Chapitre 23 - Jeux de pouvoir et d'amour

Notes de l’auteur : Pour me rattraper de la dernière fois, voilà deux chapitres pour cette semaine !

Quelque part dans une salle du bâtiment du Pouvoir central

 

Autour de la somptueuse table ronde, une seule place demeurait vide, et pourtant, c'était elle qui semblait le plus peser. Elle régnait comme une absence écrasante, plus imposante encore que les silhouettes encapuchonnées qui l'entouraient. Leurs visages restaient dissimulés dans l'ombre savamment orchestrée de la salle. La lumière tremblotante des chandelles dessinait sur les murs des formes incertaines. L'air était épais, saturé d'encens noir et de tension. Chaque souffle semblait retenu, chaque mouvement, étudié.

-Encore une fois, il ne viendra pas..., gronda une voix rauque, à la texture incertaine, ni grave ni aiguë, simplement étrangère, comme filtrée à travers du verre fumé. Commençons.

Le murmure collectif des capuchons froissés accompagna le début de la séance.

-Aujourd'hui, l'heure est plus grave que jamais. Quelles sont les nouvelles informations ?

-Avant cela..., intervint une voix douce aux accents à la fois chaleureux et glaçants, souhaitons la bienvenue à notre nouveau membre.

Un geste fut esquissé dans l'ombre. Une figure encapuchonnée s'était jointe au cercle, parfaitement immobile.

-Il prend la suite de feu Lady Aconita, poursuivit la voix. 

Le nom fut énoncé avec une révérence ciselée, presque religieuse.

-Puisse la Sainte Magie accueillir son âme en paix, récita le cercle en chœur. 

Une vibration grave, graveleuse, monta de leurs gorges.

-Peut-être que notre nouvel arrivant aurait besoin d'un rappel de la situation, suggéra une voix neutre.

-Cela ne ferait de mal à personne, ajouta une autre capuche.

-Très bien. Je m'en charge.

Une silhouette plus droite que les autres leva lentement une main gantée. 

-Il y a plusieurs millénaires, une prophétie nous fut transmise : la Prophétie d'Ehol, entama la voix du maître de cérémonie. Elle parle d'un être, accompagné de deux serviteurs, dont la venue fera s'effondrer les piliers de l'ordre. Ensemble, ils sèmeront discorde et justice... à travers le mal.

Le silence qui suivit fut traversé d'un léger grésillement magique.

-Comme dans la légende de l'Arbre d'Ifia, leur ascension marquera une époque de chaos et de mort. Ils ne sont pas une punition divine... mais le fruit de l'orgueil et de la vanité des Hommes.

Un frémissement parcourut le cercle. Pas un mot, mais des présences qui vibraient d'inquiétude contenue.

- Cet être unique, poursuivit la voix, serait à la fois clef de notre salut et vecteur de notre fin. Les textes sont anciens, voilés, parfois contradictoires. Pourtant, une chose est certaine : ils sont là. Parmi nous. Et en âge de d'éveiller pleinement leurs pouvoirs.

-Les prêtres-oracles confirment ?, demanda une voix murmurée, presque éteinte.

-Leurs visions convergent. Les élus sont là, et leur puissance n'attend qu'un déclencheur.

Un autre silence parcourut l'assemblée.

-Les textes parlent-ils d'un moyen de les arrêter ?, osa enfin uneautre personne.

-Des bribes. Une entité salvatrice. Des alignements astrologiques oubliés. Rien de concret. Pour l'instant... nous sommes seuls.

-Avons-nous une piste ? Une localisation ?

-C'est justement l'objet de notre réunion.

Un mouvement discret d'approbation courut le long de la table.

-Et ce trio d'élèves de l'ESSM ? Ceux liés à l'incident de l'Orbe ?, lança une capuche plus directe. Vous n'avez toujours rien ?

-On nous a assuré qu'ils ne représentaient aucun danger...

-Foutaises !, claqua une voix vive et sèche comme un fouet. L'Orbe les a attaqués. L'Orbe, pas une relique de foire !

-Le directeur Talford est catégorique. Ce ne sont pas eux...

Un geste, lent mais ferme, arrêta les murmures. C'était la nouvelle recrue. Sa main gantée était restée levée, comme suspendue dans l'air.

-Ce que vous me dites, déclara-t-elle avec un calme teinté de mépris, c'est que vous croyez les avoir trouvés, mais que vous hésitez à agir.

Un murmure réprobateur passa.

-Nous n'avons aucune preuve... Et agir sur une intuition pourrait faire de nous des meurtriers d'innocents.

-Et alors ?, répondit la recrue, sa voix aussi froide que la lame d'une dague. Mieux vaut ça que de devenir complices de l'extinction de l'humanité.

-Vous assassineriez des enfants sur un simple doute ?, s'étrangla une personne avec émotion.

-Sans hésiter. Trois vies contre tout un peuple. Vous trouvez ça difficile, vous ?

Les murmures devinrent grondements, les mots s'entrechoquèrent, une cacophonie de principes et de peurs. Mais la recrue coupa court d'un ton de fer.

-Vous oubliez : ce ne sont pas trois enfants. Ce sont des armes en sommeil. Des catalyseurs du chaos.

-Même si c'était le cas..., tenta une voix plus posée, nous n'avons aucun levier sur l'ESSM. Seul Talford peut nous donner accès à ses élèves et il est inébranlable.

-Alors il suffit de le convaincre, siffla la recrue.

-Comme si c'était si simple ! 

 -C'est un homme intelligent. Il saura entendre raison... si nous nous y prenons bien.

Un silence approbateur, entrecoupé de quelques frémissements d'indignation.

-Vous parlez comme si la décision était déjà prise...

-Alors votons, déclara la recrue d'un ton tranchant. Que ceux qui sont pour l'élimination de cette menace potentielle... lèvent la main.

Le silence qui s'ensuivit fut total, comme si le monde retenait son souffle.

Et dans l'ombre épaisse de cette chambre interdite, des mains commencèrent à s'élever... une à une.

 

Retour à l'ESSM

 

-Ce... ce n'est pas possible, bégaya Matt, le souffle court, les yeux écarquillés comme s'il venait d'apercevoir un abîme.

Lya tomba à genoux, comme fauchée par un coup invisible. Ses doigts s'enfoncèrent dans l'herbe.

-Vous êtes sûr... vous êtes sûr que nous sommes les... les personnes de la prophétie ?

Archi, d'ordinaire si stoïque, vacillait. Son visage, blême, était décomposé. Une sueur froide perlait à sa tempe.

Le directeur Talford resta silencieux un instant, comme s'il regrettait déjà ses paroles. Puis il se redressa lentement, le regard pesant.

-Après ce que je viens de voir... je crains que oui.

-Je... nous..., balbutia Matt, sans parvenir à finir sa phrase.

Lya leva la tête. Ses yeux, embués, cherchaient un fragment de réassurance, une once de compassion.

-Nous ne sommes pas comme ça !, s'écria-t-elle soudain, la voix brisée mais vibrante d'une vérité désespérée. Nous ne ferions de mal à personne ! Vous le savez, n'est-ce pas ?!

Les professeurs échangèrent un regard fuyant. Aucun ne trouvait la force de soutenir les yeux des jeunes gens. 

Enfin, une voix s'éleva, hésitante mais pleine de conviction.

-Je..., murmura Valma, avant de s'éclaircir la gorge. Je crois fermement à la destinée. Chacun d'entre nous a un rôle à jouer. Nul n'est insignifiant. Nous naissons pour accomplir un dessein plus grand que nous... écrit à l'avance.

Ces paroles, censées être rassurantes, retentirent comme une condamnation.

-Mais cela ne veut pas dire que vous êtes condamnés, ajouta-t-elle rapidement, captant l'expression bouleversée de Lya. Nous allons vous aider. À comprendre, à contrôler... Peut-être même à réécrire votre destinée.

-De quoi devons-nous nous méfier en priorité ?, demanda Archi, tentant de refouler l'angoisse qui nouait sa gorge.

-De vous-mêmes... et du Pouvoir Central, répondit Talford d'une voix grave, comme si chaque mot était une menace suspendue.

-Ils nous traquent ?, demanda Lya en se redressant péniblement.

-C'est un euphémisme ! Vous êtes leur obsession depuis des années. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour que vos noms ne remontent pas jusqu'à leurs oreilles, mais après ce qu'il s'est passé au château, je doute de pouvoir encore les convaincre longtemps.

-Mais tant que vous êtes à l'ESSM, intervint Obscuda, vous êtes en sécurité. Ils ne peuvent pas franchir les murs de cette école sans se dévoiler. Je sais que ces révélations sont brutales, mais vous devez garder espoir. Vous n'êtes pas seuls. Demain, même heure. D'ici là... reposez-vous.

 

*****

 

Le trio quitta leurs professeurs dans un silence pesant, comme s'ils portaient désormais un poids qu'aucun d'eux ne comprenait encore pleinement. 

-Que sait-on des membres du Pouvoir Central ?, demanda soudain Lya, brisant le mutisme tandis qu'ils traversaient les jardins trop calmes.

-Je suppose que cette question est pour moi, répondit Archi.

-Je ne connais que les Angels, murmura Matt, comme si le nom seul était déjà trop lourd à prononcer.

-Mon géniteur en fait partie, en effet, confia Archi à mi-voix, le regard perdu. Tout comme la mère d'Amanda. Le reste ? Mystère. Ils sont insaisissables. On ne connaît ni leurs visages, ni leur nombre exact.

-Et comment sont-ils choisis ?

Un silence plana.

-Les places sont héréditaires, répondit finalement Archi. Transmises de génération en génération. S'il n'y a pas d'héritier, le siège reste vide, à moins qu'un nouveau membre ne soit désigné à l'unanimité.

Matt s'arrêta brusquement.

-Attends... Tu veux dire que tu pourrais toi aussi en faire partie ?

-Ne t'en fais pas. Je ne suis pas l'aîné, répondit Archi avec une grimace. J'ai des frères et sœurs qui passent avant moi... beaucoup !

-Amanda, réalisa Matt à voix haute. Elle aussi pourrait hériter...

-Pas tant que Valma est en vie, répondit Archi, grave.

Lya, pensive, murmurait presque pour elle-même :

-Donc, si on suit les lignées anciennes au sein de l'administration, on pourrait remonter jusqu'à eux. Peut-être même les identifier.

-C'est possible... Mais ensuite ?, fit Archi. Tu veux les affronter ? C'est de la folie.

-Peut-être pas. Mais connaître son ennemi, c'est déjà commencer à gagner la guerre.

Ils se turent. Même le vent s'était arrêté, car la jeune fille qui s'était écroulée en larmes quelques minutes plus tôt n'était plus là.

Devant eux marchait désormais une silhouette droite, résolue, les yeux brûlants de détermination. Lya avait changé. Intérieurement, elle s'était armée. Pour elle. Pour eux. Pour prouver que le sang ne fait pas le monstre. Que l'avenir ne se lit pas dans les ruines du passé.

Doucement, ils arrivèrent au dortoir. L'odeur familière du vieux bois ciré et de la cheminée emplissait l'air.

À peine la porte franchie, Émilie déboula dans la pièce comme une bourrasque joyeuse, suivie de près par Anita. Ses yeux pétillaient d'une excitation rare, presque contagieuse.

-Vous avez entendu ?!, s'exclama-t-elle, ses mots trébuchant les uns sur les autres.

Matt, installé sur le rebord du canapé, releva un sourcil, mi-amusé, mi-surpris.

-Entendu quoi ?

Tandis que la jeune femme s'agitait, Lya délaissa l'engouement d'Emilie, pour aller à son bureau, déposer ses cahiers. Mais très vite, elle remarqua un petit bout de papier chiffonné qui dépassait sous l'un de ses grimoires. Le cœur légèrement serré par la curiosité, elle le tira délicatement. Ses yeux parcoururent rapidement les quelques lignes tracées à l'encre noire, presque effacée, puis elle leva doucement la tête.

De l'autre côté de la pièce, Emrys la fixait sans ciller, adossé nonchalamment à un mur, les bras croisés. Pris sur le fait, il haussa les épaules en lui lançant un sourire espiègle, un éclat silencieux dans ses yeux, comme une promesse de mystères à venir.

Lya sentit ses joues la trahir. Elle détourna vivement le regard en glissant le mot dans sa poche, espérant que personne n'avait rien vu. Trop tard.

-Tu nous écoutes, Lya ?, demanda Anita, un sourcil levé, en agitant la main devant ses yeux encore perdus dans les nuées.

-Ou...oui, bien sûr..., bafouilla-t-elle, tentant de reprendre contenance.

Émilie, trop enthousiaste pour se formaliser, reprit son annonce avec la fougue d'un feu follet :

-Bref, nous allons bientôt participer à notre première grande évaluation !

-Une évaluation ?, s'étonna Nata, relevant la tête d'un épais ouvrage dont les pages bruissaient comme des feuilles mortes.

-Oui, pour évaluer nos compétences, confirma Émilie, bondissante sur place, les mains jointes comme si elle récitait une prière de joie.

-Et ça va consister en quoi, exactement ?, demanda Matt, son intérêt éveillé.

-Les détails ne sont pas encore tombés, intervint Anita, toujours calme, mais avec une lueur de curiosité dans le regard.

-Mais j'ai entendu dire que ce serait une immense chasse au trésor !, s'écria Émilie, les yeux brillants, comme si elle visualisait déjà les énigmes, les pièges et les récompenses.

Un éclair de compréhension passa dans le regard de Matt. Il sourit.

-Ah, je comprends mieux ton enthousiasme maintenant ! J'adore les courses d'orientation et tout ce qui s'en rapproche.

-Toi aussi ?!, s'étouffa Émilie, ravie de trouver une âme sœur dans cette passion inattendue. Apparemment, on sera en équipes... mais les unes contre les autres.

Un silence s'installa un instant. La chétive blonde sembla prendre soudainement conscience de la nature compétitive de l'épreuve. Ses épaules se tassèrent, et son regard inquiet se posa sur le sol.

-Ce n'est pas grave, Milie', répondit doucement Anita, passant un bras rassurant autour de sa camarade. Si on est ensemble, je serai là pour te couvrir.

La promesse, simple mais sincère, réchauffa l'air comme une lueur dans l'obscurité. Émilie retrouva aussitôt le sourire, ses angoisses repoussées au second plan.

Un silence complice plana quelques secondes dans la pièce, seulement brisé par le léger bourdonnement de la torche murale qui vacillait.

-De toute façon, déclara Archi, tant que les règles ne sont pas annoncées, ça ne sert à rien de stresser ou de spéculer.

D'un pas tranquille, il se dirigea vers la salle de bain, laissant derrière lui une atmosphère légèrement plus calme, mais chargée d'une tension discrète. Comme le calme trompeur avant une tempête pleine de secrets, de rivalités... et peut-être de vérités cachées.

 

*****

 

Alors que le couvre-feu venait à peine de résonner, un calme étrange s'abattit sur l'ESSM. Les couloirs se vidèrent lentement, avalés par les murmures des sortilèges de silence lancés par les survaillants. Une brume légère s'étendait sur les pelouses, recouvrant les pierres anciennes d'une fine buée spectrale.

Dans cette tranquillité feutrée, une ombre discrète glissa hors du dortoir, les pas à peine audibles sur le sol pavé. Elle avançait prudemment, se fondant dans les couloirs, s'arrêtant dès qu'un éclat de lumière ou un bruit suspect se faisait entendre. Une chouette hulula au loin, comme pour saluer cette audacieuse escapade nocturne.

Arrivée au pied du plus grand arbre de l'école, un conifère centenaire dont les branches s'élançaient vers le ciel comme les bras d'un ancien gardien, la silhouette s'arrêta. Elle scruta les hauteurs, les yeux plissés dans l'obscurité.

-Pssst !

La voix, à peine plus forte qu'un souffle de vent, la fit sursauter.

Lya leva les yeux et aperçut avec stupéfaction Emrys, perché à plusieurs mètres de hauteur, camouflé dans les feuillages.

-Mais qu'est-ce que tu fais là !, chuchota-t-elle en retenant un rire incrédule.

-Viens !, lança-t-il en tapotant une branche à côté de lui.

Amusée et un peu folle, Lya tendit la main. Une lumière douce, bleutée, s’échappa de ses doigts, matérialisant une échelle de bois suspendue dans le vide. Chaque marche craqua doucement sous ses pas, comme une harpe jouée à l’envers.

Elle posa un pied sur le premier barreau, puis s’arrêta, l’air de rien. Ses yeux balayèrent brièvement le vide sous ses pieds. Elle inspira plus profondément qu’à l’accoutumée et continua de monter, ses doigts crispés sur les montants comme si l’échelle pouvait s’effondrer au moindre souffle.

Arrivée à la hauteur d’Emrys, elle attrapa sa main tendue avec un peu plus de force que nécessaire. Sa paume était chaude, ferme, et l’attira avec précaution jusqu’à lui.

-Emrys, pourquoi tu m’as donné rendez-vous ici ? ,demanda-t-elle, la voix faussement légère, mais un peu plus tendue que d’habitude.

-Ne fais pas de bruit. Je voulais te montrer quelque chose, répondit-il dans un souffle, tout contre elle.

Toujours main dans la main, ils s’avancèrent sur une large branche dont l’écorce dégageait un parfum résineux. Lya jeta un bref regard derrière elle, puis leva légèrement la tête.

Elle se déplaçait avec soin, plaçant chaque pas avec une lenteur calculée, ses épaules légèrement rentrées. Le vent fredonnait à travers les aiguilles, et elle resserra inconsciemment sa prise sur la main d’Emrys quand une brise un peu plus vive fit chanter les feuilles.

-Regarde là, murmura-t-il.

Lya fronça les sourcils, concentrée, puis son regard se posa entre deux nœuds du bois. Un minuscule nid, tissé de brindilles, de feuilles séchées et de plumes. En son cœur, une boule de fourrure couleur noisette, minuscule, endormie en spirale : un bébé écureuillon, paisible.

-Oh..., souffla-t-elle, les yeux brillants.Il est si mignon ! Comment tu savais qu’il serait là ?

-C’est moi qui l’y ai mis, répondit Emrys avec pudeur. Je l’ai trouvé au sol, affaibli. Nata m’a aidé à le soigner. Je l’ai remis ici. J’espère que sa mère va revenir. Mais je voulais te le montrer. Je savais que ça te ferait plaisir.

-Merci, Emrys...

Un silence doux s’installa. Les étoiles, entre les branches, semblaient écouter.

-... et c’est aussi un prétexte pour passer un peu de temps avec toi...

Lya détourna les yeux, une teinte rose aux joues. Elle était bien là, perchée entre ciel et terre, avec lui.

Ils s’assirent côte à côte, les jambes ballantes dans le vide.

Mais Lya marqua une hésitation.

Elle posa d’abord une main à plat sur la branche, puis l’autre, avant de s’asseoir lentement, prudemment, les jambes rigides.

-Je ne savais pas que tu avais le vertige, remarqua-t-il, un sourire à peine moqueur.

-Ça se voit tant que ça ? répondit-elle sans le regarder, avec un rire un peu nerveux. Ce n’est pas vraiment ça, je ne suis juste pas très à l'aise avec les hauteurs, c'est tout.

-Tu savais que ce n'est pas vraiment le sol qu'on redoute mais le vide.

Emrys soupira avant de reprendre.

-Le vide, c'est ce qui fait peur. Parce qu'il ne promet rien.

-Quelle est la différence ?, demanda Lya en le fixant.

-Si tu tombes d'un arbre, tu peux te faire mal, mais tu peux te relever. Le vide, lui, c'est... c'est l'inconnu. Le néant. Il t'avale sans rien te rendre.

Elle comprit alors qu'il parlait d'autre chose. D'un vide intérieur. D'une peur plus ancienne.

-Je pense qu'avouer ses peurs, c'est une des façons les plus honnêtes de se rapprocher de quelqu'un, murmura-t-elle.

-C'est très juste, approuva le garçon. De quoi as-tu vraiment peur Lya... à part des hauteurs ?

De devenir un monstre, le fléau de l'humanité.

Mais elle ne le dit pas.

-Je ne sais pas trop, à vrai dire, mentit-elle.

-Moi, c'est le vide. Et l'abandon, annonça Emrys, sans détours. J'ai toujours cette peur que ceux que j'aime... finissent par disparaître. Comme s'ils ne tenaient qu'à un fil. Et que je ne puisse rien y faire. C'est bête, non ?

-Non. Pas du tout. Je vois ce que tu veux dire.

Ils se regardèrent dans le silence, l'air chargé de non-dits. La nuit semblait retenir leurs souffles.

-Ce que j'essaie de te dire..., reprit Emrys, la gorge nouée, ... c'est que j'ai peur que tu t'éloignes. Parce que j'ai des sentiments pour toi, Lya.

Sa voix était fragile, sincère. Le vent, lui-même, se tut. Lya sentit son cœur marteler sa poitrine.

-Je...

-Tu n'as pas à répondre maintenant, enchaîna-t-il aussitôt. Je veux juste que tu le saches. Ne te sens pas obligée. C'est juste... j'avais besoin de le dire.

Il prit une inspiration tremblante, puis conclut d'une voix basse, presque timide :

-Tu es unique, Lya. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme toi. Penser à toi me donne du courage. Quand tu souris, le monde paraît plus simple, moins sombre.

Une chaleur étrange monta en elle. Une chaleur qui n'avait rien à voir avec la magie. Elle ne savait pas quoi faire. Un baiser ? Non, elle en était incapable. Trop tôt. Trop intense.

Alors elle fit la seule chose qu'elle pouvait : elle se blottit doucement contre lui.

Emrys, d'abord surpris, referma lentement ses bras autour d'elle, comme on enveloppe quelque chose de précieux. Et ils restèrent là. Suspendus entre les branches, le monde loin en bas, les étoiles tout près. À parler doucement, de choses et d'autres. À respirer l'instant. À rêver, peut-être, d'un avenir où rien ni personne ne viendrait les séparer.

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M.A.Frogerais
Posté le 07/08/2025
j'ai reperé 2 petite chose :
"se fondant dans les ocouloirs" petite faute de frappe
et quant lya est sencé avoire peur du vide, on ne le ressent pas vraiment. peu etre ajouté quelque petite reaction comme une respiration plus forte pour se rassuré, une pression plus forte sur la mains de emrys ou qu'avant le premier pas, elle ferme les yeux une seconde.
c'est tout pour moi, chapitre tres bon, peut etre pas ton meilleurs mais bien plus doux malgres les revelation, sa fait respiré ton recit et c'est super
DSWritter
Posté le 07/08/2025
Merci de ton retour ! Je vais modifier ça ^^
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