En plein jour. Cette troisième chasse se déroulait sous un soleil magnifique. Julie n'en revenait pas. Il s'amusait à la dérouter. Elle se trouvait en plein milieu de nulle part, dans un paysage désertique, juste troublé par la route vide au bord de laquelle elle se tenait. Pas un véhicule à l'horizon troublé par des mirages dus à la chaleur.
Julie avança dans une direction choisie de partir à droite sur le goudron. Inutile d'errer dans le désert. À part mourir de soif, elle n'arriverait à rien. Elle préféra tenter sa chance sur la route.
De la chance, elle en eut. Un camion se présenta, qui accepta de la prendre en stop. Rien n'empêcha la jeune femme de monter à bord, ni au semi-remorque de démarrer et encore moins de rouler. Julie n'y croyait pas. Allait-elle pouvoir s'échapper ? Pouvait-il réellement la suivre à cette vitesse ou suivre sa trace sur une telle distance ? Non, c'était inconcevable.
Chaque instant sans événement lui redonnait espoir. La première chasse avait duré une vingtaine de minutes. La deuxième environ un quart d'heure. Elle roulait depuis une demi-heure dans un calme complet. Julie se sentit soulagée, un énorme poids en moins sur l'estomac. Plus besoin de vivre aux côtés d'un monstre, de le servir, d'être à ses ordres. Elle redevenait maîtresse de sa vie. C'était grisant.
Elle descendit du camion au premier village croisé. À peine le camion eut-il disparu au coin de la rue qu'elle se sentit observée. Elle frémit avant de constater que bon nombre d'habitants le jaugeait du regard. Elle était observée, mais pas par un prédateur, juste les siens. Julie s'approcha d'un restaurant. Ils cherchaient une serveuse. Cela pourrait bien lui convenir.
La sensation monta d'un cran. Son instinct fut sans appel : le prédateur était là. Julie regarda autour d'elle, sans rien voir qu'une petite bourgade plongée dans la tranquillité de l'après-midi. Et soudain, Julie remarqua le bâtiment. Elle courut s'y réfugier. Là, elle en était sûre, elle serait en sécurité.
Les hauts murs en pierre de l'Église rassurèrent totalement la jeune femme. À l'intérieur, il faisait frais. Julie fit un signe de croix puis s'avança sous la nef pour frôler le cœur.
- Ma fille, la messe sera dans un petit quart d'heure, annonça un homme d'église en apparaissant depuis une alcôve.
- J'ai besoin de protection, annonça-t-elle.
- Contre quoi ? demanda-t-il, surpris.
- Contre moi, dit une voix masculine à quelques mètres à gauche de Julie.
Celle-ci sursauta. Il était entré. Il se tenait devant le Christ et ne bronchait pas. Était-ce possible ? Tout ce qui était dit sur les Vampires était-il faux ?
L'homme d'église sembla jauger la situation, sans trop comprendre. Il allait parler lorsqu'il fut happé par le démon et maintenu sur une croix immense sur laquelle se trouvait, quelques secondes auparavant, un Christ désormais en morceaux sur le sol.
Julie regarda avec horreur l'homme se faire crucifier, des clous transperçant ses mains et ses pieds. Les hurlements furent atroces mais bien pire fut que la victime survécut. L'homme d'église vociférait, ses paroles difficilement compréhensibles.
Julie vit le prédateur se placer juste devant elle. Elle trembla mais, tétanisée de terreur, ne bougea pas. Il lui tendit un couteau par le manche. Elle le prit machinalement, sans comprendre.
- Tue-le. Un coup au cœur, annonça-t-il.
Julie lâcha l'arme. Le bruit du métal sur le sol en pierre résonna dans tout l’édifice religieux. Jamais ! Il ne pourrait pas la forcer à faire cela.
- Tant que tu ne l'as pas fait, je tuerai quiconque entrera dans l'église. Je ne veux pas de témoin, précisa le monstre.
- Tuez-moi ! hurla l'homme d'église, dont les paroles furent enfin compréhensibles. La messe commence dans quelques minutes. Tout le village sera là. Je vous en prie ! Sauvez les miens. Tuez-moi !
Julie regarda le crucifié, puis le démon. Ce dernier souriait.
- Je vous méprise. Vous êtes ignoble, cracha Julie.
Il n'offrit qu'un sourire pour seule réponse. Elle plaça le couteau sur l'abdomen, espérant sincèrement l'avoir placé au bon endroit pour le tuer du premier coup. Une main chaude déplaça légèrement la lame mais ne l'aida en rien à enfoncer la dague jusqu'à la garde. Heureusement, l'homme mourut instantanément.
- Divertis-moi mieux et je cesserai d'avoir à le faire moi-même, rappela-t-il avant de lui sauter à la gorge.