Chapitre 23 : Gwenn

Par Talharr

Gwenn n’en revenait toujours pas.

Elle était en vie.

Le soleil réchauffait sa peau. Le vent jouait avec sa chevelure rousse. Et pour la première fois depuis longtemps… elle était libre.

Libre, grâce à ces hommes et femmes qui s’étaient soulevés dans Mahldryl. Grâce aussi à ces bêtes immenses, surgies comme des cauchemars — ou des miracles.
Lorsqu’elles étaient apparues devant elle, Gwenn avait crié. Puis Talkys l’avait hissée sur l’une d’elles.
Leur fourrure sombre, striée d’éclairs jaunes, était d’une douceur surprenante.

     — Des Tyrgrill, avait soufflé sa sauveuse.

Même les esclaves, d’abord terrifiés, avaient fini par grimper sur leur dos, poussés par les flèches mahldryliennes. L’instinct de survie avait pris le dessus.
Pendant cinq jours, ils ne virent que le désert. Des dunes à perte de vue, quelques campements hâtifs… et toujours cette sensation d’être suivis.

     — Erzic ne nous laissera pas fuir ainsi, avait dit Talkys. Il pense avoir perdu l’Hirondelle. Il ne la lâchera pas.

La nuit du cinquième jour, ils atteignirent ce qui semblait être un village abandonné.
Une trentaine d’hommes, de femmes et d’enfants sortirent prudemment des maisons à moitié effondrées, envahies de sable.
Des palissades, montées de bric et de broc, cernaient le campement. Elles ne tiendraient pas contre une vraie attaque.

     — Un ancien village Alkasrim, détruit par le seigneur de Mahldryl, expliqua Talkys.

Et pourtant, l’accueil fut chaleureux, teinté de gratitude.
Esclaves, Alkasrims, Zarktys… ensemble, ils formaient à peine un millier de survivants.

Gwenn partagea un abri avec Talkys et Elira. Les deux femmes se racontèrent les années passées.
Talkys n’avait pas pu venir plus tôt — trop occupée à surveiller Erzic avec sa sœur, trop encerclée.
Elira, elle, évoqua à nouveau son rêve. Talkys voulut s’excuser, mais Elira la serra dans ses bras.

     — Il n’y a rien à pardonner.

Puis elles s’étaient tournées vers Gwenn.
Elle raconta sa vie, sa capture.
Talkys lui prit la main.

     — Tu es incroyablement courageuse. Continue de l’être jusqu’à la fin.

Pendant quelques jours, la jeune fille retrouva un peu de sa légèreté. L’espoir renaissait.
Jusqu’à ce jour.

Gwenn aidait au village. Puisait l’eau au puits central. Préparait des repas.
Mais ce midi-là, des éclaireurs revinrent, accompagnés d’une femme.

Elle ressemblait à Talkys comme deux gouttes d’eau, hormis ses cheveux courts et ses yeux plus clairs.
Elle marchait fièrement, saluée par tous.

Talkys apparut, souriante.

     — Tu t’es perdu ma sœur ?

     — Marre des Dralkhar et de leurs Zarktys serviles.

     — Et ta mission ?

La nouvelle hocha la tête. Elle regardait Elira qui était apparue aux côtés de Talkys.

     — J’ai échoué, Elira. Le pouvoir l’a déjà corrompu.

     — J’ai encore une chance de le ramener, répondit doucement la magicienne.

Elles parlaient de Rhazek. Du fils d’Elira. Celui qu’elle avait dû emmener avec elle pour sauver sa fille.

     — Encore faut-il survivre à ce qui approche, reprit Valkys.

     — Elira ? murmura Talkys.

     — Je ne suis pas encore rétablie. Mes pouvoirs ne sont pas prêts.

     — Il faut partir. Une troupe de Drazyl est sur nous. Ils seront là dans quelques heures.

     — Deux groupes, proposa Talkys. Un vers le nord, l’autre vers l’est.

Mais Elira hésitait.

     — Nous devons nous battre, lâcha-t-elle enfin.

Valkys la fixa.

     — Tu sais que je ne dis jamais non à une bataille. Mais là c’est du suicide. On n’est pas prêts. Laisse-moi les retenir.

     — Valkys a raison. Tu dois partir avec la fille, ajouta Talkys en regardant Gwenn.

     — Merci, murmura celle-ci.

Elira se résigna. Les trois femmes s’enlacèrent.

     — On se reverra, magicienne.

     — Oh, tu ne te débarrasseras pas de nous si facilement.

     — Je l’espère, dit Elira dans un souffle.

La plupart des survivants, avec tous les Tyrgrill, quittèrent le village en hâte.
Gwenn monta derrière Elira.
Vers l’est.
Vers Arnitan.

Derrière elles, Talkys, Valkys et une centaine de guerriers restaient pour couvrir leur fuite. Sans la force des Tyrgrill arriveraient-ils à remporter le combat qui les attendait ?

Après plusieurs heures de chevauchée rapide, au sommet d’une dune, la verdure apparut.
Un océan d’arbres, de brume et d’ombres.

     — La Forêt Sans Morts, murmura Elira. On devrait y être en sécurité.

     — En avant ! cria un Alkasrim.

Ils entrèrent dans la forêt. La chaleur s’effaça aussitôt, remplacée par la fraîcheur humide et l’odeur de terre.

La nuit approchait. On installa un camp sommaire : abris de feuillage, feux de camp, chasse.
Le dîner fut un festin : sanglier, lapin, biche.

Dans tout ce tumulte Elira s’était approché de Gwenn.

     — C’est bon… d’entendre des oiseaux. De sentir le vent, dit la magicienne.

     — Moi aussi, murmura Gwenn. Je n’aurais jamais cru revoir tout cela.

     — Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve à toutes les deux mais je suis sûr que nous retrouverons ta famille et ma fille.

     — Je l’espère. Je veux les revoir. Même une dernière fois.

     — J’ai rarement vu une jeune fille aussi courageuse. Peut-être pourrais-tu devenir une Zarktys, sourit Elira.

Gwenn la regarda, voir si elle rigolait mais son regard ne trahissait aucunement ses dires.

     — Oh non ! Il faut avoir les dents pointues. Très peu pour moi, rit Gwenn.

     — C’est vrai. Ça ne doit pas être très agréable…

Elles rirent ensemble. Pour la première fois depuis son enlèvement, Gwenn riait vraiment.

Les abris construits de bois et de feuillages et les feux de camps réchauffant la troupe, les repas furent servis. Viande de sanglier, de lapin ou de biche.

Un festin.

Puis la nuit tomba. Elles dormirent côte à côte dans leur abri.

Le sommeil la gagna rapidement. Un rêve la cueillit — Arnitan, sa main dans la sienne, un baiser, une chaleur douce.

Mais un cri la tira brusquement de ce doux moment.

     — UN SERPENT GEANT ! AARGH !

Le hurlement fut coupé net.

Gwenn se redressa d’un bond. Elira était déjà dehors.

Le camp était en alerte. Des ordres fusaient. Les Tyrgrill montraient les crocs.

Et au milieu des arbres…
Une silhouette immense, rampante, aux yeux jaunes.
Fixés sur elle.

Gwenn sentit la peur l’envahir.
Son cœur battait à tout rompre.
À ses côtés, Elira ordonnait, préparait la défense.

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Scribilix
Posté le 13/08/2025
Salut,
Le chapitre se lit très bien et colle avec la fuite des personnages. Je me demande si Elira ne fut pas une Dralkhar autrefois (sauf si ces derniers ne sont nécéssairement que des hommes). Ca expliquerait en partie ses pouvoirs et le fait qu'elle se soit liée d'amitié avec des Zartkys. Meme si je pense que je fais fausse route.

Sur la forme :
- La nuit du cinquième jour, ils atteignirent ce qui semblait un village abandonné. (semblait etre)
- Les deux femmes se racontèrent les années passées. (je trouve que la phrase semble incomplète. leur années passées sous les barreaux ou dans les Terres abandonnées).
- trop occupée à surveiller Erzic avec sa sœur, trop encerclée. (pareil le trop encerclée sonne un peu abrupt).

aussi pour la dernière phrase : Mais Gwenn, avait un pressentiment.
Ce ne serait pas suffisant. Je ne sais pas si je la garderai. Laisse nous donc le plaisir de découvrir au chapitre suivant que le serpent a tué tout le monde. En donnant l'info dès maintenant l'on se dit déjà que quelquechose de grave va arriver.
Talharr
Posté le 13/08/2025
Hello ^^
Merci :) Pour Elira c'est expliqué dans un des chapitres suivants comme tu as pu le voir :)

Merci pour les suggestions, je fais les modifs.
Ah en plus j'ai modifié la fin hier ou avant hier mais j'ai hésité à enlever toute la fin. Désolé aha je vais peut-être enlever du coup :)
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