Émilie avait vu juste.
Très vite, les couloirs de l'ESSM bruissèrent d'une rumeur devenue réalité : la première grande évaluation approchait. L'annonce officielle fut brève et solennelle, mais elle eut l'effet d'une détonation. Un frisson parcourut l'établissement. Les élèves, d'abord incrédules, laissèrent bientôt place à une fébrilité mêlée d'excitation et de crainte. On percevait cette tension dans les murmures étouffés à la cafétéria, dans les regards échangés au détour d'un couloir, dans les doigts qui tapotaient nerveusement sur les tables pendant les cours.
Cette épreuve n'était pas qu'un simple test académique. Elle serait décisive. Un révélateur. Les encadrants eux-mêmes le disaient à demi-mot : elle mettrait en lumière autant les capacités que les failles, les forces que les vulnérabilités. C'était un champ d'épreuve aussi bien mental que magique, où l'échec pourrait avoir des conséquences bien réelles.
Monsieur Talford et Valma modifièrent leur approche dès l'annonce faite. Les entraînements, autrefois déjà exigeants, devinrent redoutables. Ils testèrent le trio de toutes les façons possibles. Des illusions imprévues, des simulations à variables changeantes, des défis où les élèves étaient isolés de leurs alliés, rien n'était laissé au hasard. L'objectif était clair : briser les automatismes, provoquer des réactions instinctives, tester la résilience sous pression et faire en sorte ils puissent contrôler parfaitement.
Dans ce contexte oppressant, Lya, Matt et Archi redoublèrent d'efforts. Ils savaient qu'ils ne pouvaient se permettre la moindre faille. Chaque entraînement devenait une quête de dépassement. Les sorts de Matt, autrefois instables, devinrent précis, tranchants. Archi, vif comme l'éclair, parvenait à esquiver des attaques à l'aveugle, sa perception affinée au fil des jours.
Mais c'est Lya qui surprit tout le monde.
Là où elle vacillait encore quelques semaines auparavant, elle progressa à une vitesse fulgurante. Sa magie prenait forme plus vite, plus intensément. Lors d'un exercice complexe, elle fusionna instinctivement deux éléments opposés, provoquant un souffle contrôlé qui fit reculer les enseignants eux-mêmes. La terre, le feu, l'air, l'eau, elle les appelait désormais sans hésiter, comme s'ils répondaient à une langue oubliée que seule elle comprenait.
-Incroyable, souffla Valma, les bras croisés sur la poitrine, les yeux fixés sur la jeune fille, haletante, au centre du terrain. Elle absorbe les enseignements comme une éponge... et elle les adapte à son propre style.
-Ce n'est pas seulement du talent, répondit Talford avec gravité. C'est de la volonté pure.
C'est ainsi que les regards des professeurs changèrent, moins de méfiance, plus d'estime. Valma, jadis distante, laissa filtrer des encouragements brefs, mais sincères. Talford, de son côté, se montrait plus attentif, parfois même protecteur. Il ne le disait pas, mais une certaine fierté transparaissait dans ses silences.
Pour autant, le trio savait qu'ils n'étaient pas encore au bout de leurs efforts. Les défis à venir resteraient imprévisibles, et bien que leur confiance mutuelle ait renforcé leur cohésion, chacun savait que cette épreuve les mettrait face à leurs propres limites.
Dans les rares instants de répit, Lya se surprenait à penser à Emrys. Ses paroles résonnaient en elle, discrètes mais persistantes. Elles devenaient une force tranquille. Ce n'était plus seulement pour se prouver quelque chose qu'elle avançait. C'était aussi pour lui. Pour Matt. Pour Archi. Pour ne pas décevoir ceux qui voyaient en elle plus qu'elle-même.
Les jours passaient, et l'ESSM semblait peu à peu basculer dans une atmosphère étrange, presque irréelle. Les rires devenaient rares. Le ciel, souvent voilé, pesait comme un couvercle. Même les oiseaux semblaient moins bavards. Le calme avant la tempête, disaient certains.
Et puis, le jour arriva.
Un mois après l'annonce, alors que l'aube n'avait pas encore chassé les brumes nocturnes, les élèves furent rassemblés devant le portail principal. Les calèches attendaient, des silhouettes noires et imposantes, tirées par des créatures massives au pelage sombre et luisant.
Les élèves, silencieux, vêtus de tenues d'entraînement renforcées, observaient les forêts au loin. Aucun ne savait vraiment ce qui les attendait. Les professeurs, à l'exception notable d'Obscuda et Talford, encadraient le départ, leurs visages fermés trahissant une tension partagée. De nombreux surveillants étaient également présents, armés, attentifs. Ce n'était plus une simple sortie scolaire.
Quand les calèches s'ébranlèrent enfin, roulant lentement sur le sol cabosser d'une clairière verdoyante, un vent se leva. Il souffla à travers les arbres environnants, emportant avec lui un présage de changement. Les regards se croisèrent une dernière fois alors que tout les élèves débarquèrent enfin. Dans ceux de Lya brillait une lueur nouvelle : de la détermination, mais aussi, une flamme intérieure qu'elle-même commençait à peine à comprendre.
-Jeunes gens !
La voix claire et autoritaire du professeur Ameur fusa à travers la clairière, tranchant net les derniers murmures.
Instantanément, les élèves se figèrent. Le bruissement des feuilles, le piaillement lointain des oiseaux, tout sembla s'éclipser pour laisser place à un silence dense, presque solennel.
-La première grande épreuve de votre cursus scolaire va bientôt commencer, annonça-t-il d'un ton grave. Pour que tout se déroule au mieux, je vais vous donner quelques consignes. Veuillez m'écouter attentivement.
Les cœurs s'accélérèrent. Même les plus téméraires redressèrent le menton avec une nervosité mal dissimulée. L'air lui-même paraissait chargé d'électricité.
-Vous allez entamer une battle royale.
Il laissa flotter un court silence, le temps que ses mots s'ancrent dans les esprits.
-Cela signifie que vous allez vous affronter, jusqu'à ce qu'une seule équipe reste en lice.
-Battle royale ?, souffla Lya, les sourcils froncés, la voix à peine audible. Mais... je pensais que c'était une chasse au trésor...
-Je comprends mieux pourquoi le directeur et Obscuda étaient si préoccupés, répondit Archi, le ton plus bas, presque inquiet.
Le professeur poursuivit, sa voix montant d'un cran.
-Dès que vous rencontrerez un trio concurrent, vous serez dans l'obligation d'engager le combat. Les règles sont simples : tous les coups sont permis, à l'exception de ceux pouvant entraîner la mort.
Un frisson glaça l'échine des élèves. Des soupirs inquiets s'élevèrent, étouffés, alors que certains échangeaient des regards anxieux. D'autres, plus sûrs d'eux, affichaient des sourires impatients, presque carnassiers.
Une main tremblante se leva.
-Comment saura-t-on si on a perdu... ou gagné ?, demanda l'élève, la voix teintée d'angoisse.
Ameur hocha la tête calmement.
-Vous venez de recevoir des bracelets de vie. Vous devez les porter durant toute l'épreuve. Les retirer entraînera votre disqualification immédiate.
Des surveillants vêtus de longues capes sombres passèrent entre les rangs, distribuant des artefacts étincelants. Lorsqu'ils furent passés au poignet, les bracelets émirent une lumière douce et pulsante, comme une respiration.
-Si l'un de vos bracelets vire au rouge, poursuivit le professeur, cela signifie que vous avez été éliminés, soit par défaite, soit par infraction au règlement. Dans tous les cas, vous devrez immédiatement quitter la zone de combat.
Certains élèves tordaient leurs mains nerveusement, d'autres fixaient leur bracelet comme s'il était un compte à rebours funeste.
-En parallèle, chaque équipe recevra une carte, ajouta Ameur. Certains points marqués y désignent des caches où sont dissimulés des objets spéciaux. Leur utilité peut s'avérer décisive, ne les négligez pas.
La professeure Betch s'avança, le regard froid, presque militaire.
-Les bois sont sécurisés par un champ de force. Aucun élément extérieur ne pourra interférer. Mais attention : dépasser les limites du périmètre vous éliminera instantanément.
Le professeur New prit le relais, affichant comme à son habitude un sourire énigmatique, qui n'enlevait rien à la gravité de ses mots.
-Nous voulons évaluer vos compétences en situation de combat quasi réel. Tous les types de magie sont autorisés, y compris celle de soin. Ce ne sera pas une partie de plaisir. Vous serez blessés, fatigués, mis à l'épreuve jusqu'à vos limites.
Un murmure monta, semblable à un grondement sous la surface.
-Et souvenez-vous, ajouta-t-il dans un souffle presque joueur, si votre bracelet passe au bleu... vous avez gagné. Et la récompense qui vous attend en vaut, croyez-moi, tous les efforts.
À ces mots, une onde d'excitation secoua les troupes. Certains levèrent la tête, les yeux brillants. D'autres, comme Lya, ressentaient une pression oppressante leur serrer la poitrine. Le sol lui-même semblait vibrer, prêt à s'ouvrir sur l'épreuve à venir.
Pour éviter une confrontation immédiate, chaque équipe serait déposée à un point différent de la forêt, soigneusement isolé. Les calèches furent repréparées.
Le destin plaça Lya dans la même transport que Nathalie.
L'atmosphère y était glaciale. Le bois des parois paraissait résonner sous la tension entre elles. Nathalie, campée dans son siège, lançait des regards tranchants comme des lames. Lya se contentait de fixer le paysage qui défilait, le souffle court, les mains crispées sur ses genoux.
-J'ai hâte que ça commence ! lança Matt, pour briser le silence.
-Moi... j'ai vraiment peur, avoua Émilie dans une voix si ténue qu'elle se perdit presque dans le roulement des roues.
-Mais non, Millie, on est là Nath et moi, répondit Anita, en tentant de lui sourire.
-Oui Émilie, renchérit Nathalie en plantant ses yeux dans ceux de Lya, je suis remontée plus que jamais. J'ai bien l'intention de régler mes comptes... et de prouver qui sont les meilleurs.
Lya ne répondit pas. Elle inspira longuement, comme lui avait enseigné Talford : "le calme est une arme". Et Nathalie, pour l'instant, n'était qu'un bruit de fond, une distraction, une faille potentielle et rien de plus.
-Je sens que cette journée va être salvatrice !, lança Anita avec insouciance, étirant ses bras comme si elle s'apprêtait à faire une sieste au soleil.
Enfin, la calèche s'arrêta. Les portières s'ouvrirent dans un grincement sinistre. L'équipe 3 descendit, salua ses camarades, et regarda les chevaux s'éloigner, s'enfonçant dans le brouillard.
Seuls, à l'orée de la forêt, les arbres paraissaient se refermer sur eux. L'air avait une odeur d'humus et de pluie ancienne. On entendait, au loin, les hurlements d'un oiseau inconnu.
Ils ajustèrent leurs bracelets. La lueur verte s'alluma. Le signal était donné.
Sans un mot, ils pénétrèrent dans la forêt.
*****
Archi tenait le plan, le front légèrement plissé, les yeux vifs courant sur les tracés complexes de la carte. L'air ambiant, chargé de la moiteur forestière, vibrait doucement sous les chants diffus des créatures dissimulées dans les feuillages.
-J'ai hâte de me taper avec les autres !, s'exclama Matthew en enchaînant quelques coups dans le vide. Une bonne bagarre, ça fait toujours du bien !
Lya leva les yeux au ciel, une ombre d'incompréhension traversant son visage.
-Je ne comprends pas comment cela peut te faire autant plaisir...
-Venant de la plus grande bagarreuse de notre équipe, c'est un euphémisme, la titilla Archi sans lever les yeux de la carte.
-Moi !
-Je te rappelle que tu as bien failli éliminer Nathalie et que tu t'es attaquée à Obscuda !, s'amusa Archi.
-C'est vrai ça, renchérit Matthew avec un sourire éblouissant. En fait, c'est toi le vrai caïd ici !
-N'importe quoi...
-Ne le prends pas comme ça, princesse.
Le grand brun passa un bras décontracté autour des épaules de Lya, provoquant un froncement de sourcils mi-agacé, mi-amusé chez la jeune fille.
-C'est ton côté sauvage qui fait ton charme !
Un léger éclat de rire s'échappa d'Archi, tranchant le calme brumeux de la forêt.
-Depuis quand vous êtes aussi complices !, s'emporta faussement Lya. Si c'est juste pour me taquiner, ce n'est pas la peine !
Le trio poursuivit son avancée. L'air se rafraîchissait légèrement, filtré à travers les hautes canopées, et chaque pas s'enfonçait dans la mousse épaisse et les racines traîtresses. Pendant près d'une heure, ils marchèrent sans croiser âme qui vive, jusqu'à tomber nez à nez avec un groupe composé de trois garçons : un élémentaliste à l'air arrogant et deux constructeurs déjà en posture défensive.
Le choc fut bref. Lya et ses camarades eurent vite le dessus. Leur coordination fluide et leur puissance impressionnante laissaient peu de chances à leurs adversaires. Ce fut pareil avec les deux autres groupes rencontrés plus tard : rapides confrontations, victoires nettes.
Pour Lya, cependant, chaque duel représentait une lutte intérieure. Elle devait résister à l'appel familier de sa magie de combat et des élèments. Chaque duel était donc un exercice d'endurance et de concentration pour elle.
Après leur troisième victoire, ils s'arrêtèrent près d'un ruisseau cristallin, le clapotis léger de l'eau offrant un instant de répit bienvenu. Le soleil perçait par éclats à travers la canopée, dessinant des motifs dansants sur leurs visages.
-Le premier bonus devrait être dans les environs, annonça Archi, les sourcils froncés, les yeux toujours vissés à la carte.
-On ne pourrait pas juste... s'asseoir et se reposer un peu ?, grogna Matt en se laissant tomber avec fracas sur l'herbe humide. J'en ai marre de marcher !
-C'est pas toi qui voulais te battre ? Tu es déjà en train de gémir ?, ironisa Archi.
-L'un n'empêche pas l'autre ! Si le bonus est proche, les autres finiront bien par venir à nous...
-Pour une fois, ton raisonnement n'est pas complètement idiot, concéda Archi. Une pause ne me fera pas de mal non plus.
Un silence apaisant s'installa, entrecoupé seulement par le bruissement du vent dans les feuilles et le roucoulement de l'eau.
Puis, comme souvent avec Matthew, le calme ne dura pas.
-Qu'est-ce que vous voulez faire une fois l'école terminée ?
Son intervention suspendit un instant le fil du temps.
-Quelle est cette question sortie de nulle part ?, s'étonna Archi.
-Je ne sais pas. C'est le bon moment, non ? Un peu de rêve au milieu d'un champ de bataille...
Archi hésita, puis répondit :
-Je me verrais bien bosser à l'administration centrale. Pas pour faire comme mes parents, mais... pour changer les choses. À ma manière.
Matt haussa les sourcils, sincèrement surpris.
-C'est... pas bête.
-Et toi, alors ?
-Moi ? Mercenaire ! Engagé par différents seigneurs, je parcourrai le monde ! Je veux voir ce qu'il y a au-delà de nos frontières.
-Si tu es au service des seigneurs, c'est un peu comme si tu étais soldat pour le PC ..., se moqua Archi.
-Tu vas arrêter de ruiner mes rêves, vieille pince !, répliqua Matt en lui lançant un caillou.
Les deux garçons rirent. Puis leurs regards se tournèrent vers Lya.
-Et toi ?
Elle mit un moment à répondre. Son regard s'était perdu dans le flot du ruisseau.
-Une librairie. Dans un village tranquille. Je veux... juste de la paix.
Le silence qui suivit fut respectueux et doux. Archi lui offrit un sourire sincère.
-Parfait. Je gère les comptes. Tu m'embauches ?
-Et moi je serais le vendeur canon !, lança Matt, les bras écartés.
Un rire clair s'échappa de Lya. À ce moment-là, malgré la forêt, malgré l'épreuve, tout sembla incroyablement simple. Incroyablement beau.
Mais cette bulle fut soudain percée.
-Lya ?
Elle se retourna et son cœur se serra en voyant Amanda, accompagnée de Nata et Emrys.
Le monde sembla s'arrêter.
-Oh non..., murmura-t-elle.
Les deux équipes se firent face, comme deux armées au bord du front. Le silence s'était épaissi, presque solide.
-Vous vous en sortez bien jusqu'à maintenant ?, demanda Nata, la voix posée, les yeux vifs.
-On fait aller, répondit Archi.
-Bon... je crois qu'on sait tous ce qui va se passer, lâcha Amanda, la voix nouée de regrets.
-Je n'ai pas envie de me battre contre vous, avoua Lya, le cœur lourd.
-Nous non plus, mais ce sont les règles, répondit Amanda doucement.
-Si on refuse, on sera tous éliminés, rappela Emrys, l'air grave.
Leurs regards se croisèrent, tristes et résignés.
-Nata, je serais ravi de me mesurer à toi, dit soudain Archi avec un sourire de défi.
-Moi aussi, répondit-elle, dans un murmure chargé d'électricité.
Amanda tourna la tête vers Lya.
-Ly...
-Amanda, j'aimerais t'avoir comme adversaire, coupa Matthew.
Un silence. Amanda cligna des yeux, surprise.
-Je... très bien.
Il ne restait que Lya et Emrys.
Ils se fixèrent longuement. Un souffle de vent passa entre eux comme pour souligner leur hésitation. Mais déjà, Amanda et Emrys se déplaçaient, resserrant leurs rangs, pendant que Nata, plus en retrait, adoptait une posture stratégique.
Le combat allait commencer et cette fois, ce serait contre des amis.
*****
[Point de vue de Matthew]
Un laps de temps considérable s'était écoulé depuis la dernière fois qu'Amanda avait véritablement croisé le regard de Matthew. Entre eux, les souvenirs vibraient comme une corde tendue sur le point de rompre.
Bien que le contexte ne s'y prêtat pas, ce moment de confrontation semblait étrangement bienvenu pour le jeune homme. Ce combat, imposé par les règles du tournoi, lui offrait une rare opportunité : interagir avec Amanda dans un cadre où leurs mots, leurs regrets et leurs silences pouvaient enfin s'exprimer, même si ce n'était qu'à travers des coups, des esquives et des éclats d'énergie.
Les deux combattants commencèrent à tourner lentement l'un autour de l'autre, leurs pas traçant des cercles concentriques dans le sol meuble, comme deux prédateurs en attente d'un faux pas.
Amanda fut la première à briser cette danse silencieuse. Son regard s'embrasa et elle s'élança, fulgurante, le poing chargé de magie vibrant d'une lumière rougeoyante. Elle fendit l'air avec une précision chirurgicale. Matt esquiva de justesse, une chaleur mordante frôlant sa poitrine. Il n'eut pas besoin de plus pour comprendre : elle n'était pas là pour faire semblant.
Elle ne plaisante pas..., pensa-t-il, un frisson courant le long de son dos.
Sans attendre, il frappa le sol du talon. Une onde discrète mais profonde se propagea sous leurs pieds, déstabilisant brièvement Amanda. Profitant de l'ouverture, Matt concentra sa magie, lança une vague d'energie qui percuta son adversaire de plein fouet. Amanda tomba sur les fesses, un nuage de poussière enveloppant sa silhouette.
Un sourire narquois aux lèvres, Matt bondit, souple et rapide, la dominant en un instant. Son genou immobilisait le flanc de la jeune femme, son souffle court caressant sa joue.
-Alors, on se la joue à fond ? demanda-t-il, mi-provocateur, mi-joueur.
-Bien évidemment, répondit Amanda, un éclat de défi dans les yeux.
Mais sous leurs provocations brillait une tension plus ancienne, plus douloureuse. Chaque geste, chaque frappe, portait le poids d'une histoire inachevée.
Matt tenta une série de coups rapides, mais Amanda roula à gauche, à droite, échappant à sa prise comme une anguille. Soudain, elle bloqua sa jambe entre ses mains et pivota, lui assénant un coup de coude brutal à la hanche. Un grondement sourd lui échappa. Elle en profita pour se dégager d'un bond, ses lèvres étirées en un sourire victorieux.
-Si je ne te connaissais pas, haleta-t-il, je pourrais presque croire que tu prends plaisir à me frapper.
-Peut-être que tu ne me connais pas si bien que ça...
-Au moins, tu me parles. Tu me regardes. C'est déjà un progrès.
Le visage d'Amanda se ferma, et l'air autour d'elle sembla vibrer. De l'énergie afflua dans ses poings. Matt comprit : elle préparait quelque chose de gros. Il la laissa approcher. À quelques centimètres, il tenta d'esquiver, mais sa jambe refusa de bouger.
Il comprit trop tard.
Un coup magistral s'écrasa contre son ventre. Son souffle s'évanouit. Un cri silencieux s'échappa de sa gorge. Ses organes protestèrent violemment. Il chancela, jeta un regard à son bracelet, pas encore rouge.
Amanda recula d'un pas léger, presque moqueuse.
Matt baissa les yeux. Des lierres serrés emprisonnaient sa jambe.
-Tu es vraiment rapide... Je ne l'avais même pas senti !
Amanda referma le poing. Les plantes se resserrèrent soudainement, écrasant ses muscles, bloquant sa circulation.
-Et là ? Tu le sens ?
Un éclat vengeur brillait dans ses yeux.
C'est de bonne guerre, admit Matt en grinçant des dents.
Dans un cri, il brisa ses entraves, des éclats de sève volant autour de lui, et se redressa. Ils se firent de nouveau face, haletants, couverts de terre et de regrets.
-LYA !, hurla Archi un peu plus loin. Il faut que tu battes Emrys rapidement !
Mais les deux duellistes n'y prêtèrent aucune attention. À cet instant, plus rien n'existait que leurs souffles saccadés, leurs cœurs battants, leurs yeux brûlants de vérité.
Matt plissa les yeux, observant Amanda.
-C'est moi ou tu ne transpires même pas ?
-Les filles, ça ne transpire pas, voyons, répondit-elle avec un sourire en coin.
-Avec tout ce que tu as balancé, t'es encore debout comme si de rien n'était. Pas une goutte. Ce n'est pas humain...
-Ma sudation t'intéresse tant que ça ?
-Je dis juste que je ne pige pas tout.
-Comme beaucoup de choses !
-J'ai l'impression qu'on ne parle plus du combat, là... Je me trompe ?
-Quelle perspicacité !
Ils s'échangeaient des coups aussi tranchants que leurs paroles. Un ballet de douleur et de vérités.
-Amanda... je sais que je t'ai blessée...
À ces mots, les frappes d'Amanda gagnèrent en intensité. Ses poings claquaient l'air avec une rage contenue.
-Je t'ai fait du mal et ça me tue. Dis-moi ce que je dois faire pour réparer ça.
-RIEN ! hurla-t-elle, la voix brisée.
Elle se stoppa net.
Son corps tremblait légèrement, pas de fatigue, mais d'émotion.
-Tu ne peux rien faire pour arranger la situation, et moi non plus. C'est ça le pire. J'aimerais te haïr. J'aimerais haïr ma sœur. Mais je n'y arrive pas, et ça me ronge. Quand je te vois, j'ai envie de t'embrasser... mais quand je te regarde trop longtemps, je vous vois tous les deux.
Un silence, terrible s'abatit.
-Et si... on recommençait tout à zéro ?, risqua Matt.
Amanda leva les yeux vers lui. Un éclat humide s'y accrocha, vite balayé par la lumière.
-Qu'est-ce que ça changerait ?
-Rien... et tout. On ne peut pas revenir en arrière. Mais on peut construire quelque chose de nouveau. Pas réparer. Reconstruire.
Elle demeura immobile, luttant intérieurement.
Alors il dit, plus doucement, presque suppliant :
-Parce que moi... j'ai toujours des sentiments pour toi. Et je veux qu'on se donne une chance. Une vraie chance.