Chapitre 24 - Du sang noir

Peu à peu, l’Abri se dessinait sous le regard anxieux de Calya tandis que le jour commença à peine à se lever.

Plusieurs Nains à Queues et Panthères les fixaient passer devant eux. Silencieusement, ils dépassaient sa salle de classe.

Par le plus grand des hasards, Calya croisa le regard attristé de la belle Nymphe. Des flammes semblaient naître dans ses pupilles bleuâtres et l’espoir renaissait. Il brillait de mille éclats, semblables à deux billes bleues perdues dans un océan d’obscurité. Elle possédait quelque chose de vraiment très particulier en plus de son charisme indiscutable. Elle se redressa brusquement, de façon à suivre la trajectoire de la rousse le long de son enclos.

Après plusieurs minutes de marche, ils arrivèrent enfin devant une porte recouverte d’herbe.

Ils se retrouvaient dorénavant dans les sous-sols de l’Abri. Le gardien la força à avancer.

Sans un mot, Geoffroy, Idríl, Níniel et les autres gardes empruntèrent un autre couloir. Ainsi, leurs chemins se séparaient.

Elles se dirigèrent toutes les deux vers l’ascenseur de verre. Calya frissonna lorsqu’elle reconnaissait les murs blancs, source d’angoisse pour elle.

Bientôt, elle découvrit une nouvelle pièce des plus inquiétantes, seul un lit était posé en son milieu.

Hildegarde l’obligea à s’y allonger. N’ayant plus la force de se débattre, même si une multitude de questions lui brûlaient la poitrine, elle y prenait place. Alors qu’elle fixa le plafond pour tenter d’apaiser ses angoisses grandissantes, ses yeux restèrent accrochés sur les quelques mots qu’elle avait déjà lu la première fois qu’elle avait été amenée à l’Abri : « Tant que l’Humain dirige, c’est la vie qu’il contrôle. »

Instantanément, elle détourna le regard. Elle se doutait bien que le pire restait à venir.

En effet, elle avait raison. Lorsqu’elle orienta son regard vers ses mains qui n’étaient plus menottées, elle remarqua qu’au lieu de ça, elle était bloquée par des sangles serrées au maximum.

Hildegarde jubilait. La jeune fille savait qu’elle cherchait la moindre faille de son côté.

— Allons, décontractez-vous, ironisa-t-elle. Je vais simplement vous prélever un peu de votre sang. Ne craignez rien, vous l’avait déjà fait.

Sans pouvoir réagir, ni même parler, Calya assistait malgré elle à la scène.

Avec un sourire malicieux, Hildegarde s’empara d’une seringue qui faisait la taille entière de sa main.

La rousse était paniquée. Qu’allait-elle lui faire ? Allait-elle la tuer ? L’empoisonner ? Le fait de se savoir prisonnière des Humains n’aidait pas son angoisse à diminuer.

Après avoir déchiré son t-shirt noir de quelques centimètres, d’un geste brusque elle lui planta l’aiguille au niveau du bassin.

Calya plissa les yeux, étouffant sa légère douleur.

— Vous voyez, c’était rapide. Merci de votre coopération, mademoiselle Tororgnor.

Calya pria pour qu’Hildegarde retire au plus vite la seringue de son corps.

— Voilà qui est des plus étrange, ajouta-t-elle, les lèvres pincées.

En redressant légèrement la tête, la jeune fille l’observa retirer l’objet de son bassin. Bizarrement, la seringue n’était pas remplie de liquide rouge comme elle aurait dû l’être, mais d’un étrange liquide noir. Calya fronçait les sourcils sans comprendre ce qu’il se passait. À qui appartenait ce liquide ? Où était donc passé son sang ?

Soudain, la porte s’ouvrit à la volée tandis qu’elle sentait la panique envahir son corps et son esprit.

Melissa Harris se tenait aux pieds de son lit. Ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’elle fixa Hildegarde et le fameux liquide noir.

— Ça alors ! s’exclama-t-elle. Qu’est-ce que c’est ?

— J’ai bien peur de ne pouvoir vous fournir une explication rationnelle.

— Où avez-vous prélevé cette chose incroyable ?

— Cela vient d’elle.

Melissa jeta un regard angoissé en direction de la jeune fille. Calya comprenait immédiatement que le liquide noir était en réalité son sang. Prise de vertiges, elle ressentait l’envie soudaine de vomir.

— C’est impossible, ajouta Melissa, en reportant toute son attention sur Hildegarde.

— Je n’y croyais pas non plus. Regardez par vous-même.

Hildegarde lui tendit aussitôt un scalpel.

Calya écarquilla les yeux en poussant des cris étouffés à cause du bandeau qui recouvrait toujours ses lèvres. Le bourdonnement dans ses oreilles s’aggrava au fur et à mesure que le temps s’écoulait.

Impuissante, elle observa le médecin se diriger vers elle, la lame à la main. Que faire ? Comment réagir ? Elle qui pensait que Melissa était de son côté, tant elle s’était montrée gentille avec elle…

Toujours bloquée par les sangles, elle comprenait rapidement que le médecin ne valait pas mieux qu’Hildegarde. Elle pouvait sentir son cœur bondir de manière complètement aléatoire dans sa poitrine.

D’un geste parfaitement tracé, Melissa enfonça la lame du scalpel à l’endroit même où Hildegarde lui avait prélevé du sang.

Incapable de parler, Calya sentit sa peau se transpercer. La douleur était telle qu’elle avait la tête qui tournait.

Melissa était en train de la torturer. Elle venait de l’ouvrir intentionnellement et sans aucun scrupule, ce qui aurait pu rendre la scène presque irréelle. Définitivement, les Humains avaient perdu depuis longtemps toute trace d’humanité.

Une plainte rapidement étouffée par son bandeau s’échappa néanmoins de sa gorge. Elle pouvait sentir sans la moindre difficulté, un liquide venir caresser sa peau.

— C’est vraiment incroyable, s’étonna Melissa. Son sang est parfaitement noir et naturel.

— Je cherche encore à comprendre comment cela est possible, acquiesça Hildegarde. J’étudie les Elfes depuis mon adolescence, je n’en ai jamais vu un avec du sang noir ! As-tu prélevé le sang des deux Elfes qui l’accompagnaient ?

Le cœur de la jeune fille rata quelques battements tandis que Melissa acquiesça. Elle avait la confirmation qu’Idríl et Níniel avaient eux aussi été torturés.

Soudain, un jet de lucidité la traversa, elle sembla reprendre connaissance de son environnement. Prise d’un courage insoupçonné, elle faisait taire la douleur qui hurlait en elle.

— Leur sang est rouge, les mêmes propriétés que celui des autres Elfes, révéla le médecin.

Une colère bleue se répandit aussitôt dans le corps endolori de Calya. Avec un regain impressionnant d’énergie, elle parvenait à se redresser suffisamment pour pouvoir faire bouger les sangles qui lui empêchaient tout mouvement.

Comme elle l’avait espéré, elle attirait l’attention des deux femmes à côté d’elle. Hildegarde poussa une exclamation de surprise lorsqu’elle observait les sangles se secouer. Melissa, quant à elle, se pressait de recoudre sa plaie.

— Si j’étais à votre place, j’éviterais de bouger, lui glissa nerveusement Hildegarde. Pensez un peu à Melissa, ce n’est pas évident de recoudre un asticot !

Des larmes coulèrent le long des joues de Calya. Écoutant ses inquiétudes, elle était persuadée qu’elle allait mourir toute seule dans cette pièce effrayante.

— Si cela peut vous rassurer, je ne compte pas vous tuer avant de comprendre pourquoi votre sang est noir. Qu’est-ce qui peut vous différencier à ce point des autres ? Oh ! Ne pleurez pas, cela ne sert à rien, car vous êtes désormais ma muse.

« Ou plutôt votre prisonnière » pensa la jeune fille.

Mais elle refusait de devenir l’un de ses rats de laboratoire. Elle ne tenait pas à lui servir d’expérience, étant donné que la plupart avaient été ratées. Non ! Ce n’est pas de cette manière que Calya mourrait. Hildegarde n’avait définitivement aucun droit sur son corps !

Sans lui cacher sa joie, elle se pencha lentement vers Calya.

Prise d’une impulsion, cette dernière se redressa brusquement, lui donnant un violent coup de tête. Légèrement étourdie, elle entendit Hildegarde pousser un cri de rage. Elle se recula en portant les mains à son front, il était tout rouge. Calya n’y était pas allée de main morte !

— Espèce d’idiote ! s’écria alors Hildegarde, en se massant le front. Vous allez fortement le regretter !

Melissa s’écarta de Calya au même instant, qui se laissa tomber en arrière. Son corps entier était agité de soubresauts et elle sentait déjà de la sueur perlait de son front. Il faisait horriblement chaud dans cette pièce.

— Qu’allez-vous faire désormais ? l’interrogea Melissa, ignorant complètement la blessée.

— Je vais la garder ici, lui confia Hildegarde, et elle deviendra ma propriété. Je pourrais tester toutes sortes d’expérimentations sur cette jeune fille.

— Avez-vous déjà une idée précise ?

— Mon devoir est de créer une arme de défense contre toutes les Créatures, si je souhaite que les Humains puissent vivre en toute sécurité.

Les yeux pratiquement clos, Calya se battait contre elle-même pour rester éveillée. Elle avait bien fait, car elle venait de surprendre les réelles motivations d’Hildegarde. Toute cette discussion lui faisait froid dans le dos.

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