Chapitre 23 - La forêt d'Ironhealth

Tentant désespérément d’échapper à Hildegarde, cela fait désormais plus d’une heure que Calya court dans la forêt d’Ironhealth, celle qui borde le Zoo. Elle manque cruellement d’air et d’endurance. Alors que des gardes surgissent de nulle part, la jeune fille tombe dans un cul-de-sac. Elle n’a plus aucun issu. Le cœur battant à une vitesse folle, elle se retrouve confrontée à sa plus grande crainte : Hildegarde. Elle se tient devant elle, les lèvres pincées. Un point rouge se positionne comme par hasard sur son cœur à elle. Elle pousse un cri effroyable lorsqu’un garde tire dans sa direction…

Calya se réveilla en sursaut, la respiration accélérée. Peu à peu, elle comprenait qu’elle venait de faire un énième cauchemar. Il ne faisait pas encore complètement jour, et il lui était impossible de se rendormir.

Avec surprise, elle observa que Lokri était déjà debout. Il était le dernier à monter la garde. Elle le saluait d’un rapide geste de la main, tandis qu’il s’efforçait de cacher son étonnement de la voir réveillée en pleine nuit.

Les heures défilèrent, il faisait toujours nuit. Les autres se levèrent petit à petit. Plus que jamais, Calya se sentit prête à affronter les Humains du Zoo Fairy.

Déterminés à mener à bien leur mission, ils se remettaient en marche, vivement guidés par Lokri et Ida qui connaissaient le chemin par cœur à force de faire des repérages. Ils se faisaient plus discrets au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient du Zoo.

Malgré elle, sans qu’elle ne puisse le contrôler, des flashs de sa fuite lui revenaient brusquement en mémoire. Son pouls s’accélérait aussitôt. Azurtan l’observait, il comprenait ce qu’elle ressentait, car lui aussi souffrait du même traumatisme.

La forêt d’Ironhealth était vraiment grandiose. Calya la traversa dans son intégralité. Alors qu’elle était subjuguée par la beauté de la nature qui l’entourait, elle ne se rendait pas de suite compte qu’ils venaient d’arriver à la clôture.

Immédiatement, les grilles de fer marquant l’entrée du Zoo Fairy attirèrent son attention. Elle sentit sa poitrine s’alourdir sous un poids massif d’angoisses. Il lui devenait difficile de pouvoir respirer convenablement.

Face à son silence, ses amis se retournèrent vers elle.

— Il est préférable d’éteindre nos lampes de poche, leur indiqua Lokri, on risque de se faire repérer sinon. Le jour ne tardera plus à se lever. On se sépare maintenant. Dans deux heures, on se retrouve ici, d’accord ?

— C’est d’accord, acquiesça Calya, dissimulant son angoisse. Bonne chance à tous !

Ida et Lokri longèrent la clôture sur plusieurs kilomètres, sous l’œil aiguisé de la jeune fille. Ils se rapprochèrent dangereusement de l’Abri.

Idríl et Níniel se rendirent du côté opposé, plus proche d’Algar, afin de dénicher une planque en cas d’échec.

Azurtan et Calya, quant à eux, restèrent à leur place. Même si elle n’était pas à l’aise à l’idée d’être seule avec le garçon, elle s’efforçait de prendre sur elle. Cela ne durerait pas plus de deux heures. Ils n’avaient qu’à observer de loin le Zoo et son fonctionnement.

— Ça me fait drôle de revenir ici, lui avoua Azurtan après un instant de répit.

— À moi aussi, souffla-t-elle.

Après quelques instants de silence, Calya plissait les yeux. Intriguée, elle faisait quelques pas en avant tout en restant accroupie pour ne pas se faire prendre par un garde. Au loin, vers l’entrée du Zoo, éclairé par de grandes lumières, elle distinguait trois silhouettes de dos.

— Azurtan, murmura-t-elle, tu le vois toi aussi ?

— Assurément ! C’est trois gardiens de nuit.

Elle avait un œil fixé sur lui. Soudain, un cri perçant rompit le calme de la nuit. Peur d’être découverte, elle se figea aussitôt.

Les gardiens de nuit se précipitèrent brusquement vers l’enclos des Elfes.

Azurtan se pencha à son tour, afin de mieux observer la scène qui se déroulait sous leurs yeux. Des cris incessants à glacer le sang résonnèrent. Il était le premier à comprendre ce qu’il s’y passait, et détourna sur-le-champ le regard avant de s’asseoir. À plusieurs reprises, il se frotta le visage en soufflant.

Bientôt, des rires recouvrirent entièrement les cris.

Progressivement, Calya finissait elle aussi par découvrir toute l’horreur qui avait lieu au loin : ils étaient en train de torturer un pauvre Elfe.

— C’est courant pour eux de faire ça, lui révéla Azurtan, en la voyant brusquement se reculer.

Bouche bée et médusée face à tant d’atrocité, elle refusait d’y croire. Elle détourna subitement la tête, ne souhaitant pas en voir davantage.

Le cœur serré, elle observa aux loin deux silhouettes dévaler la forêt. D’une agilité remarquable, ils passèrent au-dessus de la clôture sans la moindre difficulté. À présent, ils se dirigèrent à toute vitesse vers l’allée du Zoo.

— C’est étrange, remarqua Azurtan, les sourcils froncés. On dirait Idríl et Níniel.

— Ce sont eux ! s’écria Calya, largement dépassée par les évènements. Mais ils sont fous !

Sans attendre une quelconque réponse, elle se détourna d’Azurtan, descendant à toute vitesse le talus.

Par mégarde, elle s’était blessée en passant par l’ouverture sous la terre découverte lors de sa fuite. Un long couloir sous-terrain faiblement éclairé, qui la mènerait directement devant l’entrée du Zoo.

Azurtan hurla à plusieurs reprises son prénom, malheureusement conscient que c’était trop tard. Elle était déjà loin.

Malgré sa claustrophobie, Calya se dépêcha de courir le plus vite possible pour pouvoir sortir de là. Elle souleva la trappe en s’extirpant de ce passage dit secret. Rapidement, elle repéra les Elfes, qui se rapprochèrent dangereusement de l’entrée du Zoo.

Voulant à tout prix l’empêcher de commettre une grave erreur, Calya poussa volontairement Idríl sur le côté. Dans un bruit sourd, il glissa sur le sol. Elle se jeta brutalement sur lui, plaquant ses mains sur ses lèvres pour qu’il puisse se taire.

— Chut ! lui ordonna-t-elle. Tu es cinglé ? Tu souhaites que l’on se fasse capturer par les hommes d’Hildegarde…

Évidemment, ils n’étaient pas passés inaperçus.

— Qui va là ? aboya un gardien.

La jeune fille sentit aussitôt une masse s’abattre sur elle. Malgré elle, elle se cogna la tête contre le menton d’Idríl qui poussa un soupir. Níniel venait de se jeter sur elle afin de libérer son frère. Calya grogna.

Brusquement, une lumière les aveuglait. Idríl et Níniel prenaient rapidement la fuite tandis que la rousse restait allongée sur le sol après s’être glissée dans le fossé, de façon à ne pas se faire remarquer.

Alors qu’elle tentait de bouger, un pied se posa violemment sur son abdomen, compressant ses organes, empêchant tout air de pénétrer ses poumons. Elle en avait la respiration coupée.

Un visage familier se pencha aussitôt vers elle. Geoffroy !

— Tiens qui voilà ! lança-t-il d’un ton glacial. J’en connais une qui sera heureuse de vous revoir, mademoiselle Tororgnor. On vous pensait morte !

Sans ménager sa force, il retira son pied de son abdomen. Calya pouvait enfin de nouveau respirer. Il ne lui laissait guère le temps de rassembler ses idées qu’il la redressa immédiatement.

Par la suite, il la confia à un garde de nuit, qui appelait déjà au renfort. Calya ne pouvait s’empêcher de remarquer qu’elle était toujours considérée comme une menace pour eux. Aussitôt, elle se retrouva menottée.

Geoffroy s’éloigna de la jeune fille, téléphone contre l’oreille. Son sourire malsain indiquait à Calya qu’il appelait Hildegarde.

« La mission vient d’échouer... » pensa-t-elle.

— Elle n’était pas toute seule ! s’écria un garde.

La jeune fille orienta son regard dans sa direction. Il était accompagné d’un autre garde, leurs armes à tous les deux étaient pointées dans la nuque d’Idríl et de Níniel.

Calya pouvait sentir la colère croître en elle. Pourquoi avait-il fallu qu’ils se jettent dans la gueule de leur plus grande menace ? Silencieusement, elle priait pour qu’Azurtan et les Nains à Queues soient en sécurité. Ils étaient sans aucun doute partis chercher du secours.

Le gardien l’obligea à se placer à côté d’Idríl.

— Vous avez complètement perdu la raison ! s’écria-t-elle, en lui lançant un regard des plus sévères.

— Tu t’es délibérément jetée sur moi, et c’est moi qui ai perdu la raison ? piailla Idríl. Tu es timbrée, ma parole !

— Bouclez-là vous deux ! rétorqua brusquement le gardien.

Sauf que Calya, aussi bien que l’Elfe, n’avaient pas dit leurs derniers mots. Ils n’en avaient rien à faire de l’ordre du gardien. S’il y a bien une chose qu’ils partageaient en commun, c’était leur entêtement.

— Vous n’auriez jamais dû venir avec moi !

— Calya, dois-je vraiment te rappeler que sans nous, tu serais morte à l’heure qu’il est ?

La mâchoire contractée, la jeune fille lui laça un regard furieux tandis qu’il lui remémorait un souvenir des plus désagréables. Il était clair qu’il faisait allusion à Azurtan, qui avait tenté de l’étrangler.

— Oh ! Hé ! Vous êtes sourds ? s’exclama le gardien. J’ai dit fermez-là !

Geoffroy revenait sur ses pas. Il se planta devant les Elfes.

— Un problème ? demanda-t-il à l’attention du gardien.

— Ces deux-là ne veulent pas se taire.

Un sourire à la limite de la folie prenait naissance sur le visage du père d’Azurtan. Plus que tout, il haïssait Calya. Après tout, c’était à cause d’elle si son fils était devenu un fugitif.

Sans attendre, il balança son poing dans ses côtes. La rousse poussa une plainte de douleur. La seconde d’après, son poing s’écrasa dans l’abdomen d’Idríl, qui se recourba silencieusement en avant. Il contracta sa mâchoire. Il avait mal, mais il s’efforçait de ne rien montrer à Geoffroy.

Calya gardait le regard fixé sur le sol en cherchant à calmer sa respiration effrénée.

Apparemment, Geoffroy était toujours autant en colère. Il s’agenouillait devant elle. Ses petits yeux sombres se plantaient dans les siens. Une nouvelle vague de panique l’envahissait aussitôt en plus de l’affreuse douleur que lui arrachait chacune de ses respirations.

— Il y a quelque chose qui m’exaspère fortement avec vous, déclara-t-il sans bouger. Pourquoi faut-il que tout soit toujours plus compliqué ? Vous ne pouvez pas, simplement comme tout le monde, vous plier aux ordres que l’on vous donne ?

— Je ne reçois d’ordre de personne, répliqua-t-elle sans le lâcher du regard. Encore moins de la part des Humains.

Consciente de son affront et de sa témérité, son cœur battait à toute vitesse.

Toujours recourbé, Idríl écarquillait les yeux. Il en revenait à peine de ce qu’elle venait de lui répondre. Il ne pouvait qu’être admiratif face à sa répartie.

Geoffroy esquissa un sourire qui se transforma rapidement en une grimace. D’un geste à peine perceptible, il leva le bras, prêt à la frapper au moment où un cri l’interrompit. Ne supportant pas la violence, Idríl venait de se redresser précipitamment. Par surprise, il avait mordu le garde suffisamment fort à travers son gant, l’obligeant à lui faire lâcher prise.

Le gardien, rouge de colère, se reprenait vivement en pointant son arme contre sa nuque.

Les yeux expressifs d’Idríl rencontrèrent rapidement ceux de Calya, encore sous le choc. Elle avait du mal à réaliser qu’il venait de prendre sa défense, en lui évitant de se faire frapper une seconde fois.

— Qu’on lui mette une Gnaulee à celui-là ! ordonna froidement Geoffroy en pointant l’Elfe du doigt.

Apeurée, Calya frissonna. La Gnaulee était une sorte de muselière que l’on faisait porter de force aux Créatures considérées comme les plus dangereuses. Heureusement pour lui, Idríl ne savait pas ce que c’était.

Bientôt, des bruits de pas martelèrent le sol. Visiblement ils avaient de la visite

Sans bouger, la jeune fille sentit un regard désagréable peser sur elle. Des yeux qu’elle ne connaissait que trop bien se verrouillaient aux siens.

— Bonsoir Calya Tororgnor. Je suis ravie de vous savoir encore en vie.

Pas le temps de lui répondre qu’Hildegarde lui glissa un bandeau noir sur les lèvres, de façon à ce qu’elle se taise définitivement.

À présent, elle se retournait vers les Elfes, de son regard menaçant.

— Eux. Qui sont-ils ?

— Des Elfes, madame. Regardez leurs abominables oreilles !

Hildegarde s’arrêta devant Idríl, qu’elle ne manqua pas de dévisager de la tête aux pieds. Il était soudainement mal à l’aise. Elle avait vraiment quelque chose d’effrayant dans le regard. D’un geste lent de la main, elle écarta quelques mèches noires qui retombaient sur son oreille pointue. Pas de doute, c’était bel et bien des Elfes.

— Geoffroy, s’il te plaît, je souhaite que tu amènes les Elfes à l’étage inférieur. Ils doivent être vus par le médecin Harris. Quant à Calya, je veux qu’elle me suive.

Ensemble, ils entrèrent dans le Zoo, s’enfonçant dans les allées de l’abominable prison des Créatures.

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Erzsébet
Posté le 29/06/2024
Je te laisse ce commentaire avant même d'avoir dévoré ton chapitre pour te dire que la nouvelle couverture est super chouette 😉, et que sinon, je trouve le personnage d'Idril très intrigant, il m'inspire parfois de la sympathie. A mon avis, il s'attache à Calya mais il ne veut pas se l'admettre.
Erzsébet
Posté le 29/06/2024
Oui, Idril est parfois sympa mais là ils sont vraiment stupides ! Bon, voir un des leurs se faire torturer ça ne doit pas être super mais ils étaient en mission de reconnaissance pas en sauvetage🫣. Mais franchement j'aime beaucoup ton histoire pleine de rebondissements. Honnêtement je ne pensais pas que Calya allait retrouver Hildegarde aussi rapidement. Après c'est peut-être moi qui n'ai pas bien suivi, mais ils ont des téléphones ?
shannaraclara
Posté le 02/07/2024
Hello !

Merci beaucoup, j'apprécie vraiment ce compliment, car je l'ai entièrement réalisé. 😊

J'en suis plus que ravie concernant Idríl hihi. Tu as vu juste sur ta dernière phrase... 😋

Ah Idríl et son impulsivité légendaire ! Je suis très heureuse de te voir réagir à mon histoire, cela me touche beaucoup ! Merci du compliment et de ta fidélité. Pour te répondre, oui ils ont des téléphones, mais avec une avancée technologique différente des nôtres. Ils sont plus discrets, plus légers et moins visibles à l'oeil nu (je les vois surtout comme une simple vitre tactile). J'espère avoir répondu à ton interrogation. 😊


Erzsébet
Posté le 03/07/2024
Ah ok merci de l'explication 😉
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