un royaume en guerre, trimballés à gauche et à droite. Ils avaient vaincu des créatures cauchemardesques et appris la magie, et voilà qu’ils venaient de traverser les frontières d’un autre royaume, par eux-mêmes.

  • Ça me rappelle quand tu as fugué d’une de nos familles d’accueil, marmonna Alaric.
  • Quand j’ai fugué ? Je te rappelle que tu n’as pas protesté hein ! réagit férocement sa sœur, une lueur amusée dans son regard.
  • C’était plutôt le fun, avoua-t-il, finalement.

Pendant plusieurs jours, ils n’avaient été que tous les deux. Leur situation n’avait pas été idéale mais pour la première fois depuis longtemps, ils avaient eu les rênes de leur vie entre leurs mains et non entre celles d’inconnus.

  • Ils nous ont tellement incendiés quand ils nous ont retrouvés, gémit comiquement Alaric, ses lèvres oscillant entre un sourire et une grimace.

Les conséquences avaient été brutales. Ils avaient été placés en centre, jugés trop instables et néfastes pour les autres enfants pour être en famille d’accueil. De toute manière, ils avaient senti dès leur arrivée que cette dernière ne les voyait pas comme des êtres humains mais comme un chèque à encaisser. Même s’il leur avait été difficile de s’adapter au centre par la suite, au moins plus personne ne jouait les hypocrites avec eux.

La tavernière vint leur porter leur repas, s’excusant de la frugalité de celui-ci. Talia lui sourit en réponse, pour la rassurer. Ils comprenaient parfaitement que la situation n’était pas facile. Eux avaient au moins la chance de pouvoir se mettre quelque chose sous la dent.

Talia était en train de tremper son dernier morceau de pain dans la bouillie, qui n’était pas si mal que ça, lorsqu’elle suspendit son geste. Alaric, qui avait déjà fini, lui jeta un regard interrogateur.

  • Ça ne va pas ? s’inquiéta-t-il.

Voyant qu’elle ne lui répondit pas, semblant être concentrée sur quelque chose qu’il ne pouvait pas voir, le jeune homme commença à s’inquiéter.

  • La Terre appelle Talia, tout va bien ?
  • Oh ! s’écria-t-elle en bondissant sur ses pieds.
  • Tal ! grogna son frère, mais rien à faire, elle avait déjà filé.

La voyant disparaître entre les tables bondées, Alaric jura et n’eut d’autres choix que de la suivre, manquant de renverser un type au passage.

Il émergea de l’auberge, son visage fouetté par le vent frais de fin de soirée. L’activité avait diminué, mais il pouvait deviner la présence des malheureux qui n’avaient pas pu trouver un endroit où dormir. Son cœur se serra à cette pensée mais son attention fut détournée par sa sœur.

Talia était à quelques pas de l’auberge de laquelle elle avait émergé comme un beau diable, ses sens magiques en éveil. Son regard cherchait frénétiquement l’obscurité grandissante, pour s’arrêter sur une silhouette encapuchonnée. Sans hésiter, elle se rua dans sa direction.

  • Rei !

Elle évita de crier trop fort, mais sa voix porta jusqu’à la jeune femme, qui se tourna vers elle en faisant glisser sa capuche sur ses épaules. Son regard surpris la fixait. Enfin, un de ses yeux. Le deuxième était dissimulé sous un cache-œil discret, sûrement pour éviter quelques ennuis que sa caractéristique physique pouvait lui causer.

Un immense sourire éclaira son visage fatigué et sale en voyant la jeune magicienne. Voyant que Rei la reconnaissait, le cœur porté de joie, Talia s’approcha pour la prendre dans ses bras.

  • Talia, chuchota affectueusement la jeune tavernière, qui referma son étreinte sur elle à son tour.

La jeune femme s’était demandé, chaque jour, ce que devenait les deux Voyageurs depuis leur départ. Le commandant Konra lui avait assuré qu’ils seraient menés à bon port. Elle n’avait seulement pas pu s’empêcher de s’inquiéter.

  • Que fais-tu ici ? lui demanda Alaric d’une voix douce, pour éviter d’interrompre les retrouvailles entre sa sœur et la jeune femme.

Le visage de Rei s’assombrit brutalement. Talia, sensible à son aura, se détacha légèrement, la mine inquiète. Elle n’eut pas le temps de poser elle aussi la question qu’elle vit l’œil de son amie s’emplir de larmes. Celle-ci essuya tant bien que mal son visage.

  • Je suis désolée, la fatigue est très pesante, fit-elle d’une petite voix.
  • Tu veux venir avec nous à l’intérieur, te réchauffer et te reposer ? lui demanda Talia.

Son regard inquiet s’était tourné vers le groupe dont semblait faire partie Rei. Ils s’étaient déjà tous plus ou moins dispersés.

  • Des réfugiés eux aussi, nos routes se séparent ici, je ne sais pas où aller …

Talia entoura ses épaules de son bras.

  • C’est décidé, tu viens avec nous alors !

Rei ne lutta pas, un soulagement énorme venant balayer quelques instants son épuisement. Quelques instants plus tard, les trois se retrouvèrent attablés à la même table et Talia commanda un repas pour leur amie. La tavernière, le regard désolé, les avertit que la présence d’une troisième personne dans la chambre faisait augmenter le prix. La nouvelle arrivante voulut protester quand Talia s’apprêta à payer mais cette dernière ne voulut rien savoir.

  • Est-ce que tu es blessée ? demanda Alaric, une fois que l’assiette fut posée devant la jeune femme, qui n’hésita pas pour se jeter dessus.

Il avait noté que la troupe avec qui avait voyagé Rei n’était pas au meilleur de sa forme. Elle secoua la tête. Se forçant à ralentir pour éviter d’avoir mal à l’estomac, elle posa sa cuillère et leva son regard fatigué vers les deux jeunes gens.

  • Nous avons eu de la chance de ne pas rencontrer énormément de problèmes en route, commença-t-elle.

Elle ne put s’empêcher de frémir. Ils avaient croisé énormément de villages incendiés, décimés. Elle ne pourrait jamais se défaire de cette aura maléfique qu’elle avait pu percevoir à quelques reprises.

Talia posa doucement sa main sur le bras de Rei, espérant lui transmettre un peu de réconfort. Celle-ci se détendit sous ses doigts, mais son regard restait infiniment triste.

  • Un peu plus d’un mois après votre départ, Madragore a été attaqué par des écorcheurs et d’autres créatures maléfiques d’Argon. Le commandant Konra et quelques-unes de ses troupes étaient encore dans les parages donc ils ont pu intervenir mais …

Rei se tut quelques instants, son visage traversé par une vague d’émotions qu’elle n’arrivait plus à contenir.

  • Il ne restait plus grand-chose du village, et mon père …

Cette fois, elle ne parvint pas à se contenir et des larmes roulèrent sur ses joues. Aussitôt, Talia approcha son banc du sien pour la prendre dans ses bras et la serrer fortement contre elle. Son propre regard brillant d’émotions rencontra celui d’Alaric, qui les observait tristement.

Au bout de quelques minutes, le corps encore tremblant, Rei se détacha légèrement de la jeune femme.

  • Je crois que j’ai besoin de dormir, renifla-t-elle, sentant ses maigres forces restantes l’abandonner.
  • Viens, on va t’installer en haut, lui chuchota avec douceur la magicienne en l’aidant à se relever.

D’un signe de tête, Alaric leur fit comprendre qu’il les rejoindrait bientôt, ayant compris que Rei serait sûrement plus à l’aise avec sa sœur dans les parages avant de s’endormir. Il ne voulait pas non plus la surcharger avec leurs deux auras magiques, se rappelant de ce que la tavernière leur avait raconté à leur première rencontre à Madragore, quant au fait qu’elle pouvait maintenant percevoir l’énergie magique.

Il préférait aussi rester seul, pour digérer la situation. Ce village près de la forêt maudite d’Argon n’avait été que bref arrêt dans leur voyage étrange, mais la simple idée que cet endroit n’existait tout simplement plus, détruite par des forces obscures, le chamboulait plus qu’il ne voulait le montrer. Il ne savait pas vraiment si cela le confortait dans son envie de retrouver un monde qui n’impliquait pas de la magie noire et des créatures cauchemardesques ou si cela le révoltait à un tel point qu’il avait envie de foncer dans le tas et trouver les responsables pour les détruire.

Instinctivement, sa main se posa sur son avant-bras, sentant la pulsation du sceau à travers le tissu de son par-dessus.

Incapable de démêler les nombreuses auras chaotiques, terrifiées et épuisées autour de lui, il attendit quelques instants avant de rejoindre leur minuscule chambre. Sur la pointe des pieds, il y entra. Les volets étaient restés ouverts pour laisser entrer l’air frais de la nuit, ainsi il n’eut pas besoin de s’éclairer.

Voyant Rei endormie dans les bras de Talia, il n’hésita pas à se faire un lit de fortune à même le sol, se servant de son sac comme oreiller. Sa sœur lui avait laissé une couverture et il s’emmitoufla dans celle-ci. Levant le regard, il vit celle-ci papillonner des paupières, pas encore tout à fait endormie. Il lui fit un sourire qui se voulait doux, mais il savait qu’il ne pouvait cacher son trouble. Elle ressentait la même chose.

Sentant Rei bouger légèrement entre ses bras, sûrement sujette à un cauchemar, elle l’enveloppa dans un cocon invisible de douceur, la calma aussitôt. Son menton s’appuya doucement contre son crâne, protectrice. Leur amie avait dû vivre un enfer. Et même s’ils ne s’étaient côtoyés que quelques jours, elle était et resterait le premier visage sympathique qu’ils aient vu dans ce monde. Elle les avait rassurés, autant qu’elle le pouvait et n’avait jamais manifesté la moindre méfiance à leur égard. Savoir qu’elle avait tout perdu leur brisait le cœur.

Le lendemain, ils avaient payé le petit déjeuner à la jeune femme, qui tombait encore de fatigue.

  • Tu peux rester ici pour te reposer, lui proposa Talia. Nous reviendrons bientôt et te payerons autant de nuit que nous le pouvons, avant de retourner à Belvrior.
  • Je ne peux pas accepter, protesta Rei.

Talia la regarda doucement mais fermement, lui faisant comprendre qu’elle ne changerait pas d’idée. Elle n’avait pas besoin de consulter son frère, elle savait qu’il était du même avis qu’elle.

L’ex-tenancière soupira, mais elle eut un petit sourire reconnaissant.

  • D’accord, mais dès que je peux, je vais essayer de trouver un travail dans le coin.

Peut-être arriverait-elle à trouver quelque chose qui ressemblerait à son ancienne vie à Madragore. Elle doutait d’être à nouveau aussi bien lotie, les nombreux réfugiés devant envahir depuis longtemps tous les postes qui restaient, mais elle ne s’avouerait pas vaincue.

Les jumeaux ne s’inquiétèrent pas pour elle, sentant qu’elle saurait se débrouiller.

Ils avaient brièvement raconté ce qui s’était passé depuis leur départ de Madragore à la jeune femme puis expliqué la raison de leur venue à Dralvalith.

  • J’espère que vous trouverez ce que vous êtes venus chercher, les encouragea leur amie.

Oui, elle espérait de tout cœur qu’ils trouvent un moyen de rentrer chez eux, même si cela voulait dire qu’elle ne les verrait plus jamais. Plus que tout, elle voulait qu’ils soient en sécurité. Talia sourit tristement et la serra une dernière fois dans ses bras. Alaric la salua de la tête, restant fidèle à lui-même, même s’il lui accorda un petit sourire cette fois-ci.

À pieds, ils partirent à la conquête des rues de Dralvalith. Faisant confiance à son frère qui devait savoir où aller, Talia se laissa guider. Ils durent néanmoins demander leur route à plusieurs reprises.

Une heure plus tard, ils avaient quitté le brouhaha des rues passantes de la capitale, s’enfonçant dans des chemins mal entretenus.

  • Tu es sûr que tu sais où on va ? finit par le taquiner la jeune femme, se récoltant un regard grognon de la part d’Alaric.
  • Après avoir trouvé le parchemin, je me suis renseigné. On sait que Kald n’a pas d’Ordre de magiciens ou de guilde, en ce moment.
  • C’est Hildr qui doit prendre la place de haut-mage quand elle aura terminé son apprentissage, se souvint-elle.
  • S’il reste quelque chose de cette ville d’ici là, ne put s’empêcher de grommeler Alaric.

Talia lui donna un léger coup dans les côtes, mais n’eut pas la force de lui demander de ne pas être aussi pessimiste. Il n’avait pas tort. Elle aussi avait des doutes. Si la situation ne s’arrangeait pas, il ne resterait plus de royaume à protéger pour leur amie. Et celui de l’Héodeni serait le prochain.

  • Bref, j’ai trouvé quelques informations intéressantes. En fait, ce n’est pas tout à fait vrai qu’il n’y a jamais eu d’Ordre ici. Il y a eu quelques mages, il y a très longtemps, spécialistes des portails.
  • C’est eux qui ont fermé les portes ?
  • Je n’ai pas trouvé de réponse claire à ce propos, mais j’imagine que oui, puisqu’ils ont laissé derrière eux ce qu’ils ont utilisé pour les fermer.

Son pas se fit plus pressant, sentant qu’ils arrivaient bientôt à destination.

  • C’était indiqué qu’il fallait aller sur les lieux de leur … dernière demeure ? Mon pouvoir de super traduction avait du mal pour le coup. Ils y enseignaient leur art mais leurs quelques apprentis se sont dispersés à travers le continent sans continuer à transmettre leur savoir et l’Ordre de Talaman a repris le flambeau.

À mesure qu’il parlait, ses yeux parcouraient une dernière fois les informations qu’il avait pu glaner. Il sentit la main de sa sœur sur son bras, l’enjoignant de s’arrêter.

  • Je crois que « dernière demeure » est assez juste, en fait, lui dit-elle.

Il leva les yeux et jura, son visage se fermant.

  • Évidemment, il fallait que tout ça nous mène à un cimetière glauque, grogna-t-il, exaspéré.
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